mercredi 14 août 2019

Le Palais Royal est un beau quartier... (2)


Quand on arrive par derrière, côté rue Croix-des-Petits-Champs, voilà ce qu'on voit, par une fenêtre bilobée formée par les arcades du Palais Royal : on tombe sur un tableau de la Renaissance peint par Véronèse, au moins ! À travers la belle perspective des colonnes et des parasols, on distingue le feuillage des tilleuls du si beau jardin, tiré à quatre épingles, une vue paisible, admirable... Un autre monde... Plongé dans la lumière tamisée quand il fait gris, et resplendissant sous le soleil !


Et que se passe-t-il juste devant ? Des parasols en rang d'oignons, parfaits de couleur et de forme

Donc, je vous disais dans le post précédent, que ma promenade au Palais Royal était due à ma recherche de parfums à la rose. La petite parfumerie qui se trouve juste derrière les parasols du Palais Royal, je la connaissais depuis très longtemps, mais je l'avais oubliée... J'étais passée à autre chose.

Avant d'y retourner, j'avais travaillé la question des parfums sur internet, je savais exactement ce que je voulais, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. J'étais venue avec mon antisèche, le résumé de  tout mon travail de recherche s'y trouvait, un gros travail de plusieurs heures, sur un petit papier qui pouvait tenir à l'intérieur de ma main ! La vendeuse, croyant que je venais faire mon marché avec ma liste de courses, m'accueillit avec un grand sourire... Je lui expliquais que je voulais une odeur de rose vanillée aussi belle que l'odeur des roses jaunes... Si j'avais eu un abricot de mon abricotier, cet arbre qui se trouve en bas de ma tour, dans une ex banlieue devenue le Grand Paris, je l'aurais apporté, mais la cueillette de cette année a été seulement de cinq fruits, que j'ai mangés ! Les abricots de cet arbre sont merveilleux, ils sont d'une couleur jaune/rose, gros comme des œufs de pigeon délicieux (c'est peu dire) au goût, odorants (difficile à décrire) comme une rose introuvable... Leur parfum, si délicat, magique, léger, aurait pu témoigner parfaitement du parfum que je cherchais. : un parfum de rose jaune déposé sur un abricot, et si c'était possible, mâtinée de vanille et de mûre, vous voyez ? C'était demandé une robe couleur de lune, je le savais bien.

La grande affaire, me dit-elle ! Nos roses, vous le devinez, ne viennent jamais seules, elles se composent d'une note de tête, de cœur et de fond. Je savais tout ça à fond : la note de tête est la plus volatile, celle de cœur se développe pendant des heures, et la note de fond fixe le parfum dans le temps, laisse un sillage... Berce vos vêtements, votre foulard, notre sensibilité... Un assemblage très compliqué...

Je savais tout, tout, tout sur la pyramide olfactive... Sur mon papier, j'avais noté avec précision les effluves que je voulais respirer sur les petites languettes de papier-test. La charmante vendeuse démarra au quart de tour son chant poétique, un chant chargé des mots évocateurs du jardin d'Eden : aussi beau qu'un champ de roses bulgares, vous sentez cette élégance poudrée, un peu fragile mais très présente, le grain de folie, racé, audacieux, ce tourbillon capiteux qui enchante ? Sentez encore... Elle me mit sous le nez, après l'avoir copieusement nébulisé, le témoin muet mais odorant. Ah ! La note de tête ne m'inspirait rien d'agréable, me piquait le nez, mais où sont la rose et la vanille, accessoirement la mûre qui vient quand on commence à cuire la confiture ? (Me disais-je intérieurement). Ses mots et mes odeurs ne se ressemblaient pas du tout... Non ? Tenez, sentez, celle-ci, associée avec de la mûre, vous l'avez ? Mais oui, mais oui, la voici, elle finit sur une note boisée-cuirée-animale, un sillage de rêve... Encore des mots, toujours des mots, paroles, paroles, et paroles... Les mots sont menteurs... Moi, je voulais ma rose jaune avec la vanille et de la mûre, si c'était possible, le petit papier-test allait et venait sous mes narines, et je ne retrouvais rien qui m'aille. Au prix où était vendue la bouteille, je voulais être sûre de mon choix, on ne choisit pas un parfum au hasard, il faut se donner du mal, l'affaire est d'importance et comme disait (à peu près) Colette (qui  habitait dans ce beau jardin) : je préfère me passer de bifteck plutôt que de parfum, et il se trouve que je pense exactement comme elle, au diable le bifteck, je préfère le parfum... Je préfère devenir végétarienne, végétalienne, et sentir bon !


