dimanche 27 novembre 2011

Amis des chats, je compte sur vous !


Je bous, je fulmine, j'enrage, je m’énerve, je m'insurge, je ne décolère pas, je m'indigne, je deviens grossière, je cauchemarde, je violence verbale, je crie, je tape du poing, je dis non et non, archi non, ça suffit, je suis écoeurée, je crie au scandale !!!

Ah bon ! Pourquoi ?  Des fabriquant  de nourriture pour chat (voir l'image) ont eu l'idée catastrophique d'inventer un nouveau slogan pour vendre encore plus d'aliments pour chats : à l'approche de Noël, ils proposent le calendrier de l'Avent pour ces petites bêtes...  Ils comptent sur l'attachement profond, la naïveté (un peu), et (pourquoi pas) le sentiment religieux des amoureux de la race féline. Le joli pâté rose va jusqu'à rappeler la couleur liturgique (violet) utilisée pour cette période dans les églises dépendant du calendrier romain.

Les grande marques ne savent plus jusqu'où elles peuvent aller pour vendre et faire de l'argent, avec ce marché tellement juteux...  58% des français cohabitent avec un animal de compagnie, un fabuleux marché atteignant en France des dizaines de milliards par an.

Alors, l'autre jour, en sortant d'une grande surface Leclerc, en province, quand j'ai vu les caddies des collecteurs bénévoles de la Banque Alimentaire, j'ai craqué, je leur ai dit : et si on demandait le boycott de la marque de produits pour chats, pour indignation ? Mais j'ai bien vu que nous étions les pots de terre contre le pot de fer. J'enrage !

Aujourd'hui, je tente le coup sur mon blog, je fais une annonce solennelle : Amoureux de chats, refusez d'acheter les calendriers de l'Avent pour vos animaux, je vous en prie... Des millions de personnes crèvent de faim dans le monde,  dans notre pays les plus démunis doivent tendre la main pour manger...

Soyez vigilants, n'encouragez pas les calendriers de l'Avent pour nos amis les bêtes... C'est une honte commerciale !

jeudi 24 novembre 2011

Semaine japonaise... Un film, une exposition...


Le film : Colorful de K. Hara

Pas du tout mon habitude d'aller voir un film d'animation dès sa sortie, et pourtant, c'est en voyant une image et deux lignes de critique dans un magazine que je me suis décidée tout de suite. Le sujet m’intéressait  : une âme, un esprit, se voit offrir la possibilité de se réincarner dans le corps d'un ado qui vient de se suicider. Il doit subir sa vie, connaître ses proches,  apprendre de ses erreurs. Nous voilà parti pour cette réincarnation à l'essai : si l'épreuve réussit, l'âme pourra rester définitivement dans le corps de Makoto, sur terre.

L'âme revient donc prendre la place du suicidé dans sa famille, il  reprend aussi le chemin de l'école, et voilà que sa vie redevient triste, la solitude le rattrape, les mensonges des adultes le dépriment... Il reste dans le silence, les grognements, les malaises, sa chambre devient son refuge... Jusqu'au jour où la découverte de l'amitié lui permet de redonner du sens à sa vie, de renouer le dialogue familial, de transformer sa vie... Un beau film d'espoir, sans mièvrerie, direct, sensible et totalement émouvant.

Le graphisme est magnifique, surprenant, précis, des couleurs éclatantes, les décors urbains à couper le souffle de réalisme, j'ai adoré... Les personnages sont irrésistibles... Malgré leurs gros yeux ronds à l’occidentale... Mais pourquoi les dessinateurs asiatiques dessinent-ils leurs personnages avec des gros yeux ronds ? Pour leur  garantir un meilleur avenir commercial ?... Mondialisation oblige ? Il ne faut pas dépayser le spectateur ? Je ne sais pas, mais à chaque fois ça m'agace, heureusement, le film était en version originale, ouf !

Un film superbe et touchant, à ne pas rater...


Kitagawa Utamaro (1753-1806)
L'Expo  Huit maîtres de l'Ukiyo-E (image du monde flottant)

La Maison du Japon propose souvent de belles expos, des festivals de cinéma, et vend sur place, dans une petite boutique qui a vue sur la rue, des tas d'objets japonais très raffinés... J'aime bien ce lieu, paisible, en dehors de la foule, (encore) facile d'accès, pas très loin, entre les pattes de la Tour Eiffel.


