jeudi 29 septembre 2011

L'Indre 2011... Le départ !



Juste avant le départ

L'année dernière j'avais loupé le départ des hirondelles, elles s'étaient regroupées par milliers sur les fils électriques de la maison d'à côté, seule ma voisine les avaient vues partir, puisqu'elle se lève bien plus tôt que moi... C'était noir de monde, m'avait-elle dit, je n'avais jamais vu ça, tous les fils étaient noirs d'oiseaux, ils étaient là, là et là, partout, c'était impressionnant. Elles faisaient un départ massif, puissant, elles devaient s'attendre les uns les autres, tout le monde est là ? Alors, il y eut le grand envol...

J'avais tout prévu cette année, ma voisine devait me réveiller le matin du départ, dès qu'elle les apercevait, je devais laisser ma porte ouverte, elle frapperait fort... Tout était organisé pour saluer la transhumance...

À partir de cette semaine, nous serons vigilantes, nous ne les raterons pas..

Cigogne blanche

Une cigogne (Prise sue le net)

Ce matin à la médiathèque, j'entends une jeune femme qui dit, elles sont parties ! J'ai levé la tête,
les hirondelles sont parties ? Ben mince alors ! Vous êtes sûre ? Oui, oui elles sont parties, elles se sont rassemblées près de la médiathèque, c'est là qu'elles sont les plus nombreuses, elles sont parties... Je n'ai rien dit, encore une année à attendre, il faudra être patiente ! Je vais pouvoir fermer ma porte à clé, dormir sur mes deux oreilles le plus tard possible, ranger mon appareil photo, plus rien à voir, elles sont parties... Paraît qu'on a vu  arriver des cigognes !
Des cigognes ? Quelle belle aventure, ça me plaît beaucoup aussi, où peut-on les voir arriver ? Personne ne savait... Des cigognes ici ? Nous ne savons pas... J'ai pourtant vu sur le devant d'une maison un grand motif décoratif en bois peint, d'une belle cigogne ! Met-on une belle cigogne sur sa porte si on ne les espère pas ? Elles doivent bien être quelque part ? Je vais chercher.

Cormoran 

Un cormoran ailes déployées (Pris sur le net)

 
Par contre, pour les cormorans je suis aux premières loges, puisque je vais à l'étang tous les jours, je les ai vus arriver et sécher leurs ailes au soleil, c'est vrai, ils font comme ça, ils narguent le monde, c'était la première fois que je voyais ces oiseaux noirs, j'ai prévenu le propriétaire de l'étang, j'en ai vu, ils sont là... Je vais prendre mon fusil, saletés... Mais les cormorans comme les hérons sont des animaux protégés... Il n'osera jamais sortir son arme, il rouspète, il gronde, il devient grossier, mais il ne fera rien, même si la chasse est ouverte... La peur du gendarme !


Sauterelle à la patte cassée

Sur la route en revenant hier, j'ai rencontré une énorme sauterelle verte, comme celles qui mangent les récoltes en Afrique, elle était au milieu de la route, je suis descendue de vélo pour la prendre en photo, je m'étonnais qu'elle ne saute pas à mon approche, mais j'ai vu rapidement qu'elle avait une patte cassée... Plus de départ pour elle, mais je ne pouvais pas lui mettre une attelle... Pauvre sauterelle ! Une exilée ?


Un écureuil (Pris sur le net)

 
Les écureuils ? Nous ne savons pas, nous n'en voyons pas cette année, ont-ils la maladie ? Ont-ils testé les pièges pour les loups ? Sont-ils partis ? Toutes ces noix qui ne serviront à rien... Moi, j'en ai vu un ce matin, plus roux que lui c'est impossible, il était là au bord de la petite route, la queue en panache, une beauté rapide comme l'éclair, il a disparu...


