mercredi 29 janvier 2020

Le 1er Janvier chez mon primeur ! Des vertes et des bien mûres...


Fruits de saison - 2019 - De chez  "mon primeur"

Chez "mon primeur" aussi, c’est le 1er janvier, son employé porte le bonnet du père Noël, le patron est à la caisse... Et moi, je viens acheter quelques oranges du Portugal que je trouve merveilleuses au goût, sucrées mais pas trop, acidulées mais pas trop, avec quelques feuilles qui restent encore accrochées pour faire beau, j’ai pris trois oranges feuillues... Et beaucoup bavardé...

La conversation allait bon train : ah, la nouvelle année ! Ne m’en parlez pas, on a beau se dire que tout ira bien, mais moi je trouve que tout va mal, madame, vous avez vu, ça pète dans tous les coins, et en France c’est tendu, tendu, tendu ! Je ne pouvais pas aller contre. C’était la première fois que nous parlions des évènements du Monde et de France, aujourd’hui le patron dévoilait ses batteries... Un pessimisme à couper au couteau... Son employé père Noël était plus optimiste, son visage noir rieur s’éclairait au rythme des étoiles qui entouraient son chapeau de fête... Rien ne pouvait nous arrêter, c’était magnifique, chacun y allait de son couplet, je suis d’accord avec vous, absolument, alors là, non, je suis plus confiante, mais souvent le père Noël avait raison, puis c’était le patron, j’étais d’accord avec tout le monde, car chacun voyait comme moi que : l’année 2020 allait être tendue, tendue, tendue...


Les oranges du Portugal et la poire - 2019 - De chez "mon primeur"

On se croyait dans un petit salon, entourés de fruits et de légumes de toutes les couleurs, comme nous, cette fraternité nous faisait du bien à tous les trois, ça se voyait à vue d’œil, mes deux amis s’étaient jetés à l’eau, chacun disait sa pensée, la vraie... Nous formions à nous trois ce multi-culturalisme si riche... Personne ne tirait la couverture à lui, nous réfléchissions raisonnablement, nous retrouvions chez les uns et les autres des bribes de notre propre pensée... Pas question de se quitter sur une mauvaise année 2020 sans penser qu’elle pouvait s’améliorer en cours de route... Nous faisions les philosophes entre les oranges et les poireaux... Pures pensées Bio !


Légumes et fruits de saison - 2019 - De chez  "mon primeur"

Je dis toujours "mon primeur", et jamais mon Franprix, mon Auchan, mon Monoprix... Trop grands pour les câliner, on fait toujours la queue, des kilomètres pour trouver le petit bidule qui vous manque, je peste quand les rayons changent de place, j'hésite à monter au 1er étage, même avec le tapis roulant, et refaire des kilomètres pour trouver un petit truc... Chez les grands je grinche, chez mon petit primeur, je parle de la pluie et du beau temp... De temps en temps, le 1er janvier, on parle politique... Je leur demande (au patron ou son employé) : z'avez pas trop froid, z'avez pas trop chaud, le petit primeur est ouvert aux quatre vents de l'hiver et à la chaleur de l'été, c'est une petite boutique qui n'a ni porte ni fenêtre, il fait juste le coin de la rue, le matin, ils lèvent le rideau de fer, sortent les étalages roulants, et c'est parti mon kiki...

Chez "mon primeur", je peux prendre un fruit, un légume, deux, trois oignons, il me sert comme si je dévalisais sa boutique, toujours avec le sourire... Quelquefois même, il me fait crédit, vous payerez demain, pas de problème, quand je n'ai pas du tout de monnaie, ou un gros billet...



L'échalote - 2019 - De chez "mon primeur"


Aujourd'hui, comme je venais chez lui pour faire un petit achat, et que je tenais serré entre mes doigts un prospectus d'une nouvelle liste politique de candidats aux prochaines élections municipales, je lui dit en riant : c'est bien la première fois de ma vie que je ne sais pas pour qui voter aux élections ! Et mon primeur me dit : votez pour cette liste, ils sont bien ! Nous avons ri, car je ne lui avais pas dévoilé mon choix... Comme je n'avais pas bien choisi l'avocat bien mûr du jour, il le reposa où je l'avais pris, pas celui-là, il n'est pas assez mûr... Ah bon ! Et je le laissais volontiers choisir pour moi...

