Ma Tour infernale !

Les fruits de ma Tour, début juillet 2015 sur notre abricotier

Ma TOUR Infernale !

J'habite depuis très très longtemps dans la même tour, très haute, presque jusqu'au ciel, je la connais comme ma poche et du début, quasi je suis une pionnière, unn jour elle est devenue la Tour Infernale. Là, tu nous fait peur, Danielle ! Attendez, vous avez raison d'avoir peur.

Nous vivions tous en bonne intelligence, les voisins du 1er connaissaient les voisins du 2e, les voisins du 2e connaissaient les voisins du 3e, ainsi de suite jusqu'en haut. Tout le monde connait ses voisins du dessus, because chacun a eu affaire une fois au moins dans son existence de "vivants dans une tour" avec les bruits du voisin : la musique, la télé, la radio, les cris, les coups, les perceuses, les teufs tardives, les leçons de piano, de violon, de trombone, de claquettes, etc, bref, un petit morceau d'orchestre... Depuis que le monde est monde, dans ma tour, c'est comme ça ! C'est pas comme ça chez vous ? Même si vous habitez une maison individuelle, il y a toujours des voisins qui dérangent votre existence : les tondeuse, les perceuses, les teufs tardives, les cris, les coups, les leçons de musique, j'en passe et des meilleures, ça vous parle ? En gros, vous voyez parfaitement à quoi je fais allusion ? Bon... Vous pourriez vivre parfaitement bien dans ma tour.

Nous allions et venions en nous disant dans notre ascenseur : bonjour/bonsoir/bon WE... Courtois, paisibles, des modèles de "vivants dans une tour".

Un jour, plutôt une nuit :  il y eut deux meurtres, une famille avait tué ses enfants, branle-bas de combat ? Pas du tout, personne n'avait rien vu, rien entendu... Tout était paisible... Au matin, tout le monde pleurait...

Je me souviens de cette triste nuit avec effroi, car le soir du meurtre j'étais bien au chaud dans ma maison, à regarder la télévision peut-être, à lire, à être entre amis, je ne sais, mais j'étais là, le soir du drame, drôle de drame ! Pendant quelques temps ma tour est devenue la tour infernale, vous comprenez ? Je ne connaissais même pas les tueurs, peut-être un bonjour/bonsoir/bon WE sans m'en rendre compte, rien ne rend compte de la folie, du désarroi, de la solitude, du désespoir... Bonjour/bonsoir/bon WE...

Des morts, il y en eut bien sûr, dans une tour de 13 étages il y a des morts, fatalement : des crises cardiaques avec appel des pompiers, du SAMU, des morts tranquillement dans leur lit, des morts de longues maladies, des morts qu'on ne voyait plus depuis longtemps de leur vivant... S'en suivaient les déménagements/les emménagements, les travaux, nouveaux noms sur la boîte aux lettres et la vie recommençait...

Et la vie continue...

Le petit melon qui a poussé par hasard dans une jardinière du balcon de ma voisine

Ma TOUR de l'eau !

Cette histoire est beaucoup moins triste, mais tout aussi mémorable : je me souviens qu'un locataire de mon étage avait voulu faire un petit ramonage d'hiver à l'arrivée d'eau de son chauffage collectif, il trouvait qu'il ne faisait pas assez chaud, vu le froid, il devait sans doute y avoir un peu de calcaire qui gênait l'arrivée d'eau dans le radiateur. Peu expérimenté, il avait pris la clé à molette et en avant Ginette, quand il y en a pour un, il y en a pour tous...

V'la-t'y pas qu'au premier tour d'écrou, l'eau est partie comme un geyser jusqu'au plafond, en quelques minutes il y a eu de l'eau dans toute la salle de séjour, qui était grande, ça coulait de partout, chez les voisins du dessous, dans l'escalier de secours, on n'arrivait pas à fermer l'eau qui sortait très chaude. Le gars avec la clé à molette s'était brûlé la main en essayant de faire bouchon avec la paume sur le radiateur pour arrêter l'eau, résultat, avec l'eau chaude qui coulait à flot partout, y avait aussi un blessé a soigner. Mais rien n'y a fait, on n'arrivait toujours pas à arrêter l'eau, il a fallu appeler les pompiers qui sont venus avec la grande échelle... Pimpon, pimpon, nous voilà !

Les pompiers ne trouvaient pas où arrêter l'eau, il leur a fallu chercher un peu, tant et si bien que pendant ce temps-là, l'eau coulait jusqu'au rez-de-chaussée. Ils ont fini par trouver où fermer les vannes, et nous sommes restés les pieds dans l'eau à remplir les seaux qu'on vidait au fur et à mesure dans la baignoire... Beaucoup de voisins arrivaient avec leur serpillière, et leur bougie dans le noir, car l'électricité avait été coupée par les pompiers, par sécurité. J'ai entendu longtemps après le clapotis de l'eau, longtemps après, nous avons entendu cette histoire dans la maison. Depuis, les locataires n'ont plus le droit de toucher à l'arrivée d'eau sur les radiateurs, sous aucun prétexte !

