vendredi 28 février 2014

II giorno delle sorelle... Février 2014 !



Chez le fleuriste, le printemps est toujours en avance sur le trottoir !

Il ne fait pas froid mais il pleut, prends ton parapluie... Zut ! Pas de soleil aujourd’hui, je prends tout de même mon appareil photo, on verra bien... Tout avait commencé comme ça, avec l’espoir qu’un petit rayon de lumière traverse les nuages... Nous avions loupé notre journée du mois de janvier pour cause d’embouteillage de petites affaires à régler... Notre rendez-vous de février, nous l’avions fixé longtemps à l’avance, qu’il pleuve, qu’il vente, nous sortons...

Midi et demi, c’est notre heure ! Les habitués de mes histoires de famille savent que nous avons un incontournable, une fois par mois avec ma sœur : nous visitons quelques rues de Paris, nous partons à la recherches de miracles, de mystères, d’inconnus, et ça marche... Nous fixons des tonnes d’images, et encore une, et encore celle-là... Les petits restos que nous connaissons, nous les avons tous faits, nous songeons même au pique-nique dès les beaux jours... Formidable, tu as raison, sur un banc nous serons très bien, dans un beau jardin fleuri, loin des voitures, de la pollution, attendons, attendons cependant les premiers bourgeons...


Le bistrot que je trouvais beau était fermé...

Nous prenons le thé/café au moins deux fois dans l’après-midi, nous choisissons avec soin nos banquettes, notre décor, nos lumières, à l’intérieur bien sûr, pour ne pas avoir les fumées de cigarettes des terrasses fermées : bonjour monsieur, qu’avez-vous comme thés ? Quelque fois il y a du choix, toutes les gammes parfumées, mais le plus souvent, juste un seul, le choix est vite fait, contre mauvaise fortune nous gardons le sourire…

Les bavardages vont bon train, ma sœur tu es très optimiste sur l’avenir du monde, moi je fais trop la grimace en ce moment, mais non tu verras, gardons le moral, ça va s’arranger... Elle positive, elle positive, c’est désarmant, mais ça me va bien... Les ennuis de famille, la santé ? Rien de sérieux pour le moment, touchons du bois... (A une époque pas si lointaine où le formica régnait en maître dans les maisons, certains préféraient, par facilité, employer l'expression "je touche du formica" à la place. Mais forcément, l'effet positif était largement moindre) Les projets ? Petits mais costauds, des petits riens qui comptent...

Allez, profitons de l’accalmie, d’ailleurs on n’ouvre qu’un seul parapluie et on passe loin des gouttières, j’ai pris des notes, nous savons exactement où nous allons : autour de la Bastille, il y a fort à faire...



 Il reste encore des ateliers près de la Bastille, en cherchant bien...


Ce joli passage si près de la Bastille, voilà au moins 60 ans que je passe devant, sans jamais le voir...


La vieille petite marchande de café/thé est ici depuis 1945, rien à bougé, sauf les thés et les cafés, j'espère...

Elle nous reçoit avec le sourire, nous raconte l'histoire du passage, et de son café qu'elle brûle elle-même avec sa machine... Aucune place pour s'asseoir, pour siroter un petit noir rien n'est prévu, elle n'y a même pas songé, sur sa petite table il y a tout un tas de bazar mais rien qui ressemble à une tasse ou à un verre. Dans son magasin tout est brut de décoffrage, la balance l'atteste, ici on pèse largement au plus juste... Elle n'est pas avare de paroles, connait tous ses voisins, elle attend l'arrivée des touristes... Ma sœur, la belle optimiste, lui achète un peu de thé, du thé des moines, mélange savant de fleurs et de thé vert et noir, moitié moins cher que partout ailleurs... Nous sortons ravies en faisant bien attention à refermer la porte qui ne s'était ouverte qu'à moitié... En sortant, nous voyons trois petites tables qui attendent les visiteurs et amateurs de calme et de douceur, les chaises ne sont pas mises, elles attendent à l'intérieur des jours meilleurs...


