dimanche 21 juin 2015

Nicolas Poussin, Velázquez, et l'appareil photo...


Nicolas Poussin  - La Sainte Famille - 17e siècle

Le mardi, c'est souvent le jour où j'ai envie d'aller voir une exposition dans Paris, et bien sûr, c'est le jour de fermeture des musées nationaux, alors je me rabats sur les autres musées, ou bien je vais au cinéma...  Je ne sais pas pourquoi ! Il faudra que je creuse la question.

C'est donc aussi pour approfondir mes connaissances qu'un vendredi, j'ai eu soudain le besoin impérieux d'aller voir l'exposition de Nicolas Poussin au Grand Palais. Ce n'est pas que j'aime particulièrement Nicolas Poussin, je le trouve plutôt ennuyeux, ses sujets ne m'intéressent pas, et comme tout le monde l'adore, je voulais aller voir sur place et comprendre pourquoi ce peintre ne me procure aucune émotion, pourquoi, oui, Nicolas Poussin, le "peintre des gens d'esprit",  ne me touche pas...

C'est décidé, j'y vais, je vais prendre mon temps, étudier, comparer, entrer dans la peinture, changer d'avis, de point de vue, retourner ma veste, m'éclairer, me surprendre, boire à la source de la beauté, labourer le champ de mes savoirs en jachère, faire enfin comme tout le monde : aimer Nicolas Poussin, mais je crains quand même que mon inculture abyssale et mon obstination n'y fassent obstacle... Essayons, me dis-je, essayons !

Contente, pleine d'enthousiasme, je me précipite dans le métro, installée confortablement, près de la fenêtre, ma place préférée, je me plonge entièrement dans le journal gratuit que j'avais pris au vol avant de descendre sur le quai... Opéra ! Mon changement, hop ! Je descends rapidement du wagon, aussitôt sur le quai j'ai senti qu'il me manquait quelque chose, horreur, le métro s'engouffrait sous le tunnel et moi, je venais de comprendre que je n'avais pas pris le sac noir que j'avais posé sagement à mes pieds, et à l'intérieur duquel j'avais rangé mon appareil photo chéri !

J'étais au désespoir ! Je monte quatre à quatre (presque) jusqu'au guichet qui vendait les billets : je n'ai pas le temps, madame, me dit l'employé, un voyageur vient de se trouver mal sur le quai, allez en fin de ligne à Levallois et voyez s'ils l'ont retrouvé !

Je sais, je ne me fais aucune illusion, mon appareil photo est perdu, perdu, perdu corps et bien...Quelle idiote, quelle tête en l'air, je peste contre moi-même, j'ai instantanément perdu l'estime de moi. Ceux de mes lecteurs qui me suivent depuis très longtemps se rappelleront peut-être comment j'ai failli perdre ma tablette sur un banc de Central Park à New York... Ce jour-là, les Dieux étaient avec moi et je l'ai retrouvée...

Aujourd'hui, au bout de la ligne du métro, j'y était allée aussitôt, mais rien d'abandonné n'avait été signalé, j'avais beau pleurnicher, l'histoire se terminait mal, mal, pas de chance !

Les yeux remplis de larmes, je rentrais à la maison la mort dans l’âme, adieu Poussin, adieu mes prochaines photos, je ne pouvais attribuer à personne d'autre que moi-même cette énorme inattention... Il faudra en payer le prix.


Nicolas Poussin  - les Muses - 1632 - Beaucoup de toges, un homme et une femme presque nus, des anges qui volettent au dessus de ce petit monde... me laissent totalement insensible...

Toutes les questions, je me les suis posées : tu vas mal ma fille, perdre ainsi ton appareil photo, je ne voudrais pas être à ta place, je me suis mise à douter de tout, surtout de moi-même, voilà 10 ans que je me trimbale dans les transports en commun avec mon appareil photo dans un sac, posé à terre ou sur mes genoux, un sans faute jusqu'à Nicolas Poussin...

Du coup je n'ai pas encore vu l'exposition du grand maître, il faut que je me dépêche, elle ferme le 29 juin...

Dans mon malheur, par bonheur, je n'ai pas raté l'exposition de Velázquez au Grand Palais, depuis toujours les œuvres d'art me consolent.


L'affiche de l'expo prise avec ma tablette...

