mercredi 20 avril 2016

Faits divers... Les murmures de la ville...



Photo empruntée sur internet

Je suis continuellement bercée par toutes ces voix basses : les murmures dans les bus, les ascenseurs, les grands magasins, la rue, dans tous les endroits où les humains peuvent se rencontrer...

Vous le savez, chers lecteurs, j'aime qu'on me parle à l'oreille, qu'on m'interpelle gentiment, et ça m'arrive souvent, je dois prêter l'oreille, elle doit dépasser, être visible sans doute, comme le nez de Pinocchio, car on me parle beaucoup...

Pour les murmures je dresse l'oreille, je connais une foule de choses... Pas plus tard qu'aujourd'hui, on voulait m'offrir des tissus, la dame assise à côté de moi dans l'autobus avait d'abord parlé du beau temps, elle ne savait pas comment s'habiller, le matin il faisait froid, l'après-midi il faisait trop chaud... Comme elle reluquait mon petit sac en tissu, fait (par mes) main il y a quelques années, elle me proposa d'emblée : j'ai plein de tissus chez moi, de très beau tissus, vous en voulez ? Je vous les donne volontiers, j'ai travaillé dans mon jeune temps dans des grandes maisons qui vendaient de très beaux vêtements, merci madame, mais je ne couds plus, ça m'agace maintenant, je n'ai plus la même patience, j'ai fait trop de sacs, j'en ai pour le restant de mes jours, merci mille fois, passez une bonne journée... J'avais pris un coup de vieux, sûr, puisque je ne ferai plus ce que je faisais avec tant de plaisir, j'étais passée à autre chose, sans me presser...


Photo empruntée sur internet

Elle me tendait un gros paquet de poisson congelé : os dedans ? Au supermarché on prend le temps de se parler de choses très utiles, nous avons eu de la chance avec cette dame, j'ai compris tout de suite où elle voulait en venir, que "osdedans" voulait dire avec des arrêtes... J'ai pu lui expliquer rapidement, qu'il n'y avait pas d'arrêtes dans le poisson... Et que pour ses enfants, c'était parfait !

Les murmures dans le métro sont moins fréquents que dans le bus, peut-être cela est-il dû au côté voiture particulière, plus conviviale, plus intime, je ne sais pas... Le métro ne laisse pas souvent la place aux chuchotements des voix.

La rue regorge de bruissements, l'autre jour, alors que nous nous bousculions légèrement au coin d'un magasin : pardon, excusez-moi, j'étais dans mes pensées... J'espère qu'elle sont bonnes, vos pensées ? Non, je suis au chômage, elle m'avait dit cela avec un sourire et une tristesse infinie... Oh ! restez confiante, c'est tout ce que j'ai trouvé à lui répondre...

Je l'avais remarquée de loin, une belle femme encore jeune, bronze doré, un petit fichu très coloré sur la tête, elle se mettait des gouttes dans les yeux, elle avait la tête très renversée et baignait son œil, je me suis dit : tiens, voilà quelqu'un qui se met du collyre dans les yeux en attendant l'autobus, mais quand je me suis approchée, j'ai vu qu'elle prenait de l'eau directement dans une bouteille en plastique, versait un peu d'eau dans le petit bouchon bleu et se lavait ainsi chaque œil avec application... Je me suis dit : tiens, c'est bien hasardeux de se laver les yeux ainsi avec de l'eau minérale, elle peut s'infecter les yeux, elle progressait dans ses ablutions avec le lavage de nez, les deux narines, l'une après l'autre, bien délicatement, y passèrent, je me suis dis : tiens, elle n'est pas bien la petite dame, puis elle se versa de l'eau sur la tête, et recommença les opérations du début...


Photo empruntée sur internet

J'ai mis un moment à m'apercevoir que la bouteille d'eau contenait une branche de buis, la dame se purifiait et prononçait des paroles adressées à Dieu, les gens autour d'elle recevaient sans broncher, et même en la remerciant, un peu d'eau qu'elle leur tendait dans le creux de sa main... Puis je fis la traduction de la scène à une femme musulmane qui regardait comme moi la bénédiction collective, elle en paraissait complètement éberluée.. Pas besoin de beaucoup de culture chrétienne pour penser : tiens, cette dame n'est vraiment pas bien, elle avait totalement perdu pied... Autour d'elle, elle avait disposé des sacs mous, en plastique, bien remplis : tout le contenu de sa maison !