le ciel sombre de l'Indre ces jours-là


Cette semaine, toutes les petites inquiétudes sur les départs et les arrivées animaliers ont été balayées par une très mauvaise nouvelle qui a fait le tour du pays en une matinée, tout le monde en parlait : à la médiathèque, chez le boulanger, au café, partout, partout... Une voisine est venue le raconter à ma voisine, le drame, la fille unique, 25 ans, de la maison d'à côté, sur la route près de chez moi, elle s'est tuée dans un accident de voiture, elle a raté le virage, on dit qu'elle n'avait pas de ceinture, on ne sait pas bien, mais on parle comme si on savait, elle roulait vite, une voisine l'a croisée, elle roulait très très vite... Les parents sont en larmes, dans la grande souffrance, les gens sont sidérés, toutes les autres nouvelles sur les animaux, les fruits, les jardins, la météo, les maladies, les dépressions... Plus personne n'en parle, inutile, futile, on parle de toutes les morts violentes qu'on connaît, chacun en a une, chacun a son anecdote, moi aussi j'ai connu un drame me dit cette dame, le collègue de mon mari s'est suicidé, 50 ans, encore jeune... C'est la journée du drame, des morts, 25 ans, vous vous rendez compte ? C'est pas dans la logique des choses, les enfants avant les parents, une fille unique... Il y aura un monde fou à la cérémonie dans la petite église... Tout le monde la connaissait... Tout le monde est triste pour eux, ceux qui restent...

Ce départ là est le seul qui compte aujourd'hui, chaque fois que je passe devant la maison des parents, sur mon vélo, je regarde les fenêtres, fermées, même avec le soleil... Elles ne sont pas prêtes de s'ouvrir...

Ce dimanche matin, sur la place du village, les langues allaient bon train, t'as vu le panneau, toi ? Mais bien sûr, il y a un panneau 50 à l'heure, mais non il n'y est pas, j'y suis passé la semaine dernière, il n'y avait rien, mais si, je te dis qu'il y est... Et sur la route des trois étangs, elle est dangereuse celle-là, étroite, les gens roulent comme des dingues...

 Et moi, je pense seulement à la douleur...

Pas tout à fait victime, pas tout à fait coupable... Elle avait 25 ans, tout le monde en est sûr...

vendredi 23 septembre 2011

L'Indre 2011... Charlot 30 ans, l'acacia, les oies... Et la poule.


trente ans !

La vie passe comme un éclair !

Ce matin, en descendant au village sur ma petite reine, j'ai aperçu des affiches faites maison, imprimées à l'ordinateur : « Charlot 30 ans » une grosse flèche indiquait la direction des réjouissances. La fête aura-t-elle lieu l'après-midi ou le soir ? J'ai eu la réponse en remontant de mes courses, la fête avait eu lieu, les affiches en un tour de main avaient disparu des chemins, et dans la maison de l'heureux veinard, on achevait de débarrasser le hagard des chaises, tables et sono : c'est vrai, j'avais entendu des bruits de voix et de musique la veille au soir... En sortant voir la lune, bien ronde, bien brillante, je m'étais dit, tiens on fête quoi par ici ? Charlot a eu 30 ans ! Plus tard dans la soirée, j'ai vu des piles de chaises emportées sur un gros camion, il a eu du monde Charlot... La vie passe comme un éclair...


le bel acacia centenaire et quelques années...

Dans une maison très voisine du trentenaire, il y a un bel acacia, plusieurs fois centenaire à ce qu'il paraît. Cet endroit a un charme fou, entre deux petits appentis anciens, le bel arbre est un peu penché, le vent sans doute, les ans peut-être, lui ont fait courber le dos, son énorme tronc a les pieds dans l'herbe, bien verte, bien épaisse : cette année il a plu, tous les verts sortent du tube de peinture, pas de repentir, hardi petit la vie est belle en verts... Le chat de la voisine vient y poser ses pattes en même temps que moi, il est gris, rond et gentil, il fait beau dans le paysage, clic, je l'ai pris.


le chat

Tandis que le chat posait pour moi, ses propriétaire sont arrivés, et la discussion commença, la mère plus de quatre-vingts ans, le fils beaucoup moins, forcément.

