vendredi 23 février 2018

Je n'aime pas les fêtes où l'on danse avec de la musqiue !


© Popperfoto, pixabay.com (crédit photo emprunté sur internet)

Confidence pour confidence, je lui avais dit : je ne sais pas pourquoi, j'ai peur des grands sapins plantés dans la nature, je ne peux pas emprunter une route, à pied, quand il y des sapins de chaque côté, je dois faire un détour, ou alors j'abandonne la promenade. Je ne peux pas non plus entrer dans une église si je suis toute seule à l'intérieur, ça me donne tout de suite de l'angoisse, une grosse pression, et je suis obligée de sortir vite fait. Je n'ai jamais su pourquoi, ça ne m'empêche pourtant pas de dormir, le mystère reste entier, mais je cherche ! Il faut que je me dépêche, car le temps ne travaille pas pour moi...

Oui, c'est curieux, ça, vous cherchez depuis longtemps ? Oui, environ un demi-siècle, comme le temps passe, une question peut trouver sa réponse très longtemps après se l'être posée, ou même jamais...

Je me souviens, lui dis-je, d'un petit jardin qui jouxtait la maison de campagne que j'avais louée un mois d'automne, il y avait deux énormes cyprès en plein milieu, qui cachaient la vue, le soleil, je les trouvais très laids, moches comme tout. Comme je suggérais, en plaisantant, au propriétaire de les couper, il me dit : sûrement pas, c'est mon père qui les a plantés à ma naissance, et puis peu de temps après, à la naissance de mon petit frère. L'affaire était bouclée, je n'ai pas risqué la démonstration du paysage gâché, du jardin trop petit pour de si grands arbres, j'ai juste dit, ils sont superbes, ils ont bien profité, quel beau souvenir, mais je n'ai pas reloué la maison l'année suivante... Elle riait, elle avait bien avancé le travail, elle me tournait autour, effilait ici, coupait là, l'argument plaisait beaucoup à ma coiffeuse, le salon était vide, elle prenait ses rendez-vous à l'unité, au compte-gouttes, personne n'attendait jamais, nous pouvions bavarder à loisir. 


Cyprès de naissances...

C'est vrai qu'on ne trouve pas toujours les réponses à nos questions, ça me rappelle à moi aussi une question que je me suis posée très longtemps, et j'ai trouvé la réponse. Ah ! Oui, combien de temps avez-vous attendu cette réponse ? Quarante ans. Elle avait de l'avance sur moi, elle était aussi beaucoup plus jeune, elle avait beaucoup cherché, sans doute mieux que moi...

Je me suis trouvée dans un petit village, je ne sais plus où, pas très loin de Paris, il y avait une immense Vierge, très haute, avec un bébé dans les bras, je crois bien que c'était un monument en souvenir d'un pape, mais je ne me souviens plus lequel. Il y avait des grosses cloches au dessus de la Vierge, le tout était complété par une petite chapelle juste à côté, les gens qui venaient prier faisaient des vœux, mais des vœux personnels, intimes, vraiment pour eux-mêmes, c'était la coutume il paraît, il y avait toujours beaucoup de monde pour faire ces sortes de vœux, vous voyez ? Oui, à peu près, et puis ? Elle était plutôt vague sur la chapelle, la Vierge, les cloches, mais elle y était...

Je me pose une question depuis longtemps, oui, et quelle question vous posez-vous ? Je n'aime pas les fêtes où l'on danse avec de la musique, je ne me sens pas bien, j'ai envie de partir tout de suite, je ne suis pas dans l'ambiance, je suis un peu triste... À chaque fois, ça me fait ça...

Je la suivais du regard, curieuse, très intéressée : et bien, je suis rentrée dans cette chapelle, j'étais avec un ami, c'était un endroit de recueillement, petit, touchant, beau, les gens viennent ici pour réfléchir sur eux-mêmes. Ah oui, tiens ! Oui, je me suis dit que c'était le moment de réfléchir sur moi-même, et puis comme ça, la réponse m'est venue en tête, je ne sais pourquoi, comment, mais j'avais trouvé la réponse à ma question, la question de ma tristesse aux fêtes... Oui, je me suis souvenu de tout avec précision, j'ai revu un moment très spécial de mon enfance, j'étais assez petite encore, mes parents venaient de divorcer... Elle racontait avec une voix de tulle, de dentelle de Calais, il y avait des espaces dans ses phrases, des silences, des trous, elle avait arrêté de me couper les cheveux, elle y était, elle y retournait, elle remontait loin, j'étais avec elle sur ce chemin, passionnée, l'oreille aux aguets, pendue à ses mots, je me foutais bien de ma coupe, j'avais le temps... J'ai revu ma mère qui dansait à un bal où elle m'avait emmenée, elle dansait avec des hommes, mais ils n'étaient pas mon père; j'aurais bien aimé que ces hommes soient mon père. Vous n'étiez pas contente ? Non, ce n'était pas tout à fait ça, je regrettais que maman ne danse pas avec mon père, je me rendais compte que j'étais triste, aussi triste que quand je me retrouvais à des fêtes des années après... Vous imaginez la belle histoire qu'elle me racontait, elle avait cherché, retrouvé, reconnu la naissance de cette tristesse qui la faisait danser en rond depuis si longtemps...


