vendredi 30 décembre 2016

Natures mortes ressuscitées...


Henri Fantin-Latour (1836-1904)

Après avoir vu récemment la grande exposition du peintre Américain Cy Twombly au centre Beaubourg, j'ai beaucoup réfléchi : malgré tous mes efforts, je ne suis pas arrivée à l'apprécier à sa juste valeur, ce grand peintre ne me touche pas, je n'ai pas réussi à m’intéresser à lui ! Pourtant, il est mondialement connu, aimé, adulé par les critiques, le public, mais avec lui je reste en plan, je m'ennuie ! Pourtant, je ne suis pas butée, et malgré plusieurs tentatives, notamment chez le galeriste Yvon Lambert, ça ne passe pas, il me laisse de marbre... Je le laisse donc à ses admirateurs. Moi qui suis avec passion les artistes contemporains, avec Twombly, rien à faire...

Si on allait voir Fantin-Latour, ça te dit ? Me dit mon gendre préféré... Oui, avec plaisir, allons-y en nocturne, il y a moins de monde. L'affaire fut "fête", j'adore Fantin-Latour, j'adore les fleurs, j'adore ses natures dites mortes...

Nous étions peu nombreux dans l’exposition, un plaisir immense d'avoir toutes ces œuvres pour nous seuls, un enchantement classique qui ne me laisse pas de glace. Je ne me gâche pas mon plaisir, les fleurs, les fruits, les vases transparents comme je les aime font mon bonheur, les photos sont permises, que demande le peuple ? Je mitraille...

Henri Fantin-Latour avait fait de ses natures mortes son fonds de commerce, elles se vendaient comme des petits pains. Souvent présentées comme une "pure besogne alimentaire", elles lui offrent de profondes satisfactions. Ce pan de son oeuvre est pléthorique, on dénombre aujourd'hui plus de 500 toiles dans la maison familiale de Buré, dans l'Orne.

"Le travail artistique, c'est tout, je veux faire des chefs-d'oeuvre, il n'y a rien d'autre"


"La peinture est mon seul plaisir, mon seul but"

Beaucoup des tableaux exposés actuellement au Musée du Luxembourg sont visibles au Musée d'Orsay, donc pas d'inquiétude si vous n'êtes pas à Paris...


détail








Les jardins de Fantin-Latour : "Voilà une idée qui me préoccupe beaucoup, faire croire à aucun effet artistique". En somme, avec Fantin-Latour, la nature souveraine se retrouve ici dans son expression naturelle : la nature est si belle, il suffit, quand on le peut, de la regarder pour avoir envie de l'avoir toujours avec soi. Un tableau, une photo, une fenêtre ouverte sur le jardin du voisin, je me souviens de tous les chemin de mes vacances à la campagne, chaque année je me dis : quelle chance de me trouver là ! Pourvu que je retrouve cette nature intacte tant que j'y viendrais !


De ma fenêtre, le panier de pinces à linge en Indre...


Dans les cours parisiennes

Mes amis fidèles et ceux de passage, soyez heureux auprès des personnes que vous aimez, pour fêter joyeusement la nouvelle année 2017 !!

vendredi 16 décembre 2016

Alice et sa tablette !


ALICE, 102 ans

Vous voyez : Alice ne fait pas du tout son âge, j'ai pu la prendre en photo grâce à sa tablette numérique offerte par sa famille pour son anniversaire...

Bien sûr, elle ne sait pas encore parfaitement s'en servir, mais elle avance très vite dans l'apprentissage, plusieurs fois dans la semaine je vais lui rendre visite, et nous en profitons pour envoyer des petits messages audio à ses enfants et petits-enfants... C'est très pratique, elle dit une phrase très simple qui est enregistrée immédiatement sur sa tablette, on peut réécouter la phrase et recommencer avant d'envoyer... Alice est très design dans les nouvelles : je vous fais des gros bisous ! Je l'encourage à en dire un peu plus, du genre : je vais bien, ou : tout se passe bien pour moi, à bientôt.

Nous avons envoyé cette photo à toute la famille, Alice à côté de sa belle orchidée, je n'ai pas voulu la faire poser davantage pour ne pas l'ennuyer...

J'ai dit à Alice que j'allais "la mettre sur internet", tout le monde vous attend, Alice, faites un beau sourire, elle était un peu crispée, mais c'est une photo d'essai, nous ferons mieux la prochaine fois.

La prochaine fois, c'était hier, je suis allée la voir pour relever le courrier et lui faire faire de nouveaux messages audio avec des bonnes nouvelles, mais Alice n'avait pas varié : coucou, je vous fais des bisous, je vais bien...

