vendredi 16 août 2019

Portraits de voyages...


 La dame aux lunettes - Yves Boussin

Il est comme ça, mon frère, il ne peut pas s'empêcher de regarder les gens qui passent autour de lui, et de les croquer, il se moque de la ressemblance, il ne cherche pas le réalisme, il cherche l'esprit, l'inspiration qui marche avec la vélocité, il dit aussi, par bravade : jamais personne ne pourra se reconnaître, tellement je dessine mal ! Vous parlez d'une histoire, personne ne va croire ça...

Moi, je ne trouve pas du tout qu'il dessine mal, il fait comme tous les artistes, il n'en fait qu'à sa tête.

N'est-il pas sitôt assis, au café, au resto, sur un banc, en gare, à l'expo... Qu'il croque, et croque ses contemporains, quelque fois même les personnes croquées réclament leur portrait, que mon artiste de frère s'empresse de leur donner avec le sourire. Les uns sont très contents, se trouvent rudement beaux, d'autres n'ont pas tout à fait le sourire, mais l'art c'est comme ça, il  n'obéit à rien, à personne...



Le monsieur au gilet vert - Yves Boussin

Donc, voilà qu'un petit voyage se  présente, et hop, il emporte son carnet de voyage, ses crayons, ses aquarelles. Plusieurs fois, il m'avait dit : ma sœur, tu devrais me faire un beau sac en tissu pour mettre tout mon matériel, carnet, crayons, pinceaux godets de couleurs, tu me fais une grande bandoulière pour que je sois totalement à l'aise, mais tu la fais belle, surtout.

Oui, bien sûr tu peux compter sur moi, la beauté ça me connaît ! Les sacs en tissu, j'en avais fait des tonnes, alors un sac d'artiste peintre, avec bandoulière, ne me posait pas de problème. J'étais contente de travailler pour mon frère, fière même, disons-le. Biens sûr, sitôt rentrée, je me suis mise à l'ouvrage, la couleur rouille, doublée marron clair, la bandoulière bleue rayée, le sac a été vite fini, pour y mettre ses chefs-d’œuvres... Allez, fouette cocher pour la partie de campagne, la galerie des portraits !


La jeune femme aux lunettes - Yves Boussin

Attention, mon frère ne s'occupe de rien, les valises, ça n'est pas lui, le sac en bandoulière, il ne le confie à personne, personne ne connaît mieux que lui quels crayons, quel carnet, quelles couleurs, quels pinceaux il lui faudra. C'est un casse-tête chinois pour ne rien oublier, vous imaginez la responsabilité que j'avais prise en confectionnant le sac.


Le jeune monsieur - Yves Boussin

En fin de compte, le sac l'a plutôt gêné qu'autre chose, avec la bandoulière, il n'avait pas ses aises, ça le gênait aux entournures, il fallait chercher au fond, tout était mélangé. Je crois que je n'avais pas prévu assez de poches, même, il me semble, pas de poches du tout, c'était ni fait ni à faire, comme si je n'avais rien fait, fichtre. Il a dit : c'est pas pratique, l'a mis peut-être une fois, ou deux, et l'a remisé dans un tiroir, vive la vie d'artiste, rien n'est à leur mesure.

Il a repris le rangement d'avant : les crayons dans les poches, le carnet et le téléphone dans le sac de sa femme, les couleurs dans la valise, bien plus pratique ! S'il oublie quelque chose, gare à la responsable... Il est comme ça... J'ai bien remarqué que les sacs de ma chère belle-sœur étaient toujours spacieux, pas folle, la guêpe !


La belle dame au collier - Yves Boussin

Mon frère est comme ça, il n'aime ni l'eau des ruisseaux, ni les petites et grandes randonnées, il aime même à dire, pour choquer le bourgeois et les amis de la nature (en perdition) : la nature m'agresse ! Il veut dire par là qu'il est un gars des villes, point barre, il aime le bitume, les voitures, les musées, les expos, l'architecture, les bistrots pour dessiner, et les bons restos. Ma petite belle-sœur, je te donne d'office la médaille du mérite, en or massif !