Le bus était bondé, pas de place, il a fallu attendre une grosse descente pour m'asseoir confortablement et poursuivre mon trajet.

Encore des murmures d'arrêt de bus, j'attendais le passage de mon bus, assise à côté d'une dame qu'il me semblait connaître, mais je n'ai pas retrouvé d'où je la connaissais... Au loin nous voyons descendre une petite troupe de jeunes, pas plus de douze ou treize ans, des garçons, des filles, joyeux et bruyants, une adulte tenait la tête du cortège, une mère de famille fermait la marche, nous étions dimanche. Comme j’interrogeais du regard  ma voisine, elle me renseigna tout de suite : c'est la prof de français, elle fait ça tous les dimanches, elle est vraiment sympa, elle emmène ses élèves à Paris, tous les cassés, les bilboques, c'est pour elle, elle a du mérite, moi je trouvais que c'était plutôt la Légion d'Honneur qu'il lui faudrait... Ma voisine continua à dire bonjour à tous les gens qui passaient, coucous, bises, serrements de mains, elle connaissait tout le monde, tout le monde la connaissait, je ne l'ai jamais retrouvée dans mes souvenirs... Mais quels talents, un petit mot pour chacun, un petit clin d’œil au beau dimanche ensoleillé...

Place de la République, le premier soir où j'y suis allée, il y avait du monde, pas moyen de comprendre quoi que ce soit en une seule visite, ici on discute économie, là de nouvelle constitution, ailleurs on vend à très petit prix des légumes, des sandwichs, les jeunes sont tous assis par terre pour écouter les interventions entièrement libres qui durent deux ou trois minutes obligatoirement... Je n'entends rien, je suis trop loin. Sous une tente très blanche, des médecins en blouses blanches racontent leurs métiers aux urgences des hôpitaux de Paris, situation que nous avons à peu près tous expérimentée : cinq, six heures, voire sept heures d'attente avant de passer devant un médecin... Mais vous avez peut-être vécu cette épreuve... Vous savez !

A ma deuxième visite sur la place, j'ai bien compris qu'il était question de tout changer, de réfléchir, les discussions allaient bon train, ça me rappelait les amphis sur les trottoirs de mai 68 !

Demain j'y retourne, moi ça me plait bien l'idée de refaire une constitution où  l’être humain serait vraiment au centre de toutes les réflexions concernant  la marche de notre société, sur la liberté, l'égalité et la fraternité rien à redire, ces chères idées me semblent toujours pertinentes...

Suite au prochain numéro....


Chut ! Graf de Jef Aérosol - 2011 place Stravinsky à Paris

mercredi 6 avril 2016

Sept années de villégiature...



Au bout de la rue : hirondelles et grand ciel bleu

Ah ! De quoi va nous parler Danielle ? Villégiature ? Donc vacances, soleil, petit oiseaux, vaches et bottes de paille, le vent dans les peupliers, les ricochets dans l'eau de l'étang, les longues balades à pied et en vélo, en passant : bonjour madame, bonjour monsieur. Aïe! Attention aux chiens, aux vipères, aux moustiques... Oh ! les belles vaches, les chèvres, l'âne et le cheval, qui passent leur temps dans l'enclos... Les beautés de la campagne...

Le soir, les nuits étoilées, les couleurs des fleurs dans les jardins, les cueillettes de fruits, les glanages de pommes, de noix, les tartes aux pommes, aux figues, aux prunes, délicieusement réussies, les légumes bio, les œufs frais aux jaunes si jaunes... Les délices de la campagne...

Et les petites vignes ? Les maisons qui ont 100 ans et plus, écroulées, puis rebâties et reparties pour une deuxième jeunesse, de nouveaux habitants ? Les paysages dessinés comme des estampes japonaises avec des pleins et des déliés, les champignons ? Non, je n'en ai jamais trouvé, je ne les ai jamais cherchés non plus... Les mystères de la campagne...



La petite tarte aux pommes

Les tas de bois ? Moi qui adore les tas de bois, je suis gâtée dans ma campagne, ils ne bougent presque jamais, ça fait des années que je les vois à la même place, à part les grands troncs marqués à la bombe, en rouge, qui partent d'une années sur l'autre. Beaucoup de maisons sont à vendre, les commerces se serrent la ceinture, le nombre d'habitants diminue un tout petit peu tous les ans...... Les richesse de la campagne...