"Mon primeur" va devenir mon gourou, attention ma fille, tu files un mauvais coton...



L'avocat du jour : choisi, repris et vendu - 2020 -


Mes amis fidèles, mes visiteurs du hasard, la prochaine fois je vous parle des arbres de Fontaine-de-Vaucluse, qui m'ont tant impressionnée lors de mon derniers voyage en Avignon...

samedi 25 janvier 2020

Christian Boltanski à Pompidou "Faire son temps" ! J'aime ? Non, j'adore !




Hall du centre Pompidou, l'arrivée sur les lieux, toujours enthousiasmante !


Départ - 2015 - C. Boltanski (1944)

Préparez-vous à réfléchir sur la vie, les souvenirs, les traces, les hommages... Faire votre temps !

Allez, allez, on se dépêche, le centre Pompidou annonce Christian Boltanski, pas question de le louper une très grande expo, des œuvres datées de 1967 à 2017, au moins 50 ans de travail d'art ! Du grand Art ! Christian Boltanski est un artiste de ma génération, qui se bat contre l'oubli, je l'admire depuis des années. Lui travaille sur les traces laissées par les gens, pour Christian Boltanski, même morts, les gens sont vivants, et tellement vivants ! Il nous les montre en photos, en boîtes, suspendus, illuminés, encadrés, alignés ou en désordre, en tas, en totems, en ombres chinoises, et même les coeurs battants sur une île japonaise... Chaque fois il me surprend, m'émeut, me bouleverse, Monsieur Boltanski, merci pour votre art des disparus, merci pour les Archives du coeur, les battements des cœurs (volontaires, dont le mien, en 2010) de l'humanité archivés dans cette île japonaise de Teshima, ouverte au public en juillet 2010. J'ai fait don des battements de mon coeur à l'artiste. Dans cette île s'accumule les battements des cœurs, comme les Mormons accumulent les noms des gens du monde entier. L'oeuvre de Boltanski ne se résume pas à des registres, non, ses propositions sont des images, des lumières, des bruits, des couleurs, des sons, des battements de cœurs, des montagnes de vêtements, ses œuvres m'accompagnent profondément... Les codes de ces œuvres sont : la beauté et l'émotion, rencontre des cœurs pour le spectateurs... Pour moi, c'est comme ça !


Mon cœur battant (2010) donné à monsieur Boltanski

Il y avait une file d’attente impressionnante, non pas pour l'expo Boltanski, mais pour l'entrée de la bibliothèque publique, ce lieu de lecture est toujours saturé. Chemin faisant, je vois monsieur Boltanski qui pressait le pas comme moi pour aller à son expo, ni une ni deux je lui adresse la parole : excusez-moi, monsieur Boltanski, je suis si contente de pouvoir m'adresser à vous, si contente de pouvoir vous dire combien votre oeuvre me touche depuis si longtemps, je vous avais vu à Venise, sur l'exposition de Louise Bourgeois que vous admirez, et aujourd'hui j'ai encore la chance de vous revoir... Il était ému et toujours aussi gentil, humble, il me proposa de rentrer avec lui à l'expo... Nous nous retrouverons au dernier étage, chacun allait à son pas...




Les regards - 2011 - Christian Boltanski (1944) 
Cette oeuvre réunit des photographies d'anonymes... 
Chacune de ses œuvres évoque le temps qui passe... Indéniablement !

Subjuguée par la beauté des voiles aux regards : des ventilateurs les agitent, et une lampe les éclaire,  les larmes viennent vite aux yeux... J'aperçois l'artiste en grande conversation avec une caméra, il y a peu de monde, l'heure est propice aux confidences, toujours aimable monsieur Boltanski se plie à tout, interwiew, commentaires et sourires, puis-je vous prendre en photo ? Mais bien sûr...


