jeudi 28 juin 2018

Les murs peints de Vitry Sur/Seine (1)


Les magnifiques HLM "Les étoiles", de l'architecte français Jean Renaudie (1925-1981), à Ivry-sur-Seine


Nous avions prévu d'aller à Vitry-sur-Seine, et nous avons atterri à Ivry ! Oui, nous nous sommes trompées de station de métro, mauvais aiguillage, mais il nous en faut plus pour baisser les bras !

Mairie d'Ivry, tout le monde descend. Dès la sortie vous tombez nez à nez devant, ça fait plaisir : les terrasses en étoiles plantées d'arbres, les fleurs et les arbustes qui dépassent, vous ne pouvez pas vous tromper : vous êtes devant l'ensemble de logements sociaux imaginé par l'architecte français Jean Renaudie, inauguré en 1972. Le projet était à l'initiative de l'Office Public d'HLM d'Ivry. Cet ensemble architectural, appelé maintenant "Les étoiles de Renaudie", a une renommée internationale. Il répondait à une forte demande de logements de la Région Parisienne, et à la restauration d'un quartier jugé en partie insalubre. Pour la municipalité, il s’agissait également de démontrer sa capacité à transformer son cœur de ville en lui donnant une forte image de modernité, mais sans trahir ses principes fondateurs, notamment la place accordée au logement social.



"Les étoiles"- Jean Renaudie (1925-1981)

Je me souviens avoir visité l'appartement témoin quand je travaillais dans un cabinet d'architectes de Paris. Tout le monde était "sur le cul" : ça ne va pas marcher, les terrasses pleines de terre,vont fuir, il n'y a pas assez de murs pour mettre ses meubles, les logements étaient en pointes... Aujourd'hui, nous savons que tout marche bien. J. Renaudie avait mélangé dans la même structure à plusieurs étages, en béton : commerces, logements, équipements sportifs... Moi, je trouve qu'il y a beaucoup trop de circulation aux pieds des immeubles... Mais le reste est superbe !


"Les étoiles" - Jean Renaudie (1925-1981)

Il faudra y revenir... Vous avez remarqué que je n'y reviens jamais... Il y a tant de choses à voir... Une idée pousse l'autre...

Donc, pour aller voir les murs peints de Vitry, il nous à fallu faire marche arrière, reprendre le métro, et l'autobus... Allez, courage !

Notre GPS favoris était les passants, les habitants du cru, et pour finir le MAC/VAL (Musée d'Art Contemporain du Val de Marne) de Vitry, qui nous mit définitivement sur la voie du street Art que nous étions venues voir...

À aucun moment nous n'avions désespéré de trouver les murs colorés que nous cherchions. Pile au milieu du carrefour de la Libération,(en plein travaux), en face du MAC/VAL, nous avons vu cette belle sculpture de Jean Dubuffet, un peu salie par le temps, mais toujours belle, en mouvement, reconnaissable entre toutes... J'espère qu'il donneront un petit coup de jet d'eau pour la nettoyer en partant. L'Oeuvre ne craint rien puisqu'elle est faite avec des matériaux solides : résine époxy armée de fibre de verre et peinture polyuréthane.


Chaufferie avec cheminée - sculpture - Jean Dubuffet, peintre, sculpteur, plasticien, écrivain français (1901-1985) 
Dubuffet a été le premier théoricien, et le plus important collectionneur, d'art brut

Allez, allez, nous y sommes presque, nos appareils photo autour de notre cou, prête à tirer... Quelle belle aventure, la découverte des cités urbaines...Ça faisait très très longtemps que je n'étais pas venue par ici, je n'ai rien reconnu...

Regarde, il y a du rose là-bas... Oui, mon amie avait des yeux de lynx, elle sentait les choses, nous sommes tombées dans une cité pas très radieuse, mais colorée dans le bas des immeubles, les portraits :


Beaudelaire - Place Jean Vilar -Vitry - (Orticanoodles, nom qui cache deux créatifs milanais Wally et Alita qui travaillent le pochoir) 


Christiane Taubira - C215 (Pochoiriste français, Christian Guémy -1973 - vit à Vitry)


Renaud - C215 (1973)


Bernard Tapie - C215 (1973)


Yannick Noah - C215 (1974) Ivry-sur-Seine


??? C215 (197) Aidez-moi à reconnaître ce visage ?


??? C215 Je ne reconnais pas non plus ce monsieur, help me !

Mais Danielle, pourquoi tant de C215 sur les murs ? Pas difficile à comprendre, l'artiste habite juste la maison d'en face, nous dit une petite bande de jeunes qui discutaient sur place... Coup de gueule de l'artiste, quand plusieurs de ses œuvres ont été volées in situ !

