samedi 14 septembre 2013

l'indre sur le pied de guerre... Pour les mûres !


Pour les mûres...

Je marchais en tenant ma bicyclette à la main, le chemin ne permettait que des pas, de tous côtés le vaste horizon n'en finissait pas de grandir jusqu'au ciel... Aussi loin que mes yeux portaient, je regardais le champ de bataille. Cette année tout était dérangé, ici j'espérais  trouver des mûres toutes folles qui grimpaient aux arbres, là de même, elles devaient être à point, rouges sang sur les mains, douces et chaudes dans ma bouche, sous le soleil on les reconnaît à leur odeur de confiture... Les noyers, emplis à bloc, se tordaient dans tous les sens sous le vent qui arrivait avant l'orage. C'était bien de ce côté, pas d'erreur, il y en avait plein, deux-trois kilos à chaque tournée. Je comptais absolument sur elles cette année, pas de blague, je dois fournir une douzaine de pots, j'y compte sans faute, c'est mon cahier des charges...

La semaine prochaine, je reviendrai visiter les sentiers froissés, les tranchées, les trous et les bosses piétinés par les tracteurs, je liquiderai le problème en un tour de main, j'en trouverai des mûres, c'est moi qui vous le dis, avant qu'il ne soit trop tard...

Je marchais encore, tenant ferme ma petite reine, pas question d'aller seule, elle ne me quittait jamais, j'avais quasi les mains soudées au guidon, mon arsenal de survie était dans la sacoche, de quoi tenir un siège : sacs en plastique, cape de cycliste, appareil photo pour les fulgurances esthétiques, le téléphone pour les bonnes nouvelles ou en cas de malheur... Comme c'est beau, un grand moment de poésie m'arrivait droit dans les yeux, le silence était parfait, le vent s'était calmé, pas un bruit d'ailes, tous les becs étaient clos, ça pouvait presque faire peur... Personne pour me répondre, personne pour m'inquiéter, que le vent, le vent léger...


Les grands peupliers, quand il fait beau !

Je n'avais jamais vu les arbres sous ce jour-là, élancés, souples jusqu'aux frémissements, ils balançaient leurs branches dans l'air, un petit coup à droite, un petit coup à gauche, tout était admirable... Le ciel gris tacheté de noir rassemblait ses bataillons, je m'attendais au grand bruit du tonnerre, trop tôt, trop tard, avec le tonnerre on ne peut jamais prévoir. Les grands peupliers filaient tout doux, allaient du côté de l'air qui s'engouffrait  dans leurs entrailles, ils se laissaient faire gentiment en froufroutant, c'était impressionnant de légèreté...

J'allais plus loin, sans peur et sans reproche, tout avait été saccagé, haies vives et fleurs des champs, massacrées, hersées, retournées, mais il fallait bien cultiver les prés, déménager les herbes folles, les ronces, les jachères, je regardais ce paysage comme pour la première fois, c'était époustouflant de beauté.


Les grands maïs sous le ciel gris...

Le mauvais temps faisait ressortir les contours, d'un côté les maïs, de l'autre les tournesols... Jamais il n'y en avait eu par ici, les cannes bien droites comme des chevaliers, un épis ou deux par tige, bien dodus, accrochés à leur ceinture, le pop-corn dépassait de l'enveloppe, parés pour la bagarre... De l'autre côté les tournesols, énormes, leurs grosses têtes penchaient vers l'avant, immobiles, attentifs, ce face-à-face me faisait penser à un grand tournoi de campagne. Chacun regardait l'autre dans le blanc des yeux... Lequel partirait le premier ?



Les grands tournesols sous le ciel gris... Et la petite loge de vigne...

Le ciel gris acier assombrissait les pensées, je marchais entre ces guerriers, le nez baissé pour éviter quelques flaques laissées par la dernière pluie.


L'enrouleur (canon à eau)

La nature fourbissait ses armes sur mon terrain... Enfin, j'aperçus des ronces éclatantes de santé, ici un kilo, deux peut-être... Je laissais les fantassins de chaque côté du chemin, le temps ne laissait aucun espoir, il va pleuvoir, ce n'est rien, j'ai ma cape, ma reine, filons, je risque de prendre des coups, pas question... Depuis, je m'y promène quand il fait gris, j'analyse les stratégies, s'il se remet à faire beau ils vont tirer du canon à eau, pas de blague, laissez moi remplir mon panier, j'ai déjà préparé le sucre, la cocotte minute et la balance... La vanille attend d'être fendue pour exhaler son parfum...


Les reflets de l'étang, pas de ronds dans l'eau...


Dans les mêmes chemins, quand il fait un ciel de porcelaine, bleu profond et doux, nuages blancs, vaporeux, légers comme des houppettes de cygne qui s'éparpillent et se déplacent avec grâce, sans poids, sans but, j'admire le monde, la splendeur des lieux... La guerre n'a jamais eu lieu entre le maïs et le tournesol, je n'y pense même plus, le paysage a repris des couleurs inattendues, franches, nettes : quand elles passent sur l'eau de l'étang, alors se produit le grand mélange des nuances qui coulent dans tous les sens en faisant de la moire, du taffetas, de la soie sauvage. Seuls les peintres le savent, ils essayent depuis toujours de copier, touche après touche, le miracle des reflets, le mystère des vibrations irisées formées par les ronds dans l'eau... Sur leurs chevalets la nature est toujours trop petite, trop vive, trop pâle, trop exigüe, trop...Rien ne ressemble à ce que je vois...


Les cygnes et les oies..
 

4 commentaires:

Brigitte a dit…

Ah quel bonheur d'avoir de tes nouvelles et de te lire .
Tes deux dernières photos sont tellement belles que j'ai passé un petit moment à les contempler essayant de me mettre à ta place dans ce paysage simple mais si beau.
Au final combien de pots de mûres as-tu fait?
Je t'embrasse et te dis à bientôt le plaisir de te lire

Danielle a dit…

Merci chère Brigitte, finalement j'ai cueilli 0 kg de mûres,
J'attends le soleil... J'ai fait seulement les mirabelles... Malheureusement il pleut beaucoup ces jours ci :-((

J'attends !

Bises fortes du soir.

Bonheur du Jour a dit…

Je vous souhaite une belle récolte de mûres ! Mais déjà, quelle belle récolte de photos et un texte plein de tendresse.

Danielle a dit…

Merci Bonheur du jour, le beau temps semble revenir dans la campagne, propice à la cueillette des mûres...

Passez une belle journée, même sous la pluie.