Utagawa Hiroshige (1797-1858)

Elle propose en ce moment huit Maîtres de l'Ukiyo-E. Ce n'est pas en connaissance de cause que je suis allée voir l'expo, je ne connaissais rien en Ukiyo-E, mais c'est le nom d'Hokusai qui m'a décidée. Bien m'en a pris. Ces oeuvres viennent du Musée National d'Art Asiatique de Corfou, 150 estampes jamais présentées en France. Ces images du monde flottant ont été réunies par Gregorios Manos (1850-1928), ambassadeur de Grèce à Vienne au début du XXe siècle. Ces estampes font partie de celles qu'il a acquises à Paris.

Hokusai

Katsushika Hokusai (1760-1849)

Comme il est interdit de prendre des photos dans cette maison, j'ai dû prendre toutes les illustrations sur Internet.

Malheureusement, les cartouches explicatives suspendues sur les murs de l'expo ne m'ont pas appris grand chose, j'avais bien l'impression qu'ils s'adressaient à ceux qui connaissaient déjà ce courant artistique japonais... J'ai donc dû parfaire mes connaissances en rentrant chez moi, sur Internet.

Donc voilà ce que dit Wikipédia, bien mieux que je ne le saurais le faire :

"L'ukiyo-e (浮世絵?, terme japonais signifiant « image du monde flottant ») est un mouvement artistique japonais de l'époque d'Edo (1603-1868) comprenant non seulement une peinture populaire et narrative originale, mais aussi et surtout les estampes japonaises gravées sur bois.
Après des siècles de déliquescence du pouvoir central suivie de guerres civiles, le Japon connaît à cette époque, avec l'autorité désormais incontestée du shogunat Tokugawa, une ère de paix et de prospérité qui se traduit par la perte d'influence de l'aristocratie militaire des daimyos, et l'émergence d'une bourgeoisie urbaine et marchande. Cette évolution sociale et économique s'accompagne d'un changement des formes artistiques, avec la naissance de l’ukiyo-e et de ses estampes peu coûteuses, bien loin de l'aristocratique école de peinture Kano.
Les thèmes de l’ukiyo-e sont également tout à fait nouveaux, car ils correspondent aux centres d'intérêt de la bourgeoisie : les jolies femmes et les courtisanes célèbres, les scènes érotiques, le théâtre kabuki et les lutteurs de sumo, le fantastique, les calendriers et les cartes de voeux, le spectacle de la nature et des lieux célèbres."

Suikoden Series - Utagawa Kuniyoshi

Utagawa Kuniyoshi (1797-1861)

Aussi ne sachant (presque) rien, j'ai ouvert les yeux, et j'ai voyagé dans la beauté... De paysage en paysage, j'ai vu fleurir les cerisiers comme des duvets de cygne, défiler des personnages inoubliables, des portraits, des mouvements de foules, aussi précis de près que de loin, un oiseau doux comme un poussin, perché sur sa branche, le mont Fuji dans le soleil, sous la brume, enneigé pour l'éternité en quatre couleurs, aussi douces que de l'eau colorée... Les kimonos, déployés, tournoyants, virevoltants, toujours changeants comme l'écume des mers, autour des corps d'hommes et de femmes, des merveilles... Des herbes flottantes dans l'eau des rivières retenaient les gouttes de rosée, si fines... Des monstres, des esprits avec des plumes et des écailles, entre le feu et le ciel... J'ai vu tout le Japon se précipiter sous les burins des graveurs sur bois, avec la grâce, la grande, la très grande virtuosité et le talent des peintres : Suzuki Harunobu, Torii Kiyonaga, Kitagawa Utamaro, Tôshûsai Sharaku, Utagawa Toyokuni, Katsushika Hokusai,Utagawa Hiroshige, Utagawa Kuniyoshi.




Suzuki Harunobu (1725-1770)

Je n'ai rien oublié, pas le moindre petit trait, les fleurs, les gens, les animaux, les couleurs coulaient devant mes yeux, est-ce possible de faire ça ? Il l'ont fait.


