lundi 29 juin 2020

Coups de gueule et bénédiction !


Les hautes branches de l'acacia, la force des vieux arbres

Coup de gueule 1 : Les arbres !

Le printemps, les fleurs, les arbres et les petits oiseaux, c'est bien beau, tout ça, mais il m'est arrivé quand même un coup de colère en regardant un documentaire sur la construction des cabanes dans les arbres : séjour "totalement original" pour les amateurs de sensations fortes, et bucoliques, il faut donc jouer à cabanes perchées pour être dans le coup ! Week-end insolite, dépaysement complet, messieurs-dames, passez la monnaie ! Ça me met dans une rage folle, non seulement le monde commence à compter ses arbres sur les doigts de la main, mais on va plus loin, de plus en plus fort, il faut encombrer les arbres de chambres à coucher et de salles à manger.

Vous imaginez le progrès, voleurs d'arbres, saccageurs de nature, c'est l'hôpital que se fout de la charité, séjour écolo ? Voyez comme nous on aime les arbres, on dort dedans, peu importe les dommages, les blessures, les oiseaux, les insectes, nous, on rêve dedans ! On mélange nos CO2 quand on est en famille, car dans l'arbre, on peut même faire sa cuisine. Au secours, le monde marche sur la tête, je ne veux pas voir ça !

Laissez les arbres tranquilles, laissez les arbres grandir et vieillir en paix, laissez les arbres nous donner leur oxygène et leur beauté ! Les arbres sont un bien commun inaliénable, mais plus on est de fous, plus on rit... Allons-y, les amateurs de gros sous sont prêts à proposer n'importe quoi, du moment que ça rapporte, contre vents et marées, c'est la valse des tiroirs caisses !


Une petite maison pour oiseaux, à la rigueur

Même une balançoire me fait mal, la corde qui scie les branches basses ne fait pas de bien à l'arbre, les parcs de loisirs  accrobranches me donnent envie de hurler : dévaster la forêts pour pédaler sur des cordes entres les arbres, c'est une honte ! On devrait mettre tous ces marchands dans des geôles en béton, accusés de lèse-majesté, dé-arbrez-les, pour longtemps ! Grimpettes d'arbre en arbre, voilà ce qu'on offre aux petits dans ces centres, les arbres sont enchaînés, coincés entre quatre planches, serrés par les cordes, les câbles, les tendeurs, pour amuser la galerie, en prison, vous dis-je ! Parcours dans les arbres, voilà les nouvelles autoroutes pour tous, du plus petit jusqu'aux plus grands, en prison, vous dis-je ! Pont de singe, passerelle népalaise, tonneaux, saut de tarzan, tyroliennes... Fermez les cellules sur ces marchands dénaturés, et jetez les clés dans les champs ! Vivez en pleine nature et foutez la paix aux arbres, ils ne  demandent qu'à nous sauver la mise contre l’asphyxie, la pollution, on devrait sans doute se mettre à genoux devant, et leur demander pardon !

J'avais bien vu pendant mes séjours en Brenne, dans le Berry, des gens grimper sur les racines aériennes d'un arbre, un grand chêne qui se penchait sur l'eau, presque à tomber, vieux de près de 500 ans, aucun respect, aucune limite. Une photo devant, je veux bien, mais lui cavaler sur ses racines, c'est faire violence à un patriarche, il a mis tant de temps à embellir le paysage : il est le paysage, à nous faire pleurer d'émotion, il ne méritait pas le frottement des sandales et des chaussures à crampons... C'est lui que je venais voir, j'aurais même payé l'entrée... En grognant !


Le vieux chêne au bord de l'étang, racines apparentes, une merveille, le paysage, c'était lui !

Le genre humain sait donner des coups de pouce à la nature pour qu'elle soit plus belle, plus généreuse, plus humaine, mais il sait aussi lui donner des coups de pied féroces, des coups de tronçonneuse, des coups de bourse, et des coups de force pour l'anéantir, et lui avec ! Réfléchissons !