J'adore voir les chaises avec les pattes en l'air, le silence des allées vides

Comme un vol de papillons, les ailes des petites bouts de papiers passaient et repassaient, le manège dura bien une demie-heure, la vendeuse avait de l'endurance, un sourire infini, comme il n'y avait pas d'autres clientes à servir, elle prenait son temps... La boutique était pleine de mots qui n'avaient rien à voir avec les odeurs...

J'étais une cliente sérieuse, mais les mots et la rose (à la vanille mâtinée de mûre) n'étaient pas au rendez-vous... Je vais réfléchir, je pense que celui-ci serait peut-être à mon goût, mais je ne peux pas me décider tout de suite, il faut laisser le temps passer pour voir ce qu'il fera sur ma peau... Elle me donna des échantillons, ces petites bouteilles de poupée, si précieuses, écrivit le nom de la fragrance vaporisée sur chacune des languettes, et les mit une à une dans une petite pochette en plastique pour ne pas mélanger les odeurs. Elle méritait la Légion d'honneur... Et moi le bonnet d'âne, à ne pas savoir ce que je voulais, ou mieux, à chercher exactement ce que je voulais, sans le trouver ! 

Parfumeurs, déclamez les vers des fragrances, poétisez, inventez des mots, marketez tant que vous voulez, mais de grâce, rendez-nous les odeurs de la nature, pures, fraîches, merveilleuses. La nature, c'est elle qui est originale, révélez-nous l'odeur du tilleul de juin, des freesias du printemps, de la mûre après le premier bouillon de cuisson de  la confiture, la rose jaune, si suave, si belle, si magique, le chèvrefeuille, la fleur d'acacia, l'oranger du sud, la vanille de Madagascar ou d'ailleurs, le jasmin de nos jardins, le lilas, le muguet, la violette. Les accords de la nature dépassent tous ceux mis en bouteille d'après la pyramide olfactive... Je cherche les parfumeurs n'ayant pas peur de restituer les fleurs de nos jardins, vivement que je me jette sous le figuier de l'Indre où je serais en septembre...


Le jardin, le jet d'eau, le soleil

En sortant de la boutique avec mes précieux élixirs et mes pochettes parfumées, je savait déjà que rien ne faisait l'affaire, j'étais déçue, moi qui était prête à sauter le pas, craquer mes économies, mettre le paquet sur une bouteille, mais la bonne... Je gardais l'espoir que le temps jouerait pour moi, les tests feraient leur effet dès que je serais chez moi, ça valait le coup d'attendre, patience, ma fille... Et je me mis en attendant à photographier avec gourmandise les terrasses fermées du jardin silencieux...




Merci le mois d'août, les lundis, ils me font du bien

Quelle belle aventure ce jardin du Palais Royal au mois d'août, je vous recommande le lundi, quand  (presque) tous les magasins sont fermés, même le sable du jardin n'est pas rayé, les chaises font les pieds en l'air, restent les bancs où on se rassemble tous ensemble pour respirer l'ambiance, c'est le temps du bavardage possible avec son voisin, sa voisine, conversation de météo, pourquoi pas, c'est un beau début... Prenons le temps de faire connaissance, souvent les mots des rencontres vont loin (à mon âge, bien sûr), les impressions de la vie sont matinées de tant d'émotions dont on peut un peu parler à des inconnus...