Quand on sort de chez eux, on est heureux... J'ai cherché partout chez les fleuristes des chrysanthèmes roses pâles plus vivants et plus veloutés que les cartes postales, pour le souvenir de toutes les fleurs des jardins japonais... Et je n'ai rien trouvé de plus beau que l'expo, alors j'ai fait un post, pour partager.


Utagawa Toyokuni, Nakayama Tomisaburo and Ichikawa Ichizo.-Utagawa Toyokuni I, Nakayama Tomisaburo and Ichikawa Ichizo, japanese ukiyo-e prints

Utagawa Toyokuni (1769-1825)

lundi 21 novembre 2011

Portes du bout du monde... Le Cambodge (2010)



Au Cambodge, j'ai tout de suite été touchée par la légèreté et la grâce des barrières de campagne, les petites propriétés ne sont fermées que pour empêcher les bêtes de sortir de leurs enclos, et sans doute aussi pour protéger les enfants des mobylettes, motos, vélos, tuk-tuk, voitures qui passent sur certaines routes carrossables qui traversent le pays... Rien à voler, presque rien, que le sable rouge, les arbres fruitiers, les fleurs qui comme partout donnent de la beauté à tout ce qu'elles touchent. J'ai été frappée aussi par l'incongruité de celles qui ne gardaient rien, point de vue sur la mer, quelques vaches dans les champs, aucune maison construite... Elles servent simplement à délimiter les parcelles privées en attente de construction... 

Tandis que certaines portes de pagodes ont repris des couleurs et de la vie... Voyez....











samedi 19 novembre 2011

Portes de campagne...




J'ai toujours eu un grand plaisir à photographier les portes de campagne, très fleuries, souvent mystérieuses, toujours attrayantes, les petites portes légères ou massives, fermées à double tour ou entrouvertes, elles forment à elles seules un paysage... Le cadre est posé, la lumière pénètre tranquillement sur leurs enchevêtrements, que peut-on voir de l'intérieur à l'extérieur ? Les portes noyées dans les fleurs, distinguées, sophistiquées, subtiles, calfeutrées, ou abandonnées à la végétation, je ne peux y résister... Les effets de clair-obscur en font souvent des natures mortes à croquer sur place... Je sais bien que les portes de campagne ne disent rien de plus que ce qu'elles veulent montrer, les couleurs, les formes, les saisons, les goûts... Des images qui restent toujours à déchiffrer de l'intérieur... Voyez...






mercredi 16 novembre 2011

La maigrelette du métro...

Image du Blog vanille63.centerblog.net


Quand elle est montée dans le wagon, je n'ai rien vu qu'une silhouette gracile, élégante et très jeune...

Elle s'est assise en face de moi. Elle avait de longs cheveux châtains, raides, qui lui tombaient sur les épaules, épais, bien rangés autour de son visage. Elle était penchée sur son téléphone portable, avec passion, les os de sa figure saillaient et comme elle mâchonnait un chewing-gum, à chaque coup de mâchoire, on les voyait bouger d'avantage, j'étais fascinée par sa maigreur.


Elle portait un jeans, et sur le siège, en face de moi, elle ne tenait pas beaucoup de place, elle croisait les jambes, celles-ci étaient si fines qu'elles semblaient n'en faire qu'une, aussi grosses qu'une cheville. C'était impressionnant, le vêtement qu'elle portait avait une coupe cintrée, mais comme il la dissimulait entièrement, il paraissait large, il ne laissait deviner aucune forme, quand elle remuait, il y avait de la place partout, on ne voyait rien de son corps.


Elle avait toujours le nez sur son portable, elle jetait de temps en temps un petit regard furtif autour d'elle, à travers ses longs cheveux qui lui servaient un peu de moucharabieh, et puis elle plongea sa main dans sa poche et en retira une pastille de chewing-gum qu'elle mit discrètement dans sa bouche. Une fois qu'elle l'eut mâchée quelques minutes, juste le temps d'en extraire le jus sucré, sans doute du faux sucre ?... Elle la saisit dans sa bouche, du bout des doigts et la glissa rapidement dans un petit papier d'emballage transparent qu'elle était allée chercher dans son sac à main. Ainsi de suite, j'ai vu disparaître dans sa bouche cinq ou six petits carrés blancs, mâchés et recrachés avec le même rituel.