Coup de gueule 2 : L'Agneau mystique des frères Van Eyck





Le grand retable de l'Agneau mystique - Les frères Van Eyck - 1432 - Polyptyque sur bois peint (Cathédrale Saint-Bavon, Gand, Hollande)

Pendant le confinement serré, j'ai voyagé sur le Net, j'avais repéré que sur la plate-forme d'Arte, je pouvais voir un documentaire en replay qui s'appelait : L'Agneau mystique des frères Van Eyck (15e siècle), présenté dans la cathédrale Sain-Bavon de Gand (Hollande). Au vu de la grandeur de l'oeuvre, de la précision des peintures, de l'émotion qu'elle devait susciter (pour les croyants ou les non-croyants), je frétillais d'impatience d'y avoir accès, un vrai bonheur du jour !

Quelle aubaine ! Moi qui adore les frères Van Eyck, et surtout la représentation de l'Agneau mystique ! Je ne sais pas trop pourquoi ce symbole christique me procure des sensations fortes, j'en avais déjà rencontré une très belle interprétation avec le retable d'Issenheim au musée d'Interlinden de Colmar, de Matthias Grünewald (début du 16e siècle), retable que j'ai eu la chance de voir en vrai, d'une beauté incroyable. Comme dans tous les musées, la porte de sortie passant toujours par la case "Boutique", j'avais acheté cette belle carte postale, un détail du retable : l'agneau. Je l'ai mis dans un petit cadre chevalet ancien, et il trône depuis sur ma bibliothèque... L'agneau si doux, si triste, si magnifiquement peint me touche toujours, dans mon esprit de mécréante, je n'ai jamais compris pourquoi cet animal représentait à ce point la triste histoire du Christ ! Quand je vois des moutons dans un pré, je ne pense jamais au  Christ...


Mathias Grünewald et Nicolas de Haguenau - retable du 16e siècle - (fermé) - Musée de Colmar


Ma petite carte postale de l'agneau 

Je me suis donc confortablement installée pour visionner le premier documentaire : "L'Agneau mystique", avec la promesse de passer un très beau moment. Ce moment ne vint jamais, car une foule considérable de gens vint blablater sur l'écran, devant ou à côté de l'oeuvre, celle-ci restait trop souvent en arrière-plan, les discours accaparaient tout l'espace. Jamais l'oeuvre ne fut montrée plein cadre dans son ensemble, quelques détails très brefs, cependant... Et les voix, toujours, les voix ne laissaient aucune place au regard :  directeur du musée,  conservatrice,  peintre,  musicien,  vues sur la ville de Gand, chacun y allait de sa connaissance, mais le retable restait toujours derrière les beaux causeurs, j'attendais, j'attendais de la voir, cette oeuvre magnifique, en vain...

Voilà comment une oeuvre fut portée disparue à mes yeux, ni vue ni connue, je t'embrouille, je te ferme les yeux, ouvre tes oreilles, écoute nos discours, ils t'en disent plus que l'oeuvre... J'avais noté également sur ma liste, avec gourmandise, quatre grands musées à visiter virtuellement, Paris, Florence, Espagne, Amsterdam, tous étaient construits sur le même modèle. Les discours devant, l'oeuvre au second plan, le spectacle, c'est nous, les causeurs qui en parlons si bien, circulez, il n'y a rien à voir... Il y eut même l'ombre portée d'un spectateur en permanence devant le retable pendant tout le film.. Vous l'aurez compris, j'avais les nerfs, au secours ! J'ai rayé de ma liste tous les docus des musées... Je vais regarder en silence sur Internet, et observer les œuvres avec mes yeux et mon cœur ! Je suis à la recherche d'une histoire sans paroles... J'ai remis le petit agneau doux sur ma bibliothèque, et repris ma lecture, tranquillement, sur mon balcon fleuri...

La bénédiction :






Dans un des grand jardins partagés de ma ville, chacun avait choisi des armatures pour soutenir tomates et haricots, toute une armada de tuteurs personnalisés : droits, frisés, bambou, métal et même ficelle, se tenaient en ordre de bataille,  pacifiquement écologique, c'était magnifique à voir ! Le coup d'envoi était lancé pour la grimpette des légumes.

