lundi 30 octobre 2017

À chaud !


Le cheval - Yves Boussin



Le cheval aux pompons -Yves Boussin



Yves Boussin

Mon frère m'avait dit au téléphone : je suis en train de faire des têtes de chevaux, ça me plait beaucoup... Une envie soudaine, une inspiration de dernière minute... Je suis contente, vite, vite envoie-moi des photos...

J'ai attendu plusieurs jours, c'est long ! Voilà que je les reçois aujourd’hui, sur mon téléphone, c'est petit, mais je vois bien la beauté de la chose...

Ses magnifiques chevaux me font penser immédiatement à une de ses œuvres dont j'avais parlé dans mon blog en juillet 2011 : Les deux toréadors



Les deux toréadors -Yves Boussin (2011)

La concentration maximale de ces deux personnages, leur solitude, se sentait, se palpait, et ont provoqué en moi une impression si durable, qu'aujourd'hui, avec les chevaux, j'ai retrouvé ces émotions intactes, fixées largement au-delà de l'anecdote, si belle soit-elle. Ainsi donc, ces chevaux, ces êtres vivants, respiraient le même air que les humains : l'attente, la profondeur, et pour les hommes, la mélancolie, la gravité...

Par association, comme agissent dans nos souvenirs les mots avec les pensées, les images avec les impressions, les deux toréadors et les chevaux se superposaient pour moi dans la même strate émotionnelle... La même expression artistique, la même belle présence choisie des couleurs... Le style affirmé d'un artiste permet de telles identifications, même si les sujets sont très diversifiés.


Détail - Yves Boussin


Nature (morte ?) -Yves Boussin

Au fond de moi, j'étais contente d'éprouver cela, donnant un sens plus permanent, plus étendu, à l'ensemble de son oeuvre...

Quand j'ai reçu les photos, j'ai essayé d'exprimer ce que je ressentais à mon frère, à chaud, il m'a dit tout simplement : ben, je suis content, même si je ne pense pas du tout à tout ça quand je travaille, je fais ce que j'ai à faire, voilà tout... Souvent, l'humilité d'un artiste rencontre la complexité de l'admirateur, l'oeuvre appartient au regard de l'autre, ainsi se mélangent les intentions, les façons de faire, d'exprimer et de ressentir, qui vont de l'artiste à son public... Chacun y voit un peu de ce qu'il est !


Le travail de l'artiste

Oui, mon frère, tu fais bien de faire ce que tu as à faire, je ne suis pas du tout au bout de mes étonnements et de mes émotions avec ta création...


Vanité - sculpture - Yves Boussin




Prochainement : Venise, revenons-y avec Zigz'arts 2017

Je vous y attends !

lundi 23 octobre 2017

L'Indre, les tout derniers jours (2)



L'oubliée

Durant le mois de septembre, pendant les journées grises ou pluvieuses, le soleil est revenu plusieurs fois par jour comme en Bretagne. Avant de partir, j'ai fait le tour des gens que je connaissais, on ne parlait jamais politique, juste de la pluie et du beau temps, de ce qui avait poussé ou pas, de l'avance qu'avaient pris les mirabelles, les fruits en général, pas de noisettes cette année, beaucoup de noix, des pommes ici, pas là : on ne s'y retrouve plus du tout, ici il a fait très chaud pendant les mois d'été,  mais chaud à en être malade... C'est ce qui se disait...

Pendant tout le mois de septembre, j'ai pensé aussi à l'Italie, Venise, la Biennale, les lacs avec leur belle vapeur du matin, le Sacro Monte de Varralo, les citrons qui poussaient partout, les bougainvilliers, les visites des églises belles comme le jour...
  
L'enthousiasme n'a pas de frontières, pas de hiérarchies, quand je me suis retrouvée assise au bord de l'étang, j'ai pris tout mon temps pour écouter les canards couiner, regarder les cygnes s'envoler avec un bruit de papier froissé, j'ai trouvé qu'il n'y avait pas beaucoup de petits oiseaux... Je n'ai pas entendu leurs jacassements dans les coins déserts, loin des routes, au milieu des herbes hautes, des arbres très feuillus... Où sont-ils passés ?