Dans cette expo il était interdit de prendre des photos, ça tombait bien vu la perte de mon appareil, aucune file d'attente pour rentrer (il paraît que l'expo ne marche pas, comme celle de Nicolas Poussin, d'ailleurs), pas trop de monde devant les tableaux, aucun sujet de rouspétance !

Et voilà les grands portraits de femmes, d'enfants, tous de la famille royale puisqu'il en était le peintre attitré, sublimes ! Les photographies ont été prises sur Internet.

Finalement Velasquez a peu peint, à peine plus d'une centaine de tableaux tant il était pris par son rôle "d'agent artistique" du roi... Il n'a laissé aucun écrit sur son travail, il a signé très peu d'oeuvres, rendant souvent l’attribution de certaines d'entre elles (encore) difficile. Il fut le peintre officiel de la cour, il réalisa essentiellement des portraits du roi, de sa famille et des grands d’Espagne, ainsi que des toiles destinées à décorer les appartements royaux.

Si je n'ai pas été totalement admirative de ses œuvres de jeunesse, qui reprenaient les canons de l'époque (l'art était presque entièrement dédié aux représentations de l'histoire chrétienne), sa peinture devient un morceau d'anthologie quand il s'agit des représentations de la famille royale : la véracité de la représentation, la luxuriance des couleurs, les sujets choisis, tout impose des émotions aux spectateur d'aujourd'hui. Sans voix, sans parole, juste le bonheur de regarder ces figures enfantines, les bras ouverts, le regard un peu triste, la raideur des poses ne rebute pas, bien au contraire, nous sommes pris par l'embrasement et la douceur des matières, les visages de porcelaine me touchent...




L'infante Marguerite en bleu - 1659

La douce présence du velours bleu, l'éclats des fils d'argent, ce gros manchon de fourrure, l'attitude sérieuse du modèle, qui reste fragile sans être figée : ce portrait a une force et une beauté irrésistibles...


Maria Théresa, Infante d'Espagne - 1652

La chevelure extraordinaire de cette jeune femme, piquée de peignes papillons, est délicieuse.


Et ce portrait du Pape, rouge sang, est impressionnant, dur, sévère, adouci par la lumière ondoyante, ruisselant de la capeline qui recouvre son buste, il suscite encore aujourd'hui de la gravité, des interrogations, je le dévisage un long moment, son regard est encore perçant....


L'Infant Baltasar Carlos sur son poney -1634/1635

Représentation royale, fougueuse, dynamique, un grand paysage bleu-gris prolonge la perspective, la relève est assurée, pourtant l'enfant meurt à 16 ans d'une crise d'appendicite...

Au sommet de sa gloire, le peintre officiel de la cour exerce une influence prépondérante sur un groupe de disciples que l'on surnomme Los "Velazqueños", tels l'Italien Pietro Martire Neri, son ancien esclave maure Juan de Pareja, ou encore son propre gendre, Juan Bautista Martínez del Mazo.  

Velázquez a eu une vie trépidante, entièrement dévouée au service royal, il a fait des choix qui peuvent surprendre, sa vie de surintendant l'empêche de peindre, comme les peintres sévillans de l'époque il a recherché du travail et des responsabilité qui lui ont permis de mettre sa famille à l'abri du besoin, de devenir riche. Dès le début de sa carrière, il a répondu au goût de sa clientèle majoritairement ecclésiastique, qui réclamait des scènes religieuses, des portraits de dévotions que je trouve moins belles, plus conventionnelles... Velázquez très jeune fait preuve d'un talent artistique considérable, un génie ! Le roi d'Espagne Philippe IV le prend à son service à l'âge de 22 ans, le roi et le peintre avaient sensiblement le même âge, Velázquez va peindre le roi d'Espagne pendant 37 ans !

dimanche 7 juin 2015

Mes petits coups au cœur... Encore !


Le beau lustre cristal du Zénith... Côté loges d'artistes, un décor subtil...

J'avais fait le tour du Panthéon (voir post précédent), et je me suis dit : si j'allais manger avec mon fils à la Villette, pas loin de son lieu de travail, il y a un petit resto vietnamien qu'il affectionne tout particulièrement. La belle idée ! Je pouvais faire coup double en venant largement en avance : admirer le travail de Felice Varini, je savais qu'il avait peint une "illusion d'optique" dans un espace extérieur de la grande Halle de la Villette, et plusieurs autres dans un espace intérieur. Mais laissons-le parler de son travail : "l'espace architectural, et tout ce qui le constitue, est mon terrain d'action. Ces espaces sont et demeurent les supports premiers de ma peinture. J'interviens in situ dans un lieu à chaque fois différent et mon travail évolue en relation aux espaces que je suis amené à rencontrer".