Mais revenez-y aussi quand tous les magasins sont ouverts, il y règne un air de luxe, de volupté et de rêves, presque inaccessibles

Mes amis, mes passagers, l'été va se finir avec des airs parfumés, profitez du beau temps, de la pluie et même du vent... Profitez de la vie !  Je vous embrasse !

6 commentaires:

siu a dit…

Il est si amusant, chère Danielle, ton récit du... parfum perdu, et au meme temps compétent et approfondi comme un traité ;-))
Mais je peux très bien te comprendre... ah quand on cherche quelque chose qu'on désire tellement et qui est impossible à trouver! On se sent meme très seuls parfois, et pourtant on le sait bien que ce qu'on a en tete, et bien ça existe!
ça fait je ne sais meme plus combien de décennies, l'eau de cologne que j'adorais avait disparu, hélas à jamais. C'était "Bal des fleurs" d'Atkinsons. Je n'ai meme pas de loin ta capacité de décrire un parfum... de toute façon c'était frais, léger, délicat mais au meme temps très particulier et raffiné, du moins pour moi.
Et bien pendant quelques années je ne pouvais pas me résigner et j'ai cherché partout, partout, j'ai demandé à tout le monde, j'ai tout essayé mais sans aucun résultat. Une réflection presque philosophique pourrait supposer que c'était quelque chose qui avait trop d'élégance dans la légèreté par rapport aux temps qui allaient de plus en plus changer dans un sens bien différent. Va savoir... En tout cas au long des années j'ai essayé quelques ersatz, si je me rappelle bien le plus proche c'était un d'Elizabeth Arden dont j'ai oublié le nom, mais en tout cas ce n'était pas la meme chose, ça ressemblait seulement.

En attendant ta prochaine histoire...

Je t'embrasse fort!

Danielle a dit…

Merci chère Siu pour ton long message qui raconte aussi ton histoire de senteur introuvable... Je comprends tellement ta recherche, en vain...

Oui Sieu, il y a tellement de différence entre le vrai et l'ersatz, la philosophie est partout dans notre vie, moi j'y pense beaucoup car elle aide à vivre...

Je cherche encore une belle fragrance... Mais je ne trouve pas, je ne trouve que des mots...

Passe un bon jeudi, vendredi, sam...ainsi de suite. Je t'embrasse fort.

Marie Claude a dit…

Tu savais parfaitement ce que tu désirais et déception...
Il y a à présent, beaucoup de produits de substitution dans les parfums actuels pour reproduire l'original,même dans les plus grandes marques,dommage.
Le parfum que je porte depuis de nombreuses années se fait de plus en plus rare,il disparaîtra bientôt je le "sens"...
Peut-être un jour, lors de tes recherches,tu auras le coup de coeur..il nous reste le parfum de la nature dont on ne se lasse pas.
Comme j'aime tes photos de ce si beau lieu,une ambiance que je ne peux définir.Il y avait aussi très peu de monde et j'ai vraiment apprécié.J'ai eu aussi une pensée pour Colette.
Belle journée à toi
De grosses bises du matin

Danielle a dit…

Marie Claude, tu as raison, peut-être un jour, si je cherche bien, je trouverais le parfum de mes rêves...

C'est vrai, il y a beaucoup de produits pour reproduire l'original, sans jamais l'atteindre...

Nous avons aimé ce Palais Royal du mois d’août, Colette... Il y avait un beau soleil mon jour à moi, j'espère que pour ta visite il était toujours là...

Je t'embrasse fort à très vite.

Brigitte a dit…

J'espère qu'avec le temps tu vas trouver l'odeur de ton parfum dans ces échantillons?
Ah l'odeur du figuier j'en ai profité ou j'étais, c'est une vraie merveille, surtout avec le soleil !
En Août, tout est plus calme, on circule mieux partout et j'apprécie ! il va redevenir difficile de circuler à Angers avec la rentrée et les travaux pour le tram…
Des bises du jour

Danielle a dit…

Chère Brigitte, en fait je cherche peu, c'est par crise :-)

Oui, j'aime le mois d'août et son calme, tout reprend du réel.

Vive Anger en août...

Je t'embrasse fort de fort.