Il a donc exercé son talent sans modération... Il y avait plein d'autres artistes du Street-Art sur cette place Jean Vilar, les bas des immeubles regorgeaient de couleurs, des grands et des petits noms, des indéchiffrables, il y avait de la place pour tout le monde. Je ne sais pas si les habitants du lieu avaient été associés à cette débauche de couleurs, d'idées lumineuses, les techniques et matériaux étaient très divers : pochoirs, papiers collés, fresques, bombes... 


Servos (39 ans), le dessin est magnifique, plein d'humour


A1One, pseudonyme de Karen Chashad (né en Iran en 1981). Il est l'un des pionniers de la scène de l'art urbain dans le Moyen-Orient, depuis 2012 il vit en Allemagne


Alice Pasquini - (1980, née et vit à Rome) 
Scénographe et illustratrice italienne, une des rares femmes qui est mondialement 
connue dans le monde dans l'art du graffiti


Nous avons avancé dans notre parcours qui n'en finissait pas, heureusement il ne faisait pas trop chaud, nous 
poussions des cris à chaque découverte, nous demandions aux passants s'ils connaissaient d'autres murs peints,
les doigts se tendaient vers la gauche ou la droite, tout droit même... Nous n'étions pas au bout...
Jamais nous n'avons pensé à boire un petit café dans un bel estaminet, comme nous aimons le faire dans nos
promenades, pas le temps, pas le temps, nous voulions tout voir... Tout voir... Bien sûr, nous n'avons pas tout vu. 

Il faudrait qu'on y revienne... Mais nous n'y revenons jamais...

Rendez-vous sur mon prochain post à la poursuite des couleurs, et le verre d'eau chez l'habitante...

samedi 23 juin 2018

Les nouvelles... Les moins bonnes (2) Illustrations végétales (photographiées dans mon agenda annuel de la BNF)



Fleurs de saison

Les choses de la vie un peu tristes :

Quelques fois, nous nous perdons de vue pendant des mois, des années, et puis tout à coup, nous nous retrouvons à tout bout de champ, dans la rue, deux, trois fois par semaine... C'est étrange... Nous reprenons alors notre conversation favorite : la vie et son cortège de bonheurs et de désillusions, crispations, douceurs, exaspérations... Qu'y pouvons-nous, ma chère Adeline, qu'y pouvons-nous ? Elle attaque son récit toujours avec élégance, sourire, elle réfléchit beaucoup et prend son temps pour trouver les mots ciselés sur son expérience, pour mieux se faire comprendre, elle reformule ses impressions et garde toujours le sourire... C'est Adeline !

J'adore qu'elle me raconte ses histoires, elles tournent toujours autour de sa vie de tous les jours, et tous ses jours sont très intéressants. Tu comprends, Danielle, je ne me laisse plus faire. Fais ceci, ne fais pas cela, je me sentais toujours obligée obtempérer, et puis un jour j'ai décidé qu'il fallait que je change. Ça ne s'est pas fait en un jour, j'ai pris mon temps, de victime je suis passée à : j'existe pour moi-même, agissante, et ça m'a changé la vie. Ah bon ! J'imagine... Raconte... Oui, j'ai décidé de prendre de l'épaisseur, pas en poids, tu vois, mais en présence, oui, oui, je vois très bien. Mais tu sais, il est devenu très gentil, toujours rouspéteur mais gentil, il fait plus attention à moi, mais reste difficile à vivre... Pour moi, le divorce est impossible, impossible... Je fais avec ce que nous sommes, et puis tu sais, il est très généreux avec nos enfants, tu vois, quand il fait un chèque il met plusieurs zéros après le premier chiffre... Elle était admirative... C'est bien, ça, Adeline, il faut bien qu'il ait des qualités, ton homme... Nous rions...

Depuis tant et tant d'années que nous nous connaissons, je l'avais vue reprendre du poil de la vie, plus gaie, plus passionnée sur tout, elle aimait la lecture par dessus toutes autres choses, la broderie aussi. En ce moment je ne lis plus, j'ai mal aux yeux, je ne sais pas, ça me pique, j'ai mal à la tête, j'ai un glaucome... Et Maupassant, Adeline, reprends Maupassant que tu adores, ses courtes histoires devraient suffire à ne pas énerver tes yeux, tu vas te régaler... C'est une idée, je vais reprendre Maupassant... Et puis, les vagues de nos paroles sont reparties vers d'autres rivages... Cette fois-ci, c'était l'exclusion : moi, je ne comprends pas ça, elle parlait d'un couple d'homosexuels qu'elle connaissait et qui s'était mariés, malgré le grand scandale causé dans leurs familles, un truc, tu ne peux pas imaginer, ils étaient montrés du doigt, on disait partout : tu te rends compte, ils ont osé, c'est pas normal. Eh bien, le curé du village (Portugal) est venu à leur mariage, elle riait, trouvait que la chute de l'histoire était belle, oui Adeline, belle ! Mais de quoi se mêlent les gens, qu'est-ce que ça peut leur faire, la vie des autres, moi je considère que les homos sont d'abord des personnes comme les autres, comme les autres... Elle venait de loin, Adeline, elle venait de loin... De très loin... Comment vont tes enfants ? Très bien, je file faire des courses... À la prochaine... À très vite, j'espère...