Elle avait bien perçu que je l'observais, pas assez discrètement sans doute, je m'efforçais pourtant de regarder au loin, le plus possible,  mais mes yeux revenaient machinalement vers elle... Elle jeta vers moi un coup oeil, à chaque prise de carré blanc.

Rien ne bougeait de son corps, que ses mandibules, tous les os de son visage tressaillaient avec la mastication. Elle était une tête pleine d'os recouverts d'une peau très mince. Ses doigts fins, fins, longs, longs, s'agitaient sur le portable.

Nous sommes restées un bon moment, elle à me regarder furtivement,  moi à faire semblant de ne pas la regarder, un petit chassé-croisé de métropolitain...

À sa station, elle s'est levée d'un bond, elle était grande, ses jambes grosses comme des brindilles me rappelaient celles des échassiers que j'admirais sur l'étang de l'Indre... Les hérons blancs et gris qui venaient poser leurs pattes sans bruit sur le bord de l'eau, avec la grâce d'une feuille d'arbre qui volette en tournoyant au moindre petit vent, avant d'atteindre la terre.

Elle ne déploya pas ses ailes, elle disparut dans son grand petit manteau, elle n'avait pas de corps, juste quelques pastilles de menthe à mâcher. Je me suis dit, elle est peut-être anorexique cette jeune femme, pour être si maigre... Mais je ne saurais jamais si j'ai vu juste...

lundi 14 novembre 2011

Michael... De Markus Schleinszer


Markus Schleinszer est autrichien, assistant de Michael Haneke (Le Ruban blanc, sublime film). Son film parle d'un pédophile, de quoi vous faire froid dans le dos, que faire avec un film pareil, y aller ? Ne pas y aller ? Le sujet est tellement effrayant de violence, quel spectateur va oser se confronter avec ça ? L'affiche du film est sobre, un puzzle de couleur uniforme est la toile de fond, quelques petites pièces ont un léger relief...

Je l'ai vu et je ne peux que vous conseiller d'en faire autant, voilà pourquoi :

L'histoire en effet est celle d'un pédophile qui séquestre un petit garçon d'une dizaine d'années, pour son plaisir sexuel. Toute l'action se situe dans sa maison, fermée à double tour pour empêcher l'intrusion de quiconque.

Cet homme nous est présenté comme un "modèle" ordinaire, très bien intégré, promotionné dans son travail (une compagnie d'assurance), entouré d'une famille aimante, il prend des vacances, rigole avec les copains, fume, boit, mange, comme tout un chacun... Rien ne le distingue de son voisin, il est poli, aimable, propre, souriant, le gendre parfait !!!

Sa maison est rangée méticuleusement, chacun de ses gestes est prémédité, personne ne doit savoir... Son activité sexuelle est suggérée, jamais le cinéaste ne dépasse le trait, tout est froid, anonyme, périlleux, le prédateur évolue dangereusement, son secret doit être bien gardé, il est dans le mensonge en permanence. Pendant tout le film, on se demande quand il va tomber !

L'enfant subit son sort, inexorablement, il ne peut rien contre ce monstre froid, il plonge dans le chagrin, la colère et le consentement forcé (le jeune acteur est parfait)... Pourtant il aura la force de faire capoter le crime.

Pendant 1h36 chaque plan est une horreur, le spectateur connait la vraie nature de cet homme ordinaire, il est au coeur du drame, la salle retient son souffle, il y a un silence étonnant. Comment tout cela va-t-il finir ?

Car j'espérais bien que le réalisateur le ferait tomber à un moment ou à un autre, même si aucun jugement, aucune parole moralisatrice ne viennent en aide aux spectateurs, nous sommes seuls avec ce monstre qui opère devant nous.

À aucun moment, Markus Schleinzer n'est complaisant avec le personnage, il montre froidement, de façon très épurée, l'homme monstrueux qui poursuit son oeuvre jour après jour.

À la dernière image du film, je ressens la délivrance, la porte de la geôle s'ouvre enfin, la vérité va pouvoir sortir de l'ombre, ouf !