Pendant plusieurs jours, le chauffage a été coupé et nous avons tous failli geler en chœur dans toute ma tour...

Et la vie continue...

Le petit melon du hasard était dissimulé dans les géraniums

Mon TOUR du Monde !

Depuis mon installation très ancienne, il y a beaucoup plus de gens qui sont bilingues : ma tour, c'est la vraie diversité et c'est très chouette, nous sommes maintenant de toutes les couleurs, nous nous élevons mutuellement, nous nous apprivoisons, les uns font du couscous, les autre du poisson, et d'autres encore du bourguignon, c'est très bon ! J'attends quand même que mes voisins de palier m'invitent un jour au Ramadan, ça me ferait plaisir...

Nous, les anciens, nous veillons à la propreté de la tour, jamais de papiers par terre, certains confondent le trou de la corbeille à papier avec le haut de la corbeille pour déposer les papiers, c'est bête ! Alors les anciens veillent et montrent l'exemple inlassablement, remettent les papiers dans le trou de la corbeille, mais partout c'est pareil dans les petits et les grands immeubles... Il ne faut pas lâcher...

C'est comme bonjour/bonsoir, il ne faut pas baisser la garde : bonjour en entrant, bonsoir en sortant... Nous nous connaissons de mieux en mieux, les sourires sont nombreux, pas de grognements, pas de mauvaise humeur... Tout le monde nous envie notre Tour, c'est bien chez vous, c'est beau et bien propre ! C'est la tour de Babel mon gars, chacun compte pour un...

Bon, ça c'est l'idéal, Danielle, tu peins le tableau en bleu et en rose ! Bien sûr,  vous n'allez pas me croire et vous auriez raison, il y a des petits problèmes de fumette dans les escaliers, qu'il faut régler avec la police, il faut être patient, parce que ça revient souvent, mais nous, on ne désespère jamais, on se met en colère certes, mais on ne lâche pas. La semaine dernière, nous avons mis en terre des plantes vertes dans notre hall (elles avaient été toutes volées dans les mois précédents), avec un petit mot : prenez-en soin, et ça tient bien... On arrose régulièrement, pour que ça pousse...

La semaine dernière, j'ai récupéré le petit siège de bureau de mes voisins du 4e, j'ai refilé le mien (plus grand) à ma voisine d'en face, qui était bien contente...

Dans ma tour de Babel, je m'y trouve bien, mais il faut veiller au grain avec tous les voisins, resserrer les rangs, faire plus connaissance, on y travaille... Mais quelques fois, on baisse les bras, c'est humain, et puis on repart à la charge, on traite les problèmes un par un...

Et la vie continue...

J'ai jeté toutes mes photos de l'abricotier, mais j'ai retrouvé les coquelicots d'une petite rue pas loin...

Ma TOUR des confitures !

Je vous en ai déjà parlé, chaque année on fait des confitures avec les fruits de l'abricotier qui pousse en bas des marches, dans un petit carré de terre bien fertile. Notre arbre regorge de ses beaux fruits, personne ne veut me croire quand je dis que je n'ai jamais mangé de fruits aussi bons, ils sentent la rose et sont sucrés comme du miel, gros comme des grosses balles de ping-pong. Bien avant la cueillette, tout le monde le regarde du coin de l’œil. Cette année on l'a taillé, bien soigné, il y aura moins de fruits mais quand même quelque uns, il est déjà bien vert, plein de feuilles, il promet... Comme je ne pars pas à Venise au mois de juillet, je serai aux premières loges pour ramasser, distribuer les pots de confiture à tous les étages... Le moment venu, on sort l'échelle, les paniers, les volontaires attendent sous les branches...

Mais avant, il faut veiller au grain, attention aux chapardeurs, c'est notre abricotier à nous... Je vous tiens au courant...

Et la vie continue

Ma TOUR de l'amitié !

Allons bon, les grands mots, voyons Danielle, reste sur terre ! C'est vrai, ça peut être facile de rester sur terre avec l'amitié, par exemple notre centenaire, Alice, on s'en occupe le mieux qu'on peut à tous les étages, elle est tombée il y a deux semaines, gravement, fracture du bassin, elle ne peut plus remonter chez elle pour l'instant, on l'attend, on ira la voir dans la maison de repos quand elle sera revenue, tiens, je vais téléphoner chez son fils qui habite le sud pour avoir de ses nouvelles, je suis triste ! Nous nous cotisons pour offrir des cadeaux de bienvenue aux nouveaux-nés, les parents sont rudement contents... On prend des nouvelles des uns et des autres si nous tardons à les voir... Pas tout le monde bien sûr, mais quelques uns...

D'accord, c'est une petite solidarité, mais tout de même, ça compte...

Trois petits tours et puis s'en vont... À très bientôt les amis...