Portrait souriant, monsieur Boltanski pose pour moi, il a reconnu mon cœur de fan, merci !!! 

Et la visite continue dans l’éblouissement et la grande émotion, comment ne pas vibrer à tous ces regards, lumières, couleurs, dévoilements et sonorités... Ces œuvres ne répondent pas aux questions que nous nous posons sur notre vie, elles interrogent...


Crépuscule - 2015 - C. Boltanski (1944) - L'installation en novembre 2019 (début de l'exposition)


Crépuscule - 2015 - C. Boltanski (1944) - Le Crépuscule advient petit à petit... 22 janvier 2020

J'adore le concept de cette oeuvre, dès l'ouverture de l'expo, toutes les ampoules sont allumées, les âmes scintillent, le temps a le temps de passer, les lumières sont aveuglantes, mais elles s'assombrissent avec les jours qui passent, et apportent une autre image, des réflexions sur le passage de la vie... Faire son temps... À mon deuxième passage, le 22 janvier, l'oeuvre était très assombrie, il faudra que j'y retourne le 16 mars, au dernier jour de l'expo... Cette oeuvre, me dit beaucoup du temps qui passe, j'ai presque envie de rester là... Pour voir toutes les lumières s'éteindre, cette version accélérée des jours qui passent fait beaucoup de bruit dans mon cerveau...


Réserves des Suisses morts - C. Boltanski (1944) - Photos anonymes des défunts parues dans les pages nécrologiques du journal suisse Le Nouvelliste 


Autel Chases - 1988 - C. Boltanski (1944) 



Autel Chases - détail - Photos, boîtes à biscuits rouillées, lumières


Repris mot pour mot du guide de visite de l'expo : "les Reliquaires ont pour origine la photographie de fin d'études d'un lycée juif de Vienne en 1937, le Gymnasium Chases. Pour la première fois, Boltanski se sert de documents ayant un lien direct avec la Shoah. Les lampes de bureau utilisées dans ces oeuvres éblouissent les personnages, rappelant les pratiques policières. Les boîtes à biscuits rouillées, utilisées par l'artiste à partir de 1968, représentent à la fois la boîte à trésors de l'enfance, et l'urne funéraire".


Reliquaire - 1988 - C. Boltanski (1944)


Reliquaire - 1988 - C. Boltanski (1944)


Reliquaire - 1988 - C. Boltanski (1944)

C'est vrai, on ne rigole pas beaucoup avec les œuvres de Boltanski, c'est la vie qui veut ça ! Fragile étoile filante... Dont il ne reste que la lumière...

Je n'avais pas encore remarqué, clouées au mur, des plaques qui représentent des vies entières : un trait d'union entre la date de naissance et la date de mort, un résumé simplissime d'une vie, et juste une lumière qui bat ! Cette oeuvre est un hommage à ceux que Boltanski a connus, et qui ne sont plus de ce monde...

Juste à côté, sur des portants, des tissus sur lesquels figurent de part et d'autre, le portait d'une victime  et celui d'un assassin, ces images sont tirées du journal Détectives... Qui est qui ?


Mes morts - 2002 - C. Boltanski (1944)  Les portants - 2000 - C. Boltanski (1944)



Il y a un nombre important d’œuvres dans cette exposition, je voudrais parler de chacune mais...




Le manteau - 1991 - C. Boltanski (1944) 


Boltanski s'est inspiré des attitudes des religieuses prostrées au sol, les bras en croix... Nimbées de lumière céleste ?






Animitas - Chili, 2014 - vidéoprojection avec son format 16/9, 13 heures 16 sec, foin, fleurs - 2017- Christian Boltanski (1944) 
Oeuvre inspirée des autels religieux chiliens édifiés au bord des routes, aux endroits des accidents... La vidéo fait entendre le son des petites clochettes, et voir tous les supports bouger au rythme du vent... Fascination très puissante... Réalisations in situ : au Nord du Québec, sur la Mer Morte, et sur l'île de Teshima... L'une en été, l'autre en hiver !