Felice Varini est un peintre contemporain suisse de renommée internationale, qui vit à Paris. Son travail a la particularité d'utiliser des espaces extérieurs architecturaux dans différents lieux publics afin de les intégrer à ses peintures et de créer des illusions d'optique.

L'heure du déjeuner est agréable à la Villette, personne dans les environs de la grande Halle de la Villette (ancienne halle aux boeufs, construite au 19e siècle, jusqu'à sa fermeture en 1974 elle pouvait contenir 5000 boeufs). Tout est calme, j'ai pu à loisir surprendre l'oeuvre de Varini dans toutes ses dimensions, voilà plusieurs mois déjà qu'il a investi cet espace avec un bel effet d'optique au bout de mes pas. Il suffit d'aller lentement le long du côté est de la Halle, se retourner de temps en temps pour le voir se former petit à petit sous vos yeux ébahis. Bien sûr si vous ne faites as attention à ce qui se passe au dessus de votre tête, vous pouvez passer à côté, je vois plein de gens qui passent sous les couleurs sans rien voir, Varini travaille avec la curiosité du spectateur, avançons ensemble :







Et voilà le résultat final ! Magnifique !

Aller manger avec mon fils est toujours un régal, dans le petit resto il connait tout le monde, et tout le monde l'appelle par son prénom, mon fils aime beaucoup les gens et les gens le lui rendent bien... Philippe, tu oublies ta casquette, lui dit la patronne, le cuistot lui demande si c'était bon... Ambiance de campagne à la Villette où les arbres sont en pleine activité, ils poussent le plus haut possible pour faire de l'ombre aux  promeneurs...

Soupe, riz, rouleaux de printemps, bô bun, rien ne manque à notre bonheur, papotage général sur l'ensemble du territoire, rien ne nous arrête... Il me dit avoir vu F. Varini et sa bande en plein travail de couleurs sous les arcades en fonte de la Grande Halle,  mais il n'a pas encore eu le temps d'aller voir le résultat !

Maman viens, je t'offre la visite du Zénith ! Cela faisait des lustres que je n'y étais pas venue, et de fil en aiguille j'ai vu l'énorme lustre installé du côté des loges d'artistes, juste pour faire beau, un très beau décor très réussi.

Puis mon fils m'a fait faire un petit tour de piste, bonjour par-ci, par-là, quand il passe c'est le sourire général, et puis quand il dit : je vous présente ma maman... Les clins d’œil discrets participent aux sourires. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, il lui fallait bien reprendre le boulot. Je suis repartie à l'assaut de Felice Varini, explorer ses travaux dans un site intérieur, un pavillon d'exposition de la Villette, juste à côté du Zénith. Il y a peu de monde et chaque visiteur s'applique avec beaucoup d'attention à trouver le bon endroit où mettre ses pieds pour que l’œil puisse reconstruire les formes qui se profilent dans les couleurs de Varini, les surprises sont toujours au rendez-vous, voilà c'est ici, non là, attention déplacez-vous un peu sur la droite, encore un peu, voilà c'est pile poil !






Tout se passe miraculeusement sous vos yeux...

Un petit jeu se met en place dans chaque salle, pour prendre la bonne distance, trouver la meilleure perspective, on s'entraide, on discute : oui, oui, venez voir par-là, c'est ici exactement qu'il faut se mettre pour bien voir l'effet, ah oui ! C'est épatant, merci, bonne visite... Avez-vous vu son son travail sous la Grande Halle ? Non, nous y allons tout de suite après, merci... L'exposition est festive, continuons ensemble :





Bel effet orange sur fond blanc

Encore un dernier trompe-l’œil nous attire au loin, au fin fond de l'espace, on tâtonne, on s'exclame : comme c'est beau, quel travail de précision, mais comment fait-il ? Personne ne sait...



Nous y sommes sans tourner autour...


Le public arrivait petit à petit, des groupes de jeunes avec leur guide, il était temps de partir...

Refaisons-ça plus souvent maman, c'est super chouette... Bien sûr mon fils, refaisons-le...

Prochaines aventures dont je n'ai encore aucune idée, bientôt ici...