Tous les jours j'allais voir le jardin, qui s'ouvrait juste à mes fenêtres :


Les couleurs du jardin

Tous les jours je mangeais des tomates fraîches, de la salade douce, des tas de légumes, tous m'allaient : blettes, haricots verts, courgettes, choux blanc et rouge... Il paraît que pas loin, il y a un châtaignier de plus de 250 ans, je ne l'ai pas encore vu, ça sera pour l'année prochaine. Par contre j'ai visité des petits bourgs berrichons, dans leur jus, superbes, avec leurs grands toits qui descendent presque jusque par terre... Une petite église du 12ème, une grande abbaye, des fleurs, des fleurs, encore des fleurs...


La petite église du 12e


Avec son ange musicien sur un chapiteau très haut

Je n'ai rien fait d'extraordinaire, et tout m'a paru exceptionnel. Aujourd'hui, loin de l'Indre, j'y suis encore...

Tous les jours je faisais du vélo, des prétextes de rien du tout me servaient pour aller absolument jusqu'au village acheter l'indispensable petit truc, dont j'aurais très bien pu me passer. S'il pleuvait un peu, brouillassait, j'y allais quand même avec l'imperméable, j'étais équipée, je roulais doucement pour ne pas glisser, voilà tout...

Tout le long du chemin, je faisais comme sur le Grand Canal de Venise, je regardais, je m'imprégnais, je découvrais. Ici, dans l'Indre, les odeurs étaient belles : légères le matin, fortes le soir ou après une petite ondée, les chemins de terre sentaient la terre... De chez moi je sentais l'odeur des vaches, j'entendais les beuglements des veaux qui appelaient leur mère... Le jour du raclage du fumier chez le fermier d'à côté, on en prenait tous plein les narines...

Je reconnaissais les derniers jours : au début j'allais chercher les noix sur l'arbre, dans leurs bogues qui se fendillaient un peu, je les écrasais du pied et je finissais le travail de décorticage avec les doigts devenus marron pendant quelques jours. Plus tard, plus besoin d'aller les décrocher sur les branches, elles tombaient en douceur, chaque jour d'avantage, à la fin, les derniers jours de septembre, je rencontrais des cueilleurs, propriétaires des noyers, un sac ou un panier à la main, nous parlions, et ensemble nous ramassions les plus grosses... J'étais toujours bien accueillie...


La noix encore dans sa bogue

Les derniers jours je les reconnaissais aussi aux châtaignes qui tombaient en avance, au raisin plantureux des vignes, juste avant la coupe... J'allais plus souvent à l'étang, j'écoutais d'avantage, je m’asseyais plus longtemps pour regarder les vaches, je calculais le jour de ma prochaine lessive à étendre sur le fil, juste avant le départ, en regardant la météo, je ne faisais plus beaucoup de provisions, plus de menus pour les jours à venir, j'avais agrandi mon tour de village pour rallonger le temps...



Le raisin bien dodu


Tous les jours, je regardais les vaches


Sur le fil

Bientôt tu ne seras plus là, disaient mes amis d'ici... Tous les jours nous bavardions, et pas seulement de la pluie ou du beau temps. La saison est terminée, si tout va bien je reviendrais l'année prochaine... Gardons-nous en bonne santé !



samedi 21 octobre 2017

L'urgence des mots...


Bonn (Allemagne)

Entre l'Indre et Venise, il y a l'urgence des mots...

Aujourd'hui, j'ai rencontré une ancienne collègue de travail, plus vue, juste entrevue depuis des mois et des années, mais restée au fond de mon cœur.

La rencontre s'est faite au supermarché de notre localité, elle a abandonné spontanément son caddie en plein milieu du rayon fruits et légumes, j'ai laissé aussitôt mon panier dans un coin, pour parler, se reconnaître avec plaisir. Nous étions loin de nos achats, aucune importance...