La visite se termine par une oeuvre monumentale, magnifique, très émouvante : Le terril Grand Hornu, et les registres du Grand Hornu, deux oeuvre qui font référence aux ouvriers qui travaillaient dans les mines du Grand Hornu en Belgique, de 1920 à 1940.


Les registres du Grand Hornu - 1977 - C. Boltanski (1944) 
Toutes les boîtes à biscuits renferment des archives relatives aux ouvriers travaillant dans les mines, des milliers de fiches comportant des noms et la date d'engagement, parfois accompagnées d'une photographie


Le Grand Hornu - détail -


Le terril Grand Hornu - 2015 - C. Boltanski (1944), composé d'un tas de manteaux noirs et d'une lampe...

Christian Boltanski parle mieux que personne de son oeuvre : "Plus on travaille, plus on disparait, et plus on devient son oeuvre. Je pense que le désir d'un artiste, c'est de devenir son oeuvre. Finalement, on joue sa propre vie pour la vivre réellement : on joue la tristesse et on joue le bonheur... Je pense que dans mon cas, j'ai montré la vie sans jamais la vivre... On fabrique son temps, on fait son temps de vie...

Rien de peut être mieux dit ! Vous l'aurez compris, le temps de cet artiste, le montreur de vies, l'artiste exceptionnel qu'il est, me vont droit au cœur, chaque tableau respire en même temps la vie et la mort, la simplicité des matériaux employés : lumière, photos, vêtements, câbles électriques, boîtes à biscuits, vidéo... multiplient à l'envie la richesse de ses propositions, toutes différentes, toutes prenantes, toutes philosophiques... Toutes me touchent... Si vous habitez Paris, courez à grands pas, si vous êtes loin, je vous plains, j'ai des regrets pour vous...


Sortie de l'expo... Arrivée - 2015 - C. Boltanski (1944)-  ampoules et câbles électriques


Le départ et l'arrivée, (j'en ai intentionnellement intervertis l'ordre), en cartes postales sur mon étagère, une petite vue arrière de Venise qui a fait tellement partie de ma vie


Juste deux mots : pour symboliser la vie, le parcours d'une vie : Départ / Arrivée !! Entre le départ et l'arrivée, qu'avons-nous fait de nos vie ?

Mes chers amis, mes passagers, je vois par mes fenêtres que les jours commencent à rallonger... Nous donnant un peu plus de temps pour nous émerveiller, profitons-en... Je vous embrasse...


jeudi 9 janvier 2020

Mes voisins de palier... Les vœux !


L'escalier - 2002 - Sam Szafran (1934 - septembre 2019), artiste français

Les magnifiques escaliers de l'artiste Sam Szafran, je les gravis du regard avec bonheur depuis de très nombreuses années, je vous avais parlé de ce grand peintre, cher à mon cœur dans une publication du 2 février 2018. Il est mort en septembre 2019, à 82 ans, au dernier tournant de sa vie, il avait changé son fusil d'épaule, je l'avais laissé dans les escaliers et je l'ai retrouvé dans les fleurissements d'intérieur avec des personnages extraordinaires, une peinture luxuriante, poétique, un univers unique, une palette sublime ! Une exposition superbe, son dernier parcours, 8 mois avant sa mort, j'avais traversé tout Paris pour aller le voir... Et j'ai vu un feu d'artifice final ! Le choix que je fais de reprendre ses escaliers, pour parler de mes voisins de palier, tombe à pic pour lui rendre hommageMoi, j'ai un ascenseur, quel bonheur ! Rappelez-vous...