Fruits de saison


Ceux de mes lecteurs qui suivent mes fantaisies depuis un moment savent que je suis une fille des rues, si vous saviez ce que les gens m'ont raconté sur les trottoirs, quand le moment se présentait : les confidences, les chagrins, les serrements de cœur et de mains... Nous étions alors seuls au monde, par tous les temps, sauf sous la pluie, j'ai entendu des pleurs, des mots si beaux, si poignants, nous nous consolions comme nous pouvions, car dans les histoires des autres nous nous retrouvons si souvent...



L'abricotier de notre immeuble l'année dernière


Cette année, nous n'aurons aucune récolte, pas un seul abricot ne pousse sur notre arbre municipal, il a subi les coupes de l'élagage avec pansement rouge aux cicatrices des grosses branches, il se remet lentement... Il est tout en feuilles, en boule, gracieux, bien vert, moins haut, une santé de fer, il se prépare pour l'année prochaine, nous serons à son chevet jusqu'à la nouvelle récolte... Je vous tiendrai au courant... Nous avons coupé les petits arbustes de la jardinière en dur au bas de nos escaliers, maintenant c'est dit, notre office nous abandonne (à notre demande) le soin de tout ce qui pousse en bas des marches. Nous avons aussi replanté trois plantes vertes dans le bac de notre hall d'entrée qui avaient été volées, une par une, nous restons surpris de voir que tout va bien, tout le monde s'en occupe, un peu d'eau par-ci, un peu d'eau par-là, elles vont finir par avoir des hauts-le-cœur tellement elles auront bu...


Alice ! Fleur parmi les fleurs, très fière de poser !

Alice ! J'y viens (ma chère voisine dans sa 104e année)

Elle s'était cassé le bassin au cours de son voyage chez son fils dans le sud, la voilà revenue en maison de rééducation, tout près de chez elle, nous sommes allées la voir, et l'avons trouvée assez pimpante. Elle fait le tour de son l'étage deux fois par jour minimum avec son déambulateur, elle ne souffre de nulle part, allez hop ! Le kiné la trouve très en forme... Elle ne se plaint pas, on mange bien, les gens sont très gentils, sa voisine ne lui parle pas car elle est sourde et ne veut pas porter d'appareil, elles se sourient simplement, se font des signes... C'est un peu triste... Pendant toute la visite, dans le petit jardin, dans l’ascenseur et dans le hall d'entrée, je regardais à droite et à gauche les résidents en chaise roulante, la tête penchée, les idées ailleurs, l'endroit était sinistre... Alice, revenez vite, ne restez pas là-bas, on vous attend, vous nous manquez sur notre palier... Tout l'immeuble vous réclame !


Légumes de saison

Encore une mauvaise nouvelle du jour !

Bien installée dans l'autobus, dans le sens du  paysage en marche, j'allais au cinéma dans le quartier d'à côté, il y avait du monde, du monde, il n'y a jamais assez d'autobus, ils sont tous pleins à craquer. Une petite dame, bien mise, coquette, bien maquillée et souriante avec son petit caddy sur le côté, s'est assise en face de moi, voyant les voyageurs monter : femmes voilées, noirs, bronzés... Se penche vers moi et me dit assez discrètement : nous sommes envahis ! Je l'ai regardée interloquée, je suis restée bouche bée, je n'avais plus de voix pour parler, j'ai changé de place... Elle doit se demander encore pourquoi !

Prochain post les murs peints de Vitry-sur-Seine, j'ai adoré... Je partage...

jeudi 21 juin 2018

Les nouvelles... Les bonnes et les moins bonnes...(1)



L'affiche du film, d'Alexandre Messina

On ne sait jamais comment les énoncer, les bonnes d'abord, ou les mauvaises ? Vas-y Danielle, fais comme tu peux...

Les bonnes nouvelles, avec un film :

Alors je commence par les bonnes, les bonnes surprises : un film qui donne du bonheur, de l'émotion, un documentaire incroyable, qui nous raconte une aventure exceptionnelle. PERCUJAM, un film sorti très récemment, avril 2018, et pas distribué, une seule salle à Paris le propose. Il mérite mieux que ça, j'ai eu la chance de dire au réalisateur : Bravo, votre film est merveilleux !