Si vous voulez, je retire ma voiture pour que vous preniez bien la photo de l'acacia ? Mais non voyons, ne vous dérangez pas, je reviendrai quand il fera beau temps... Vous ne trouvez pas que ce coin est beau, que cet arbre est splendide ? Ah, oui, tiens, l'autre jour, une dame l'avais pris aussi, mais y restait plus que le tronc, on avait coupé toutes les feuilles pour enlever les fils électriques qui passaient dedans... Maintenant il s'est remplumé, il penche, oui, les appentis sont très anciens, on y mettait les cochons, des petites bestioles, mais ça fait longtemps qu'a plus de porcs par ici, l'odeur, le purin, tout ça, pour gêner les voisins, non, on fait plus ça, on met plus rien dedans, ça tient tout seul.
Et puis avec eux deux, on commença à parler de la vie : on fait plus comme dans l'temps, mais vous savez, on vivait vieux aussi, on n'avait pas toutes ces maladies, ces cancers et tout ça, remarquez que mon fils aîné en a eu un au pancréas, il a bien souffert, on a eu peur, mais y s'en est tiré, ouf ! Je dis.


le ciel d'ici

On était tous contents devant l'acacia, c'était un beau dimanche bleu, vraiment doux, ils allaient se mettre à table, moi aussi...

Vous ne trouvez pas que le coin est joli ? Regardez votre bel acacia que j'ai pris en photo, je leur montre mon tout petit écran... Ben oui, il est rudement joli, nous on ne le voit plus, il est trop près, mais c'est vrai qu'il est beau, et puis il est vraiment vieux, bon appétit et bon dimanche...
Demain, en sortant, verront-ils notre bel arbre avec toutes ses feuilles, en pleine beauté ?


Les sept oies amies


La poule amie

Mais la journée n'est pas finie, je vais revenir dans la rue, car j'ai vu de belles oies et une poule faire un bruit de tous les diables quand je suis passée ce matin.
Je pédale doucement comme je fais pour la marche à pied, il faut du temps pour apprécier, sentir, observer, un petit coup de frein et je mets pied à terre, prête à tout, et voilà les oies bruyantes qui viennent me saluer... Un homme sans âge, avec une casquette, sort tout aussitôt pour calmer le raffut : bonjour monsieur, elles sont à vous ces belles oies, vous faites sûrement du foie gras avec ? J'ai tout de suite vu que l'homme avait le cerveau qui marchait lentement, (comme on dit ici : il n'a pas la lumière à tous les étages) : non, j'fais pas de foie gras, vous les mangez à Noël, alors ? Non, j'les mange pas... Là, j'étais un peu coincée, que faire avec des oies... Vous ne les mangez pas ? Non, ce sont vos amies, alors ? Oui, se sont mes amies, j'en ai sept, j'les mange pas... Elles sont vieilles, vos oies ? Non, pas trop, elles sont pas vieilles, c'est mes amies, c'est pour le plaisir, j'leur donne à manger du blé, de l'herbe, tous les jours, avec de l'eau... Et vos poules ? J'en ai qu'une... Effectivement, je la vois rappliquer devant le grillage, c'est votre amie aussi ? Oui, c'est mon amie, j'la mange pas, c'est pour le plaisir... J'les aime bien, elles grossissent bien, j'les regarde, j'les tue jamais... J'avais bien vu qu'il tortillait comme un enfant le bout de sa chemise à carreaux qui dépassait du pantalon de campagne bien usagé... D'accord monsieur, parfait, c'est bien d'avoir des amies, vous avez raison, et puis vos amies sont bien jolies, je vais les prendre en photo, oui, j'ai fait clic et clac, et je suis partie... Au revoir monsieur, à bientôt, je reviens voir vos amies chaque fois que je passe dans votre rue, il m'a souri très lentement, nous avions fait ample connaissance, au prochain tour, je prends des photos de la poule, pour n'oublier personne... Au revoir et bonne journée...
La belle journée pleine de surprises, après il a plu jusqu'au soir, ni amies, ni compagnie ne traînaient sous les rafale. Demain... Il faut toujours compter sur demain pour les projets et les rencontres...
Et le ciel bleu !


Le ciel bleu, bleu...

mardi 20 septembre 2011

L'Indre 2011...Les cormorans !


L'étang bleu

J'étais au bord de l'étang d'argent, tout frétillant, au soir, à la fraîche, dans le silence le plus total, à part le bruit que faisait le monde qu'il y avait dans l'eau.



Les petites mouettes blanches volaient en groupe, bien régulièrement, d'un bord à l'autre, impossible de prendre leurs arabesques en photo, pas assez rapide... Les cygnes plus lourds se prélassaient en faisant des rondes sans se presser, quelques fois même ils levaient le camp pour l'étang d'à côté, avec un grand froufrou d'ailes, comme de la soie froissée, bien rythmé, mais avec de la patience, je les voyais toujours revenir de mon côté... Ils avaient des cous d'anguilles blanches, souples, avec un bec au bout.