Sam Szafran (1934-2019) - Le feu d'artifice de la dernière année


Sam Szafran (1934-2019) - 50 ans d’œuvres exposées en 2013 à la Fondation Gianadda en Suisse

Mais oui, comment souhaiter la bonne année à mes voisins ? Voilà l'idée qui m'est venue un matin. Je ne vais pas attendre de les rencontrer, peut-être en février, aux hasards des rencontres, non, il faut que j'agisse et vite, pendant que l'année commence vraiment ! Pas de réchauffé, de l'action tout de suite pendant qu'il en est encore temps, dans les usages il est dit que les vœux peuvent se présenter pendant tout le mois de janvier...

Aller frapper à leurs portes, au risque de les déranger ? Mettre un mot dans leurs boîtes aux lettres ? Y'a mieux, je vais faire un petit papier, bien tourné, qui donne envie de se rapprocher, de ne pas s'ignorer, fêtons la nouvelles année avec des mots gentils et sincères ! Ce qui fut pensé fut fait rapidement, chers voisins... Blablabla, qui voulait dire : santé, solidarité, respect, bonheur et courtoisie... Vive notre immeuble, je vous embrasse...

Bouquet pour mes voisins

L'affaire fut faite en un tour de main, tirée sur A4, classe, en noir et blanc, et j'allais coincer les vœux à leurs portes, bien en vue. Un quart d'heure après, je me suis dit, est-ce bien ? Comment vont-ils apprécier le mot ? Un peu cavalier ? Pas à leur goût ? J'avais fait allusion à tous les gens si différents dans l'immeuble, ce dont je me réjouissais... Enfin bref, je me torturais les méninges sur l'opportunité... Les papiers coincés, restait plus qu'a attendre les résultats...

J'ai attendu seulement deux jours, la première voisine frappa à ma porte : avec son beau turban et ses grands yeux noirs, elle était venue me remercier des bons vœux, elle avait trouvé l'idée vraiment sympa, et tellement gentille : vraiment, madame, merci, ça fait plaisir, pour vous aussi une bonne santé, je me plais beaucoup dans notre tour ! Ils étaient nouveaux d'une petite année et ne regrettaient rien...

Deux jours encore pour l'autre voisine, rencontrée sur le palier : oh, Lala, merci vraiment ! J'avais même préparé une belle carte pour vous répondre, tellement j'avais été touchée... Bon, c'est exactement pour ça que je vous ai écrit, mais envoyez-moi la belle carte, ça me fera plaisir ! Je l'attends encore, elle a oublié... Je n'oublie pas sa confusion et son sourire, je lui ai totalement pardonné...



Pour mes voisins, encore...

Deux jours encore après, je rencontre un autre voisin dans l'ascenseur, il me salue bien bas, me prend la main, sans la lâcher, me dit : madame, j'ai honte, ah, j'ai honte ! Comment ça ? Oui, voilà plusieurs jours que je veux toquer chez vous sans le faire ! Il souriait de toutes ses dents avec l’œil larmoyant, merci, madame, merci encore, la santé surtout, la santé, car sans elle on n'est plus rien, on ne peut plus rien faire... Tant de mots après, de remerciements, gentils comme des plumes de paon, mon gentil voisin avait eu honte d'avoir tant tardé ! L'harmonie était totale, j'étais contente, je ne m'étais pas trompée, il faut sans arrêt se parler... Et sourire, la santé surtout, la santé...

Deux jours après encore, je vais moi-même chez ma voisine de droite, celle à qui je n'avais mis aucun mot, je me réservais de lui claquer deux beaux baisers en direct, nous nous connaissons depuis tant d'années, nous sommes parmi les plus anciennes de la maison... 

Voilà comment la bonne année, la santé et la solidarité se propagent à mon étage !!

Chers fidèles, chers amis, chers visiteurs, vivez si m'en croyez une magnifique année pleine de santé... Ma prochaine publication parlera encore de mon quartier...


mercredi 1 janvier 2020

Les bobos, les bras cassés de mon quartier...


J'ai trouvé tous ces beaux feux sur internet... Je les ai empruntés... Merci !