Imaginez, un groupe d'autistes lambda et leurs éducateurs qui fabriquent le projet de monter un spectacle de musique déjantée, ils composent tout, absolument tout, paroles et musiques, qu'ils interprètent, ils sillonnent la France avec ce spectacle, des grandes salles les accueillent, ils ont un succès fou !

Dans le centre où habite tout ce petit monde, Alexandre Messina n'élude pas la vie quotidienne avec les éducateurs, les réunions où se règlent le déroulement des journées, les tensions, les angoisses, les : j'y suis - j'y suis pas, et le travail musical. Les gens sont ce qu'ils sont, c'est à dire des autistes patentés, tous différents, insupportables, attendrissants, musiciens, artistes, tellement sincères et enthousiastes... Ils expriment leurs états d'âmes directs, sincères, pas question de tricher. Ce film n'est pas un film sur les autistes, c'est un film sur le montage d'un spectacle !

Les spectacles s’enchaînent, Alexandre Massina nous sensibilise à l'envers du décor : les difficultés, les hésitations, les regrets, les timides, les excités, et puis le spectacle superbe, moi je m'en foutais un peu que les artistes soient autistes, j'avais seulement envie d'en voir plus de leur spectacle, comme n'importe quel autre, ils mettaient le feu sur scène, des belles voix, des belles paroles, des belles parties musicales, ils étaient dans l'essentiel, donner du bonheur au public. L’enthousiasme du public me donnait envie d'y être, d'en entendre d'avantage.

Un grand moment de bonheur, merci les artistes !


Le superbe documentaire de Nicolas Philibert (1995)

Je me souviens du film merveilleux : "La moindre des choses" de Nicolas Philibert (1995) réalisateur génial de grands documentaires : dans un centre psychiatrique de La Borde, soignants et malades répètent une pièce de théâtre, une troupe de théâtre professionnelle vient spécialement pour les répétitions avec les résidents. Ce documentaire n'est pas un film sur la folie, c'est un film sur le partage, la douceur, la détermination d'aboutir à monter ce spectacle de fin d'année... Je fais un grand parallèle avec celui d'Alexandre Massina, les mêmes douceurs, le même respect dans les deux films, il arrive que l'on confonde les soignants, les éducateurs et les patients, participants. Deux réalisateurs très très talentueux !


La suite des belles nouvelles, avec un concert :





L'ensemble de chanteurs au grand complet (Lisbonne)

Un beau concert de quartier. Ah, bon ! Oui, un très beau concert dans le cadre des rencontres chorales 2018 de Seine Saint Denis. Pendant deux heures, que du bonheur !

Un groupe de voix d'hommes portugais, une vingtaine des jeunes étudiants (doctorants, ingénieurs d'un institut technique supérieur) qui déboulaient directement de Lisbonne, tous en tenues noire, guitares, mandoline, tambours, tambourins et belles voix dans un programme de chants traditionnels et populaires. Participait aussi un ensemble vocal composé de 12 chanteurs professionnels de très grande qualité, Soli-Tutti dirigé par un chef (Denis Gautheyrie) qui défend depuis 30 ans la création contemporaine. Un autre chœur de Montfermeil, dirigé par Jean-Philippe Dequin, fit merveille, précis, émouvants, un beau répertoire.

Un grand moment de bonheur ! Merci les artistes !

Des bonnes nouvelles, comme s'il en pleuvaient avec les visites dans les galeries d'art : des artistes de tout premiers plans.

- Jan Fabre (plasticien) - Galerie Templon
- Bill viola (vidéaste) - Galerie W
- Pierrick Sorin (vidéaste) - Galerie W
- Fabien Chalon (maître des mystères, boîtes magiques) - Galerie W

Incroyable ! Tant de grands artistes en une seule journée, l'immense joie de voir, revoir le très grand vidéaste Bill Viola, connu du monde entier, à juste titre. Ses œuvres non seulement sont belles et émouvantes, mais elles nous font réfléchir, elles nous engagent à aller plus loin que l'apparence, plus loin que l'indifférence, il nous conduit dans des zones qui me touchent : la solidarité, l'humanité, la bienveillance et l'indifférence...  Une sorte de déluge biblique à la Géricault. Vous voyez ? Attendez de voir...




Vidéo de Bill Viola - artiste américain (1955) - Tempest - étude pour le radeau - 2005... Durée de 
la vidéo 16'50''

Un groupe de gens s’installent devant nous, laissant un grand vide sur la droite...