Jacqueline, comme je suis contente de te voir, comment vas-tu ? Souvent je pose cette question aux gens que je connais et que je rencontre avec plaisir dans n'importe quel lieu de ma ville, elle fait merveille, l'interrogation nous permet souvent de reprendre pied dans notre amitié ou notre cordialité. Ici, j'ai des liens avec beaucoup de gens, les mots viennent vite... Je m'étais adossée au comptoir des courgettes et des poivrons, pour être tout à fait à l'aise dans notre conversation. Mais dis-moi, tu a perdu quelques kilos ? Au grand sourire qu'elle m'a fait, j'ai tout de suite vu que j'avais tapé juste comme il faut. Mais comment as-tu fait ? C'est volontaire ? Tu n'as pas de soucis de santé au moins, dis-moi ? Tu es splendide comme ça. Elle avait changé de proportion, mais sa bonne humeur était toujours égale, son humour au taquet. Nous nous étions longtemps côtoyées comme collègues, du temps où nous étions en action professionnelle. Elle passait pour grognon, vive, pète-sec, critique et réactive sur presque tous les sujets, elle était tout ça, mais elle était aussi touchante, fine, intelligente, pleine de rire et d'humour, moi, je l'aimais bien..


L'église orthodoxe russe de Paris (rue Daru)

Non, tu vois, je n'ai rien fait de spécial, en fait je mange moins, j'ai moins faim, c'est comme ça. Tu te fais bien à manger, au moins ? Bien sûr, mais je mange moins, de la soupe le soir, en sachet ou en brique. Non ! Tu fais ça, tu ne peux pas la faire toi-même, la bonne soupe ? Ben non, je n'ai pas le temps et nous partons dans un grand éclat de rire, pas le temps, tu exagères, pas du tout, tu veux voir mon agenda, bien sûr je veux voir ton agenda, et la voilà qui sort un joli petit carnet qui se tient fermé par un élastique, voyons, tiens le mois d'octobre, là, là, et là, je suis prise, tu vois, je n'ai pas le temps !

Je ne m'ennuie jamais, jamais, il se passe toujours quelque chose de passionnant autour de moi, une sortie, un jeux collectif, un cinéma, même du tai chi, de la gym, et de temps en temps je vais à la piscine... Elle m'énumérait des myriades de choses qui lui donnaient le sourire. Ah ! Sortie à Montargis, j'y vais, tu penses, pour le 25 on m'a demandé d'écrire un petit texte sur la gourmandise... Oui, je comprends pourquoi tu n'as pas le temps de te faire une soupe... Je savais combien elle était talentueuse en beaucoup de choses, elle écrivait très bien, avec beaucoup de style, il sera sans doute plein d'humour et de finesse son "petit papier", comme elle disait.. Elle était retraitée depuis bien longtemps, dans un appartement indépendant inclus dans une maison de retraite médicalisée si besoin, elle avait toujours trouvé que c'était parfait, jamais une once de dépression...


Venise

Nous n'avions repris nos paniers ni l'une ni l'autre, on s'en foutait, nous jetions un œil de temps en temps pour voir si rien ne bougeait autour. Tu sais, je vais te dire un truc qui va peut-être te choquer, maintenant le dimanche je vais à la messe. Ah bon ! Raconte... Oui, j'y vais, mais je fais mon truc à moi, tu vois, je ne prie pas, tu me connais, je ne suis pas croyante, je ne me lève pas non plus quand tout le monde se lève, je ne chante pas, je n'y connais rien, je suis athée, tu sais d'où je viens, on n'était pas croyant chez moi, j'y vais pour l'ambiance. Oui, et ça te va ? Oui, tu sais, j'y trouve de l'apaisement, de la fraternité, de la solidarité, tu sais ? J'ai toujours aimé la fraternité, je trouve qu'il y en a à l'église, bon, quand le curé parle j'écoute, il est sympa, mais je ne crois pas ce qu'il dit à part de temps en temps, je trouve que c'est pas mal.. J'étais très surprise bien sûr, mais je comprenais ce qu'elle cherchait, si elle trouvait à "l'ambiance" de l'église ce qui lui manquait, si c'était bien pour elle, pourquoi pas, je savais qu'elle venait d'une famille où la religion n'avait pas sa place depuis au moins plusieurs générations. Je l'avais connue militante syndicale, toujours au premier rang pour les revendications qu'elle estimait justes. Oui, je comprends, Jacqueline, tu tricotes quelque chose qui te fait du bien, à ton idée, continue...