Les petites poules d'eau noires avec un joli dessin blanc sur le front faisaient un boucan de tous les diables, elles ont peur de tout, le moindre mouvement d'un passant, un coup de vent, le retournement de carpe, elles partaient en brigades mobiles loin devant elles...
Les canards à col vert ou gris avaient l'ouïe moins fine, il me semble, ils restaient entre eux à faire des ronds dans l'eau en se tenant loin du bord... De temps en temps ils mettaient la tête sous l'eau... Juste pour voir.



Les hérons de toutes sortes, blancs, gris, dorés, montés sur leurs échasses, faisaient les cent pas, lentement, autour de l'étang. Ils ont une patience d'ange, j'en ai vu qui restaient des heures sans bouger une oreille, à guetter le poisson, on aurait dit des leurres en carton... D'autres avançaient à pas mesurés, au milieu des cygnes, sans gêne, sans bruit... Sans espoir peut-être ? Ne connaissant personne.


L'île...

Au milieu de l'étang, sur la petite île coiffée d'une grosse touffe d'herbe, des canards et des cygnes faisaient une halte en terre ferme, j'ai même vu un gros rat qui s'est secoué le poil dès qu'il a eu les pieds au sec... Pas très engageant, heureusement qu'il était loin.
L'eau de l'étang fourmillait de petites vagues, de ronds, de zébrures, d'éclaboussures provoquées par les carpes qui venaient respirer un grand coup en surface, et tous les autres autres nageurs du lieu qui tournicotaient dans tous les sens.



J'avais sorti ma paire de jumelles et je regardais à la loupe tout ce petit monde...



l'oeil de la grosse voiture
 Voilà qu'une voiture, une grosse, vient s'arrêter juste derrière moi, sur la petite route qui borde l'étang, les chiens et l'homme en sortent, deux chiens de chasse qui fouinaient partout, les oreilles basses, pousse toi de là que je m'y mette... Ils étaient chez eux.
Le propriétaire de l'étang, c'était lui, me salua gentiment : nous nous connaissons depuis des années, des connaissances de dix minutes par année... Bonjour madame, vous avez bien raison de lire au bord de l'étang, c'est bien agréable... Et là, pour le taquiner un peu, je lui parle des jolis hérons qui peuplent son bel étang, et me faisant encore plus sournoise, je pousse la description, il y en a beaucoup, de toutes sortes, c'est très beau... Ah ! Ne m'en parlez pas, ils mangent tout le poisson, ils sont là toute la journée, mais bientôt vous verrez arriver les cormorans, alors-là c'est complet, il bouffent le poisson et vont me narguer sur l'île en écartant leurs grandes ailes pour les sécher au soleil... En me disant cela il prend la pose du cormoran insolent, les coudes levés et les mains sur la taille, imitant les oiseaux qui plastronnent... Mais si je prends mon fusil, ils vont pas rester là longtemps, moi je vous le dis ! Intérieurement, je pensais : des cormorans, chouette, je vais les voir ! Voyez comme les avis divergent, moi je viens pour admirer les oiseaux et lui pour les abattre, rien ne peut nous réconcilier, nous ne sommes pas du tout du même côté des réalités, allez, pour calmer le jeu, maintenant je poserai uniquement des questions qui ne l'embarrasseront plus.
Mais le coup était parti...