Un film remarquable, angoissant, fort, le cinéaste nous dit : on mesure le degré de développement d'une société à la façon dont elle est capable de se confronter à ses criminels.

Markus Schleinszer réussit avec ce film d'une très grande force, sans voyeurisme aucun, à parler d'un sujet terrible et banal... Si l'on en croit l'actualité.

samedi 12 novembre 2011

La pluie et le beau temps... D'Ariane Doublet (documentaire)


J'ai adoré ce documentaire qui m'en a appris des belles sur la culture du lin.

Qui sait que près de 40% de la production mondiale de lin se cultive en Normandie ?

"Ainsi, les cultivateurs normands ont-ils vu leurs surfaces cultivées augmenter de 50% en dix ans, faisant de la région le leader mondial avec plus du tiers de la production. Et ce grâce aux achats... Chinois !

Les atouts de la Normandie : un climat très particulier, à la fois humide et ensoleillé, ainsi que le savoir-faire des agriculteurs locaux, qui permet d'obtenir des rendements exceptionnels".

Pendant une heure un quart, on apprend tout sur le lin, de sa production aux échanges commerciaux. Cette plante se soigne comme un bébé, dès sa plantation les agriculteurs ont les yeux et les oreilles rivés sur les prévisions météo, beau temps ? Pas beau temps ? Va pousser ? Va pas pousser ? C'est une culture du doute et de l'inquiétude. Certains plans nous amènent directement en plein champs, les grandes herbes vertes, souples, et ondoyantes sont magnifiques, le cultivateur vient toujours visiter ses parcelles avec un mètre en bois, il mesure et re-mesure la marche du temps sur sa culture, si les tiges arrivent à la taille, la récolte sera vraiment belle. Puis il palpe son champ, le regarde, le respire, le caresse, c'est son enfant. La longueur de la tige, sa puissance, sa couleur... Que va-t-il se passer cette année ? Il ne faut surtout pas que le vent le couche, il ne pourra pas se redresser...

Le premier plan du film nous immerge dans la vente de ce textile aux acheteurs chinois, une jeune femme examine les fibres de lin longues et belles comme une chevelure, soyeuse, terne, grise, bleutée, rien ne trouve grâce à ses yeux, les acheteurs chinois sont très exigeants.

Nous apprenons aussi que ces cultivateurs Normands ont pour seuls clients les Chinois, ils ont donc mis tous leurs œufs dans le même panier, ce qui fragilise leur avenir, ou le booste, on ne sait pas encore.

Les achats se négocient pied à pied, sur le cours du dollars et en anglais.

En Chine, les images nous donnent à voir d'énormes usines ronfler comme des machines de guerre, elles emploient des milliers d'ouvriers (ouvrières surtout), la main d'oeuvre est encore très bon marché, malgré des salaires qui augmentent régulièrement. Les ouvrières vivent dans des dortoirs, de façon collective, les salaires ont augmenté néanmoins de 20 % en deux ou trois ans... Faisant revoir les prix de la négociation à la baisse avec les Normands.

Le commerce est âpre, la culture délicate, sans arrêt améliorée par des techniques génétiques pour amener cette plante à une perfection "naturelle". La qualité obtenue est le produit d'une longue histoire. Les Chinois n'ont pas le climat approprié à cette culture, ils ont donc renoncé à sa production, ils achètent la matière première surtout en Europe.

Ce documentaire, non seulement instructif, mais aussi bien filmé, m'a donné une belle idée, courir en Normandie regarder les champs bleus danser sous la brise, le lin fleurit cinq semaines après la plantation et sa floraison dure 1/2 journée, quelques heures... Il va falloir que je mène l'enquête en Normandie pour connaître la date des semis et ne pas louper la floraison...

En attendant si vous avez l'occasion de voir ce très bon film près de chez vous, courez-y !!! Et en juin, rendez-vous dans les champs normands, venez avec le pique-nique, je fais le cake !!!


Rendez-vous ici !

mercredi 9 novembre 2011

Il était une fois en Anatolie...De N.B. Ceylan (Turc 2011)

 il etait une fois en anatolie 2 il était une fois en Anatolie film (Bande Annonce)

 J'en ai assez d'être à contre courant de l'Evènements de Télérama...Durée du film 2h37 fallait-il le faire aussi long ? Voyez ça commence mal pour moi.