Voyez les trois tables prêtes pour les grandes transhumances 

Ce passage date du 18e siècle, petit lotissement de maisons louées à des ferrailleurs, chiffonniers et autres artisans, cette cour a été rénovée en 1999, elle reste encore pleine de charme, même si depuis longtemps artistes, bureaux, et notre marchande de café, ont remplacé artisans et ouvriers...


Au bout de la cour subsiste encore un monte-charge industriel

Dès le printemps, la glycine doit ceindre tout l'espace, laissant flotter un air parfumé...

Rue de Lappe, pleine de bars et de boutiques nouvelles, nous voyons la petite plaque en marbre apposée sur la maison de naissance de Francis Lemarque (n° 51), ce chanteur remarquable, ce poète inspiré qui rôde encore dans Paris avec ses belles chansons : Rue de Lappe, rue de Lappe, au temps joyeux...


Francis Lemarque, nous t'aimions... Ton nom figure au chapitre culture de Wikipédia !

Rue de Charonne, au n° 14, il y a une petite niche votive avec une Vierge bien à l'aise derrière ses deux barreaux, le porche est en pierre sculptée, un petit appartement dans l'immeuble vous en coûtera en moyenne 9800 euros le mètre carré...


Au n° 14, la maison est en pierre


La petite Vierge aussi

Nous attaquons de pieds fermes et mouillés la rue de Charonne, car la pluie nous suit depuis un petit moment. Nous tombons en arrêt devant une immense cour industrielle du 19e siècle, élevée sur un plan en U, ceinturée à chaque étage de longues coursives continues. Construction en pans de bois, métal et briques, pavage ancien, c'est une cour remarquable par son allure, sa cohérence et son élégance. Siège dans tout l'immeuble le "Théâtre de la danse" et "La Loge", studios de danse à louer, cours particuliers de théâtre et de danse... Une ruche de bas en haut et de haut en bas... 


Très belle cour industrielle du 19e siècle

La journée s'achève aussi bien qu'elle a commencé, nous avons du pain sur la planche pour les mois qui viennent, les repérages sont frais, nous avons pris des notes, nous reviendrons dans le coin avec le soleil. Un dernier verre de thé, il faut que je rentre plus tôt, j'ai du monde à dîner : ma sœur, rentre bien, la Nation c'est par-là, et j'entends sa petite cloche qui cliquette dans son dos, pendue à son minuscule sac à dos...

Au revoir, on s'appelle de toute façon dans les jours qui viennent. Il pleuvait, vous dites ? Sûrement, mais nous n'avons pas eu trop le temps de nous en apercevoir : tiens, un petit bout de bleu, mais pour nous c'est toujours pareil, que du bonheur à nous retrouver, bavarder, découvrir, prendre des photos... Pour refaire le monde de A à Z il nous faudra encore quelques rendez-vous, pour bien consolider nos plans... Restons en bonne santé !

Nous agitons nos mains, à demain...

mercredi 26 février 2014

Ernest Pignon-Ernest à la galerie Lelong... Et ailleurs...



Arthur Rimbaud, photo montage, sérigraphie d'Ernest Pignon-Ernest collée sur les murs de Paris, et de plusieurs villes européennes (1978)

La photographie originale du poète réalisée par Etienne Carjat en 1872

Qui n'a pas en tête cette silhouette de Rimbaud, travaillée par Ernest Pignon-Ernest, et collée sur les murs des grandes villes ?

Je suis allée dernièrement à la galerie Lelong qui exposait le grand artiste qu'est Ernest Pignon-Ernest, précurseur de l'art urbain. Il a apposé des images peintes, dessinées, sérigraphiées sur des papiers fragiles, puis collées sur les murs des cités, dans les lieux urbains exposés aux regards des passants, dans les cabines téléphonique. Ses images se fondaient dans les anfractuosités architecturales, elles s'imposent par leur beauté et leur douleur... Ernest puise depuis 50 ans dans l'histoire des lieux et les souvenirs, ses personnages sont grandeur nature. Les dessins d'Ernest interrogent, protestent, s'effacent avec le temps et avec les dégradations volontaires. Ce sont ses images qui sont photographiées in situ,  et exposées dans les galeries avec quelques dessins préparatoires. Ernest s'est toujours engagé du côté des plus démunis, des plus pauvres, des plus fragiles,  il a aussi travaillé sur la mémoire et l'histoire, il est comme ça :



Ce dessin sérigraphié collé dans la cabine téléphonique n'est pas sans rappeler le cri de  E.Munch. Plus d'une fois j'ai vu une chambre à coucher installée dans ces petites cabines en plein Paris...


