jeudi 26 avril 2018

La promenade du samedi !



La peintre du samedi sous les fleurs du printemps (arboretum)

Tu connais ? Non, allons-y ! Je t'y emmène... Quelle chance, quand on est à la retraite, tous les jours sont dimanche, il n'y a jamais de lundis angoissants, on peut s'endormir tard, se lever tard aussi, comme on veut...

Nous y sommes allées, même pas de problème pour se garer, même pas de problème pour trouver l'entrée, mon amie connaissait les lieux par cœur. J'adore mes amies, avec elles je suis en paix, elles connaissent des tas d'endroits dont elles me font profiter, elles savent que j'aime les fleurs, les arbres, la nature, les endroits où il y a peu de monde, avec un peu de chance on y entend aussi les oiseaux. On peut marcher doucement, le bruits de nos pas est silencieux, et nos paroles courent d'un sujet à l'autre, sans se presser, mais tellement vraies, sincères, aimantes, confiantes, en toutes saisons...


Les prunus au soleil (arboretum)

Voici des fleurs, des fruits, encore en fleurs, des parfums capiteux et exceptionnels, surtout celui des lilas d'un violet foncé, rose, blanc, mauve. Si près de Paris à l'école d'horticulture de Vincennes, à l'arboretum, juste à côté, quelques curieux s'installent dans l'herbe où sur les bancs à l'ombre, les fleurs attirent beaucoup les abeilles et les photographes, certains font de la macro, pour les plus virtuoses, dont je ne suis pas.


 Le lilas odorant (arboretum)

Chacune fait ses remarques, pointe son doigt sur l'horizon : regarde ici, regarde là. Mon amie, qui est très créative, naturellement, a des yeux bleus perçants, elle voit de très loin la beauté de la nature, elle l'adore, elle prend des photos avec son téléphone, et j'entends le petit bruit qu'il fait quand elle a trouvé son point d'attaque... Moi, je fais des plans larges ou serrés, je n'ai pas de religion, nous voyons chacune avec bonheur les choses importantes que nous apporte la nature. La beauté que le printemps pose sur tout ce qui pousse est époustouflante ! Revigorante ! La nature est sans cesse copiée, recopiée, interprétée, revisitée, photographiée, dans les jardins, les uns la préfèrent alignée au cordeau, coupée aux ciseaux, à la façon française des châteaux, d'autres lui laissent les cheveux longs, débridés, sans tuteur, à l'anglaise. Personne n'aura jamais fini d'en parler, les mots des poètes, des écrivains du dimanche et de toute la semaine peinent à la servir, tous lui sont inférieurs, même les meilleurs : Proust, Giono, Godet, Maupassant... Quand vous êtes sous un pommier, un cerisier, un cognassier en fleurs, ils vous laissent sans voix, sans mots, ils sont parfaits. Le printemps fait tout ce qu'il peut pour nous faire tourner la tête, au pire, vous sortez votre appareil photo, ou vous regardez  les couleurs en silence. Si vous aimez les cognassiers d'automne, avec leurs fruits opulents et odorants, je vous recommande un film extraordinaire qui en parle comme personne, le réalisateur s'appelle Victor Erice (espagnol), le film : Le songe de la lumière, impossible de trouver le DVD à moins de 80 euros, en cherchant bien, si vous passez en Espagne, courrez l'acheter, il sera moins cher, c'est une merveille !! C'est un grand film !


Le merveilleux film de Victor Erice

Mon amie a un point de vue sur la vie qui remonte le moral au treuil : regarde autour de toi, ça vaut le coup, elle fait un grand geste du bras, englobant des yeux tout le jardin en fleurs, prends tout ce que tu vois là à bras le corps, c'est du bonheur, le reste n'est rien, presque rien ! Ne renonce pas au bonheur de l'instant...C'est régénérant ! Il y avait comme un souffle généreux dans ses paroles, qu'elle accompagnait toujours d'un sourire éclatant. Elle me communiquait son pouvoir permanent d'aller bien... Le mieux possible !