Petit à petit le groupe grossit, les gens se rassemblent et restent indifférents à leur voisin, un homme et une femme lisent, la femme en pantalon, au centre, regarde le spectateur, il forment une grande fresque classique, en rupture de communication...




Quelques seconde plus loin, la femme en bleu se retourne légèrement... L'action se prépare


Puis, imperceptiblement, le groupe bouge avec une quantité de tout petits gestes, que l'effet spécial du ralenti met en valeur, il faut les suivre avec attention, les deux femmes se reconnaissent et se parlent... Le lecteur continue de lire...



Tout à coup, un déluge soudain s'abat sur ces gens, sur les côtés,  ils sont frappés de plein fouet, cèdent à la panique, l'homme du milieu qui n'a pas encore été touché, continue sa lecture... Après moi le déluge, je n'entends rien, je ne vois rien !



Puis tout bascule, la panique gagne le centre, tout le groupe est frappé, désorganisé, effrayé, les gens tombent un par un sous le la force du typhon, des grandes vagues, du déluge... L'eau déferle avec violence...


L'ensemble du groupe s'agite, nous sentons la peur, certains sont à terre, victimes de la catastrophe...




Et nous voyons soudain apparaître les premiers gestes de solidarité, les mains se touchent...


Timidement,  ils se viennent en aide...

Et puis, 16'50" passées, la vidéo reprend... Il ne suffit pas d'un seul passage pour tout voir... 

Bill Viola nous dit : "Ce déchaînement des éléments naturels, s'il les laisse (les gens) échoués et désespérés, les réveille aussi de leur hébétude morale et ravive leur humanité".

L'effet spécial du ralenti augmente la densité de la tragédie, bouleverse nos perceptions, avec un œil d'entomologiste nous pouvons détailler ce qui se joue dans le groupe, et réfléchir...

Une merveille !

Jan Fabre fait son grand retour chez Templon (nouvelle galerie, beaucoup plus grande). La galerie lui a laissé les clés, il a eu carte blanche (elle l'expose depuis l'année 2000) pour l'inauguration des nouveaux locaux, il a fait ce qu'il a voulu et ce n'est pas triste, voyez, je me suis bien amusée...




La petite bête qui monte qui monte (titre de mon cru) Jan Fabre - artiste belge (1958)

Je vous avais prévenus, iconoclaste et imprévisible, un tantinet coquin, mais toujours avec un merveilleux talent,  et de l'humour !!





Matières premières : paillettes de toutes les couleurs... Qu'on se le dise !

Pierrick Sorin :

Que je n'avais pas vu depuis longtemps, un bonheur de le rencontrer avec des petits sujets animés, dans ses boîtes magiques :



Un petit personnage danse sur un vrai électrophone - Pierrick Sorin (1960)


Petit mise en scène avec projection de petits personnages - Pierrick Sorin (1960)


Projection en boîte - Pierrick Sorin (1960)

Les petites boîtes animées, installations vidéo de Pierrick Sorin, artiste français (1960), tour à tour vidéaste, scénographe, metteur en scène : ces petites boîtes sont des merveilles, où l'on voit des petits personnages marcher, danser, sauter dans un espace scénique minuscule, réduit à une boîte. Du rêve, du rêve, du rêve... Et de la poésie !

Fabien Chalon :

Cet artiste, ingénieur en physique nucléaire, est prodigieux, il invente des petites machine-Opéra qui s'animent et racontent une histoire avec son et lumière, extraordinaire créateur d'univers poétiques splendides : les boules roulent, les vapeurs montent, les lumières s'allument, la vidéo démarre, avec le son...

Il suffit d'appuyer sur le bouton de ses machineries extraordinaires et insolites pour que l'histoire vous soit contée,  de la beauté,  et des surprises vous attendent, ses œuvres sont généralement qualifiées de "mécaniques intimes" : le périple dure quelques minutes et il faut appuyer de nouveau sur le bouton pour se laisser embarquer...




La belle petite machine-Opéra qui raconte son histoire - Fabien Chalon - artiste français 


La machine-Opéra rouge qui danse - Fabien Chalon

Les boules activées par les spectateurs circulent à travers d'ingénieux labyrinthes, vous pouvez recommencer autant de fois que vous voulez, il suffit d'appuyer sur le bouton, le rêve est garanti à chaque fois... Dans la machine-Opéra rouge, la danseuse danse et les boulent roulent. Même arrêtées, les machines sont magnifiques, elles nourrissent le mystère et la poésie... Il faudrait que j'y retourne pour faire d'autres photos, pour le plaisir...