Les jardiniers accueillants qui me voyaient passer nonchalamment entre leurs petits carrés bien ratissés me faisaient des grands sourires, j'y répondais avec empressement :  bonjour monsieur, madame, ça pousse comme vous voulez ? Oui, ça se présente bien, mais il faut de l'eau avec cette chaleur. Toutes les plantations étaient bien alignées en rangs d'oignons, seules les fleurs obligatoires plantées autour des cultures semaient une belle pagaille artistique, un vrai bonheur ! Ouille ! J'ai mal au dos, la terre est basse, le jardin demande des soins journaliers, quel boulot ! Ils étaient tous contents des résultats : passez dans trois semaines, on vous donnera des légumes, il y en a bien trop pour nous... Des fleurs de lavande, vous en voulez ? Oui, merci d'avance ! Je vais pouvoir renouveler mon sent-bon dans mes placards...


Les petits jardins très partagés

J'étais au bout de ma promenade, le long du beau jardin partagé, parallèle à l'autoroute invisible derrière les arbres... Houlà ! Quand je l'ai vu arriver souriant de toutes ses dents, j'ai eu peur, un gros chien genre berger allemand venait vers moi à grande vitesse, une petite peur panique me prit, mais très vite apaisée, quand j'aperçus sa maîtresse avec la laisse qui arrivait derrière le toutou, calme et décontractée : n'ayez pas peur madame, il est très gentil, voyez, il vient chercher des caresses, il sent que vous paniquez. Bonjour madame, oui, je crains toujours un peu les chiens, malgré les gros progrès avec les années qui passent, le petit frisson d'angoisse persiste avec les gros chiens... 

Le chien tournait autour de moi, et s'assit tout contre mes pieds : voyez, il sent que vous êtes mal, il veut des caresses, c'est tout. À moitié rassurée, je mis deux  doigts sur son dos en guise de caresse, ça me suffisait largement : voilà, il ne vous fera rien ! Puis nous sommes passées très vite du chien aux gens, c'était plus mon terrain, nous sommes restées un long temps à parler de la pluie et du beau temps, surtout du beau temps, le fil de nos paroles ne faisait pas de nœuds, la dame était très bavarde, chouette ! Nous avons abordé tout naturellement des sujets aussi divers que variés : les bienfaits de l'alimentation sans viande, sans produits laitiers, l'alcool qui énerve, et par des détours imprévus : la convivialité, la chaleur humaine, la générosité, la charité... Le mal n'existe pas, madame, Dieu nous a fait bons, le corona est une épreuve, nous égrenions les belles pensées du partage... J'étais contente de l'écouter, elle me dit qu'elle était très croyante, ce que j'avais compris très vite, ce n'est pas un obstacle, madame, voyez, nous sommes attentives aux êtres humains toutes les deux. Moi, je ne crois pas en Dieu, mais les mots qui nous viennent sont souvent les mêmes... Aucun problème, je vais par là, continuons ensemble ! Elle fixa la laisse au chien, nous voilà à faire un bout de chemin côte à côte, à un mètre comme il se doit, sans arrêter de parler sur la gentillesse des gens, les rencontres, l'écoute... 

À la croisée de nos routes, nous avons échangé des mots d'adieu : je suis contente de vous avoir rencontrée, moi de même, dit la dame, je vous bénis, madame, ce qu'elle compléta avec un geste d'au-revoir ! J'en fus touchée, je vous en remercie beaucoup madame, à bientôt...

Ainsi donc, dans mes rencontres, toutes les voix sont possibles, il faut tendre l'oreille, prendre son temps, se parler, et souvent, se rapprocher...

Sur le chemin du retour, j'ai décroché une petite branche de l'eucalyptus de cinq ans, ma voisine m'avait dit que ça sentait bon l'hiver, quand on mettait quelques des feuilles sur le radiateur, c'était un souvenir qu'elle avait de sa grand-mère, de sa mère... Je vais essayer !


Je trouvais que les magnifique feuilles de l'eucalyptus coulaient comme l'eau de la rivière entre les algues vertes, la feuille d'eucalyptus est d'une grande beauté, au dos des feuilles, la nervure centrale est rose !