Séville

Tu sais mon amie Monique, oui, oui, bien sûr, elle est morte l'année dernière. Oh ! C'est triste.. Oui, j'ai eu du mal pour faire mon deuil comme on dit, j'y pensais presque pas et puis maintenant ça me rattrape, qu'est-ce que je prends. Comment ça, raconte ! Et bien, j'y pense plus souvent, elle est tout le temps avec moi, je lui parle, tu sais, elle aimait beaucoup Sainte-Thérèse, c'était sa sainte préférée, elle mettait toujours un cierge pour elle, alors chaque dimanche j'en mets un aussi pour elle. L'autre jour, comme je mettais un cierge à Sainte-Thérèse, il ne voulait pas s'allumer, j'avais beau faire, il ne voulait pas, j'ai bien essayé avec le seul qui était déjà allumé devant l'autel, mais rien à faire, je ne sais pas pourquoi la flamme ne voulait rien savoir. Alors je dis à Monique : si tu ne veux pas, tant pis, et le cierge déjà allumé s'est éteint, tu y crois ? Pas possible, tu lui mettras un autre cierge dimanche prochain, et aussi comme ça tu penseras à moi... Elle sourit : et oui, oui, tu peux compter dessus, nous nous sommes embrassées pour des années encore, peut-être ?


Lisbonne

Je me souviens moi aussi des petits cierges, ou des petit papiers, que je mets pour ma famille, mes amis, sans y croire, le jeu de la flamme, le choix des Saints, les plus beaux à mon goût, font que je matérialise une pensée, un vœux pour ceux que j'aime, je leur dis : je mettrais un cierge, ça va réussir ! Ce petit rituel laïc n'a aucun fondement,  je fais un geste pour les autres, je fabrique des flammes d'espoirs, ça fait un moment spécial que je crée avec le sourire, je fais une photo du cierge au milieu des autres. En sortant, j'écris un texto : les vœux sont faits pour toi, j'ai mis un beau cierge, tu peux être tranquille,. Quelque fois, mais beaucoup plus rarement, pour une affaire importante, je mets un petit papier plus explicite, en retour je reçois toujours un gentil smile... Personne n'y croit, ça me va !


Cambodge


Prochainement, retour à l'Indre (2), et je n'oublie pas Venise...

Je vous y attends...








lundi 16 octobre 2017

L'Indre... Plus que quelques jours, un temps à rebours... (1)


 La belle endormie !

Tous les mois de septembre, depuis des années, je me retrouve dans l'Indre, sans me lasser de sa beauté, comment se lasser de la nature ? Je démarre la saison d'automne ici, avec les raisins et tous les fruits qui arrivent à point pour le plaisir des yeux et du goût.


 Avec le raisin

Après Venise, voilà déjà 25 jours d'écoulés à vivre près des tomates, des hérons, des noix, des poires qui coulent le long des branches... Des vaches, des poules et même des chevreuils aperçus juste avant l'ouverture de la chasse... Les perdrix, les faisans sont déposés par les chasseurs dans les champs environnants quelques jours avant la sortie des fusils, ainsi, les grands enfants peuvent faire semblant de tirer sur du gibier sauvage... Quelle bêtise !


 Les poires lourdes et joufflues, dures encore

Presque avant de repartir pour la Capitale,  je ne vais pas énumérer toutes les belles choses qui me sont passées sous le nez,  j'en ai les larmes au yeux !

J'ai roulé à petite vitesse, à côté des champs, dans les toutes petites ornières carrossables, souvent je me suis retournée en mettant pied à terre pour voir, non pas la distance parcourue, mais le paysage sous tous ses angles, le long de ses 360°. Le soleil, les ciels bleus ont toujours été au rendez-vous, à un moment de la journée, parfois toute la journée, contredisant les prévisions de la météo... Je me souviens de cette pente que j'ai dévalée doucement à pied, trop peur de tomber, de cette côte qu'il fallait monter sans pédaler, pas assez de mollets, de force. Quelle joie d'aller lentement, heureusement que je vieillis !... L'année prochaine, si tout va bien, je me retrouverais sur ces petits vallons, j'emporterais un petit pliant léger avec dossier que je pourrais poser partout, au milieu de n'importe quelle pâture, de n'importe quel chemin herbeux et admirer, méditer, assise confortablement dans mes pensées...