À Naples 1988-1995, l'histoire ne s'efface pas...


Naples 1988-1995, Caravage et Pasolini


Naples, Les âmes du purgatoires, 1988-1995, des images que je n'ai jamais vues sur place, et que j'aurais aimé entrevoir au coin d'une rue...

Pour les Journées du Patrimoine de 2012, dans la prison Saint-Paul (construite en 1831) à Lyon, des artistes, dont Ernest Pignon-Ernest, ont été invités à intervenir avant la destruction/réhabilitation complète du lieu.

Aujourd'hui un groupement de nouveaux propriétaires : l'Université catholique de Lyon, des architectes Habitat et Humanisme et l'OPAC du Rhône, projettent un réaménagement/construction qui accueillera l'Université catholique de Lyon, des commerces, bureaux, et logements.

Pour son installation, Ernest Pignon-Ernest a choisi de convoquer la mémoire collective :  résistants célèbres de la dernière guerre, torturés, tués, emprisonnés, détenus condamnés par la justice pour des délits...

« Avant que la transformation des lieux en campus ne provoque une amnésie collective, j'ai tenté d'y réinscrire par l'image le souvenir singulier d’hommes et de femmes, célèbres ou inconnus, qui y ont été torturés ou exécutés. Dans différents couloirs, cellules, cours, je me suis efforcé d’inscrire leur visage, leur corps, d’y introduire le signe de l’humain. La prison Saint-Paul de Lyon n'est pas une prison ordinaire. Klaus Barbie y a sévi. Jean Moulin, Raymond Aubrac, de nombreux résistants y ont été emprisonnés. Au cours de l'automne 1943, deux jeunes résistants y ont été détenus et guillotinés sur ordre de Vichy. »
« Dans cette architecture carcérale du XIXème siècle, les murs affirment leur poids, leur pesante épaisseur ; poids de pierres, de blindage, poids d'histoire et de douleur aussi... Les murs sont coiffés de ces dentelles d'acier aiguisées et redoutables que sont les barbelés auxquels, dérisoires, pathétiques, sont accrochés, comme des insectes dans une toile d'araignée, des lambeaux de vêtements, de couvertures et des dizaines de « yoyos », ces bouteilles de plastique qu'avec l'aide d'une ficelle les détenus tentent de faire passer, en les balançant de fenêtre à fenêtre. Cette image de yoyos pendus, la lecture de souvenirs publiés et quelques dialogues avec d'anciens détenus m'ont suggéré le dessin de multiples yoyos, signes de colère, de désir, de culpabilité, de désespoir, d'amour… »

Les photos étaient possibles pour un usage privé, et j'ai pensé que mon blog relevait de cet usage, si petit, si intimement visité...


Les yoyos comme des bouteilles à la mer


Détails


Les dessins préparatoires



Apposés sur le mur de la prison Saint-Paul de Lyon



 Berthie Albrecht (incarcérée à Lyon en 1943) - Ernest Pignon-Ernest (2012)


Collage, sur une porte de la prison


Marc Bloch, (né à Lyon en 1886), fusillé par les allemands en 1944 - Ernest Pignon-Ernest (2012)


Collage, derrière les barreaux

Le jour de ma visite j'ai eu de la chance, Ernest était présent dans la galerie, en entretien avec une journaliste de France-Inter, je suis allée vers lui, comme je l'avais fait pour Roland Boltanski à Venise, je lui ai exprimé mon admiration, très simplement : je fais ça depuis 50 ans, et moi je vous connais depuis 30 ans, il m'a souri, merci madame, et a repris son chemin...


La silhouette d'Ernest Pignon-Ernest avec la journaliste, au mur ses dessins...