Se plaindre de la longueur d'un film n'est pas une critique constructive, car il est des films où l'on passe le même temps, captivée, émue, enchantée et l'on voudrait qu'il ne finisse jamais... Ce n'est pas à la grosseur de l'ouvrage qu'on prend du plaisir à la lecture, mais quand il s'agit de Belle du Seigneur d'Albert Cohen par exemple, ou l'oeuvre complètes de Marcel Proust, vous ne trouvez rien à redire, tout est parfait, aucun temps mort, vous regardez avec tristesse le nombre de pages à lire qui s'amenuise et une certaine  tristesse vous envahit soudain... Déjà la fin, hélas !

Le film de Ceylan nous plonge une bonne heure dans l'obscurité de la steppe... Une brigade de policiers en voitures, un procureur et un médecin, trimbalent un coupable de meurtre, d'un point à un autre pour tacher de retrouver le lieu du crime. Petites conversations anodines, entre tous les protagonistes dans les véhicules, on essaye de nous faire croire que c'est du Tchékhov, mais moi je n'ai rien reconnu de tout ça, je m'en suis totalement désintéressée et je dois l'avouer, je me suis assoupie un peu entre chaque arrêt de voiture. Ça partait mal pour moi.

Le convoi repart plusieurs fois, tentatives d'identification des lieux, petites causeries, dans le noir. On est à la recherche d'un arbre en boule décrit par le coupable... Durant cette longue marche je n'ai pu tenir, j'ai fermé un peu les yeux...

Maintenant je me souviens mieux de ce réalisateur, de ses films précédents, Les Climat (l'histoire d'un couple qui se défait), Uzak (l'histoire d'un cousin des champs qui rend visite à son cousin des villes) qui m'avaient aussi un peu ennuyée, et puis Les trois singes que j'avais beaucoup aimé, un film dense, lourd, terriblement angoissant, dans ce film, le coupable ayant écrasé une personne sur la route et ne l'ayant pas secourue avait payé son chauffeur pour faire de la prison à sa place... Un silence total régnait sur tous les membres de la famille, le rapport de domination des riches sur les pauvres parcourait tout le film.

Mais revenons à l'Anatolie, soudain, le film se met à briller dans une scène d'intérieur, où l'on voit la fille du maire du village (qui a accueilli toute la troupe pour le reste de la nuit)  venir servir le thé, elle est d'une grande beauté, éclairée à la manière de Georges de La tour, par une lampe à pétrole, son éclat subjugue toute l'assistance.

Le récit se poursuit en resserrant les cadrages sur chaque participant, les personnages prennent de l'épaisseur, on s'y attache, par petites bribes, les hommes se dévoilent, faisant émerger les difficultés que chacun peut éprouver dans sa vie :  le coupable, le procureur, le médecin, tous les autres, partagent, évoquent,  leur vulnérabilité, leurs interrogations, leurs hésitations...Chacun devient plus complexe et le film devient formidable.

Pas de panique si vous arrivez en retard à la séance, tout l'intérêt du film vient bien après... Je n'ai pas trouvé "admirable" l'évènement de Télérama, zut !

samedi 5 novembre 2011

La voix du métro...



Portrait (Diane Arbus)

J'avais décidé ce matin-là d'aller voir l'exposition de la photographe américaine Diane Arbus au Musée du Jeu de Paume, je n'avais pas voulu prendre mon parapluie, malgré un ciel gris intense, je prenais des risques calculés, je n'avais pas du tout envie de rebrousser chemin pour aller le chercher, j'étais déjà loin, on verra bien... Il faut savoir prendre des risques dans la vie.