Mon amie s'y connait en malheurs de la vie, elle baigne dedans avec des palmes depuis qu'elle est petite, c'est la personne la plus tonique, la plus optimiste que je connaisse, elle déniche de la beauté dans tous les trous de souris, c'est une vivante de la vraie vie, une amie précieuse, elle vaut tous les trésors...


Les boutons d'or du printemps

Dans de tels espaces, difficile de rester indifférent, il faut choisir ses mots, les plus beaux, mais jamais ils ne suffisent, il faut s'y faire, la copie ne vaut jamais l'original...


Ecole Du Breuil, méandre

Dans cette grande école qui forme des paysagistes, on plante partout, de tout : des plates-bandes pleines de fleurs de toutes sortes, de toutes les couleurs, le potager, le verger (ouverts seulement en présence du jardinier), des semis bien étiquetés attendent leur moment, les serres regorgent de légumes et de fruits en devenir, des arbres fruitiers sont palissés avec grâce, comme au potager de Versailles.



Les semis étiquetés


Le poirier palissé : une grande portée musicale


Le cerisier plus échevelé, plus libre, moins corseté


La belle fourche du  vieux poirier

Je me souviens de tous les arrêts que je fais, quand je roule à vélo dans n'importe quel petit chemin ordinaire de l'Indre, un simple peuplier paraît géant, élégant, surprenant, je lâche les  pédales pour le dévisager de toutes ses feuilles, comme lors de notre première rencontre... Les mots sont terriblement  forts, puissants, pour exprimer la grandeur de la nature, mais cependant le regard reste indépassable, prenons le temps qu'il faut, regardons longuement dans les mêmes directions, silencieusement... Après, nous aurons tout le loisir de bavarder, d'augmenter nos impressions, avec des mots colorés comme des pinceaux d'artistes...




La nature domestiquée n'est pas à plaindre, elle nous donne aussi de grandes émotions


Je me souviens également de tous les petits jardins de plein champs, ou protégés par un léger grillage, en Indre, ficelés comme l'as de pique autour des tuteurs, mis sous cloches, bien rangés par espèces, rarement dans le désordre, côté soleil ou côté ombre, qui me faisaient aussi mettre pied à terre. Je posais mon vélo où je pouvais, et quelque fois même je le couchais directement sur l'herbe, doucement, les pédales en l'air,  pour avoir les mains libres et prendre une photo... Les admirer, faire l'état des lieux...


Dans l'Indre (2010)



Dans l'Indre (2013)


2014


Mais revenons sur terre... Pas loin de Paris, on peut encore se pavaner entre les fleurs, les légumes, les arbres de hautes futaies, loin du bruit des voitures, loin du bruit tout court, les visiteurs de ces endroits restent respectueux du silence environnant, ils font comme dans les églises, ils parlent bas... Quelle belle journée !

Où irons-nous la prochaine fois ? J'avais annoncé Anselme Kiefer, mais je ne sais toujours pas ce qui va se passer...

lundi 23 avril 2018

La maison Caillebotte, une belle coquille vide !



La photographie d'un tableau de Gustave Caillebotte et un chapeau de campagne (presque comme le mien à Venise) posé là pour entretenir une certaine reconstitution historique, un effet de campagne... Un lieu d'art...



Petit clin d’œil à mon chapeau de paille d'Italie, et les petits papiers de vœux adressés à la Vierge (Venise, 2017)

Pendant 20 ans, cette splendide maison du 19e siècle et son superbe parc ont été habités par la famille  du peintre Gustave Caillebotte, en tant que villégiature. Elle se trouve à Yerres (Essonne, 91), à 20 km de Paris). Le grand parc est ouvert au public, huit mois par ans, tous les jours. La maison Caillebotte a été rachetée par la commune pour un franc symbolique en 1973. J'ai admiré les très vieux arbres, dont un platane de plus de 200 ans, extraordinaire !


Le grand platane bi-centenaire


Et bien d'autres arbres remarquables...


Invitation à la rêverie...