L'oeuvre d'Ernest Pignon-Ernest est somptueuse et singulière, jamais un collage ne passe inaperçu,  la compassion, la nostalgie, les cris, les souffrances s'engouffrent dans les villes avec fracas et magnifi(sens), ses dessins vous collent à la peau...

mardi 18 février 2014

Mon amie, ma soeur, songe à la douceur...



Ah ! Comment vas-tu ? Ben je vais mieux, tu sais que mon mari, André, est mort... J'ai ouvert de grands yeux et me suis dis tout aussitôt : mon Dieu,  elle perd un peu la boule, je sais très bien que son mari est mort depuis un bon moment déjà.. Bien sûr que je sais que ton mari est mort, tu me l'avais dit.. Oui, oui, je vais mieux, vraiment mieux, tu sais, voilà, l'habitude de son absence est arrivée, pendant longtemps j'ai eu bien mal ici et là, me dit-elle en mettant ses mains sur sa tête et dans son dos... J'ai beaucoup pleuré, je ne pouvais parler à personne, je pleurais tout le temps...

La conversation a roulé ensuite sur les petits-enfants qui sont très grands, parents même, la voilà arrière-grand-mère, son fils est papy, lui que j'ai connu si petit.

Elle met les mots toujours là où on ne les attend pas, près du cœur, de la vérité, où ça sonne juste, les sentiments elle en connaît un rayon, fragiles comme des toiles d'araignée, beaux comme des jardins, ils sont de toutes les couleurs, des petits, des grands, toujours importants... Maintenant je vais mieux... C'est vrai, tu as bonne mine ! Elle avait mis ses jolies boucles d'oreilles, celles qu'André lui avait offertes... Je ne sais pas comment j'ai fait sans lui, le soir surtout, il faisait plus froid, plus sombre, c'était trop silencieux. Petit à petit le temps l'avait aidée à supporter, à oublier un peu, beaucoup, assez, pour vivre à nouveau avec envie. Elle était de ces personnes qui osait dire après un deuil douloureux : je vais mieux, je pense à lui autrement, il est présent mais je peux revivre aussi, nous parlons souvent de lui.



Après, nous avons repris le fil et l'aiguille et la conversation a marqué des points : tu sais, j'ai toujours gardé des relations avec ma première belle-fille, quand mon petit-fils était plus petit il me demandait souvent : tu l'aimes, ma maman ? Bien sûr je l'aime, ta maman, elle est très gentille ! C'est vrai tu sais, je l'aimais beaucoup, maintenant elle vient chez moi, c'est naturel, mon fils comprends bien, il n'est pas fâché, pas du tout...

Un jour qu'elle était venue me voir à la maison, ses sacs à provision de chaque côté du corps, sur le perron, je l'avais laissée sur le pas de la porte, nous restions là à bavarder sous la marquise, alors André est arrivé et m'a dit : mais voyons, fais la rentrer, avec un grand geste du bras puis de la main il a guidé nos pas à l'intérieur, depuis elle est toujours rentrée, tout ça c'est grâce à lui... Il l'a toujours invitée à entrer, moi j'étais contente, je ne savais pas comment faire, entre elle et moi ça avait toujours été chaleureux, affectueux, même si mon fils l'avait quittée, de temps en temps je lui téléphonais, nous restions en contact, je n'ai jamais pu me résoudre à ne plus lui parler, plus l'entendre, tu vois depuis quand elle vient je la fais rentrer... C'est grâce à lui...

Mon fils vient me voir souvent, il est très présent, mon petit-fils aussi ne m'oublie pas, j'ai de la chance... Elle avait le courage d'aller beaucoup mieux, elle ne restait pas dans la plainte, il lui fallait reprendre le train train de la vie quotidienne, elle le faisait très bien, avec le sourire...

Nous n'avons même pas parlé de politique, pourtant tout le monde était sur le pont ce matin sur le marché, la droite et la gauche, distribution de promesses avec le sourire...

Elle a repris sont petit chariot gris à roulettes, je vais faire un bon gâteau, j'ai du monde... Bon dimanche, soyons heureux...