La prochaine fois, je termine les bonnes nouvelles et je parle des moins bonnes nouvelles... La roue tourne, à très bientôt les amis...

lundi 11 juin 2018

Sur le pas de la porte... (post illustré par les verts de Normandie)





Pommiers de Normandie

Pour continuer dans les parlotes, je vais vous raconter celle-là... Elle ne vient ni de Normandie, ni d'un salon, ni d'un groupe de paroles, elle s'est fabriquée sur le pas de la porte, sur le trottoir, au sortir d'une salle de cinéma que nous fréquentons toutes les deux. Nous nous connaissons depuis longtemps... Pas vraiment amies, plutôt copines, pas très proches, mais pas trop éloignées non plus, actives dans des activités associatives, mais nous ne nous étions jamais penchées sur nos berceaux... Nous avions abordé beaucoup de sujets, plein de choses et d'autres, pas très personnelles, mais toujours intéressantes...

Les mots défilent, filent, filent des trésors qu'on ne dit jamais...

Je ne sais pas vraiment d'où, comment, les paroles ont surgi, mais elles sont venues de loin...

Nous étions allées voir, chacune de notre côté, dans la même salle, ce très beau film : "Retour à Bollenes", de Saïd Hamich, réalisateur français que je ne connaissais pas du tout. Le thème du retour, des retrouvailles est complexe. Un homme, issu de l'émigration marocaine, revient dans sa commune du sud de la France où l’extrême droite est aux manettes municipales, il ne se  reconnait plus dans les traditions ancestrales maintenues par les membres de sa famille, et dont il s'est défait au cours des années de travail à l'étranger. L'amour pour les siens est resté intact... Comme son père parti du Maroc, lui aussi est parti travailler à l'étranger, loin de sa famille... Au retour, il bascule dans l'incertitude. En gros, le film parle de ces exils singuliers avec délicatesse, les questions sont posées, mais les réponses restent à trouver, les mots à dire... Le fils et le père ne peuvent pas trouver les mots, mais ils se serrent dans les bras...


Bouleaux de Normandie

Rien n'existait autour de nous que nos paroles, nos regards. Louise me disait que bien souvent, la vie était ainsi faite, les réponses ne suivaient pas toujours les questions. Cette attente avait parfois du bon, elle nous tenait en éveil, nous étonnait, nous questionnait sans cesse... C'est quoi la réponse ? Nous somme toujours pressés de la connaître, nous savons empiriquement que cette absence, cet espace inconnu nous donne de la liberté, et quelque fois même de la créativité. Nous essayons de trouver les réponses, jusqu'à la fin de notre vie, et sur ce chemin nous ne sommes sûrs de rien...

Je lui disais combien j'avais aimé ce film, ni compliqué, ni simple, il abordait avec tact et subtilité les rapports forcément passionnés et contradictoires des membres d'une famille...

De fil en aiguille, filent, filent des trésors qu'on ne découvre jamais...

Engageons-nous, Louise, soyons sincères, soyons vraies, dans la relation avec tes enfants, ose leur dire que tu n'es plus la plus forte, ose parler de ta vulnérabilité, de ton besoin de les sentir plus près de toi, commence à compter sur eux. Elle avait deux garçons qu'elle aimait plus que tout, elle me disait aussi que c'était réciproque, mais ils ne se le disaient jamais, personne n'osait dire ces mots-là. Tu as raison, l'essentiel, nous le réservons pour la fin, comme c'est dommage... Oui, Louise, comme c'est dommage, arrête de faire la forte, la costaud, arrête, mon amie, sois faible, sois comme tu es maintenant... Courage, confiance !

Moi aussi, j'ai fait comme toi, j'ai attendu, et le temps a fui... Je leur ai dit qu'ils m'étaient nécessaires, indispensables, ça fait longtemps déjà que je leur dit que je les aime, ils savent, ils me le disent aussi. Vous savez, mes enfants, plus le temps passera et plus j'aurais besoin que vous me teniez la main, ils savent, tu vois, il m'ont entendue, nous nous sommes compris... Je voyais bien que dans les yeux de Louise, ce n'était pas la pluie qui passait mais le chagrin. J'avais moi aussi du mal à contenir mes larmes, les émotions étaient fortes, visibles....

Louise, toi qui a été une femme résistante, forte, active, tu as peut-être laissé penser que tu n'avais besoin de personne pour exister. Oui, c'est vrai, je ne voulais pas peser sur eux. Ah ! La voilà, la femme balance, un vrai fléau, mais Louise, on ne pèse pas sur les âmes quand on les aime avec tendresse... Oui, tu sais, c'est drôle de se dire ça maintenant, je n'ose pas, mais il faudra que je réfléchisse à cet amour, l'essentiel, en somme. On se parle, tu sais, avec mes garçons, mais je sens bien qu'il nous reste beaucoup à dire. Permets-le Louise, permets-le...