À très vite mes amis, les jours se suivent et ne se ressemblent pas, ils ont beaucoup de personnalité... Parlons-en ! Prenez soin de vous, le virus circule encore... À toute allure !!!

6 commentaires:

Brigitte a dit…

Ah ces coups de gueule ! Oui cet arbre est vraiment le paysage,malheureusement au nom du fric tout est permis ...Quelle tristesse !Les arbres c'est la vie, protégeons les .
Tu fais aussi et toujours de belles rencontres.
Bonne journée et prend soin de toi . Je t'embrasse

siu a dit…

Moi aussi j'avais vu cette vidéo, pendant le confinement! Je dois admettre que je ne connaissais pas vraiment ce merveilleux retable, et que pour l'ignorante que je suis tout ce qu'expliquait ce tas d'experts était super intéressant. Et pourtant moi aussi j'ai souffert car il n'y avait jamais un moment où vraiment la regarder, cette oeuvre extraordinaire, la contempler, l'analyser de nos propres yeux... De fait que quand c'était terminé j'ai ressenti un fort besoin d'aller la chercher sur internet, mais là ma frustration n'a pu qu'augmenter car à mon avis on n'y trouve pas -moi du moins je n'ai pas trouvé- de reproductions à la hauteur: toujours trop petites, floues, aux couleurs fausses, etc. C'était justement la (bonne) qualité visuelle de cette vidéo qui nous aurait permis de savourer tout ce qu'il y a dans ce chef d'oeuvre... si seulement ils avaient prévu de nous le faire voir!

Et mème si j'espère que personne jamais ne te fera encore buillir, tu sais ce que je vais te dire, chère Danielle? Que tu es adorable aussi dans tes colères!

En attendant le prochain billet je t'embrasse fort!!

Danielle a dit…

Brigitte, oui, protégeons les arbres même si nous n'avons pas su protéger les animaux...

Notre abricotier en bas de ma tour, fait grise mine cette année pas de fruit ! Les jardiniers bénévoles de l'immeuble vont le tailler en septembre, je leur fait confiance.

Oui Brigitte les belles rencontres sont exceptionnelles, j'en suis toujours si contente.

Bon demain Brigitte, si tu ne repasses pas ici d'ici ce soir. Je t'embrasse fort.

Danielle a dit…

Siu merci, tu me touches beaucoup !

Bien sûr, toi qui a regardé cette vidéo tu le sais, bien sûr il y a plein de choses intéressantes à entendre autour des œuvres, mais il faut laisser les spectateurs regarder, en premier lieu regarder, voir, tant de détails dans cet agneau mystique que je me réjouissais de voir, quelle déception ! J'ai donc rayé entièrement la liste des musées... Je veux voir les œuvres d'abord ! Exactement, la vidéo pouvait nous permettre de pénétrer l'oeuvre dans ses moindres détails, et c'est raté ! Je me tordais les doigts en me disant : mais ils vont nous permettre de voir ? Rien n'a été possible... Alors je me suis énervée !!!

Merci encore Siu pour ta lecture, je t'embrasse fort.

Marie Claude a dit…

Comme je partage ta colère pour ces arbres "défigurés" rien à voir à ce que nous faisions enfants,des "constructions" éphémères.
Nous sommes dans un monde d'argent en effet et de plus en plus,nous voyons le résultat....

Souvent déçue par des documentaires,notamment pour les tableaux de peintres toujours filmés de trop près.Tellement mieux de voir "en vrai" !!
Il te reste ton petit agneau si beau en consolation.
Superbes ces jardins partagés,tu auras peut-être une petite récolte "bio".
Nous continuons à te suivre avec grand plaisir.
Grosses bises du matin

Danielle a dit…

Marie Claude merci, pour le partage, j'en suis toujours émue !

J'aime beaucoup ce documentariste (pas seulement) Alain Cavalier qui reste toujours en voix off quand il il dirige sa caméra sur des objets ou des gens, on prend plaisir à regarder de près et à entendre aussi, car rien n’interfère entre la voix et les images de premier plan, ils restent en premier plan.

Les jardins qui bordent l'autoroute, me font quand même un effet de campagne.

Merci de me suivre, je t'embrasse du matin.