vendredi 1 juillet 2016

Dernier concert avant l'été...


Les petites madeleines à la fleur d'oranger, rangées comme des moutons...

La veille du dernier concert de l'été, nous avions joint l'utile à l'agréable. La répétition fut réduite à sa plus simple expression : depuis le temps que nous les ressassons, les chants de notre répertoire commençaient à être bien huilés, pas de faux départs, un bon son, et tout les pupitres bien présents ensemble à l'arrivée !

Après, nous avions ripaillé, chacun avait apporté des victuailles pour dix, alors que nous n'étions qu'une petite vingtaine, les gâteaux maison venaient de chez les pâtissiers du coin, les dernières pommes de terre étaient directement coupées dans la grosse salade composée, saucisson sec et olives de toutes les couleurs, pizza mi-figue mi-raisin, c'est-à-dire : pâte toute faite, mais garniture maison... Tout nous allait très bien, les bouteilles n'avaient qu'à bien se tenir, j'avais fait ma spécialité, petites madeleines à la fleur d'oranger !

Nous fêtions aussi des anniversaires, cadeaux, cartes signées de tous, comme vous pouvez l'imaginer, les deux intéressés ne se doutaient de rien, nous avions mis du temps à nous décider sur le choix des présents, et finalement nous étions très en retard par rapport aux jours de leurs naissances... Bon anniversaire, nos vœux les plus sincères que ces quelques fleurs... Baisers, il ne fallait pas, mais si voyons, ah ! Vraiment, comme je suis content, c'est bien normal, ça nous fait plaisir, nous regardions leurs yeux qui pétillaient : des livres d'art, de la poésie, nous avions prévu des bons-cadeaux qui complétaient ces belles lectures, ils achèteront ce qu'ils voudront dans les magasins de leur choix, nous n'avions pas regardé à la dépense, les anniversaires, c'est important !

Champagne !



Nous avions remplacé les flûtes de cristal par des gobelets en plastique, ça faisait très bien l'affaire...

Et puis nous avons chanté, comme d'habitude... Jusqu'à la fermeture des portes.

Bon, demain il faudra que nous soyons blindés, nous dit une choriste, mais pourquoi ? L'ambiance de la maison de retraite où nous devons aller chanter à 15 heures ne va pas nous remonter le moral... Ne t'inquiète pas, nous serons blindés et nous chanterons bien.

Nous avions, sans nous le redire, mis nos beaux habits de lumière, des couleurs unies en haut, du noir en bas, personne ne fut en retard, partitions sous le bras, rouge à lèvres pour les dames, coiffures bien en place, sourires et émotions arrivaient en même temps pour chacun.

Les résidents de la maison de retraite médicalisée arrivaient tranquillement, certains assis sur des fauteuils, d'autres en véhicules roulants, deux-trois dormaient un peu, d'autres ouvraient les yeux, les oreilles, curieux pour la plupart. Notre chef présenta le concert comme il l'aurait fait à l'église ou dans une belle salle pour un public ordinaire, les même mots, la même passion, la même gentillesse, le très grand respect, il traduisait avant chaque morceau, l'italien, le russe, l'albanais ancien, le corse, le portugais, le français aussi... 

Nous avons chanté la gorge nouée car nous connaissions des résidents, dont un qui nous suivait partout où nous allions, du temps de sa grande mobilité, de son esprit vif et clair, de sa grande créativité, un artiste en son genre. Il était architecte, cinéaste à ses moments de loisirs, il était là, au premier rang, dodelinant de la tête, il était visiblement ailleurs, mais peut-être présent, c'est vrai que nous chantions un peu plus pour lui, pour Antoine que nous aimions et qui nous l'avait si souvent rendu...

Entre les chants nous entendions des paroles désordonnées émises par certains, mais rien ne nous a distrait de notre joie d'être là, il fallait que ce concert soit une réussite totale !

Il le fut, nous y avions mis tout notre chœur, aux applaudissements, un homme se leva, rouge, sourire aux lèvres, les deux mains tapant l'une dans l'autre avec force, merci, merci, merci, il ne fut absolument pas possible de résister à cet élan, je voyais ma collègue essuyer furtivement avec un doigt une larme, tandis que je cherchais mon mouchoir...

Notre chef était content, nous avions vécu un beau moment !

Il faudra y revenir, nous devrions chanter plus souvent ici où ailleurs pour réjouir les gens qui ne peuvent plus se déplacer pour venir nous voir, nous entendre, plus sortir dans le monde des vivants sans accompagnant... La musique demeure une force de réveil, de douceur, nous chantons la gorge nouée, mais nous sommes là, ensemble !


Où vont nos paroles, la musique ?
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