J'ai refait cent fois les mêmes promenades sans me lasser, comment se lasser de la nature ?

L'appareil photo, je l'ai sorti moins souvent que les premières années, cette belle lumière, là, c'est la première fois que je la vois, vraiment ? Oui, le toit par-dessus les branches, éclairé comme un mystère, avec une nouvelle mise en scène, une découverte un peu tardive, tant mieux, il me reste tant à découvrir...


La nouvelle mise en scène

Arrivée à l'étang, j'y voyais bien tous les changements, d'une année à l'autre les bords restaient négligés, troués, effrités de toutes parts, les roseaux trop poussés, comme une chevelure emmêlée,  trempaient dans l'eau. Des carpes, énormes, sautaient de tout leur corps à la surface. Au loin, je n'y voyais pas grand chose, des silhouettes de couleurs, j'avais abandonné mes grosses jumelles de chasseur, trop lourdes, enrayées, mises à la casse, pour une paire plus légère que je ne n'arrivais même pas à régler, trop loin, trop près, aucune précision, je les ai très vite remises dans la sacoche du vélo et j'ai regardé de tous mes yeux, c'était bien ! Toujours pareil, Danielle ? T'as vu des cygnes, des canards, des hérons unijambistes ? Parfaitement, j'aurais même pu les appeler par leurs prénoms tant ils m'étaient familiers, je me suis assise sur les marches qui descendaient profondément dans l'eau, le niveau avait pourtant baissé avec les chaleurs de l'été, juste à côté de moi, dans la bordure de l'étang, il y avait un gros trou de ragondin, sans doute, je n'aurais pas voulu qu'il sorte de là pour faire coucou, j'en ai bien peur...


Bien sûr, des cygnes


Les marches


Le petit ponton qui disparaît sous les plantes rampantes, ne sert plus à rien du tout

Un jour de beau temps, avec mes amis d'ici, nous somme partis en file indienne,  bien à l'aise sur nos vieux vélos de campagne, visiter leur étang. Quelles belles routes nous avons empruntées, les chemins creux étaient tous verts, les peupliers, les chênes et tous les autres arbres tamisaient le soleil devant nous.


Les arbres tamisaient le soleil...

Je n'avais pas vu plus beau... Nous allions tranquillement, moi je restais très attentive, les deux mains bien calées sur mon guidon, je répondais à peine aux paroles échangées d'une monture à l'autre, mes amis riaient : laisse donc Danielle tranquille, voyons, tu vois bien qu'elle se concentre ! Oui, les trous, les bosses, je voulais les éviter...

Nous sommes arrivés sur un large chemin, recouvert entièrement d'herbe fraîchement coupée de la veille par l'équipe municipale, je n'en voyais pas le bout. Nous pédalions au pas, impossible d'aller plus loin sans descendre de nos petites reines, il fallait les tenir à bout de bras, serrées, alors j'ai vu défiler de chaque côté des petits étangs adorables, chacun avait son charme, son silence, les ombres et les lumières se joignaient aux couleurs pour noyer le paysage, sur chaque petite pièce d'eau trônait une île d'où s'élevaient des peupliers, des saules pleureurs, des hautes herbes, autant d'abris, de paradis pour les canards.. 


Le chemin fraîchement coupé


Les couleurs et les îles

Nous sommes arrivés sur l'étang de mes amis, nous y étions en plein début d'après-midi, le bleu du ciel était partout, des reflets par ci, par là, faisaient que les îles, les arbres, doublaient de volume dans l'eau, nous nous étions tous arrêtés pour admirer cette beauté ! Pas besoin de parler, juste des petites choses : il faudra couper les fleurs de lotus, elles commencent à être envahissantes, et puis, tiens ! Il faudrait raccourcir les arbres des îles, mais quand ? Les bras de mes amis n'y suffiront pas, trop de travail, trop de fatigue en perspective, il faudra demander à la génération montante un petit coup de main...