Les cerises arrivaient

N'attends pas que le temps te fauche cet amour-là...

Nous sommes restées longtemps à parler d'amour sur le pas de la porte, nous n'arrivions pas à nous quitter, il fallait encore des mots, des exemples, des occasions, tu crois que ? Oui, Louise, je crois que le moment des paroles est venu... Ne parlons plus à demi-mots, il en manque la moitié pour se comprendre vraiment... Tout ce que je lui disais, tout ce qu'elle me disait, entrait parfaitement dans nos cœurs !

Je connaissais la grande humanité de Louise, c'était une femme formidable, sensible, touchante, elle avait fait pour bien des gens beaucoup plus qu'il ne faudrait, mais sait-on ce qu'il fallait ? Ses enfants l'avaient vue travailler dur, se débattre, se démener, mais pas souvent ils ne l'avaient entendue parler de cet amour qu'elle avait pour eux... Moi, je ne l'avais jamais sentie si vulnérable, si attendrissante, si grande que sur le pas de la porte.....

Nous nous sommes quittées pourtant, nous avions repris nos sourires, j'ai repris mon autobus, elle rentrait à pieds, nous n'étions sûrement plus tout à fait les mêmes, de fil en aiguille, quel bel ouvrage nous avions fait...

Et pour paraphraser François Villon : N'ayons entre nous de cœurs endurcis, osons, osons les mots, prenons /donnons la parole, osons les mots d'amour avec nos enfants...


L'allée des tilleuls, apaisante...

Mes amis, à très vite pour d'autres mots, d'autres histoires, d'autres couleurs...

mercredi 6 juin 2018

J'irai revoir sa Normandie !


 C'est un coin de verdure...

De quelque côté que vous regardiez, il n'y a que des verts de toutes les couleurs, des fleurs, des chants d'oiseaux, des rayons de soleil, pas toujours les mêmes du matin au soir, toutes les saisons défilent dans la journée...

De loin, on voit ces deux fauteuils qui attendent les conversations, offrent l'intimité, la bienvenue, le confort...

À l'heure du thé, il y a du thé fumant...


À l'heure du thé, il y a du thé...



Le paysage devant les fauteuils...

Quand je suis arrivée dans sa Normandie, je me suis dit : ça existe, ça ? Comment fait la nature ici pour tout capter, diriger : les regards, les émotions, les odeurs, les enthousiasmes, les pensées, comment fait-elle pour apaiser les cœurs, diminuer les douleurs, redonner même le sourire ? Bien des peintres s'y sont essayés avec talent, originalité, invention, grâce, beauté... La nature leur restera éternellement supérieure, elle reste une insurpassable oeuvre d'art, on ne peut la mettre en concurrence avec les artistes... Les imitations ne pourront jamais remplacer l'original, mais restent indispensables...

Quelle joie de pouvoir suspendre au mur de sa salle de séjour des paysages, des fleurs, sortis tout droit des pinceaux des artistes du dimanche, comme sont appelés les auteurs qui figurent aux bas des œuvres, le plus souvent à droite. Ils ne sont ni connus, ni cités dans les livres, ne font pas partie des inventaires, des dictionnaires, ces signatures sont le plus souvent des prénoms masculins et féminins : Alice, Renée, Adèle, Maurice, Madeleine, Henri... Dessinées avec pleins et déliés à côté d'une date... "Mes œuvres", achetées ça et là dans des brocantes, des puces et même sur internet, les beaux tableaux de mon frère peuplent mon univers, intimement !

Ici, dans sa Normandie, tous les volumes sont monumentaux, inattendus, superbes, les couleurs si proches se distinguent une à une, chaque brin d'herbe a sa personnalité, il faut beaucoup de temps pour tout absorber, impossible même, alors, j'embrasse l'horizon si proche qui ne va pas plus loin que mon regard, mon cœur... Avec bonheur !


L'horizon si proche

Quand le soleil s'étire à l'heure du déjeuner, ou vers le soir, on bouge, on sort les chaises, la petite nappe, les assiettes et les verres, on met les pieds sous cette table ! Les conversations continuent et mes yeux regardent, dans les intervalles de silence que laissent les paroles, les beautés de la nature, toujours parfaites.

Nous mettons tout sur la table pour ne pas avoir à y revenir, ce beau mélange de salades, de fromages et de fruits y prend place avec harmonie. Nos conversations d'extérieur redessinent tout ce qui se passe à côté de nous :  l'herbe, les fleurs,  le poirier de 100 ans et le pouce qui s'accroche encore sur la façade, la lavande qui ne va pas tarder à répandre sa subtile odeur, la glycine qui attend sa petite réinstallation contre un mur de pierres sèches, et le merisier qui signale l'entrée de la propriété... Etc... Etc...