La belle maison se visite, elle reconstitue fidèlement (d'après des photos) l'aménagement d'une maison bourgeoise du 19e siècle, les meubles sont prêtés pour 30 ans par le Mobilier National, seule la chambre à coucher parentale a son mobilier (rénové) original. 


La chambre à coucher avec son mobilier original, recouvert de soie verte


Salle à manger 19e


Reconstitution de l'atelier de Gustave

Mais pourquoi, Danielle, dis-tu de cette belle demeure qu'elle est "une belle coquille vide" ? Cela vaut pour tous les bâtiments historiques, non ? Oui, c'est vrai, mais vue l'idée que je m'en faisais, j'ai été déçue, très déçue, agacée même, quasi en colère pendant la visite. Ah bon ! Explique... Voilà, j'avais mis mon appareil photo autour de mon cou, prête à tout, je me réjouissais de voir des tableaux de Caillebotte, j'adore ce peintre, qui a si bien rendu dans ses œuvres la tendresse, l'intérêt qu'il trouvait à représenter le monde qu'il avait à porté de main : son cercle familial, les jardiniers, le potager, les vues du grand parc, les promenades au bord de l'eau, les glissades en barques sur l'Yerres, les simple choses de sa vie... 

C'est justement à cause de ce quotidien qu'il s'est fait refuser ses œuvres presque partout... Il finit par se consacrer à l'horticulture... À 38 ans, il cesse peu à peu de peindre, il s'adonne avec passion au bateau et au jardinage. Peut-être même Caillebotte n'a-t-il jamais vendu de tableau de son vivant ? Il était l'ami des peintres de l'époque, dont Monet. Caillebotte était un très riche héritier, son père avait fait fortune en vendant du drap aux armées de Napoléon III. Il aida ses amis peintres à exposer, fut mécène et collectionneur... Il meurt à 45 ans d'un AVC... Son oeuvre demeura ignorée en France jusqu'aux années 1970. Une exposition de ses œuvres a eu lieu en 2014, grâce à des collectionneurs américains, dans la propriété de Yerres, il faut être patient quand on est peintre, très patient... Il a peint un très grand nombre de tableaux sur la propriété, j'attendais beaucoup de cette visite, j'en espérais beaucoup trop, c'est souvent comme ça pour le bonheur... Et je n'ai vu que des reproductions, des fac-similés, une petite usine à touristes... Donc j'étais très énervée... Je ne vous parle même pas d'une expositions de peintres symbolistes atroce qu'on pouvait voir dans l'orangerie... Je ne vous en parlerais pas !! J'ai fait juste une photo d'un tableau que j'ai trouvé superbe et mystérieux, les regards m'ont touchée.


Je n'ai retenu ni le nom de l'auteur ni le titre de l'oeuvre... Je crois bien qu'elle s'appelait "La prière", mais je ne suis sûre de rien

Mieux vaut passer au jardin (11 hectares)... Le parc a été agrandi par la municipalité, mais la restauration de tous les petits bâtiments qui jalonnent le parcours est parfaite.


Ancienne laiterie, appelée ferme, ornée au goût de l'époque




Un joli kiosque sur une petit butte (entièrement restauré)




La petite chapelle (le demi-frère de Gustave était curé)


Une très jolie passerelle qui enjambe un ancien bras de rivière (reconstitué)


Et dans le bras de rivière reconstitué il y avait cette sculpture (?), que j'ai bien aimée


Les reflets des arbres dans l'eau de la rivière


Vue d'ensemble

Le parc est splendide et vaut à lui seul le détour.. Le tour du propriétaire se fait en suivant les bords de l'Yerres, dans le calme et la beauté des arbres...

Mais voilà ce que j'aurais voulu voir :


Les jardiniers, 1875-1877 - Gustave Caillebotte (1848-1894)

Puisque personne ne semblait s'intéresser à ses peintures, Gustave faisait du jardinage, voyez comme ce tableau est émouvant, simple, avec une belle perspective composée de salades et de cloches de verre, les peupliers prolongent agréablement l'horizon, ne sentez-vous pas la douceur du soleil qui permet aux jardiniers d'arroser les plants pieds nus ?