Dans la grande cour de ma location, l'herbe a toujours été verte sous mes pieds, sauf quand il a fait trop chaud, le tilleul et le figuier mariés ensemble depuis près de 100 ans, chaise longue, tricot, couture, photos, conserves, téléphone portable, tablette, lecture, télévision, médiathèque du village... Les prouesses de la campagne...

Danielle (me dit ma voisine), tu vas partout avec ton petit vélo, t'as pas peur du loup, de celui qui assassine ? Mais non, voyons, je ne ressemble plus du tout au petit chaperon rouge, mais plutôt à la grand-mère, c'est moi qui fais les petits pots de confiture, et comme je dis bonjour à tout le monde, j'ai des alliés dans toutes les chaumières... Les histoires de la campagne...


 Les figues toutes retournées

Je n’oublie pas les journées surprises à déambuler sur les brocantes de villages,  les expos lilliputiennes, dans les micro-musées de villages, les cimetières à déchiffrer, les églises à explorer, les petits sentiers qui n'arrivent nulle part, beaux comme des peintures à l'huile ou des aquarelles de renom... Les découvertes de la campagne pendant les villégiatures...

Du matin au soir, avec mon appareil photo, je guette, je traque, je surveille, j'épie, je cherche les merveilles des lieux-dits, les petites natures mortes, si vivantes, faites avec presque rien : les fruits, les fleurs, les champs de maïs qui attendent la moissonneuse, la vigne prise dans les derniers rayons du soleil, rutilante, ruisselante de grappes aigre-douces, les toutes petites lignes de crêtes dans le chemin qui monte près du ciel, le paysage reste toujours inattendu, il ne se laisse jamais prendre tout entier, il offre toujours une lumière par-ci, par-là, que je n'avais jamais vue ! Le quotidien fait souvent mon affaire photographique : le linge propre qui se balance sur son fil, un râteau, une paire de gants qui sèche sur une brouette, le garage, le hangar, sont des sources de couleurs qu'il est bon de montrer... 


La ligne de couleur 2011

Sept ans de vacances, quel beau sujet ? Oui, mais il y a plus fort que la campagne, plus fort que le départ des hirondelles, plus important que l'arc-en-ciel, je veux vous parler des gens, de tous les gens que j'ai rencontrés dans mes années de villégiature.

Un jour, j'ai fait les comptes de mes sentiers rebattus, de toutes les histoires entendues avec une oreille attentive, quelque fois même vécues avec les gens en direct ou en différé, il y avait beaucoup, beaucoup de misères, de malheurs, d'accidents, de maladies, de mal être, d'inquiétude, de vieillesse isolée. J'ai vécu un seul mariage en blanc, en grand, en vrai bonheur pour les jeunes mariés mais, autour de la noce, il y avait quand même des larmes furtives, des comptes qui ne pouvaient se régler sur l'instant, j'ai trouvé que les gens avaient beaucoup de patience, beaucoup d’espérance, souvent en vain...


La noce dans le jardin... Ils plantaient le décor... Fragile...

Pendant sept ans, j'ai suivi la vie des gens, rendu des visites, pris des cafés, pleuré avec eux, j'ai compris leur solitude.. Les comptes à rebours, je les ai vus, de mes yeux vus, deux personnes que j'aimais bien sont mortes. À chaque fois que je suis passée à vélo près du vieux moulin, je me disais : est-il encore là ? Oui... Ouf ! C'est encore gagné pour cette année. Je me disait bien des fois : ils ont vieilli, mais nous vieillissions ensemble, c'est l'évidence, c'est pourquoi les histoires devenaient plus tristes autour de moi...

Je me souviens d'une année où les voisins ont perdu leur fille de vingt ans dans un accident de voiture, depuis ils ouvraient à grand peine leur volets, l'année dernière, quand j'ai vu le père remonter sur son échelle pour couper la haie, j'ai souri...


La monture de 2011

Le propriétaire de l'étang,  qui paraissait pourtant si costaud, emporté d'un coup, l'hiver, en décembre. L'été dernier, l'étang allait à vau-l'eau, sous le vent, les ajoncs des abords étaient couchés, tout emmêles, pas de relève pour l'instant, les carpes mourraient de faim sans doute, elles ne frétillaient plus, l'étang n'avait pas une ride, c'est mauvais signe...