J'ai pris le métro, un long trajet avec juste un seul changement, j'avais donc le temps de lire, si je n'avais pas pris la précaution du parapluie, j'avais mis dans mon petit sac en paille cambodgienne le très beau roman de Metin Arditi  "Le Turquetto". J'avais le nez dans ma lecture et me disais : dans quelques pages je l'aurais fini, dommage, quel beau style, quelle belle histoire, quel grand humaniste, Arditi a imaginé un élève du Titien, né juif dans la Constantinople musulmane du XVIe siècle : Elie Soriano, qui ne pense qu'à dessiner, peindre, le crayon prolonge ses doigts, le dessin lui coule à travers le bras, mais sa religion lui interdit les représentations. À la mort de son père il s'enfuit à Venise, il y devient célèbre, peint des milliers de tableaux, côtoie les plus grands peintres... Arditi nous parle aussi de l'amour, de l'amitié, et des relations entre les trois grandes religions monothéistes. Magnifique livre !

Absorbée par mon Turquetto, j'entends quand même une voix très forte qui explose dans un téléphone portable, je lui tournais le dos, j'entendais donc sans voir. La voix était celle d'une femme mûre, elle vociférait : comment est-ce possible, ce crétin, il a encore oublié les clés, tu te rends compte, il commence à m'énerver, je n'en peux plus, oui,  je suis à République, j'arrive dans pas longtemps, quoi ? Mais oui je te dis, il perd la tête, tous les jours il oublie quelque chose, j'en ai marre, oui, je te dis République, et toi tu vas bien ? Tout le monde était pendu à ses paroles, les sourires se dessinaient sur les lèvres, la pièce était bonne, tout le monde en profitait. 

Je me suis dit, je descends à la prochaine, elle est encore là, je veux voir sa tête...

Je fus surprise de voir une belle femme, assez jeune encore, de grands cheveux très longs, bouclés lui descendaient sur les reins...Elle aborda le quai dans la plus grande sérénité, elle avait fini sa conversation et marchait gaillardement vers sa destinée... Je l'avais imaginée plus âgée, grosse et moche... Je ne sais pas du tout pourquoi, sa voix m'avait envoyé ce portrait-là !!


Je pris la correspondance pour Concorde... Je voyais bien des traces de pluie sur le quai, je n'avais pas de parapluie... Mais je ne pouvais pas non plus me dire, zut ! J'ai oublié mon parapluie, je prenais l'affaire de façon très posée, calme, bon, attendons un peu à l'abri...

La place de la Concorde était brillante de pluie, de loin, sous les arbres qui longent le Musée du Jeu de Paume, je vois une file d'attente longue de plusieurs centaines de mètres sous les parapluies. En quelques minutes, me voilà trempée...


Curling

Je regarde cet horizon, je mesure, je prends les cotes, je dois changer mes plans et vite, je renonce, trop de monde, trop de pluie, je reprends le métro et je file au cinéma, voir Curling, film canadien (Denis Côté) dont je ne connaissais pas du tout le réalisateur, qui en est pourtant à son cinquième long métrage, bonne surprise, film étrange, très lent, un duo mystérieux entre un père et sa fille dans la neige, le silence et quelques cadavres... Les horreurs. Un sacré travail sur les regards, les mots retenus, les solitudes... L'étrangeté des situations ne nous sera pas dévoilée, au spectateur de se débrouiller avec ce qu'il voit, d'inventer, d'imaginer... Je le recommande !!

J'ai repensé à cette voix qui ne correspondait pas du tout à l'idée que je me faisais de son corps émetteur, finalement c'est presque à chaque fois la même chose, à part reconnaître à coup (presque) sûr la voix d'un homme ou celle d'une femme, le corps ne suit pas, il faut à chaque fois tout reconstruire... C'est toujours une surprise.

mercredi 2 novembre 2011

Les marques du temps... Au fait tu as quel âge ?


En attendant l'automne


De loin, je la voyais avancer plus péniblement que d'habitude, à petits pas, bien comptés, sans hâte, pas aussi bien coiffée que d’habitude, le cheveux  moins lisse, moins soigné, moins coloré, elle poussait son chariot à roulettes, elle venait de faire ses courses. Je ne pouvais l’éviter, nous sommes arrivées toutes les deux au bout du même trottoir, venant de directions opposées, et forcément nous avons parlé, tu vas bien ? Elle avait ses yeux plus pâles, juste un petit hochement de tête qui voulait dire, pas si bien que ça, je l’ai vu tout de suite.