Les raboteurs de parquet

Toujours sous la chaleur de l'été, je suppose, et la difficulté du travail, ce tableau aujourd'hui est mondialement célèbre...



Canotier au chapeau haut-de-forme sur l'Yerres 


Le petit potager d'Yerres


Yerres, 1877 - Gustave Caillebotte (1848-1894)

Mes amis, ouvrons les yeux sur les œuvres d'aujourd'hui, prenons de vitesse le temps, soyons bons juges, admirons l'admirable, vivons les émotions à vivre, n'attendons pas les académies pour décerner des prix aux artistes que nous aimons, que nous aimerons, que nous avons aimés...

Nous avons poursuivi notre promenade en empruntant les bords de l'Yerres, calmement, en bavardant, en écoutant le chant des oiseaux, par ici il y en a, nous avons aperçu au loin des cavaliers, des jardins fleuris, et nous avons retrouvé le bruit de la ville avec sa circulation et ses embouteillages... La vraie vie !


Les fleurs du printemps


Les cavaliers pris au périscope


La fin de la promenade

La prochaine fois je vous parle d'Anselme Kiefer, qui met maintenant de la couleur sur ses œuvres... Ou d'autres choses, je ne sais pas encore...

lundi 16 avril 2018

Une journée à la campagne !


Le chemin des bouleaux

Dans les chemins de campagne, j'avance à l'aveugle, les yeux grands ouverts. Les chemins nous font de l’œil, nous hésitons... Si nous allions par ici ? Et nous allons par là... À l'aventure, bien balisée quand même...

Quel bonheur, le ciel était d'un bleu de peintres vénitiens : Tiepolo, ou Cima da Conegliano... Je ne vais jamais à la campagne pour "marcher, faire des kilomètres", j'y vais à petits pas, pour mieux regarder, entendre, surtout le silence, sentir, respirer, admirer l'admirable nature. Et justement ce jour-là, j'ai entendu des chants d'oiseaux que je croyais disparus pour toujours, il y avait du nouveau dans les prairies, ils s’égosillaient, c'était extrêmement touchant, rare, voire exceptionnel. Je n'y connais pas grand chose en chants d'oiseaux, je n'en reconnais aucun, sauf la pie peut-être, mais ils me réjouissent tous. Sur mon balcon du Grand Paris, je ne vois que des pigeons muets, que je m'empresse de chasser en claquant des mains... Je vais dans les chemins de campagne le plus lentement possible, pour déguster les arbres, les fleurs, l'herbe et les ruisseaux, comme du miel... Chaque petit détail requiert mon attention, je ne néglige rien de ce qui passe devant mes yeux, j'aime bien faire des photos, bavarder avec mon amie de campagne, enlever ma veste, trop chaud, la remettre, trop froid, m'asseoir sur un tronc d'arbre, une grosse pierre, un banc, dans l'herbe je ne peux pas car j'ai mal à mon genou droit, me relever demande trop d'effort... Dommage ! Quelquefois même, à cause de mon articulation, j'ai manqué de liberté totale pour me rouler dans les prairies d'été, m'asseoir directement dans l'herbe n'est pas envisageable sans mains secourables pour la remontée... Il faut bien que jeunesse se passe, trépasse...

Nous étions descendues à Saint Rémy-lès-Chevreuse dans les Yvelines, un coup de RER et nous y étions, nos sacs étaient remplis de petits riens, pour boire chaud, manger léger avec la perspective-plaisir de la pause déjeuner, décrétée selon les bruits de nos estomacs, allez, si on se posait, j'ai faim, moi aussi ! L'endroit était toujours parfait, au soleil ou à l'ombre... On sortait les sacs en plastique, les couverts en argent, les fruits tranchés à l'avance qui barbotaient dans le jus de citron, à chaleur ambiante, la salade bien composée, le jambon, l’œuf dur, chacune avait prévu un en-cas selon ses goûts, pour le pain on verrait bien en chemin, le boulanger n'est jamais loin dans ces petits villages...

Mais nous n'en sommes pas encore à la pause, place aux paysages et aux bavardages......