L'homme jeune à la barbe - Yves Boussin

Une fois dehors, en ville, quand il a trouvé sa place, mon frère est tout à son affaire, il sort son attirail à dessiner, qu'importe le bruit, le mouvement, les allers et venues des gens, il est au septième ciel, comme Tiepolo, dans les nuages... Sa femme fait la lecture à haute voix, lit le menu, à elle la poésie culinaire, à lui les portraits, les objets, les perspectives, tout ce qui se trouve à proximité peut trouver grâce à ses yeux, ça reste une surprise que vous ne pourriez  jamais prévoir.


La jeune dame - Yves Boussin


Le carnet de voyage, il a dessiné un arbre, tiens ! Un peu de vert tout de même...

Chez lui, dans son atelier, j'adorais le voir s'approcher de son chevalet quand il faisait du pastel, il fallait faire très attention à ne pas s'appuyer sur le dessin, il avait une petite baguette (bleue) qui lui servait de retenue, pour soutenir sa main légèrement au dessus des couleurs, pour ne pas les érafler. Le tableau montait lentement, il fallait du temps pour tout comprendre, à la fin, quand tout était terminé, souvent il disait : j'ai failli le louper, à un moment ça a merdé, mais j'ai bien  rattrapé... Il avait su prendre des risques.


Il triture, gratte, affûte, cherche ses couleurs, et ça va démarrer (la petite baguette bleue est là)


Avec le pastel, le chef d'orchestre ne lâche pas sa baguette

.
La petite baguette magique soutient sa main pour ne pas écraser le pastel


L'oeuvre est bien avancée (avec sa petite baguette), le pastel se fait hors sol !


Voilà c'est terminé, je peux l'emporter

Bien sûr, il n'avait pas fait tout le même jour, il a fallu une bonne semaine pour mener à bien cette belle entreprise, d'autant qu'elle était pour moi, cadeau royal, un cadrage serré comme je les aime, des couleurs flamboyantes et fraîches, une vraie beauté !

Depuis l'aventure de mon beau pastel, mon frère a décidé de lever le pied, déménager, et reprendre le dessin, tranquillement assis à une table, sur un banc, dans un musée, une expo, une balade (en ville), il reprend son langage habituel, son alphabet coloré. Il a l’œil, et le bon, pour voir tous les détails de son sujet, il va vite en besogne, vous pouvez parler à ses côtés, il n'entend rien, rien du tout... Seuls ses yeux ont des radars !

Mes amis, mes passagers, la prochaine fois je vous raconte les arbres... Profitez encore de l'été...

4 commentaires:

Brigitte a dit…

Un artiste ton frère , un vrai, plus rien n'existe quand il s'installe pour dessiner ou peindre ,c'est fou ça quand même … Et ne pas aimer les ruisseaux davantage le bitume j'ai du mal !
Mais ces hommes et ces femmes croqués par lui sont de vraies réussites .
Il est dans son monde …
Bises de fin de journée

Danielle a dit…

Oui Brigitte, mon frère est plutôt un gars des villes, moi aussi j'ai du mal :-)

C'est un artiste, chut !!!

Passe un bon WE, ici à Paris il pleut...

Je t'embrasse fort.

Marie Claude a dit…

Tout comme ton frère,j'aime regarder,observer les gens,mais sans son talent d'artiste...je ne sais pas du tout dessiner,alors j'imagine dans ma tête,la vie de ces personnes,je me trompe certainement souvent...
Dommage pour le sac que tu avais confectionné avec "amour" je n'en doute pas,essaie encore en fonction de ces désirs..
Superbe le pastel,je sais qu'il est précieux pour toi,surtout que ton frère ne dise pas qu'il dessine mal,je ne le crois pas et ces dessins que tu nous présentes sont vraiment réussis!!!!
Bon dimanche à toi.
De grosses bises du soir.

Danielle a dit…

Aïe! Marie Claude ma réponse est tardive :-(

Oui, chère Marie Claude mon frère dessine très bien et ses couleurs sont toujours celles que j’admire...

Bon WE à toi, avec bises fortes.