Tu es triste ? Non, je vais bien, à traduire par, je ne vais pas bien, tu sais c’est Raoul qui ne va pas bien, il déprime, ah ! Bon, pourquoi ? Je ne sais pas, il est triste, tu verrais comme il a maigri, c‘est vrai ? Oui, tu sais, il est fatigué, moi aussi, on refait la maison, les peintures, on fait propre, y’en a partout… L’autre jour il y avait Fabien (leur fils) et mon petit-fils, ils donnaient la main, tu comprends maintenant, c’est leur tour d’aider, et je voyais bien que Raoul ne le vivait pas bien, oui, il regardait son fils, son petit-fils faire ce qu'il faisait encore  il y a quelques années...

Tu vois, lui qui était un bon ébéniste-vernisseur,  l'autre jour,  il a essayé de nettoyer un meuble vernis sur lequel il y avait une grosse tache noire, mais il n’y arrive pas bien, la tache est devenue de plus en plus grosse, il faut tout dévernir autour, ça prend d'autres proportions, c’est un boulot de fou… Il n’y arrive plus bien comme avant, et quand il a vu son fils et son petit-fils mettre la main à la pâte pour la maison, faire ce qu’il fallait, tout d'un coup il était devenu le fils de ses enfants, tu comprends, il avait  passé la main, sans même s'en rendre compte, et il a du mal à accepter. Je crois que c’est pour ça qu’il est triste, il n’a plus de progrès à faire pour l’avenir, il se sent amoindri, je pense que c’est ça, j’ai bien observé…


Après l'été

Il a du travail qui l’attend, des fauteuils, un guéridon à refaire, mais il a tout rendu, il ne peut plus faire le travail, tu vois ? C’est terrible pour lui de tout rendre, voilà, je ne suis plus bon à rien, pas la peine d’attendre quoi que ce soit de moi, je ne vaux plus rien, je suis rayé de la carte.

Il est triste, oui, je comprends et ça te rends triste aussi de le voir comme ça, oui, j’espère qu’il va aller mieux, qu’il va reprendre du poil de la bête comme on dit, elle me dit ça avec le joli sourire qu’elle a toujours, tout en douceur et en profondeur, ses rides à elle, ce sont ses sourires… Elle est douce et tranquille, elle connaît l'âme comme personne, et elle en parle avec des mots si justes, si précis, c'est une orfèvre du coeur.

Mais dis-moi, t’as quel âge, toi ? Et boum, c’était à moi que ce discours s’adressait, tu ne les fais pas du tout, soulagée, je suis comme ma mère tu sais, elle non plus elle ne faisait pas son âge, c’est ça, tu dois tenir de ta maman. J’ai souri…

C’est toujours à ce moment-là que les années pèsent le plus lourd, quand on te demande l’âge que tu as, naïvement, comme ça, pour savoir, pour avoir des repères, soit tu fais plus, soit on ne sait pas très bien, on voudrait bien savoir au juste… Mais de toute façon tu ne perds rien pour attendre, c'est la pensée qui te suit pour le reste de la journée.

J’ai continué mon chemin, à nu, dépouillée de mon âge, je fais plus je fais moins, de toute façon, je fais ce que ça fait, je lui avais dit, ne t’en fais pas, ça va aller mieux pour toi, Raoul va s’en remettre, il va passer à autre chose, continue à bouger, réfléchir, sourire, passe une bonne journée, un bon dimanche, à très bientôt.


Fin de saison

Dans la soirée, j’ai pensé au temps qui passe, qui passe par-dessus tout le monde, tu les fais, tu les fais pas, ça n’a aucune importance, c’est l’heure du temps présent qu’il faut vivre… L’heure du temps présentLa vie passe comme un éclair !

Ce matin au marché, le temps pesait moins lourd, les bavardages allaient bon train, entre deux légumes anciens, joliment arrangés dans des petits paniers, très à la mode en ce moment, très appétissants, j’ai trouvé quelqu’un qui pensait que nous étions trop sur la Terre, trop pour  nourrir tout le monde, trop pour ne pas abîmer la Terre, tu crois ça, toi ? J’ai terminé mon marché avec les fruits de saison, les légumes anciens, ça donnait un petit coup de jeune de manger comme ça, totalement bio, totalement dans le vent, totalement de saison...


Les fleurs de l'été