Nous en étions au début : du vert et du bleu


Il y avait foule sur le bord de la route, les arbres nous accompagnaient


Et voilà la belle petite rivière qui serpente

Il suffisait de suivre le cours de l'eau, je ne me souvenais de rien, mais mon amie connaissait les chemins qui mènent au "chemin de Racine"... Voilà des années que nous n'y étions pas venues, tout me paraissait inconnu, il ne me restait rien de familier... Presque rien...


Racine, nous étions dans ses pas

En suivant le cours de l'eau, dans un petit chemin privé, pour les riverains et nous, elle avait commencé à  me parler...


La coulée bleue

Au début de son récit, tout était gris, pesant, oppressant, elle me disait : Danielle, je me sens toute noire à l'intérieur. Elle commença à faire tout défiler à l'envers : les hommes de sa vie, les enfants, les parents, le travail, les embûches d'un parcours difficile... Mais comment j'ai pu vivre tout ça, j'ai fait tant d'erreurs, tant de mal, tant de maladresses... Avec ses mots, tout était sombre dans son histoire que je connaissais assez bien. Nous poursuivions notre chemin le long de la petite rivière, je faisais quelques photos, l'oreille au aguets, nous nous exclamions devant ce printemps de l'année, la beauté du jour avec soleil, et je m’efforçais de remonter à contre-courant de tout ce qu'elle me racontait sur ses chagrins passés et présents, et aussi ses regrets profonds, ses malaises ressentis, ses culpabilités obsédantes. Je tâchais de remettre une à une les pièces de son puzzle à l'endroit, aux bons endroits, je braquais à droite quand elle allait à gauche : mais non, voyons, tu ne vois pas bien les choses de ta vie, laisse-moi te les raconter avec mes yeux, mon cœur, fais-moi confiance, j'y vois plus clair que toi... Nous riions de ma proposition si amicale, et je lui ai raconté sa vie comme elle ne la voyait pas, comment as-tu pu supporter ceci et cela, tout le monde s'y serait emmêlé les sentiments, c'était si difficile à comprendre, tu t'es tellement bien débrouillée, toujours seule pour tout décider, rappelle-toi comme tu as fait les bons choix dans ces moments-là, sans doute par nécessité, dans l'urgence, mais tu as bien fait, rappelle-toi, tu ne te souviens de rien ? Comment aurais-tu pu faire autrement ? À chaque coup dur qu'elle racontait, je trouvais une caresse qu'elle avait oubliée. J'ai mis du sable chaud sur les pierres coupantes de ses mots, j'ai dit des paroles plus douces que les siennes quand elle se faisait des reproches amers. Oui, oui tu as raison de me rafraîchir cette mémoire-là ! Elle riait, j'avais envie de t'en parler, tu penses vraiment que j'ai fait ce qu'il fallait faire, j'en doute encore aujourd'hui, plus encore aujourd'hui qu'hier, j'ai du chagrin ! 

Dans sa voix, j'entendais ses sanglots, les miens n'étaient pas loin, je continuais la reconstruction, comme un maçon inexpérimenté, nous étions toutes les deux sur ses chemins escarpés, pas de temps à perdre, les heures de nos vie avancent inexorablement... Souviens-toi, ne pense pas comme ça, contre toi-même, tu te déchires, inverse tes pôles, mets le cap sur le sud, laisse le nord, le froid, le sombre derrière, souffle sur la bonne boussole...Tu penses vraiment que j'ai bien fait ? Si j'avais su ce que je sais aujourd'hui... Mais mon amie, ma sœur, bien sûr, quand la mémoire nous revient nous avons déjà fait un bon bout de chemin, pourtant il ne faut pas désespérer, tu as fait ce que tu devais faire, n'aies pas peur, c'était bien, je t'assure, les coups tordus, nous en faisons tous, c'est obligé. Sans doute personne n'aurait mieux fait que toi. Bien sûr, il aurait fallu savoir alors ce que nous savons aujourd'hui... Nous  riions... 