Mon amie, ma sœur, songe à la douceur de pouvoir te remettre à exister sans lui, c'est bientôt le printemps, il a déjà une petite avance chez le marchand de fleurs qui a rempli son étalage, le rouge, le blanc et le jaune... J'ai acheté des cyclamens, un rose et un violet... La semaine prochaine, des primevères... À la santé du printemps, il nous le rend bien !


jeudi 13 février 2014

Je n'aime pas les jardins d'André Le Nôtre...


Les jardins de Le Nôtre à Versailles

Tout le monde le sait : André Le Nôtre fut le jardinier du roi Louis XIV, de 1645 à 1700 (55 ans), il conçut également les parcs et les jardins du château de Versailles, des jardins de Chantilly et de Vaux-le-Vicomte.

Après la création des jardins de Versailles, les jardins à la française deviennent une référence pour les cours d'Europe... Ils font appel à des règles de composition très strictes, très géométriques, murs, topiaires, labyrinthes... Les espaces végétaux sont coupés, rasés, découpés, taillés aux ciseaux, ils sont agrémentés de statues, fontaines, jeux et plans d'eau, bosquets, ils offrent des perspectives vertigineuses au visiteur qui surplombe ces immenses tapis naturels. Il y a peu de couleurs, les jardins restent identiques toute l'année. Les jardins à la française sont d'immense broderies déposées sur le sol, ils font l'admiration de tous, mais moi je ne les aime pas. Les couleurs qui manquaient cruellement à ces tapis à la française devenaient vertigineuses sur les robes des femmes et les rubans des messieurs, ce beau monde déambulait dans une mise en scène grandiose qui devait plaire au Roi Soleil, sa puissance et sa gloire suffisaient à à faire naître des fleurs faites de soie, de satin, de plumes et de bijoux en toutes saisons.... Le jardin conservait ses lignes épurées et sculpturales, les rendez-vous galants gardaient leur mystère bien à l'abri des murs des labyrinthes et des bosquets. Les grandes perspectives des jardins royaux permettaient la maîtrise de tout l'horizon...

Lors de ma visite au château du Belvédère à Vienne, je me souviens de l'impression que j'ai eue en regardant le jardin par la fenêtre : il ressemblait à un immense tapis qu'on aurait secoué par la fenêtre, il était la continuité du château, il faisait partie des meubles. Ni fleurs ni couronne de fleurs, du vert, uniquement du vert bien arrangé !


Le jardin à la française du château du Belvédère à Vienne

Perspective, broderie, pièce d'eau, statues, topiaires, rien ne manquait à l'original...

À Versailles, j'ai préféré le jardin potager, sauvé par les légumes et les fruits : les arbres fruitiers, même palissés en partie, échappaient à la rigueur des tapis de basse lisse des jardins du Roi. Les fruits dorés, argentés, appétissants, qui pendaient aux branches à la bonne saison, devaient donner des frissons de plaisir aux jardiniers. Au printemps, on peut imaginer le bonheur des promeneurs entre les arbres en fleurs, les couleurs et les parfums qui manquaient aux jardins d'agrément du château transformaient la rigueur des plantations... L'abondance des légumes, semés en carrés parfaits, devaient contribuer largement à redonner vie et saveurs à l'environnement. Les légumes et les fruits devaient faire saliver les visiteurs pressés de s'en régaler, les savourer était un privilège offert à quelques uns seulement...


La sécheresse du jardin carré gagné par les rondeurs des
citrouilles oranges... On aperçoit contre les murs les arbres fruitiers palissés

Aujourd'hui, le jardin potager de Versailles possède 5000 arbres fruitiers qui produisent bon an mal an quelques 50 tonnes de fruits, et 20 tonnes de légumes vendus à l'accueil au public.

Moi, je préfère les jardins qui ne payent pas de mine, avec des légumes et des fleurs...


Le charme des citrouilles de l'Indre qui poussent presque au hasard...