La belle maison


La grande coupe de lavande


Le poirier de 100 ans et le pouce

Sans rien, ou presque rien en dire, vous voyez bien de quoi je parle !

Dans un très beau lieu neuf, pas besoin d'avoir des yeux neufs, tout vous arrive en rafales, pour la première fois, vous ajoutez sans cesse des impressions qui ne s'en iront jamais, ce sont celles-là que vous garderez, aucune gomme mentale ne pourra effacer ces impressions soudaines... Après, quand vos yeux sont peu à peu habitués à la beauté naturelle, comme ils font quand vous êtes dans le noir, les nuances arrivent, les discernements, les détails prennent plus de place, cet univers entre en vous pour toujours, ces impressions si personnelles, si singulières, risquent bien de devenir, banalement : c'est beau, la Normandie !

Il vaudrait mieux prendre du temps pour traduire les beautés de ce petit coin de nature, la simplicité, le confort, la subtilité et l'élégance du décor intérieur, la somptuosité, le ravissement et l'éclat de l'environnement extérieur... Personne ne fait ça, on traduit le grandiose par : C'est beau, la Normandie ! 

Moi, j'étais déjà "asphyxiée" par l'air généreux et majestueux qui émanait de ces lieux, le soleil était à l'oeuvre, la belle petite maison était sans barrière, sans clôture, sans portail, elle n'était pas vraiment délimitée, en haut du petit chemin qui menait à l'habitation, aux deux fauteuils en osier, une haie bien verte, bien naturelle formait les murs d'un petit parking où pouvait stationner la voiture, invisible de la maison. Dehors, dedans, tout était beau à voir, "belle sous toutes ses coutures", comme vous pourriez le dire d'une "belle" personne, sa beauté, sa générosité sont des douceurs qui ne se mesurent pas à l'apparence, heureusement... Sa beauté vient des profondeurs... Vous vous foutez de l'enveloppe... Ici, dans sa Normandie, la beauté était partout, partout, la nature prenait toute sa place, domestiquée ou naturelle, en pots, en buissons, en herbes folles, en mauvaises herbes, en pommiers, en poiriers, il suffisait au départ qu'elle ait seulement un pied dans la terre, et pour vous reposer de tant de joie, les deux fauteuils, au loin, vous tendaient les bras...

Dedans, la sculpture continuait, les perspectives, les points de fuite étaient parfaits, comme dans les tableaux de Vermeer, la lumière venait aussi de gauche, par des fenêtres à petits carreaux (l'angoisse de la maîtresse de maison).


Une belle (petite) flambée pour faire chaud et beau

Il y eut même un soir une rencontre magique avec un jeune homme de 23 ans qui passait par là, il promenait son chien, mon amie le connaissait, c'était un enfant du pays, la conversation alla bon train, confortablement assises dans nos deux fauteuils. Il prit place accompagné de la tasse de thé offerte par mon amie, la conversation qui débuta à partir des talents du chien finit par faire le tour des "dépressions heureuses", comme il appelait ses états du matin... La pénombre, l’empathie, la confiance, la bienveillance, nos grandes différences d'âges, l'intérêt que sa personne nous inspira  d'emblée, orienta naturellement la conversation sur ses préoccupations du moment, de fil en aiguille,  il fut ainsi au centre de cette soirée amicale. Il parla avec plaisir de ses passions, ses espoirs secrets, ses recherches intimes, ses difficultés, son travail... Je relançais de temps en temps ses paroles, par une petite question par ci, par là, sur des sujets sensibles et délicats pour approfondir : l'amour, la mort, les passions, les plaisirs, les déceptions, ses attentes et ses projets dans sa vie. Petit à petit il sembla reprendre du crédit auprès de lui-même, la confiance en lui, si fragile, renaissait un peu, nous le sentions, imperceptiblement,  un beau moment... Vers 2 heures du matin, j'avais froid, sommeil, je suis partie me coucher, il ne se montra pas pressé de partir, je lui dis aussi que j'avais été heureuse de le rencontrer... Il resta là jusqu'à 4h avec mon amie à poursuivre les chemins que nous avions ouverts ensemble... Notre conversation intergénérationnelle fit des merveilles... Nous l'espérions ! Nous, les deux doyennes, nous nous étions engagées avec sincérité et confiance, sur tous ces sujets que nous pouvions nourrir de nos expériences, bien sûr, mais aussi de nos réflexions personnelles. Nous y avions tous trouvé notre contant de douceur et de la chaleur humaine.

À la prochaine chers amis, entre mes lignes... Je cherche des mots, des situations nouvelles à partager...