Moi, j'en ai marre, marre de peiner pour rien, vous n'imaginez pas le boulot que c'est un étang, il faut tout le temps le surveiller, le nettoyer, le vider une fois par an, ramasser le poisson et le vendre, à un prix, je ne vous raconte pas, si ça continue je vais arrêter de faire le mariole, viendra qui veut sur l'étang, je ne m'en occupe plus... Si j'avais dix ans de moins, mais c'est que je commence à être fatigué de toute cette gymnastique, faut les nourrir les carpes, faut passer tous les jours, j'en ai marre... Et puis le prix que ça coûte en blé, ça ne rapporte rien, je rentre à peine dans mes frais, non, j'arrête, j'ai passé l'âge. C'est vrai, je trouvais qu'il avait pris un petit coup de vieux, le propriétaire !
Et puis, il me raconte comment il avait trouvé l'étang lors de son acquisition il y a maintenant quinze-vingt ans : c'était un ramassis d'immondices, ça ne ressemblait plus à rien, et ça faisait déjà plus de vingt ans qu'il était comme ça, j'ai tout refait, je ne me suis pas ménagé, je l'ai remis en eau, moi j'aime bien la nature, vous savez... Il regardait au loin tout le chemin parcouru, avec fierté.
Si vous restez encore à lire ici, vous allez les voir d'ici peu, les rats qui viennent jusqu'à la réserve de blé que j'ai aménagée pour le poisson. Vous voyez ce distributeur automatique que j'ai installé sur l'eau, il marche au soleil, j'ai installé un truc économique, vous allez voir... Moi, je n'avais pas du tout envie de voir les rats monter sur les fils du réservoir pour aller dîner... Nous n'étions d'accord sur rien...
Il fit remonter ses deux chiens, allez les gars, on y va, bonsoir madame, bonne lecture, fait doux ce soir.


L'étang d'argent reprit son rythme avec ceux qui volent et ceux qui nagent, ceux qui marchent sur un fil, et moi qui contemple le miroir du soir bleu et gris, pas un souffle de vent, pas un bruit, pourvu que les cormorans arrivent avec leurs grandes ailes noires, avant que je m'en aille, ça doit être rudement beau de voir ça...

samedi 17 septembre 2011

L'Indre 2011... Mes journées du patrimoine... Par ici !


Le vieux saule


Le tronc du vieux saule



Les peupliers


Le beau noyer

 

Le pommier


L'acacia


Le châtaigner au dessus des maïs

 

Le vieux pressoir


Vieille charrette

 

La charrette et les herbes



Le grand saule pleureur

 

Le tas de bois et le pommier


Les dernières mûres

Bonnes journées du patrimoine à tous... Qui passez par là !

mardi 13 septembre 2011

L'Indre 2011... L'apprenti !


Le nouveau petit veau

Un an déjà que le petit veau est né sous mes yeux, il est sûrement passé chez votre boucher ? C'est l'heure de la traite, deux heures et demie de travail intense, où chaque geste compte. Cette année le jeune René prête la main, il aime ça, tout le prouve.

C'est le premier partout : faire monter les vaches (dix par dix) sur une plateforme garnie de trayeuses électriques, nettoyer les pis, poser les ventouses à quatre branches, des mains artificielles en somme, qui font un bruit d'aspirateur : elles tirent le lait qui passe dans des tuyaux en inox, jusque dans la grande cuve finale qui brille comme un beau camion américain... René sautille partout, on dirait un petit merle qui volette d'un fil à l'autre, toujours quelque chose à faire, attentif à tout, le geste précis, il s'y connaît de A à Z en presque tout... Quand il ne sait pas, il demande à l'éleveur... On apprend vite comme ça... C'est un bon élève.


Une descente de vaches après la traite, passage sur le tapis

Après la traite, le portillon automatique s'ouvre (René appuie sur le bouton), mais souvent les vaches ne veulent pas redescendre, elles regardent à gauche et à droite, ne sont jamais pressées... René donne l'ordre du départ : allez, descendez, allez, du nerf, et voilà nos belles, très belles, qui redescendent la petite pente pour retourner dans la « stabu », la paille fraîche les attend dans les crèches.


Il est fier René, car il a du public, il me regarde du coin de l'œil, et moi je n'en perds pas une miette, voyez, quand la petite lampe clignote c'est que la traite est en cours, quand elle se met au vert, c'est terminé... Ah ! Zut, elle chient, quand il y en a une qui prend son temps pour la traite, les autres chient, c'est comme ça, il faut nettoyer... Il prend le tuyau d'eau et voilà la bouse qui s'en va en trombe... En un clin d'œil c'est propre comme un sou neuf.

Le voilà ensuite qui prend un seau rempli de lait destiné aux petits veaux, ils boiront du lait entier pendant deux mois, après il se mettront à manger... Il m'explique tout ce qu'il fait, rapidement, avec les mots justes, il est formidable : dans ce bidon de lait, sept / huit litres par vache... Incollable, René.


