mercredi 9 décembre 2015

Pêle-Mêle : Tous les Morts et les Blessés, les chants berbères et les élections...



Avant la minute de silence, place de la République

Nous y étions presque, à notre rendez-vous chantant avec les femmes berbères de ma commune, nous avions bien répété pour être très présentables, quatre chants d'un peu partout, aux quatre coins du monde...

Mais, juste avant il y eut tous les Morts et les Blessés des attentats du 13 novembre 2015 sur Paris... Toutes les souffrances, les pleurs, les douleurs, les drapeaux, les hommages, les inquiétudes pour l'avenir...


Comment vivre ces moments dramatiques sans en parler avec tout le monde, dans l'ascenseur, chez les commerçants, avec mes amis, chez le coiffeur, dans ma famille, à ma gardienne d'immeuble qui était désespérée, à mes voisins... À chaque fois que je disais : comment vas-tu ? J'entendais : ça pourrait aller mieux, et nous savions de quoi était fait ce : ça pourrait aller mieux... Nous n'allions pas bien du tout, nous pensions à toutes ces victimes, leurs proches, dans les rues, sur les trottoirs, devant tous les lieux  d'assassinats le souvenir du sang s’entremêlait avec les fleurs et les bougies, ces jardins improvisés avaient été plantés avec les papiers, le jour et la nuit brûlaient des flammes vives, beaucoup s’éteignaient avec le vent, les gens qui passaient les rallumaient, on pouvait compter sur tout le monde, on allongeait le bras pour déposer une rose, un bouquet, un petit mot, un dessin, une photo, un drapeau, une tour Eiffel... Une bougie allumée aux autres flammes...


Je suis allée dans tous les coins où ils avaient tiré, j’emportais mes bougies et ma boîte d'allumettes et je restais là quelques instants avec tous les autres gens qui faisaient comme moi en silence, on regardait, on lisait les mots d'amour... C'était impressionnant.

Pour la minute de silence j'y étais aussi, à la République et ailleurs, pas très loin dans ce parcours maudit grand comme un mouchoir de poche, le pèlerinage fut facile, il suffisait de suivre la foule...


Toute la semaine je fus fatiguée, accablée, attristée, comment faire avec cette nouvelle guerre ?


Pendant cette semaine ensanglantée j'ai beaucoup marché... Beaucoup réfléchi, beaucoup désespéré...

Après le désespoir,  il y eut le coiffeur et toutes nos conversation  pour les élections (voir post antérieur cliquer ici), la vivacité de nos conversations faisaient suite aux morts et aux blessés... Au devenir, aux craintes, aux questions sans réponses...

Après le coiffeur il y eut les chants avec les femmes berbères. Dans la matinée, branle-bas de combat, le rendez-vous avait été changé, il fallait prévenir toute la troupe, donner la nouvelle adresse, téléphoner à ceux qui n'avaient pas Internet, pourvu que toute le monde puisse venir, mais oui, la nouvelle adresse, tu ne connais pas, mais si, c'est tout près de chez toi, pas besoin de prendre l'autobus, bon, à tout de suite, n'oublions pas nos partitions... Avant ce calme olympien, toutes ces recommandations, le nouveau point de rencontre, j'avais piqué une colère noire, sorti deux ou trois jurons : changer de lieu de rendez-vous une heure avant le concert, c'est dingue ça !

Parfait, tout le monde serait là, pas de soucis, reprends tes esprits, ma fille !


Quand nous sommes arrivés à la salle, sur tous les visages il y avait de larges sourires, les dames étaient très nombreuses, notre chœur au complet et notre chef observaient la musique ambiante, tout pouvait bien commencer. Tout avait déjà commencé, les dames chantaient, le grand tambourin résonnait, il faisait déjà chaud, nous avons pris place parmi elles... Elles nous avaient réservé de très beaux chants, dont celui que tout le monde connaissait du célèbre chanteur kabyle Idir : A vava inouva (mon papa et moi) des années 70, allez encore une, et elles ne se faisaient pas prier...