Alice est très précise, elle va à l'essentiel.

Au moment de fermer la tablette, elle savait mieux que moi ce qu'il fallait faire : mais Danielle, il faut appuyer là ! Elle avait raison la belle, j'imaginais comment elle avait dû carburer dans sa jeunesse, elle avait dû aller à 200 à l'heure, pour tout.

Au moment de la quitter je lui demandais ce qu'elle avait mangé : j'ai bien mangé Danielle, des pommes de terre, de la viande, j'en ai pris deux fois, et deux mandarines. Maintenant elle allait se coucher (elle se couche très tôt), elle me raconta avant que je parte qu'elle était allée deux fois dans la journée à Auchan, le matin avec son gendre, comme tous les mardis : je voulais acheter un pantalon mais mon gendre était pressé, je n'ai rien dit, mais je suis revenue dans l'après-midi, j'ai pris l'autobus bien sûr... Elle m'avait cloué le bec ! Mais Alice, vous avez essayé le pantalon ? Non, j'avais emporté mon centimètre en ruban, j'ai mesuré ma taille et hop, j'ai pris du 40, c'est parfait pour moi... Je n'en revenais pas, deux fois dans la journée aller/retour dans cette grande surface, prendre l'autobus, l'escalator, choisir, passer en caisse où il y a toujours du monde, Alice est incroyable ! Elle ne va dire à personne qu'elle est allée deux fois faire des courses, c'est notre secret...

Chère Alice portez-vous bien, n'allez pas tomber, bonne nuit, je vous embrasse.

dimanche 11 décembre 2016

Les souvenirs de trottoir...




Il faisait extrêmement beau, ce qui est très mauvais pour la pollution qui stagne, mais bon, il faisait extrêmement beau, c'était décidé, j'irai faire un tour aux Puces : la grande vadrouille, le rince-méninges, la chasse à l'insolite, il faisait beau, j'avais le temps, l'envie...

Mais c'était sans compter sur les rencontres de trottoir et justement, des rencontres, j'en ai faites. Jamais nous ne nous étions parlé autant, pourquoi, comment, nul ne le sait... : bonjour, il fait beau, oui, je vais au cimetière, ah ! Vous allez voir votre mari ? Oui, mais je vais voir aussi mon fils. J'avais le souvenir que cette dame avait un fils, mais deux ? Ah ! Vous avez deux fils... Oui, mais l'aîné est mort il y a très longtemps...

Je suis restée en attente trente secondes en me demandant par quoi je pourrais poursuivre notre conversation, mais c'est elle qui me précéda...

J'ai deux fils, mais le grand est mort il y a 20 ans, il avait attrapé le sida dans les années 80 et a survécu jusqu'en 2000, si vous saviez comme il a souffert, il n'y avait pas les trithérapies à l'époque, il était homosexuel...

La vie de son garçon se déroulait à nos pieds, jamais elle ne m'avait parlé de tout ça, son mari était mort après son fils, il était cardiaque avec transplantation, ça a bien marché des années...

Mais vous savez, un jour mon fils est descendu de sa chambre... Un matin, il avait dix-sept, dix-huit ans, il m'a dit maman il faut que je te dise quelques chose : je suis homo !

Toute ma famille l'a accepté sans problème, mon mari le premier, on n'a jamais fait de différence. Un jour, il a eu l'idée de se faire contrôler dans un institut médical  parisien, il avait été contaminé ! C'était un bon garçon, et doué avec ça, excellent pâtissier, il travaillait bien, aimait son métier.

Je l'écoutais, écoutais, écoutais, pourquoi ça se passait ce matin, avant que j'aille aux Puces, je ne sais toujours pas, je me disais : que vais-je lui dire pour la réconforter ? Mais elle n'avait pas besoin de réconfort, elle était forte à présent, elle parlait tranquillement et allait au cimetière leur faire un petit coucou. Bientôt on pourra faire une belote, dit-elle en souriant... Elle avait digéré ses morts, ne pleurait peut-être plus, mais elle pouvait en parler...

Elle eut une belle phrase pour terminer notre conciliabule : vous savez, dans les familles, il y a toujours des malheurs dont on ne parle pas souvent, mon fils et mon mari, ce furent de grands malheurs.

Juste un peu avant le début de notre conversation, nous avions entendu la voix de cet homme qui criait : "homme" (voir mon post du 28/10) et faisait aussitôt son signe de croix, il répétait inlassablement le cri et les gestes partout dans la ville, sur son balcon. Il était revenu de l'hôpital, elle le connaissait, il est gentil, il a dû encore oublier de prendre ses médicaments, mais je plains ses voisins... Je savais aussi de quoi elle parlait, sans méchanceté...