Les nymphéas de l'étang

En faisant le tour de l'étang, arrêtés, devant un grand chêne, mon ami raconta l'histoire suivante : cet arbre s'appelle l'arbre à l'ours blanc ! Quand j'étais petit, je devais avoir six ou sept ans, du temps où il n'y avait pas encore d'étang, j'accompagnais mon père au travail des champs, il labourait, semait et moi, je l'attendais au pied de l'arbre. Il avait déposé sur mes épaules sa grosse veste, et me disait : ne bouge pas de là, surtout ne bouge pas, tu vas voir l'ours blanc qui va venir... Je restais, je regardais, je ne bougeais pas une oreille, je suivais mon père au loin... Puis me regardant fixement, il ajoute : je n'ai jamais vu l'ours blanc ! Il avait six ou sept ans dans les yeux, moi j'ai pris la photo de l'arbre, je vais en faire faire un beau tirage et leur envoyer à Noël, d'ici là, l'ours blanc viendra peut-être ?


L'arbre à l'ours blanc

Au fond de l'étang, il y avait une petite maison, juste assez grande pour y mettre une grande table et des chaises pliantes, un four et quatre feux, de quoi se faire un bon thé, nous l'avons bu dehors, juste à côté du nid de frelons qui tournoyaient allègrement sans se préoccuper de nous... Personne n'avait peur, même pas moi.

Mes amis partageaient avec moi les souvenirs des fêtes qu'ils firent autour de leur étang, ah ! Comme c'était joyeux dans ces moments-là... Quand on arrêtait de se raconter des choses, on entendait le silence, toujours le même, sauf que maintenant on percevait la petit ligne d'avion qui ronronnait au dessus de nos têtes, partout maintenant on entend des avions, partout le bruit a gagné, même dans les coins les plus reculés de  la campagne...

Le retour fut aussi beau que l'aller, nous avons pris un chemin différent pour additionner la beauté, nous nous sommes arrêtés pour ramasser des pommes, des reines des reinettes, toutes tombées, bonnes, sucrées et abandonnées... Une journée qui ne ressemblait à aucune autre.


Les pommes

Le lendemain mes amis se sont plaints d'avoir mal au dos, aux fesses, aux mollets, moi je n'avais mal nulle part car depuis que j'étais ici je faisais tout en vélo, j'avais fait marcher la machine, un peu tous les jours... Grande routière et petite vitesse...

Plus que quelques jours...

Au début du séjour, jusqu'à la moitié du mois il a fait plus gris que bleu, pourtant, le soleil s'arrangeait souvent pour sauver la situation à un moment de la journée, il me donnait le temps de pédaler, je ne m'en suis pas privée. Il ne faisait pas froid du tout, c'était toujours ça de gagné...

Avec mes amis, au début du séjour, il y a eu les comptes-rendus de l'année passée : la santé ? Les morts annoncés, enterrés, ils se sont mis en noir, ils ont pleuré : on ne quitte plus nos habits noirs, on n'en peut plus, il faut que ça s'arrête ! 

Plus tard, dans les jours suivants, on a recommencé à parler de tout avec le sourire, mâtiné des chagrins ensevelis...

Prochainement : L'Indre encore ou autre chose, selon l'urgence des mots...

Je vous y attends...


vendredi 13 octobre 2017

Zigz'arts vénitiens 2017 (3)


Le coin tranquille

Un beau mois de juillet en effet, pas trop chaud, l'idéal, je mettais mon chapeau de paille pour le plaisir, et j'allais par les rues les plus à l'ombre, ce qui fait que j'avais mon chapeau sur les bras pendant toute la promenade...Un jour, dès le début du séjour, en posant mon chapeau qui me tenait chaud pour visiter une église, j'ai perdu une partie de la housse de mon appareil photo, j'étais furax bien sûr, je suis revenue sur mes pas, mais je ne l'ai jamais retrouvée... Quand je prends des photos je ne fais attention à rien d'autre, alors forcément...


