mercredi 26 février 2014

Ernest Pignon-Ernest à la galerie Lelong... Et ailleurs...



Arthur Rimbaud, photo montage, sérigraphie d'Ernest Pignon-Ernest collée sur les murs de Paris, et de plusieurs villes européennes (1978)

La photographie originale du poète réalisée par Etienne Carjat en 1872

Qui n'a pas en tête cette silhouette de Rimbaud, travaillée par Ernest Pignon-Ernest, et collée sur les murs des grandes villes ?

Je suis allée dernièrement à la galerie Lelong qui exposait le grand artiste qu'est Ernest Pignon-Ernest, précurseur de l'art urbain. Il a apposé des images peintes, dessinées, sérigraphiées sur des papiers fragiles, puis collées sur les murs des cités, dans les lieux urbains exposés aux regards des passants, dans les cabines téléphonique. Ses images se fondaient dans les anfractuosités architecturales, elles s'imposent par leur beauté et leur douleur... Ernest puise depuis 50 ans dans l'histoire des lieux et les souvenirs, ses personnages sont grandeur nature. Les dessins d'Ernest interrogent, protestent, s'effacent avec le temps et avec les dégradations volontaires. Ce sont ses images qui sont photographiées in situ,  et exposées dans les galeries avec quelques dessins préparatoires. Ernest s'est toujours engagé du côté des plus démunis, des plus pauvres, des plus fragiles,  il a aussi travaillé sur la mémoire et l'histoire, il est comme ça :



Ce dessin sérigraphié collé dans la cabine téléphonique n'est pas sans rappeler le cri de  E.Munch. Plus d'une fois j'ai vu une chambre à coucher installée dans ces petites cabines en plein Paris...


À Naples 1988-1995, l'histoire ne s'efface pas...


Naples 1988-1995, Caravage et Pasolini


Naples, Les âmes du purgatoires, 1988-1995, des images que je n'ai jamais vues sur place, et que j'aurais aimé entrevoir au coin d'une rue...

Pour les Journées du Patrimoine de 2012, dans la prison Saint-Paul (construite en 1831) à Lyon, des artistes, dont Ernest Pignon-Ernest, ont été invités à intervenir avant la destruction/réhabilitation complète du lieu.

Aujourd'hui un groupement de nouveaux propriétaires : l'Université catholique de Lyon, des architectes Habitat et Humanisme et l'OPAC du Rhône, projettent un réaménagement/construction qui accueillera l'Université catholique de Lyon, des commerces, bureaux, et logements.

Pour son installation, Ernest Pignon-Ernest a choisi de convoquer la mémoire collective :  résistants célèbres de la dernière guerre, torturés, tués, emprisonnés, détenus condamnés par la justice pour des délits...

« Avant que la transformation des lieux en campus ne provoque une amnésie collective, j'ai tenté d'y réinscrire par l'image le souvenir singulier d’hommes et de femmes, célèbres ou inconnus, qui y ont été torturés ou exécutés. Dans différents couloirs, cellules, cours, je me suis efforcé d’inscrire leur visage, leur corps, d’y introduire le signe de l’humain. La prison Saint-Paul de Lyon n'est pas une prison ordinaire. Klaus Barbie y a sévi. Jean Moulin, Raymond Aubrac, de nombreux résistants y ont été emprisonnés. Au cours de l'automne 1943, deux jeunes résistants y ont été détenus et guillotinés sur ordre de Vichy. »
« Dans cette architecture carcérale du XIXème siècle, les murs affirment leur poids, leur pesante épaisseur ; poids de pierres, de blindage, poids d'histoire et de douleur aussi... Les murs sont coiffés de ces dentelles d'acier aiguisées et redoutables que sont les barbelés auxquels, dérisoires, pathétiques, sont accrochés, comme des insectes dans une toile d'araignée, des lambeaux de vêtements, de couvertures et des dizaines de « yoyos », ces bouteilles de plastique qu'avec l'aide d'une ficelle les détenus tentent de faire passer, en les balançant de fenêtre à fenêtre. Cette image de yoyos pendus, la lecture de souvenirs publiés et quelques dialogues avec d'anciens détenus m'ont suggéré le dessin de multiples yoyos, signes de colère, de désir, de culpabilité, de désespoir, d'amour… »

Les photos étaient possibles pour un usage privé, et j'ai pensé que mon blog relevait de cet usage, si petit, si intimement visité...


Les yoyos comme des bouteilles à la mer


Détails


Les dessins préparatoires



Apposés sur le mur de la prison Saint-Paul de Lyon



 Berthie Albrecht (incarcérée à Lyon en 1943) - Ernest Pignon-Ernest (2012)


Collage, sur une porte de la prison


Marc Bloch, (né à Lyon en 1886), fusillé par les allemands en 1944 - Ernest Pignon-Ernest (2012)


Collage, derrière les barreaux

Le jour de ma visite j'ai eu de la chance, Ernest était présent dans la galerie, en entretien avec une journaliste de France-Inter, je suis allée vers lui, comme je l'avais fait pour Roland Boltanski à Venise, je lui ai exprimé mon admiration, très simplement : je fais ça depuis 50 ans, et moi je vous connais depuis 30 ans, il m'a souri, merci madame, et a repris son chemin...


La silhouette d'Ernest Pignon-Ernest avec la journaliste, au mur ses dessins...

L'oeuvre d'Ernest Pignon-Ernest est somptueuse et singulière, jamais un collage ne passe inaperçu,  la compassion, la nostalgie, les cris, les souffrances s'engouffrent dans les villes avec fracas et magnifi(sens), ses dessins vous collent à la peau...

6 commentaires:

ELFI a dit…

j'ai regardé déjà hier soir .. un billet magnifique,à mon dernier voyage à naples..j'ai vu encore des restes de collage..une démarche intéressante..et du talent! bises

Marie Claude a dit…

Encore un beau billet!Comme tu as du être heureuse de pouvoir rencontrer l'artiste .C'est bien qu'il montre son art et son ressenti de cette manière pour que l'on oublie pas toutes les atrocités et injustices de ce monde!
Bisous de l'après midi

Danielle a dit…

Merci chère Elfi, comme j'aurais aimé voir ce que tu as vu à Naples...

Oui, cet artiste à le talent de produire une oeuvre belle et émouvante, des rappels à l'ordre des humains...

Bises du jour.

Danielle a dit…

Marie-Claude, tu as raison, quand j'ai vu Ernest j'ai été émue, vraiment, il était là si humble, si gentil...

Il a choisi des formes d'expressions qui nous touchent dedans et dehors !

Bises à toi...

Anonyme a dit…

La Maison des Arts de MALAKOFF présente une très émouvante exposition des oeuvres d'Ernest PIGNON-ERNEST, en ce moment aussi, accompagnée d'un très beau film de témoignages sur son travail à Naples.
Ernest était là aussi, le jour où je visitais, rendant la visite plus vibrante.

France Culture a diffusé un magnifique "atelier de création", le 20 02 14 ( http://www.franceculture.fr/emission-l-atelier-de-la-creation-the-night-of-loveless-nights-2014-02-20 )
audible et téléchargeable pendant un an.
Ne manquez pas ce plaisir d'écoute poétique !

Danielle a dit…

Oui à Malakoff aussi il me l'avait dit...

Je ne vais pas y manquer.

Merci d'être passé et d'avoir laissé les infos de rediffusion sur France Culture...

Cordialement.