mardi 18 février 2014

Mon amie, ma soeur, songe à la douceur...



Ah ! Comment vas-tu ? Ben je vais mieux, tu sais que mon mari, André, est mort... J'ai ouvert de grands yeux et me suis dis tout aussitôt : mon Dieu,  elle perd un peu la boule, je sais très bien que son mari est mort depuis un bon moment déjà.. Bien sûr que je sais que ton mari est mort, tu me l'avais dit.. Oui, oui, je vais mieux, vraiment mieux, tu sais, voilà, l'habitude de son absence est arrivée, pendant longtemps j'ai eu bien mal ici et là, me dit-elle en mettant ses mains sur sa tête et dans son dos... J'ai beaucoup pleuré, je ne pouvais parler à personne, je pleurais tout le temps...

La conversation a roulé ensuite sur les petits-enfants qui sont très grands, parents même, la voilà arrière-grand-mère, son fils est papy, lui que j'ai connu si petit.

Elle met les mots toujours là où on ne les attend pas, près du cœur, de la vérité, où ça sonne juste, les sentiments elle en connaît un rayon, fragiles comme des toiles d'araignée, beaux comme des jardins, ils sont de toutes les couleurs, des petits, des grands, toujours importants... Maintenant je vais mieux... C'est vrai, tu as bonne mine ! Elle avait mis ses jolies boucles d'oreilles, celles qu'André lui avait offertes... Je ne sais pas comment j'ai fait sans lui, le soir surtout, il faisait plus froid, plus sombre, c'était trop silencieux. Petit à petit le temps l'avait aidée à supporter, à oublier un peu, beaucoup, assez, pour vivre à nouveau avec envie. Elle était de ces personnes qui osait dire après un deuil douloureux : je vais mieux, je pense à lui autrement, il est présent mais je peux revivre aussi, nous parlons souvent de lui.



Après, nous avons repris le fil et l'aiguille et la conversation a marqué des points : tu sais, j'ai toujours gardé des relations avec ma première belle-fille, quand mon petit-fils était plus petit il me demandait souvent : tu l'aimes, ma maman ? Bien sûr je l'aime, ta maman, elle est très gentille ! C'est vrai tu sais, je l'aimais beaucoup, maintenant elle vient chez moi, c'est naturel, mon fils comprends bien, il n'est pas fâché, pas du tout...

Un jour qu'elle était venue me voir à la maison, ses sacs à provision de chaque côté du corps, sur le perron, je l'avais laissée sur le pas de la porte, nous restions là à bavarder sous la marquise, alors André est arrivé et m'a dit : mais voyons, fais la rentrer, avec un grand geste du bras puis de la main il a guidé nos pas à l'intérieur, depuis elle est toujours rentrée, tout ça c'est grâce à lui... Il l'a toujours invitée à entrer, moi j'étais contente, je ne savais pas comment faire, entre elle et moi ça avait toujours été chaleureux, affectueux, même si mon fils l'avait quittée, de temps en temps je lui téléphonais, nous restions en contact, je n'ai jamais pu me résoudre à ne plus lui parler, plus l'entendre, tu vois depuis quand elle vient je la fais rentrer... C'est grâce à lui...

Mon fils vient me voir souvent, il est très présent, mon petit-fils aussi ne m'oublie pas, j'ai de la chance... Elle avait le courage d'aller beaucoup mieux, elle ne restait pas dans la plainte, il lui fallait reprendre le train train de la vie quotidienne, elle le faisait très bien, avec le sourire...

Nous n'avons même pas parlé de politique, pourtant tout le monde était sur le pont ce matin sur le marché, la droite et la gauche, distribution de promesses avec le sourire...

Elle a repris sont petit chariot gris à roulettes, je vais faire un bon gâteau, j'ai du monde... Bon dimanche, soyons heureux...

Mon amie, ma sœur, songe à la douceur de pouvoir te remettre à exister sans lui, c'est bientôt le printemps, il a déjà une petite avance chez le marchand de fleurs qui a rempli son étalage, le rouge, le blanc et le jaune... J'ai acheté des cyclamens, un rose et un violet... La semaine prochaine, des primevères... À la santé du printemps, il nous le rend bien !


10 commentaires:

Brigitte a dit…

La vie sans l'autre c'est inimaginable et pourtant ...
Ce matin j'étais chez une amie elle a perdu son mari et là est sous le choc brutal de la perte de son fils ...
Je fais de mon mieux pour l'aider et la soutenir, en fait, je l'écoute surtout . Le premier choc passé vient l'acceptation puis de nouveau, je l'espère pour elle le désir de continuer .Je suis là elle le sait et ses deux filles sont très présentes aussi heureusement . Cela va l'aider j'en suis certaine .
Tu racontes si bien et tu dis avec raison de songer à la douceur je suis bien d'accord .
Je t'embrasse ,le printemps commence à nous faire signe .

Danielle a dit…

Brigitte, et pourtant... comme tu dis... Oui ses deux filles vont l'aider...

Soyons confiant avec le printemps...

Je t'embrasse fort.

ELFI a dit…

une douceur amère.. et un dürer bien placé... biz

Marie-Paule a dit…

Une belle rencontre que tu as faite. Cette dame a beaucoup de sagesse.
Il faut réapprendre à vivre avec le temps, même après les plus grandes douleurs. C'est tout à fait normal et ne signifie pas l'oubli.
Bon mercredi Danielle!

Danielle a dit…

Elfi, oui une douceur amère...

J'adore cette aquarelle/gouache de Dürer et pour le printemps elle est en première place...

Bises du jour à toi.

Danielle a dit…

Marie-Paule, c'est vrai elle a beaucoup de sagesse, tu dis vrai...

Réapprendre à vivre ça prend du temps... Pas l'oubli mais l'intériorisation sans doute...

Belle journée à toi, il y a un peu de soleil par chez moi...

Les Idées Heureuses a dit…

Cara, nous sommes dans les premiers jours de ce dilemme avec ma maman... aura-t-elle la volonté avec le temps d'en arriver là...surtout qu'après cinq semaines de ce départ définitif elle vient de se casser le col du fémur!
Ah! la vieillesse peut ne pas être une tendre amie... chanceux d'atteindre la "quatrevingtaine"?
Mamina de Sclos

Danielle a dit…

Chère Martine quel triste triste accident pour ta maman...

Je suis bien peinée pour elle... Espérons qu'elle pourra se remettre assez vite...

C'est vrai ce que tu dis : la vieillesse peut ne pas être une tendre amie !

Courage à elle à toi, je t'embrasse fort de fort.

Amélie a dit…

il existe encore des familles où les gens s'entendent bien, ça fait plaisir à lire ; merci pour avoir conté ces moments de vie privée, si joliment touchants.

Danielle a dit…

Merci Amélie, oui heureusement que certaines familles peuvent se réconforter.

Je vous embrasse.