mercredi 2 mai 2018

Anselm Kiefer dans une grande galerie de Pantin...



Serpent au Paradis - 1991-2017 - Anselm Kiefer (1945) Huile, émulsion, acrylique, gomme-laque, plâtre et feuille d'or sur toile montée sur bois

Anselm Kiefer ! Il faut absolument que j'aille voir ça de près ! De nouvelles œuvres, dans une grande et belle galerie du Grand Paris (Pantin), autrement dit loin de chez moi, en avant Louise ! Métro, autobus, un mal de chien pour trouver la galerie, je ne comprends pas encore très bien le fonctionnement du GPS de mon nouveau téléphone portable et quand il se met à parler, je ne sais plus où me mettre, je ferme tout, je ne suis pas prête d'arriver... Finalement je troque le GPS contre des humains : pardon, madame, excusez-moi de vous déranger, mais vous sauriez m'indiquer où se trouve la galerie de peinture... Bien sûr, vous lui tournez le dos, restez sur le même trottoir, après le pont, vous y êtes, merci beaucoup, voilà déjà deux fois que je faisais l'aller/retour, sans passer le pont... "Il suffit de passer le pont, c'est tout de suite l'aventure"... Chantait G. Brassens...

Ce fut une aventure, une grande aventure émotionnelle : voilà, c'était là, dans une énorme usine (ancienne chaudronnerie), toute de brique vêtue, très austère, toute blanche à l'intérieur, très claire, avec seulement quelques bouleaux plantés en bordure de propriété pour végétaliser, agrémenter l'endroit trop raide d'apparence...


Structure un peu austère d'une ancienne usine (chaudronnerie)


Quelques bouleaux pour végétaliser le lieu, deux sculptures...

Les grands murs blancs de l'immense galerie Thaddaeus Ropac mettent merveilleusement en valeur la vingtaine d’œuvres nouvelles d'Anselm Kiefer. Son expostion est dédiée à Andréa Emo (1901-1983). « Il n’y a pas de nouveauté hormis dans le souvenir » … Ainsi parlait Andrea Emo, le philosophe italien qui a influencé l’œuvre d’Anselm Kiefer.

Comme d'habitude, l'émotion fut immédiatement au rendez-vous : imaginez la blancheur des murs augmentée de la lumière zénithale, les œuvres stupéfiantes, totalement différentes de toutes celles que je connaissais à ce jour,  d'une  grande beauté et d'un mystère incroyable. En effet, des couleurs vives, chez Anselm Kiefer, ce n'est pas sa spécialité. Elles sont pourtant très présentes sous une masse de plomb qui recouvre partiellement d'anciennes toiles abandonnées, délaissées depuis longtemps, 30 ans pour certaines, et très colorées, avec d'épaisses couches de peinture acrylique ou à l'huile. Ce qui fait qu'ensuite le plomb, savamment décollé, étiré, écartelé, enroulé sur lui même, donnait du volume à toutes les pièces exposées, à mi-chemin entre des sculptures et des tableaux. Des écorchures sortaient des couleurs rutilantes qui s'étiraient entre le plomb et le support, je me demandais comment il avait réalisé cela, d'autant que les matières sont profuses dans le travail d'Anselm Kiefer : verre, métal, toile de jute, argile, plomb, asphalte, résine, feuille d'argent et d'or, gomme-laque, tissu... Toutes les matières ne se révèlent pas d'un seul coup d’œil, il faut prendre son temps. Le procédé de fabrication éclairci par des informations que nous avions à l'entrée,  je pouvais tranquillement admirer les œuvres sans discours sur la méthode. Les œuvres, nouvelle manière, totalement renouvelées, inattendues frappaient au cœur. Comme c'est fort, comme c'est beau ! Les envolées de plombs... Pour l'ange de l'histoire... Le parcours secoue !


L'Ange de l'Histoire - 2005-2017 - Anselm Kiefer (1945) Huile, émulsion, acrylique, gomme-laque, plomb, métal, charbon sur toile montée sur bois



Détail de L'Ange de l'Histoire


Détail de l'Ange de L'Histoire (toutes mes photos sont légèrement surexposées, délayant un peu les couleurs, la lumière est trop dense)

Bien sûr, les titres donnés aux œuvres donnent une direction aux représentations, et  si parfois même je ne les comprends pas tout à fait, je cherche en moi des interprétations, des confrontations personnelles que je trouve dans mon imaginaire du moment. Mes pensées se pressent à l'assaut du déchiffrage, je pense aussi, bien sûr, à l'histoire personnelle que je connais de l'artiste... Ses entêtements, ses obsessions, ses volontés, ses démonstrations... Je me laisse aller à voir au-delà de la signification, il y a de quoi ! Les tableaux sont de très grandes dimensions.