Monsieur Jean, le petit propriétaire d'a côté, parti en maison de retraite depuis deux ans déjà, ne reviendra plus jamais goûter son délicieux pied de vigne, un goût sucré, harmonisé avec un parfum qui fond sous la langue, un goût spécial, inimitable, une splendeur, les raisins vivent sans lui, en dégustant les grains je pense toujours à lui, parti terminer sa vie en compagnie non choisie... Et la vie continue...

Danielle, c'est un véritable mur des lamentations que tu nous racontes là... Mais oui, absolument, les gens qui vivent ici ne sont plus tout jeunes, les jeunes, ceux qui jouent sur le terrain de foot, je ne les connais pas, ils ont sûrement des quantités d'histoires d'avenir, de fêtes et de folies à inventer, à vivre, mais je ne les connais pas...


Les deux grands bras du pied de vigne de 2009

Moi, je suis plutôt du côté des croulants, des retraité qui sont plus le souvent sur le pas de leur porte ou à ratisser leur jardin. Et aussi de ceux qui sont encore en activité, comme le fermier d'à côté, avec toutes ses vaches laitières, il est content, toujours content, c'est un optimiste, il travaille comme un acharné, mais trouve toujours le temps de s’arrêter quelques instants pour bavarder, répondre à mes questions, je vais le voir souvent, ça remonte le moral...

Le vieux monsieur, Pierre, Paul, Jacques ? Qui cueillait ses haricots, vous vous en souvenez, même lui il a trépassé l'an passé, plus personne à complimenter pour les belles récoltes de citrouilles, de tomates qui poussent très tard autour des tuteurs en bois... Il est mort à l'orée du bois, là-bas, c'est là qu'ils l'ont trouvé...


Les citrouilles

L'été dernier, j'ai suivi aussi le début d'une grave maladie chez une parente de mes logeurs, nous étions partis en début d'après-midi farfouiller dans une grande brocante très animée, sous un soleil radieux et au retour avions visité la malade, mes amis m’emmenaient comme un membre de la famille. Après m'être extasiée sur la beauté extérieure des lieux, fleurs à tous les étages, petit jardin superbe de fin de saison, je m'extasiais également sur l'intérieur de cette belle maison berrichonne, divinement meublée, embaumant la cire et les fleurs fraîches, l'homme de la maison depuis longtemps décédé avait été ébéniste et tout confirmait son talent. Comme la malade épluchait des haricots verts du jardin sur une grande table en ronce de noyer, nous nous y sommes tous mis pour les finir en deux temps trois mouvements, la discussion allait doucement sur les suites à venir pour celle qui allait être opérée très prochainement... Courageuse, bien décidée à ne pas se laisser faire...


L'automne de 2010 dans les jardins

Nous l'avons accompagnée de tout notre optimisme, l'avons assurée de notre réconfort, nous étions certains de sa guérison complète, comme si nous étions des médecins guérisseurs à 100 %, nous ne connaissions que des malades comme elle qui s'en étaient très très bien sortis... Confiance, confiance, furent nos mots les plus sincères... Plusieurs fois dans l'année j'ai téléphoné pour prendre de ses nouvelles, elle allait le mieux possible, je suis contente à l'idée de la retrouver 

Pendant ces sept ans, j'ai vu les automnes les plus beaux, des paysages sans cesse renouvelés par les changements de cultures, les vaches suivaient les vertes prairies, une année ici, l'autre là, tiens ! Une grande maison neuve qui sort de ce côté,  il y aura du monde dans le coin, là, on rénove, mais dans l'ensemble, chaque année, j'ai retrouvé mes marques avec joie !


"Mes" vaches un jour ici, un jour là

J'ai cueilli des fleurs, mangé des fruits, écouté, parlé, avec les gens, ils font partie intégrante de mes villégiatures, nous avons pleuré, ri, espéré avec des mots plus forts que ceux du désespoir... À l'année prochaine, prenez soin de vous, portez-vous bien, mais l'année s'était passée avec son lot de mauvaises nouvelles, des bonnes aussi, ainsi va la vie...

Cet été sera beau, c'est sûr, je peux compter sur la nature, pas de fausse note dans les arbres pleins à craquer, les chemins ombragés seront toujours câlins, les jardins en repos, bien alignés, me feront encore de belles photos, impossible de rater de si belles rangées de poireaux...

Bonjour madame, bonjour monsieur, me revoilà ! Je suis heureuse de vous retrouver...


Un soir d'orage dans tous les automnes de mes villégiatrues