Elles sont toutes en train de tomber, le moindre souffle en fait chuter des dizaines, il faut les ramasser.
Mais quoi ? Où ? Comment ? Ça ne peut vraiment pas attendre demain ?
Non, c'est maintenant ou jamais, demain il va pleuvoir, impossible d'y aller, et même s'il fait beau, ça sera pire.
Pire ? Oui, pire.
Comment livrer bataille à des ennemis redoutables en gardant toutes les chances de l'emporter ? Allez, courage, le sac plastique, le feu dans les mollets, la côte sera vite montée.
Oui, mais j'ai des choses à faire, je dois rendre des visites, prendre des rendez-vous, aller à la ferme assister à la traite, demander des nouvelles, saluer, dire bonjour, un an déjà passé sans nous voir.
Voilà, à la campagne, il faut bien déterminer les urgences, sinon, c'est la catastrophe.
Ne pas attendre demain ? De toute façon, demain est déjà bouclé, le matin : trois tours de pédales pour le pain, la courgette, et le beurre, l'après midi : le thé à 16h, le rendez-vous est pris c'est fait, j'avais aperçu la dame à sa fenêtre, bien sûr, Danielle, ça me fait plaisir de vous revoir, venez demain, le jardin est très beau (mais ce n'était pas le jardin que je venais voir) aujourd'hui, nous avons de la visite... Elle referma sa fenêtre avec un large sourire.
Je ne sais pas pour vous, mais quelques fois après avoir perdu de vue une personne pendant un petit moment, je ne la reconnais vraiment bien que quand elle sourit, tout s'éclaire, son visage me redevient familier, toutes les émotions se rassemblent dans le sourire. Je retrouve instantanément notre dernière conversation.
J'ai remarqué cela, à plusieurs reprises, le sourire sur un visage fait vibrer le regard, vous êtes là ? Comme je suis contente, je vous reconnais, mais bien sûr, c'est vous...
Ah ! Oui, je vous disais quoi déjà avant le sourire ?
La bataille, le temps qui presse...
J'ai donc repris mon vélo avec le panier derrière, le sac en plastique plié en quatre et je suis montée à la vigne.
Une petite vigne pleine de soleil, faite pour produire un an de vin, juste pour le propriétaire et sa famille. Les grappes de raisin rouges et blanches, serrées, dures, sont aigres sous la dent... Les vendanges sont presque faites, trois seaux de bois et un grand tonneau étaient pleins à ras bord... Monsieur et madame mettent la dernière main à la pâte, pour tasser les grappes, ils feront toute la vigne en plusieurs fois, ici pas de pesticides, rien que de la bouillie bordelaise, que du bon, moi je vous le dis.
Entre les pieds de vigne poussent des pêches de vigne, des pruniers : mirabelles et Sainte Catherine, les branches sont encore remplies de ces fruits roses et dorés, et par dizaines ils glissent à terre, comme des billes. A la fin de l'été tout tombe à la renverse...
C'est là que la bataille s'engage, entre les abeilles, les papillons, les mouches, tous les autres insectes, et moi...
Bien sûr c'est moi qui gagne, qui aurai le dernier mot, mais tout de même, non sans difficultés : ne pas se faire piquer, ne pas marcher sur les prunes et tout écraser, ne pas être distraite par la beauté des papillons, ceux qu'on épingle dans les boîtes. Pour ne pas manger trop de mirabelles, et les mettre toutes dans le même sac, il faut une discipline de fer, de plus le choix doit être judicieux, les mirabelles doivent être bien fermes, roses, impeccables... Il faut avoir l'œil.
Vous voyez, je ne raconte pas d'histoires, la bataille rangée n'est pas une mince affaire, même si j'en sors victorieuse, forcément : « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire », l'adage ne me concerne pas, les abeilles défendaient avec rage leur terrain, et moi le mien.
Un jour que j'étais à ramasser les fruits, j'ai vu deux hommes descendre de leur voiture, avec des cagettes en plastique de toutes les couleurs, en piles, bien tapissées de papier journal, j'avais donc de la concurrence, et sérieuse.
Ils ont fait comme moi, baissé la tête et courbé le dos, ils ont secoué les pruniers, et là je me suis dit, le glanage est terminé, ils vont tout ramasser. Nous avons bavardé un peu sur les compotes, les conserves et les confitures, tout ça avec sourire, mais j'avais envie de leur crever les yeux.
Adieu, belles compotes, tartes de l'automne, plus de guerre aux abeilles, je bas en retraite... Je vais aller voir ailleurs.
J'en ai ramassé un grand sac, largement assez pour faire une bonne tarte et une compote.
Pour la recette du gâteau c'est tout simple aussi, une belle pâte brisée maison, versez les prunes et hop ! Au four, 30 minutes...
Pour la compote de mirabelles, pas un brin de sucre, un tout petit feu, 20mn vite fait bien fait sur le gaz.
Pour le vin de la vigne, je préfère le thé vert ! Allez, à votre bonne santé.
6 commentaires:
Merci Danielle pour toutes ces mirabelles que j'ai eu la grande chance de goûter sous toutes ses formes, entières à la cueillette, en charpie dans la compote ou coupées en deux dans la tarte. Le Berry est une véritable corne d'abondance et il faudrait pouvoir consacrer un billet aux figues, aux noix, aux sainte-catherine, aux pêches de vigne, aux tomates, bref à toutes ces choses exquises que nous avons rencontrées sur notre chemin le temps d'un week-end inoubliable! Mille mercis
Magnifiques photos pleines de vie...de jus ;) Bise
Merci JM pour ton enthousiasme et ton affection...qui me touchent...
Enormes bises du jour.
Chic, merci de ton passages et de ton coup d'oeil sur mes couleurs, merci.
Passe une très bonne journée.
J'aime beaucoup lire tous ces moments de vie grappillés de ci-de là, la banalité de la vie, mais toujours très émouvants sous votre plume. L'art de savoir écrire!! je vous envie, moi qui ai tant de mal à mettre en mots ce que je ressens, sur mon blog ou dans des commentaires. Merci pour tous ces instants partagés, bon week-end !
Maite, c'est une joie pour moi d'avoir votre commentaire, votre message m'a beaucoup touchée, merci de l'avoir fait.
J'adore le partage...
Bon WE à vous Maite, à bientôt.
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