Photo empruntée sur internet 

Elle avait repris les ciseaux, la tondeuse pour finir, et poursuivait le chemin du souvenir : je ne pouvais pas me tromper, je sentais que c'était la réponse, elle me collait au cœur. Vous avez trouvé, vous avez senti que c'était ça, c'était la cause, bravo !

Juste à la fin de l'histoire, la cliente suivante était arrivée, discrète, avec des cheveux frisés magnifiques, elle s'est assise tranquillement, attendant son tour, ma coiffeuse, qui était dans sa rêverie, n'a pas pressé le pas. Je lui ai épargné le brushing, mes cheveux étaient secs, j'ai secoué les cheveux que j'avais dans le cou, merci, c'est parfait, je suis très contente, elle était très belle, votre histoire... À la prochaine, merci, bonne fin de journée...

Elle avait trouvé, mais moi je restais sans réponse aux sapins, aux cyprès, aux églises sombres... La prochaine fois, il faudra que je lui demande l'adresse de la chapelle aux vœux si personnels !

Où serons-nous au prochain post ? Restez postés, je reviens avec mes refrains...

6 commentaires:

Marie Claude a dit…

Très intéressante cette visite chez la coiffeuse qui a du être si heureuse de te raconter son histoire.
Je sais que tu étais la bonne personne....
Comme tu l'écris si bien il y a des questions que nous nous posons et nous ne trouvons pas le déclic pour obtenir une réponse.
Je fais un peu de généalogie et j'ai entendu parler de la psycho-généalogie,des faits qui se seraient passés chez certains de nos ancêtres et que nous ressentons,un peu comme une transmission.Je ne peux pas dire que j'y crois ou pas,mais cela m'intrigue!!!
Incroyable pour toi cette appréhension pour les sapins!
Tout comme toi j'aimerais aller dans cette chapelle......
Danielle,comme j'aime tes billets toujours variés et si bien écrits.
Beau W.E à toi,si tu sors,couvre-toi bien,le froid polaire nous rend visite.
Gros bisous du soir.

Les Idées Heureuses a dit…

Belle histoire...tu devrais peut être couper les cheveux à quelqu'une...qui sait une distraction qui ouvre les vannes de sa propre histoire. Ces secrets d'enfance ou d'ado ou de femme, enfouis sous la peau épaissie du temps qui passe. Je me disais en te lisant:
"-un livre d'histoires avec des images de Danielle, ce serait sympa à lire, avec un va et vient, un retour en avant, un recul vers la journée de demain..."
Tu en penses quoi?
bises d'ici où il parait que la neige devrait montrer quelques flocons brillants...on attend!
mina de Sclos

Danielle a dit…

Chère Marie Claude Merci se ton passage toujours agréable et vivifiant, je ne connais rien à la psycho-généalogie, mais cette discipline doit forcément si elle ne doit pas répondre à toutes les questions, en poser des tonnes, passionnantes...

Oui, oui, il fait froid, toi aussi profite du soleil et pas du froid...

Je t'embrasse fort.

Danielle a dit…

Martine, c'est incroyable comme ton commentaire me touche, il est d'une actualité inouïe pour moi, il est vrai que je me pose la question, depuis des années, à "ma" nécessité de raconter mes souvenirs d'enfance, j'ai déjà bien avancé sur des chapitres possibles, dans un format court, comme j'aime le faire...et sans chronologie... Tu as tout dit, je n'ose pas encore commencer...:-)

J'en pense qu'il est temps que je m'y mette, même si je ne les mets pas sur mon blog... Je me questionne...

Comment as-tu deviné cette question qui me taraude...

Tu vas sans doute m'aider à me jeter la tête la première...est-ce bien cela dont tu parles ?

Merci Martine, ce que tu dis vient de compter pour moi :-)

Je t'embrasse fort.



Dominique a dit…

Si tu aimes raconter des histoires ou des choses plus personnelles ça serait un péché de ne pas le faire... Il y a une vingt-cinquaine d'années, toute ma famille fut très heureuse de la redécouverte du journal d'une arrière-grand-mère qu'aucun de nous n'avait connue... Raconter ses souvenirs c'est comme laisser dépasser un bout de ficelle d'une pelote, ça invite à le tirer pour savoir, pour connaître, pour comprendre, parfois... Au pire, ça peut n'intéresser personne à présent ou dans les années proches de notre disparition et revêtir un grand prix pour d'autres générations, après, plus tard...
A Lyon on nous prédit moins huit pour demain matin...

Danielle a dit…

Oui Dominique Merci, mais tu sais je n'ai aucune urgence... Je songe à m'y mettre :-))

Belle journée à toi, malgré le froid, grosses bises du matin.