Le pot au lait des veaux

Aïe, voilà une bête qui tombe, elle n'arrive pas à se relever... Allons bon, dit l'éleveur, elle a sûrement de l'arthrite... Faut voir, faut attendre un peu, je vais lui faire une piqure, et vlan, dans le gras de la fesse, la voilà qui remonte, puis retombe, le lait sera prélevé quand même, après on verra... Pour faire l'injection il a ouvert le réfrigérateur rempli de médicaments, une véritable pharmacie de quartier.


Le petit veau mignon

René va et vient, gare la bouse près du fumier, lave le matériel, embrasse et caresse le plus petit veau : il est trop mignon, il a deux semaines, retourne auprès de la trayeuse, remet un tuyau, en enlève un autre, rien ne lui échappe, il est tout jeune, 14/15 ans peut-être, il a le visage encore rose et toujours le sourire, rien ne le rebute, pas de bon et mauvais boulot, « faut le faire, voilà »

Ça sert à quoi ce matelas, juste à la sortie de la traite ? Ben, c'est un passage obligé, toutes les vaches doivent lui passer dessus, une grosse mousse blanche en sort et vient se coller à leurs sabots... René me dit, c'est un antiseptique pour nettoyer leurs sabots, mais des fois elles glissent à côté, il a tout vu, tout remarqué, moi aussi j'avais vu une vache qui passait à côté, seulement trois sabots y étaient passés...


Les sabots aseptisés

Toutes les vaches ont regagné la stabulation, pour elles, le pré c'est du béton, leurs sabots en souffrent, ils ramollissent, il faut faire attention. Un éleveur c'est comme un bon médecin généraliste, il doit ouvrir l'œil et le bon, faire les premiers soins, ne rien laisser passer.

René court encore, la traite sera terminée quand tout sera lavé, rangé, fermé. Il a mis la radio, avec le beuglement des animaux ça fait une belle ambiance, ambiance de ferme joyeuse.


Le fumier et la paille fraîche

Pendant que René termine le nettoyage, l'éleveur dans la stabu enlève le purin avec son tracteur et le stocke dehors, comme une denrée précieuse, il remet un peu de paille fraîche, voilà, les chambres sont propres pour la nuit... Il fait les lits soir et matin.

Les curieuses
Demain c'est la rentrée, bon courage René et bonne fin de soirée... Je n'ai pas su si René venait pour apprendre le métier ou pour se donner du plaisir, l'éleveur m'a dit : il adore ça, il vient souvent.
La délectation
Moi aussi j'adore ça, mais juste pour mon métier de touriste intéressée, pendant toute la visite, j'étais accompagnée du chien de la maison, il venait me renifler sous toutes mes coutures... En faisant le tour du propriétaire, j'ai bien vu qu'il y avait trois petits cochons tout neufs, l'éleveur m'a dit : ça me manquait trop, surtout pour le goût, et il a mis sa main à sa bouche, le geste de la délectation...

À la ferme d'à côté on peut entrer comme on veut, la porte est toujours ouverte... Bonjour, bonsoir, revenez quand vous voulez. Cette année tout le monde a le sourire, pas de plaintes, les prix sont en hausse !
La belle gourmande

samedi 10 septembre 2011

De L'Indre 2011...Moi j'ai connu ça...


Dans l'Indre 2011

Comme je suis à la campagne, dans les mûres, dans le calme de l'Indre, avec les oiseaux, les vaches et les grands arbres, j'ai tout le temps pour me le rappeler, ce coup de tonnerre, ce coup au cœur que j'ai reçu, assise aux pieds des marches d'une vieille maison du Loiret.

Je ne sais pas si vous connaissez Beaune-La-Rolande, cette petite ville de la région, tristement célèbre pour son camp d'internement de personnes juives, hommes, femmes et enfants, pendant la dernière guerre ? Et puis, juste à côté, Pithiviers, où on internait aussi ? Ces deux camps «alimentaient» Auschwitz et d'autres lieux d'extermination nazis... Sur les stèles de marbre que j'ai vues, il était écrit, très peu de gens sont revenus des camps de la mort, hommes, femmes et enfants...

Je me trouvais à la jonction de ces deux lieux pour assister à un concert dans un petit festival de théâtre et de musique. J'avais de l'avance sur le concert, tant mieux, le temps de faire quelques photos...