Le désordre assuré d'un petit jardin potager de l'Indre

J'aime les jardins quand ils n'ont ni queue ni tête, échevelés, fous, désordonnés, quelques carrés par-ci par-là, des rangées débordantes de fruits de la terre. J'aime les jardins à l'ombre, ni trop grande ni trop petite, de grands arbres qui s'agitent au moindre vent. Vous me direz, je ne suis pas bonne jardinière et vous aurez carrément raison, le désordre, le fouillis ne font pas bon ménage avec le soin, le calme et la sérénité qu'un beau jardin potager nécessite pour croître et embellir...


Le jardin et les fleurs dans l'Indre



Petites rangées, petit marché


Je ne serais jamais jardinière du Roi, j'ai de trop petites ambitions, je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez...

vendredi 7 février 2014

Franck Gerhy s'envole au jardin d'acclimatation de Paris...


Les belles petites guitounes pour prendre les billets d'entrée dans le jardin

Pour avoir le droit d'entrer dans le Jardin d'Acclimatation (dans le bois de Boulogne)  j'ai payé 1,50 euros ! Vraiment peu pour découvrir un jardin dont rêvent tous les enfants : manèges, rivière enchantée, petit train, mini zoo avec canards, vaches, chèvres, moutons, poules et lapins, il y a aussi quelques lamas et des ânes... De très belles volières... Attention, les paons se baladent en liberté sur les pelouses...

Jeux de plein air, marchands de gaufres, glaces, chocolat et pastilles de menthe... Pour les parents et les promeneurs, il y a des salons de thé, des salons de crêpes, enfin bref, dans ce jardin vous pouvez manger toute la journée...



La Vache, le Cygne et les Canards


Les Lamas et la petite maison à colombages


Cochons de profil sous la lampe rouge


Le beau Paon en toute liberté devant le pavillon chinois


La boîte de peinture dans la volière... Un Faisan doré qui lisse ses plumes

Ce jardin a cent cinquante ans, il a été inauguré le 6 octobre 1860 par Napoléon III et son épouse l'Impératrice Eugénie, il s'étend sur 20 hectares, la Ville de Paris en est propriétaire, et en a donné la concession au groupe LVMH (Vuitton-Moët Hennessy) en 2010. 

Ce parc paysagé est dessiné sur le modèle des jardins anglais, le célèbre zoologiste Isidore Geoffroy Saint-Hilaire cherche un lieu où présenter une large variété d’animaux, car la ménagerie du Muséum du Jardin des Plantes ne suffit plus. En 1854, il fonde la Société Impériale Zoologique d’Acclimatation, qui compte rapidement parmi ses membres trois mille personnalités éminentes des sciences, des arts et de l’industrie. L’objectif de la Société est de créer un jardin favorisant l’introduction, l’adaptation et la domestication d’espèces animales. Ingénieurs, architectes et paysagistes travaillent sous la direction du Baron Haussmann.

Dès l'entrée du jardin, on est à la campagne, il est très arboré, beaucoup de pelouses, la petite rivière enchantée (totalement artificielle qui fonctionne en circuit fermé, actionnée par une rouesupporte des petites barques qui ne risquent jamais de couler, bien enserrées entre deux rives étroites...


Rivière enchantée et Rhinocéros en bronze... Qui peut faire peur aux enfants sages...


La barque chargée coule doucement dans la campagne


Manège, palmier, chaises longues et au loin, une tour de la Défense...


Il y a aussi un petit train au jardin qui emporte ses voyageurs jusqu'à la Porte Maillot, un vrai parcours qui a de quoi plaire à tous, je me souviens des "grands voyages" que nous faisions avec mes enfants chaque fois que nous allions au Jardin d'Acclimatation, nous adorions cet endroit. Aujourd'hui il est agrémenté de manèges de toutes sortes, et d'aménagements sophistiqués, les hectares de campagnes diminuent d'autant, mais attractions obligent...




 Le petit train qui parcourt "la campagne", la plus ancienne exploitation ferroviaire de Paris, 133 ans, toujours en exploitation (1878), 22 ans avant le métro parisien

En fait, en venant au Jardin d'Acclimatation, je n'avais pas l'idée de faire le tour du propriétaire, il faisait froid, de gros nuages gris annonçaient la pluie, aucune attraction ne fonctionnait, un seul salon de thé restait ouvert, le coin était désert, les animaux s’ennuyaient dans leurs abris...