Elle partit gaiement au cimetière, elle avait sûrement fixé le rendez-vous, elle s'en réjouissait...

Après cette dame, je rencontrais encore du monde, des : bonjour, bonsoir, comment allez-vous... J'en répétais plusieurs, des courts, des longs, si bien que l'heure des Puces étaient passée, bien passée, je suis allée faire des courses et je suis rentrée à la maison, je n'avais pas trouvé le temps long, j'irai un autre jour, voilà tout...

Moi qui espérais l'insolite, j'avais reçu cette histoire avec beaucoup d'émotion...

dimanche 4 décembre 2016

Venise... Sans but précis... (3)


S. Andrea della  Zirada, 14e/16e siècles (un peu de travers), isolée du reste du monde


Superbe sculpture de Dieu le Père (?)

C'est à chaque fois pareil, quand je prends le vaporetto, je ne sais jamais où m'installer pour ne pas avoir de soleil, j'ai beau calculer l'axe, l'heure, réfléchir sur le bon bord, ça ne marche jamais, je n'arrive pas à rester à l'ombre, je ne suis pas une bonne navigatrice, aucun sens de l'orientation.

Du côté de cette belle église fermée et déconsacrée de S.Andrea (ouverte seulement pendant la Biennale d'art contemporain en 2015) à surveiller de près pour la Biennale 2017, dans ce petit coin de Venise à l'abri du monde, en plein soleil, sur le canal de S Chiara, il y a un arrêt du vaporetto, le terminus,  qui nous mène directement à S. Francesco de la Vigna, il y a toujours des places assises, à droite comme à gauche. La réflexion est intense : où me poser pour avoir moins chaud ? Suivant l'heure de ma promenade, forcément, le soleil tourne...


S. Francesca de la Vigna, coin perdu


Le cloître


Mais voilà, suivant l'heure de la journée, la position du soleil, il est utile de savoir de quel côté vous devez vous asseoir pour avoir le moins de soleil possible, c'est mon but à chaque fois, car la vue est toujours aussi belle de droite comme de gauche.

Je ne sais jamais où je dois me mettre, je ne retiens rien d'un jour à l'autre, je ne phosphore pas, rien à faire, allez, je me mets là !

Et puis j'oublie tout, je me laisse porter par le paysage unique qui se déroule sous mes yeux, nous voilà déjà dans le canal de Cannaregio. Au cours des premiers passages j'essaye de repérer les changements, tiens, ce balcon n'est plus aussi fleuri, là, une boutique nouvelle, un restaurant alléchant, il faudra que je revienne à pied explorer par-là...

Mais le soleil me cueille immanquablement, je me suis trompée de côté, je suis inondée de soleil, je reste calme pour ne pas faire empirer le phénomène d'ébullition, et je me perds dans mes pensées, j'active les mouvements de mon éventail, je baisse un peu plus mon chapeau de paille, comme c'est beau !

Souvent pour le plaisir, je descends avant l'arrêt projeté, je change mon but de promenade, je me retrouve sur cette place noyée dans le soleil près de l'église S. Alvise... Sur ce campo la connexion marche très bien, je prends des nouvelles d'ailleurs, assise sur un banc rouge, j'admire le petit monde de la place. J'apprécie les bords de mon chapeau de paille qui me protègent un peu...


Eglise S. Alvise dans ses roses du soir

J'ai cherché le petit square du quartier, un vrai lieu d'autochtones, à l'ombre des arbres qui rafraîchissent un peu l'atmosphère, ici j'ai toujours l'impression d'être une intruse, mais je suis au frais. J'entends les petites conversations de tous les jours : t'as pris ton maillot, (il y a la piscine municipale), je suis pressée, il fera beau demain... Comme partout, sauf qu'à Venise il fait le plus souvent forcément beau le lendemain...

Je reprends ma promenade, avec une halte prolongée sur chaque pont traversé, je sors mon appareil photo... À droite comme à gauche les reflets, les scintillements, les clairs-obscurs ne manquent pas, pourtant j'avais déjà fait cette photo, déjà fait cette photo, déjà fait......


Reflets


Scintillements


Partout des enluminures


Aux couleurs

En fait je vais sans but bien précis, à la couleur, à la douceur, au point de vue, à la tombée du soleil quand tout brille...

Ce jour-là, pas de murmures, pas de cris, pas de monde, une belle promenade bien chaude, bien bleue et rose...