Dans l'Indre

 
Impossible de ne pas passer par le souvenir de tous ces morts assassinés...

J'étais passée des mémoriaux aux déportés, aux traces des camps, des baraques, des fils barbelés, envolés, disparus, remplacés par des maisons beaucoup moins barbares, des écoles, des collèges,des lieux en somme où on apprend encore l'histoire... Visite d'une belle église du coin, très belle, très claire, très style gothique du 16e siècle, le clocher fin piquait le ciel, on devait l'aiguille à Viollet-Le-Duc.

J'avais l'impression que rien n'avait bougé depuis longtemps ici, quelques boutiques survivaient, un café, un restaurant, une agence immobilière, et puis ce jeune festival, âgé de trois seulement.


Dans l'Indre

Je prenais encore une photo d'un petit escalier qui décorait encore le devant d'une belle maison ancienne, l'escalier ne menait nulle part, juste sous une fenêtre, l'entrée en avait été murée.

Une femme, jeune encore, me fit des signes de l'autre côté de la rue : vous prenez la photo de la belle maison, mais venez donc voir à l'intérieur c'est très beau aussi... Et me voilà avec elle, dans une belle cour, ici la propriété a été vendue aux HLM, deux appartements là, deux autres ici, un troisième, vous voyez, au-dessus.

Nous commençons à parler du pays, des camps, des déportés, du silence...

C'est vrai ce que vous dites, souvent les déportés ne voulaient pas parler de ce qu'ils avaient vécu... J'en connaissais des gens qui étaient restés muets là-dessus, mais oui, vous comprenez impossible à dire ce qui leur était arrivé, moi mon arrière grand-mère elle portait un numéro sur le bras, elle n'en a jamais parlé, à personne de ce qui lui était arrivée, tout le monde la connaissait dans le coin, elle ne parlait pas... C'est vrai, votre arrière grand-mère ? Oui, nous sommes d'origine hongroise... Je comprends, mais votre arrière grand-mère elle n'était pas d'origine juive, pour avoir ce numéro sur le bras ? Peut-être, c'est bien possible, je crois bien que nous avons quelque chose de juif chez nous... Je l'écoutais avec passion : vous ne savez pas ? Non, je ne sais pas mais je vais chercher, à Paris, je sais où aller... Mais oui, vous avez raison, allez voir, ça serait bien d'en savoir plus sur votre arrière grand-mère.


Dans l'Indre

Mais vous savez, ils ne parlaient pas, car ils ne voulaient pas raconter ce qui s'était passé dans les baraques, j'en suis sûre, il a dû s'en passer des choses, des viols, tout ça, je sais de quoi je parle, j'ai été violée.

Vous avez été violée ? C'est terrible ce que vous dites, venez, asseyons nous sur ces marches, au soleil, nous serons bien pour discuter... Oui, dit-elle, moi j'ai connu ça !

Pendant plus d'une heure, nous sommes restées à parler, moi je ne bougeais presque pas. Elle s'est mise à raconter son histoire au bord des lèvres depuis longtemps, pas très loin dans son coeur, toujours prête à sortir, la mauvaise vie...

Oui, j'ai été violé de 7 ans à 13 ans par mon beau-père, c'est pourquoi je sais de quoi je parle, pour vous dire que les déportés ne disaient rien... Mon Dieu, comment avez-vous fait pour survivre à çà ? Je ne sais pas, je me suis lavée, beaucoup, j'en ai pris des bains, avec de l'eau très chaude et puis très froide, rien n'y faisait, j'étais sale de l'intérieur. même aujourd'hui je me sens sale. Mais comment avez vous fait pour sortir de ce cercle infernal ? Quand j'ai su que j'avais été violée... Comment ça, su que vous aviez été violée, vous ne saviez pas ? Je ne savais pas, c'est vrai, on me l'a dit après, j'avais dix sept ans, je ne savais pas que c'était pas normal de faire ça à une petite fille, ma mère ne disait rien, elle consentait aussi... Après, quand j'ai su, je me suis défendue, je suis allée voir des personnes qui m'ont dit, il faut porter plainte, je l'ai fait, j'ai été rejetée par toute ma famille, ma mère me traîtait de salope, personne ne voulait de moi.