Non, j'étais venue spécialement pour voir le nouveau bâtiment de Frank Gerhy.  

Frank Owen Goldberg, dit Frank Owen Gehry, né le 28 février 1929 à Toronto, est un architecte américano-canadien. Professeur d’architecture à l'Université de Yale, il est considéré au début du xxie siècle comme un des plus importants architectes vivants. Ses constructions sont généralement remarquées pour leur aspect original et « tordu ».

C'est vrai, les constructions de cet architecte ne ressemblent à aucunes autres, partout dans le monde on peut les admirer, dans de nombreuses villes elles deviennent des curiosités qui attirent les foules... Je suis allée voir le musée Guggenheim de Bilbao que j'ai trouvé splendide et tordu à souhait, tout en titane brillant, une merveille, l'intérieur était moins rutilant car il y avait très peu d’œuvres à voir... Cette construction mondialement connue contribue énormément au renouveau et à la notoriété de la ville... Je me demande ce que va devenir le Jardin d'Acclimatation avec tous ses nouveaux visiteurs...



Le musée Guggenheim de Bilbao sous le soleil

Dès l'entrée, j'avais demandé à l'employé qui vendait les billets si j'avais des chances d'apercevoir le bâtiment du jardin : oui, vous avez des chances, il est tellement grand... Son air maussade et désabusé ne m'encourageait pas à la découverte...

Mais bientôt j'ai aperçu la merveille, à travers les palissades et les arbres dénudés, j'ai tout de suite vu que "l'oeuvre" ferait date !

Un vaisseau, un scarabée, une libellule, le gros insecte en verre transparent est bien avancé, il devrait être inauguré en septembre prochain, si tout va bien... Voyez comme moi cet enchantement,  pas à pas j'ai approché cet étrange animal, ses ailes se déployaient gracieusement sur l'horizon...









Le coléoptère se construit.... La grosse bête qui monte qui monte...

Je gage de l'avenir des tours-opérators qui en proposeront la visite à leurs clients... Les monuments d'exceptions comme celui-ci marqueront les esprits autant que les cathédrales, les architectes du XXIème siècle construisent l'avenir quand ils construisent comme cela...



Voyez l'harmonie que provoque l'ancien avec le nouveau !

De partout sa présence sera forte, en osmose avec le paysage... Sa légèreté et ses contours feront date ! 


La maquette du projet présentée au public en 2012

J'en avais assez vu pour l'enthousiasme et trop peu pour l’impatience... J'ai repris le chemin des écoliers à travers le jardin endormi sous le froid, au moment de sortir j'ai engagé une petite discussion avec l'employé municipal sur l'avenir du lieu. Je lui disais que le jardin allait gagner des gallons, qu'il y aurait plus de visiteurs... Vous croyez ? J'attends de voir, mais vous savez, vous pensez vraiment que cette construction se marie bien avec notre jardin 19e, c'est peut-être beau, mais on aurait pu la faire ailleurs, non, vous ne croyez pas ?

J'ai souri et j'ai repensé à toutes ces insultes, vociférations, émeutes, avis opposés à l'installation de l'espace Buren au Palais Royal qui ne se mariait pas avec les siècles précédents, il aurait fallu le faire ailleurs... Là où on le voyait moins...

Aujourd'hui, ce lieu a repris vie, cette place qui servait de parking depuis des décennies est maintenant visitée, admirée, célébrée, et personne n'aurait l'idée de déplacer ces petites colonnes calibrées noires et blanches pour cause de modernité...

Promis, j'y retourne avant l'inauguration, elle est prévue à l'automne 2014, mais le vendeur de billets qui a une grosse expériences des projets, est dubitatif : j'attends de voir, pour l'instant je ne sais rien, ça recule, ça recule, ça n'en finit pas... Au revoir monsieur, à très bientôt, larges sourires de courtoisie...

Bravo monsieur Gerhy vous dotez Paris d'un très beau monument, après l'exploit technique du XIXe siècle pour la Tour Eiffel, l'art du XXIe siècle sera bien représenté ! Les Paris restent ouverts...