Anselm Kiefer est né en Allemagne en 1945, mais il vit et travaille en France depuis 1993. Son père était officier dans la  Wehrmacht, je le précise car l'oeuvre d'Anselm Kiefer est toute entière "venue" de la dernière guerre mondiale, de son histoire familiale... Il affronte les désastres de l'histoire !

Il en parle :
« L'Histoire pour moi est un matériau comme le paysage ou la couleur ». En 1969, il se rend célèbre dans le milieu artistique en se prenant en photo, faisant le salut nazi, dans de grandes villes d'Europe. Sa volonté est de réveiller les consciences en affirmant que le nazisme n'est pas mort, mais que le sujet reste occulté : "Étudiant en droit, j'avais des professeurs brillants et fascistes. À l'école, le sujet était évoqué pendant deux semaines. À la maison, on ne l'évoquait pas."

Il peint de plomb, de feu, d'acier, de sang, il écorche, brûle, calcine, sculpte des livres de métal pour mieux leur donner la parole, donne à voir des paysages désolés, faits de sables, de salive, de suie, de craie, de cendre, de cheveux, des matériaux de rebut... Le Paradis est toujours... Perdu, sombre, un serpent/ cornet à bouquin,  serpente au milieu du tableau, le ver est dans le fruit.. 




Péché originel - 1986-2017 - Anselm Kiefer (1945)

Depuis les années 1990, il a dédié plusieurs séries d’œuvres aux poètes Paul Celan, Ingeborg Bachmann et Velimir Khlebnikov, trois auteurs ayant entrepris de dresser le langage contre l'oubli et la barbarie. Il est également très influencé par le mysticisme de Robert Fludd et des écrits de la Kabbale. Ses thèmes favoris restent : les mots, la parole, les livres, l'écriture...



Paysage écorché - 2014-2017 - Anselm Kiefer (1945)



Détail

Mes photos rendent très mal malheureusement l'éclat des couleurs, la douceur du plomb... Les paysages écorchés, voilà un mot qui caractérise si bien ce plasticien.



Paysage écorché - 2015-2017 - Anselm Kiefer (1945)



Détail


Saint-Barthélémy - 2015-2017 - Anselm Kiefer (1945)


Détail - sous le plomb écorché,  la couleur

Je me réjouissais de pouvoir partager les œuvres de cet artiste, mais mes photos sont trop ternes, elles ne montrent pas assez nettement la voie nouvelle que semble prendre Anselm Kiefer : un monde noir, plombé, mais dont les entrailles laissent entrevoir des couleurs vives éclatantes... Affaire à suivre...


Détail - les entrailles sous le plomb


Détail - les entrailles colorées sous le plomb


Détail - les entrailles colorées sous le plomb

Si vous avez l'occasion, allez voir ses œuvres, courez-y pour vous faire une idée de la richesse et de la beauté de son oeuvre, difficile !

À très bientôt mes amis lecteurs, sur mes lignes...

6 commentaires:

ELFI a dit…

une oeuvre nature... trifouillé, malaxé, pressé,tordu,coloré, décoloré, salie,majestueuse, bref..j'aime !!! bises

Danielle a dit…

Pile poil Elfi, il ne pouvait pas te déplaire avec tout ce qu tu dis, ce que tu fais... C'est un artiste attachant, émouvant, passionnant, ces œuvres sont belles.

Je t'embrasse très fort.

Marie Claude a dit…

Une bonne initiative le choix de la réhabilitation de ces anciennes usines,plutôt que la démolition,enfin à mon avis.
Un artiste inconnu pour moi,qui m'intrigue,me surprend...je vais revenir sur ton article, le regarder en détail,comme je fais souvent.
J'aime bien ces découvertes,ensuite libre à nous de se faire une opinion!!

Beau W.E Danielle avec le soleil,qui par ici a disparu tout simplement depuis quelques jours.
Bises du matin



Brigitte a dit…

Tes photos certes donnent une idée de l'œuvre mais n'en révèlent pas l'éclat ,le brillant le scintillement peut-être? Mais tu en parles avec tellement de passion que cela donne envie d'y courir; ce que malheureusement, je ne pourrai faire !
Je te souhaite un excellent week-end que moi je vais passer chez mon fils ainé
Bises du matin ensoleillées

Danielle a dit…

Marie Claude tu as raison la réhabilitation de ces lieux de travail en lieux de culture sont souvent très réussis !

Merci d'y revenir, mais mes photos ne vont pas t'aider beaucoup malheureusement !

Passe une très bon WE plein de soleil et de chaleur.

Bises du jour.

Danielle a dit…

Brigitte, c'est vrai, mes photos ne donnent qu'une petite idée des œuvres... Merci d'être passée.

Beau WE en perspective chez ton fils ainé, chouette, chouette !

Je t'embrasse fort.