Pas plus tard que ce matin, assis tous deux sur le banc de l'arrêt de l'autobus, j'ai rencontré un homme encore jeune, que je connais depuis très longtemps. Il avait le visage amaigri, l’œil gris, mais toujours le sourire, et dans le sourire j'ai vu qu'il manquait plusieurs dents... Avec lui, la confiance règne, alors nous parlons le cœur sur la main... Il m'entoura de son bras : ah, Danielle, ça fait plaisir de te rencontrer, on s'embrasse toujours avec affection, il est de la même génération que mes fils, mais il fait plus vieux, forcément, maigre, les joues creuses, la denture trouée... Il connaît la vie, mon ami !

Comment vas-tu ? Bien, et toi ? Dis-moi toi, d'abord, c'est quoi ces dents qui te manquent, ça ne va pas du tout du tout, tu ne peux pas aller voir ton dentiste ? Quand il a eu fait le tour des empêchements pour le dentiste, avec le vocabulaire injurieux qui lui sert les jours où tout va mal, il me dit : je vais aller voir, t'inquiète Danielle, je m'en occupe, c'est obligé, car je ne peux plus bien manger. C'est pour ça que tu as perdu du poids ? Oui, tout est plus difficile, on entrait dans le dur immédiatement, j'aurais bien voulu avoir une baguette magique, l'impressionner vraiment, lui rendre la vie plus douce... Mais...


Il me raconte des horreurs sur les dépassements d'honoraires de certains dentistes... Mais voyons, tu ne peux pas rester comme ça, arrête d'aboyer, fais-toi soigner, va dans un centre dentaire de quartier, c'est pas trop cher ! Il ira, c'est sûr, mais quand ? Il ne pleure jamais sur son sort, sa vie est rude, je l'ai connu ado dans des états plus préoccupants, le temps a passé, 30 ans après nous nous retrouvons toujours avec empressement, il s'est fabriqué un bon boulot commercial, il gagne sa vie honnêtement. Je me dis toujours, quand je pense à lui : j'espère vraiment qu'il est tiré d'affaire, mais je ne sais pas au juste... Comment va ton fils, mon ami ? Il a quel âge, maintenant ? La question est de taille, le jeune est un grand adolescent, il vient juste de dépasser l'âge de la majorité, mais je savais par un autre chemin qu'il était en difficulté. Dis-moi, comment va ton fils ? Son visage angulaire esquissa une grimace, il tourne mal ! Vraiment, tu n'as pas pu le tirer de là, lui montrer l'exemple ? Il n'avait pas pu... J'en aurais pleuré...


Je le sais maintenant que j'ai pris de la bouteille, quelquefois, on ne peut pas faire beaucoup plus qu'écouter celui/celle qui souffre, serrer le bras, caresser une main pour donner de l'espérance, de la présence. J'ai serré son bras, caressé sa main...

Dis-moi, que penses-tu de la dépénalisation du cannabis ? Voilà longtemps que je voulais lui poser la question. Ça serait bien, c'est sûr,  mais tu sais, le réseau de contamination est tellement fort, ça nourrit tant de gens, ils proposeront toujours à vendre des trucs de rechange, plus forts, le trafic des cigarettes bat son plein... Il était résolument pessimiste...

Mon ami avait du pain sur la planche avec sa santé, son fils, et puis comme moi, il avait un œil sur tout le reste... Le monde, la planète, ça fait beaucoup pour un seul homme...

Mon ami, donne-moi le bras, il y a du verglas. Oui, prends mon bras Danielle, fais attention, ça glisse fort, et nous avons continué notre bavardage dans la même direction, de trottoir en trottoir...

Quand nous sommes arrivés au point de nous quitter pour continuer nos chemins séparément, je lui ai dit : fais attention à toi, tiens bon ! C'est pour lui que j'ai fait partir les feux d'artifice, les belles choses aident à vivre...

Mes amis fidèles, mes passagers du hasard, mes abonnés pas abandonnés, faites de 2020 un pot de miel pour tous ceux que vous aimez... À très vite, bien sûr...