Sa vie l'avait mise en pièces, elle avait résisté vaillamment... Tout en suivant la rivière avec précaution, le sentier était étroit, j'avais sorti les bouées de sauvetage pour elle et pour moi, nous pataugions dans les eaux à vif de nos parcours personnels. Comme dit souvent mon fils aîné : "dans les histoires des autres, nous sommes champions du monde" (cela ne vous rappelle-t-il pas un sauvetage amical, alors que vous étiez vous même au milieu du guet ?) Dans notre vie, quand nous saignons de nos blessures, nous tournons en rond comme un poisson dans son bocal, sans changer l'eau pendant des jours, nous buvons le bouillon ! J'ai pu, comme un marin d'eau douce, avec un certain succès, la déposer sur sa rive plus tranquille, moins abattue, presque prête à se pardonner les fautes qu'elle pensait avoir commises... Remettons nos pendules à l'heure, mon amie, ma sœur, pressons-nous, le temps s'agite dans nos cœurs et dans nos corps... Méfions-nous de nos pensées, elles nous accusent plus souvent qu'à notre tour, ne les laissons pas faire, ne les écoutons même pas, elles mentent... Gardons de la douceur, de l'espérance, de la confiance pour vivre doucement les dernières boucles de nos vies... Ne pleurons pas. Marchons, mon amie, écoutons les oiseaux...


Tout le long de l'eau, nous avons parlé


Tout le long de l'eau, nous avons parlé


Tout le long de l'eau, nous avons parlé

Alors seulement, quand presque tout fut dit,  un peu consolées, rapprochées, nous avons fait la pause... Le soleil était au plus haut, nous avions trouvé un superbe banc de pierre, à chaque passant nous donnions du : bonjour, bon appétit ou bonne après-midi, bon printemps, selon les circonstances...

Elle avait dévissé la bouteille thermos, le café clair fut pris avec délice. Ensuite, nous avons visité la petite église de Saint-Martin de Chevreuse, construite et consolidée, changée, rafistolée du XIIe au XXIe siècle, elle en a vu de toutes les couleurs, mais au final, quand on en franchit le porche, on croirait qu'elle avait été terminée  au temps du jugement dernier,  rien n'avait bougé depuis, tellement les restaurations étaient parfaites...


L'église Saint-Martin, un joli pic dans le paysage


Un bel ensemble remanié de tous côtés



Trois petits tours, et nous partons à l'assaut des hauteurs, des creux et des bosses... Il faisait tellement beau le jour de notre promenade que nous ne pouvions croire que le terrain boueux nous ferait rebrousser chemin...

Pourtant, il a bien fallu, la pluie des jours derniers avait si bien détrempé le sol que nous marchions allègrement dans la gadoue, le nez sur nos chaussures crottées...


Les grands stères de bois

Nous ne sommes pas allées jusqu'à l'abbaye de Port-Royal des champs (il ne reste aujourd’hui presque rien de ce monastère fondé en 1204, témoin de l’histoire de l’abbaye de Port-Royal et du jansénisme). Nous y reviendrons par beau temps,  bien sec depuis plusieurs jours... Avec plaisir !

En revenant nous avons vu des arbres jumeaux...



Les frères jumeaux

Je ne sais pas pourquoi, mon amie prit un chemin de retour plus long que ce qu'elle prévoyait, elle pensait à mon genou et me disait : Danielle, j'ai fait une bêtise, la gare du RER est encore loin, tu vas tenir ? Bien sûr, pas de problème, avançons, mais au carrefour de deux petites routes, une voiture s'arrêta près de nous et nous offrit ses services : je vous emmène si vous voulez, la gare n'est pas loin mais à pied, vous en avez pour un moment ! Notre ange gardien nous déposa au pied de la gare... Nous avions au moins 15 km dans les jambes, un bon thé, un sachet de paracétamol chacune (un pour le mal de tête de mon amie, et un pour mon genou) pris dans un bistrot accueillant nous remis sur nos quatre pattes...

J'ai gardé longtemps le souvenir de cette promenade et des mots que nous avions eus pour nous bercer... Nous consoler...

À la prochaine les amis, prenez soin de vous, la vie passe comme l'éclair !