Nous avons présenté une toute petite partie de notre répertoire, nous étions émus, il ne faut pas trop être ému pour chanter car les notes se bloquent dans les gorges... Le premier chant : orthodoxe russe, parlait de Dieu et de Paix, le deuxième : l'italien de Calabre parlait d'amour, puis l'espagnol disait : rossignol, beau rossignol, dis-bien à mon doux ami que je suis déjà mariée, le dernier chant en français : Brume, brume grise et ouatée qui redonne l'espoir après la guerre...

Un gros succès !

L'ambiance était chaleureuse, nos amies se sont remises à chanter des chants d'exil des années 70, quand les maris partaient en France pour travailler, les femmes restaient au pays pour les enfants, la maison... Passionnant, une jeune femme à côté de moi me traduisait les paroles au fur et à mesure...

Nous sommes partis après le café et les petits gâteaux... Et les danses... 


Certains, chez elles comme chez nous parlaient des attentats, ceux qui s'exprimaient désapprouvaient, se prenaient la tête dans les mains : quel malheur ! Quelle abomination... Notre rendez-vous, fixé bien avant les attentats, rendait notre après-midi plus grave, nous sentions les uns et les autres que finalement, ça tombait bien d'être là ensemble à se serrer les coudes dans la musique... Après les morts et les blessés !

Il faut revenir, nous irons vous écouter chanter, disaient certaines, mais depuis nous n'avons vu personne, si les ponts sont jetés, il faudra encore beaucoup marcher pour se revoir, nous allons y travailler... Les comoriens, les berbères, les jeunes, les moins jeunes, il y a du monde qui chante sur notre ville... Rassemblons-nous !


Et puis la vie a repris péniblement le dessus, il fallait maintenant aller voter, pas question pour moi du Front National, nouveau tournant,  nouveaux tourments, je vote toujours sur ma gauche...

Au premier tour tout est raté, le deuxième tour ne sera pas mieux, j'ai des raisons de ne pas espérer des lendemains qui chantent !

Mais attendons pour voir, des bonnes surprises peuvent arriver...

6 commentaires:

lilou a dit…

Provinciale je suis, pas très éloignée de Paris mais provinciale quand même. Place de la République je n'y étais pas, les fleurs et les bougies j'aurais aimé les déposer, les messages et les mots d'amour j'aurais aimé les lire . J'ai entendu : notre jeunesse visée, notre jeunesse décimée. Cette jeunesse n'avait pas de visage . Je peux à présent la voir éblouissante de joie de vivre et de beauté . elle sera dans mon coeur pour toujours
Merci Danielle

Danielle a dit…

Oui Lilou, c'est très émouvant de voir tous ces visages jeunes abattus en un soir...

Les fleurs fanées sont enlevées régulièrement, mais il faut que la vraie vie reprenne son cours... J'ai vu aux informations que les papiers écrits, les photos, les objets seront précieusement remis aux archives de France.

Très amicalement Lilou.





Brigitte a dit…

C'est terrible et même loin j'ai ressenti ce choc et toute cette émotions et ces hommages ...
Même loin c'est difficile de reprendre le cours de sa vie
Et même loin les élections ne portent pas au rire
Espérons un électrochoc pour dimanche ..Espérons encore et croisons les doigts ensemble .
Courage ,je t'embrasse fort du soir

Marie Claude a dit…

Très difficile en effet de reprendre un certain rythme,la cassure est là.Ceux qui nous dirigent disent à présent qu'il va falloir apprendre à vivre avec cette menace permanente,on nous donne même les consignes en cas d'attentat...C'est terrible!

Contente que votre "réunion" dans le chant se soit bien passée,peut-être arriverez-vous à en partager d'autres,ce serait magnifique!

Apparemment il y a un sursaut des gens cette semaine pour voter,certains commencent à prendre conscience de la gravité....Espèrons donc!
Gros bisous du matin

Danielle a dit…

Chère Brigitte oui espérons ensemble, croisons les doigts pour demain...

Je t'embrasse très fort.

Danielle a dit…

Tout comme toi j'espère que nos rencontres chantantes avec nos collègues chanteuses berbères vont pouvoir continuer, nous y travaillons...

Demain, j'espère en effet que le Front National n'aura aucune région !

Grosses bises Marie Claude à tout bientôt