Les accessoires de sortie



Le Palazzo Zenobio des Arméniens, sur la Fondamenta del Soccorso, à deux pas de chez moi, exposait des artistes dans le cadre de la Biennale. L'entrée était libre, je passais presque tous les jours devant pour aller faire mes courses, c'est donc par hasard que je fis connaissance de deux belles œuvres, l'une : "La table du silence" d'Antonia Trévisan, m'a beaucoup touchée : au milieu du vaste réfectoire du palais, plongée dans la pénombre, une grande table rectangulaire, nappée de blanc jusqu'au sol, supportait sur une ligne douze petits bols de porcelaine ou de grès blancs. Un faisceau de lumière blanche, vive, suspendue au dessus de chaque bol, coulait comme du lait... Ma photo reste bien en deçà de l'impression que j'ai ressentie, silence, lumière, blancheur et beauté. Mais voyez :


La table du silence - Antonia Trevisan

Au fond de la pièce, un peu en hauteur, trônait une chaire, d'où j'imaginais un lecteur distribuant aux convives des paroles sacrées... Une fois franchi le rideau noir qui me séparait de l'extérieur, je retrouvais le ciel bleu, la chaleur et les couleurs du jardin... Avec plaisir !


Le jardin du palais Zenobio 

Une autre oeuvre m'a fait forte impression dans la grande salle de réception : de grandes poutres de bois tapissaient le mur le plus long de la salle, dans un camaïeu de marrons. On distinguait sur chaque poutre une écriture qui ressemblait à des idéogrammes, en fait ces panneaux étaient en plastique dur, brûlés intentionnellement pour provoquer de la beauté. Comme cette splendide salle va se retrouver nue quand l'artiste aura déposé son oeuvre ! Cet artiste, Jean Boghossian, originaire d'Arménie, a intitulé cette oeuvre : "Flamme inextinguible", il dit de sa pratique par le feu : travailler avec le feu est un véritable challenge... Jean Boghossian est un expérimentateur, un avant-gardiste, il définit sa passion comme une nécessité, mais je connais bien d'autres artistes qui ont joué avec le feu... Ses toiles "brûlées", accrochées sur les murs, ne me firent pas du tout le même effet que ce grand mur, pas d'effet du tout, je les ai à peine regardées... Je suis revenue de nombreuses fois dans ce palais, à chaque fois avec le même enthousiasme... Imaginez que vous passez tous les jours devant une galerie d'art, qui devient un peu chez vous... Dans ce palais, il y a un grand jardin, souvent à l'ombre, quelques tables et chaises permettent de se reposer de la visite...




Flammes inextinguibles - Jean Boghossian,

En sortant, quel plaisir de parcourir la Fondamenta le nez au vent, pour aller faire mes courses, ou en revenir... Je savais qu'à tous moments je pouvais entrer, regarder et réfléchir...

Je m'était dit avant de partir à Venise : vas-y avec des yeux nouveaux, comme si c'était la dernière fois, et j'ai eu l'impression de voir tout pour la première fois... La Biennale augmentait la dynamique...

Tout le long de mon parcours, je voyais les poissons zigzaguer dans l'eau, en troupeaux, guettant sans doute les miettes des cornets de glaces ou des pizzas...



Prochainement, j'ai bien envie tout de même de vous dire un petit mot de ma campagne indroise dans son beau mois de septembre... Après, je reviens à Venise, ou je mélange tout ?

Suivez-moi mes amis...

dimanche 8 octobre 2017

Zigzags vénitiens 2017 (2)


Les couleurs de Venise

J'y suis ! Les amis qui me suivent le savent, les premiers jours vénitiens, je ne fais que rouspéter : pas assez de ceci, trop de cela, elle bougonne, la Danielle... C'était mieux avant, il y a trop de monde, les boutiques de babioles chinoises à bas prix tirent les commerces vers le bas, Venise devient une ville musée, les Vénitiens transforment leur logement en location, ou le vendent et partent  ailleurs vivre de leurs rentes... La bella vita !

La ville de Venise fait les gros yeux,  donne un tour de vis, il faut déclarer les nuitées, faire payer une taxe de séjour... Comme partout... Mais je n'ai vraiment pas l'impression que ça change quelque chose, j'entends le bruit des valises à roulettes dans tous les coins, il en déboule de tous les porches... Forcément, ça fait plus de monde partout, même dans les petites rues encore désertes il y a quelques années...

Pour m'amuser, je suis passée chez le pharmacien du campo Bartolomeo, bourré de monde. Il affiche en permanence dans sa vitrine un panneau électronique qui dénombre en temps réel  le nombre d'habitants sur Venise (je ne sais pas du tout comment il fait, il doit être branché en direct sur l'état civil et les déménageurs), à mon arrivée, la barre était sous les 55 800 (102 300 en 1976). Les pauvres, ils sont franchement dépassés par le nombre de touristes... Mais comment résister à l'offre immobilière très avantageuse... Les prix s'envolent, les Vénitiens profitent de l'aubaine pour vendre, qui ferait autrement ?