Dans l'Indre

Vous savez, quant il est sorti de prison, lui, il était guéri, il avait payé, mais moi ? Moi, je souffre toujours, je ne me suis jamais tirée de cette histoire... Souvent j'ai voulu mourir, vous savez, quand vous voyez quelqu'un dans la rue qui se drogue, qui boit, qui se traîne, demandez-vous pourquoi il fait ça, demandez-vous, vous verrez, il souffre, réfléchissez, on ne se détruit pas pour rien.

Moi aussi j'ai voulu mourir, mais je ne savais pas que les veines roulaient au poignets, c'est difficile de les attraper, c'est difficile de mourir.

Quand j'ai eu un enfant, j'ai pu l'embrasser, le caresser jusqu'à trois ans, et puis à trois ans j'ai dit à mon mari : occupe-toi de notre enfant, moi j'ai peur de le toucher, j'avais tout le temps peur de répéter mon histoire, je ne sais pas pourquoi, j'ai eu peur. Pas de câlins, rien, je ne le touchais jamais, la première fois que je lui ai fait un câlin, il avait seize ans, je l'ai pris dans mes bras et je l'ai serré, je ne savais pas comment faire... J'ai recommencé deux ans après, quand il a eu dix huit ans, il savait pourquoi je ne pouvait pas le serrer dans mes bras, il savait, je lui avait raconté mon histoire... Je lui ai demandé pardon de ne pas pouvoir lui donner l'affection qu'il voulait, mais je lui ai beaucoup parlé, parlé de la confiance, parlé de l'avenir, parlé pour qu'il réussisse sa vie, ne pas faire comme moi, avoir un bon métier, être quelqu'un, il a compris, mon fils.


Dans l'Indre

Quand il a été à l'école, il a fait un peu comme moi, rien ne passait dans sa tête, moi à sept ans je ne pouvais rien retenir, comme des trous dans ma tête, je vous assure, c'était comme du vent.

Mon fils aussi il apprenait mal, je lui ai dit : ne t'en fais pas, un jour ça va rester, c'est pas grave, mets-toi bien dans la vie, aies confiance, tu verras, ça va rentrer. Je suis fière de toi, je suis fière de t'avoir comme fils, même si je ne peux pas t'embrasser. Vous voyez, j'ai essayé de le rendre fort, de lui donner confiance en lui.

J'écoutais et je pleurais, je ne pouvais pas m'en empêcher, devant elle, je pleurais comme une madeleine... Ne pleurez pas, je ne veux pas qu'on pleure, j'avais sorti mon mouchoir et je m'essuyais discrètement les yeux : Madame quelle force vous avez, je vous trouve admirable de résister comme ça, d'en parler avec autant d'émotion et de sincérité, votre fils aussi doit être fière de vous...


Dans l'Indre

Ah ! Vous savez, un jour j'ai été heureuse car mon fils qui n'avait pas réussi son CAP, a eu son BEP de mécanique auto, il a un bon métier, je suis heureuse de ça, il va dans sa vie mieux que moi...

Pendant qu'elle parlait de sa joie, j'avais regardé discrétement ma montre, j'étais toute secouée, c'était l'heure, il fallait aller au théâtre. Madame, je suis très heureuse de vous avoir rencontrée, vous pouvez être fière de vous, permettez moi de vous embrasser, de vous serrer dans mes bras, je l'ai fait, et puis elle m'a dit : c'est ça un câlin, c'est ça ! Mais je l'ai eu, ça, je l'ai eu ! Oui, vous l'avez eu, mais dans un câlin il y a de l'affection, de la tendresse, et du respect, et c'est ça que vous n'avez pas eu,. vous n'avez pas eu le respect.

Portez vous bien, restez forte, au-revoir, à bientôt... Je lui avais dit «à bientôt», pourtant je savais que je n'allais jamais la revoir, mais son histoire était en moi... J'ai pensé à elle pendant tout le spectacle et puis après... Après... Bien après... Son témoignage m'a tellement touchée, je me suis sentie honorée d'avoir reçu ses paroles, la confiance avait fonctionné, comment, pourquoi, je ne sais pas, c'était beau, inoubliable, et tellement humain, toutes les deux, là sur les marches, nous avons été au coeur de la souffrance.

Je dédie ce post à cette femme magnifique, j'y mets mon affection, mes remerciements et mon respect total.


Dans l'Indre