Chez le fleuriste, le printemps est toujours en avance sur le trottoir !
Il ne fait pas froid mais il pleut, prends ton parapluie... Zut ! Pas de soleil aujourd’hui, je
prends tout de même mon appareil photo, on verra bien... Tout avait commencé comme
ça, avec l’espoir qu’un petit rayon de lumière traverse les nuages... Nous avions
loupé notre journée du mois de janvier pour cause d’embouteillage de petites
affaires à régler... Notre rendez-vous de février, nous l’avions fixé longtemps à
l’avance, qu’il pleuve, qu’il vente, nous sortons...
Midi et demi, c’est notre heure ! Les habitués de mes
histoires de famille savent que nous avons un incontournable, une fois par mois
avec ma sœur : nous visitons quelques rues de Paris, nous partons à la
recherches de miracles, de mystères, d’inconnus, et ça marche... Nous fixons des
tonnes d’images, et encore une, et encore celle-là... Les petits restos que nous
connaissons, nous les avons tous faits, nous songeons même au pique-nique dès
les beaux jours... Formidable, tu as raison, sur un banc nous serons très bien,
dans un beau jardin fleuri, loin des voitures, de la pollution, attendons,
attendons cependant les premiers bourgeons...
Le bistrot que je trouvais beau était fermé...
Nous prenons le thé/café au moins deux fois dans l’après-midi, nous choisissons avec soin nos banquettes, notre décor, nos lumières, à
l’intérieur bien sûr, pour ne pas avoir les fumées de cigarettes des terrasses fermées : bonjour monsieur, qu’avez-vous comme thés ? Quelque fois il y a du choix,
toutes les gammes parfumées, mais le plus souvent, juste un seul, le choix est
vite fait, contre mauvaise fortune nous gardons le sourire…
Les bavardages vont bon train, ma sœur tu es très optimiste
sur l’avenir du monde, moi je fais trop la grimace en ce moment, mais non tu verras, gardons le
moral, ça va s’arranger... Elle positive, elle positive, c’est désarmant, mais ça
me va bien... Les ennuis de famille, la santé ? Rien de sérieux pour le
moment, touchons du bois... (A une époque pas si lointaine où le formica régnait en maître dans les maisons, certains préféraient, par facilité, employer l'expression "je touche du formica" à la place. Mais forcément, l'effet positif était largement moindre) Les projets ? Petits mais costauds, des petits
riens qui comptent...
Allez, profitons de l’accalmie, d’ailleurs on n’ouvre qu’un
seul parapluie et on passe loin des gouttières, j’ai pris des notes, nous
savons exactement où nous allons : autour de la Bastille, il y a fort à faire...
Il reste encore des ateliers près de la Bastille, en cherchant bien...
Ce joli passage si près de la Bastille, voilà au moins 60 ans que je passe devant, sans jamais le voir...
La vieille petite marchande de café/thé est ici depuis 1945, rien à bougé, sauf les thés et les cafés, j'espère...
Elle nous reçoit avec le sourire, nous raconte l'histoire du passage, et de son café qu'elle brûle elle-même avec sa machine... Aucune place pour s'asseoir, pour siroter un petit noir rien n'est prévu, elle n'y a même pas songé, sur sa petite table il y a tout un tas de bazar mais rien qui ressemble à une tasse ou à un verre. Dans son magasin tout est brut de décoffrage, la balance l'atteste, ici on pèse largement au plus juste... Elle n'est pas avare de paroles, connait tous ses voisins, elle attend l'arrivée des touristes... Ma sœur, la belle optimiste, lui achète un peu de thé, du thé des moines, mélange savant de fleurs et de thé vert et noir, moitié moins cher que partout ailleurs... Nous sortons ravies en faisant bien attention à refermer la porte qui ne s'était ouverte qu'à moitié... En sortant, nous voyons trois petites tables qui attendent les visiteurs et amateurs de calme et de douceur, les chaises ne sont pas mises, elles attendent à l'intérieur des jours meilleurs...
Voyez les trois tables prêtes pour les grandes transhumances
Ce passage date du 18e siècle, petit lotissement de maisons louées à des ferrailleurs, chiffonniers et autres artisans, cette cour a été rénovée en 1999, elle reste encore pleine de charme, même si depuis longtemps artistes, bureaux, et notre marchande de café, ont remplacé artisans et ouvriers...
Au bout de la cour subsiste encore un monte-charge industriel
Dès le printemps, la glycine doit ceindre tout l'espace, laissant flotter un air parfumé...
Rue de Lappe, pleine de bars et de boutiques nouvelles, nous voyons la petite plaque en marbre apposée sur la maison de naissance de Francis Lemarque (n° 51), ce chanteur remarquable, ce poète inspiré qui rôde encore dans Paris avec ses belles chansons : Rue de Lappe, rue de Lappe, au temps joyeux...
Francis Lemarque, nous t'aimions... Ton nom figure au chapitre culture de Wikipédia !
Rue de Charonne, au n° 14, il y a une petite niche votive avec une Vierge bien à l'aise derrière ses deux barreaux, le porche est en pierre sculptée, un petit appartement dans l'immeuble vous en coûtera en moyenne 9800 euros le mètre carré...
Au n° 14, la maison est en pierre
La petite Vierge aussi
Nous attaquons de pieds fermes et mouillés la rue de Charonne, car la pluie nous suit depuis un petit moment. Nous tombons en arrêt devant une immense cour industrielle du 19e siècle, élevée sur un plan en U, ceinturée à chaque étage de longues coursives continues. Construction en pans de bois, métal et briques, pavage ancien, c'est une cour remarquable par son allure, sa cohérence et son élégance. Siège dans tout l'immeuble le "Théâtre de la danse" et "La Loge", studios de danse à louer, cours particuliers de théâtre et de danse... Une ruche de bas en haut et de haut en bas...
Très belle cour industrielle du 19e siècle
La journée s'achève aussi bien qu'elle a commencé, nous avons du pain sur la planche pour les mois qui viennent, les repérages sont frais, nous avons pris des notes, nous reviendrons dans le coin avec le soleil. Un dernier verre de thé, il faut que je rentre plus tôt, j'ai du monde à dîner : ma sœur, rentre bien, la Nation c'est par-là, et j'entends sa petite cloche qui cliquette dans son dos, pendue à son minuscule sac à dos...
Au revoir, on s'appelle de toute façon dans les jours qui viennent. Il pleuvait, vous dites ? Sûrement, mais nous n'avons pas eu trop le temps de nous en apercevoir : tiens, un petit bout de bleu, mais pour nous c'est toujours pareil, que du bonheur à nous retrouver, bavarder, découvrir, prendre des photos... Pour refaire le monde de A à Z il nous faudra encore quelques rendez-vous, pour bien consolider nos plans... Restons en bonne santé !
Nous agitons nos mains, à demain...