Oui, il y a du monde

Mon logeur m'avait dit en arrivant : ils sont 30 millions cette année !!! Je ne sais pas du tout de quelles sources il tirait sa statistique mais de fait, je voyais bien que je n'étais pas toute seule... Ça se bousculait au portillon sur le vaporetto...


 et encore du monde

 Le premier jour, je suis restée dans mon quartier de Dorsoduro, j'ai fait mes courses dans la petite supérette des Zattere (Conad, groupe de distribution alimentaire italien). J'ai retrouvé mon ambiance, j'avais ma liste dans ma poche, à peu près la même que l'année dernière, les légumes et les fruits sont en majorité des produits italiens et sont moins chers qu'en France, ne parlons pas de la mozzarella di bufala Campana (DOP) très, très bonne. Sur la mozzarella je vous signale les très bons tuyaux de Wikipedia et Libération, où l'on apprend que la moitié de la production de ce fromage provient des États Unis et d'Allemagne... Je me suis régalée avec les belles tomates un peu vertes, et la mozza...


Mon quartier

J'ai retrouvé l'envie des haricots verts, de tous les légumes et les fruits, les cerises aussi, que j'adore... Divines, quand sont arrivées celles de Turquie, plus chères et beaucoup moins bonnes, j'ai acheté d' autres fruits...


Tomates, mozza, cerises italiennes...

Pour les autres jours, j'avais des projets à court terme : la visite du nouveau grand magasin de luxe LVMH au Rialto, et la transformation (en restaurant) de la librairie française, là-haut, à Fondamenta Nuove.. Je la connaissais depuis 20 ans, les affaires n'étaient pas florissantes, maintenant on y mange des pizzas...

Le nouveau magasin de luxe... L'intérieur est superbe, grande classe, les escaliers mécaniques sont rouges, des hôtesses vous accueillent avec leur tablette, et vous dirigent avec le sourire... On trouve ici les meilleurs produits dans toute leur diversité, restaurant, produits alimentaires de premiers choix, habillement, parfums, chaussures... Et expo d'art contemporain sur la terrasse, qui peut accueillir maxi 80 personnes... Je me demande comment vont pouvoir résister les magasins des environs ? Affaire à suivre... (Je ne retrouve plus mes photos, envolées, disparues, éclipsées, raptées, scratchées...)

Les jours suivants, j'ai repris la nonchalance et l'improvisation... Je gardais la Biennale des Giardini et de l'Arsenale pour la dernière ligne droite...


Des œuvres d'une grande beauté, des milliers de surprises... Un enchantement ! Ici, dans la petite église San Samuele, des œuvres d'Evan Penny (artiste canadien), en silicone pigmentée

En buvant mon eau minérale pétillante, à la terrasse du café du campo Margherita, en voyant les touristes penchés sur leur téléphone portable, fidèles à leur GPS, je me souvenais du temps ancien de mes premiers séjours, où je mettais deux heures à me  repérer sur la carte : je la tournais toujours dans le mauvais sens, la queue de poisson de la Sérénissime à l'ouest, quel mystère, tout ça ! Je me souviens du soir où je devais assister à un concert dans la sublime église toute en marbre de Miracoli, j'avais calculé mon temps pour y arriver à l'heure, sans prévoir qu'il m'en faudrait le double par les détours... Je n'avais pas encore la carte dans la tête, au moindre écart, je doublais mon temps de parcours...


L'église Miracoli dans sa splendeur

J'ai mis du temps pour les apprentissages, et pourtant aujourd'hui je me dis encore :  un mois n'y suffira pas pour aller de-ci de-là, et voir en même temps la Biennale d'art contemporain !!! Quel beau mois je vais avoir, j'avais plié mes livres de compte des magasins, des Vénitiens, des transformations mondialisées, je m'en fichais, seuls importaient pour moi la joie, l'art, le Grand Canal et les tomates-mozza...



 Zigz'arts vénitiens 2017 (3) à suivre...

Je compte sur vous !