vendredi 6 septembre 2013

l'Indre, Paradis à perte... De vues...



 La petite ferme de 1900


Le plus souvent, en arrivant dans ma campagne indroise, dans l'ancienne petite fermette que je loue, je regarde le paysage dans les yeux... Rien ne bouge, rien ne tremble si ce n'est avec le vent, les petites routes restent des heures à cuire sous le soleil qui fait perler le goudron...

Bien sûr, aujourd'hui je suis au paradis, mais avant moi, lors de la construction de cette petite ferme, en 1900, était-ce vraiment le paradis ? Monsieur Jean, le voisin d'à côté très âgé aujourd'hui, en maison de retraite depuis l'année dernière, m'en parlait : il avait logé ici avec ses parents, ses trois soeurs, une petite famille pour le pays, deux chambres, une cuisine-salle à manger, une cheminée, une cour herbeuse maintenant et sans doute boueuse de son temps. Devant la fenêtre de la cuisine il y avait le feu et l'eau, un four profond où l'on cuisait le pain et les pâtisseries, et même ceux des voisins... Le puits juste à côté, planté là avec le figuier et le tilleul... Depuis, ces deux arbres avancent à branches de géant sur un bon tiers de la cour, apportant fruits, tisane et ombre bienfaisante, un écureuil, comme un éclair fauve, de temps à autre montre le bout de sa queue, tiens, il est là...


 
 Le puits, le figuier et l'entrée du four...


Le tilleul et le figuier font de l'ombre ensemble
 
 
Une grande étable (transformée en grande salle de séjour) accueillait plusieurs vaches, juste au dessus on pouvait engranger la paille et le foin. Deux ouvertures juste au dessous du toit prévoyaient la présence des pigeons pour aller avec les petits pois, le bâtiment des bêtes était toujours plus grand que celui des personnes, à voir la cour aujourd'hui je ne sais pas où ils mettaient les poules, le cochon, les lapins. Le chien, qui était plus fidèle aux vaches et aux moutons qu'aux maîtres, n'avait pas de niche, dormait le plus souvent dans l'étable, au chaud, sans caresse..
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Le petit arpant du bon Dieu...

La vigne des propriétaires, qui fournissait le vin pour l'année, était peut-être derrière près de la rivière, à deux pas du lavoir dont il reste encore quelques planches. Bien des fois, au cours de mes promenades, j'ai saisi d'un clic la nacre de l'eau polluée qui passe encore entre ses palissades...

Je le savais, on me l'a si souvent raconté que par ici les gens étaient pauvres comme Job, ils vivaient quasi en autarcie, faisaient leur fromage, le beurre, et vendaient au marché le surplus, et même quelques lapins malades de la myxomatose... Si, si, c'est vrai, les gens de la ville n'y voyaient goûte ! Ah bon ! Quand même, vous n'y alliez pas avec le dos de la cuillère, c'est ce que je disais à cette vieille dame qui me racontait l'épisode, elle riait encore du bon tour joué aux acheteurs... Elle ajoutait : ils n'en sont pas morts ! Je repense aussitôt au cheval qui a remplacé le bœuf dans les lasagnes d'aujourd'hui...


Les appentis pour les petits animaux

 

Devant la maison, d'autres maisons, aussi petites, toutes faites sur le même modèle, les toits recouverts de tuiles rectangulaires en terre cuite, certaines ont des appentis pour loger les petits animaux qui faisaient les bons petits plats, la charcuterie et le poulet rôti... Le cheval aussi avait sa place, on en prenait soin, c'était un grand travailleur...
 


Le beau chemin où j'ai des fourmis... Entre les maisons...

Sur le chemin, il suffit d'entendre un pas pour que suive la conversation, bonjour Mesdames Colombe, Colette et Françoise, racontez-moi votre histoire, celle aussi des lieux qui vous ont vues naître... On prend rarement le thé, nous restons debout les deux mains dans les poches ou les bras croisés à se regarder les yeux dans les yeux, nos paroles vont et viennent, le plus souvent les histoires anciennes sont plus gaies que celles d'aujourd'hui, il faut compter avec les maladies, les morts et les disputes... À rester de longs moments immobiles, à entendre, à regarder, j'ai des fourmis dans les jambes... Mais je ne dis rien, pas un mot malheureux qui puisse risquer d'éteindre l'incendie d'une vie qui se raconte...


Ici... Où là... Je ne sais plus...

Trois rues plus loin, je connais aussi l'histoire du grand portail blanc, en ferronnerie ajourée avec art, de la grande maison bourgeoise, bien conservée pour son âge, qui s'ouvrait sur les belles toilettes du dimanche... C'est ici que j'ai embauché quand j'avais quatorze ans, bonne à tout faire depuis très tôt le matin jusque tard le soir, j'avais tout juste à manger, j'étais pas grasse comme maintenant... C'est Catherine qu'elle s'appelle, elle me raconte qu'elle était mal traitée, mal habillée, pas assez nourrie, elle enrage encore aujourd'hui, elle n'a jamais pardonné de n'être pas aimée.

Ces jours-ci, je me cache dans l'ombre de leurs mots, la vie est plus douce mais leurs âges avancés, comment tout recommencer, pas moyen, même pas moyen de rester tranquille chez soi, les jambes, les yeux, les mains, la tête quelque fois vous en empêchent pour toujours... La maison de retraite fera de bonnes affaires... Pas prévu de vivre aussi vieux... Maisons à vendre... Dans la rue on renouvelle les générations...


Maison à vendre ?

Allez, encore un tour de roue, jusqu'au moulin, zut, j'ai mon genou qui m'embête... Allons plus loin encore... Allons, quel beau mois de septembre, il fait chaud, la végétation à baissé d'un ton ses couleurs, j'ai déjà fait des confitures de mirabelles, belles comme le jour, suivront les mûres chauffées à la vanille, pour les figues on verra, elles sont encore trop petites, beaucoup trop petites, les pommes, je ne sais déjà plus où les mettre, le casse-noix est au taquet, j'attends qu'elles tombent...



Le petit coin de Paradis...

12 commentaires:

Michelaise a dit…

Et oui, c'est ainsi que nos campagnes se vident, les anciens quittent leurs maisonnettes qui sont restaurés par des citadins en vaine de nature et de détente. Cela fait revivre les campagnes, autrement, mieux, moins mal, va savoir, c'est la vie qui a changé. C'est bien de ta part de les écouter, ceux qui restent, ils sont de plus en plus rares et ce sont des souvenirs qui s'éteignent. Grâce à toi, il en restera une trace. Fugace mais essentielle.

Brigitte a dit…

une vraie merveille ton billet Danielle ...La campagne change c'est vrai mais elle reste si belle ,la photo de ton paradis est superbe.
Ils doivent être contents les anciens de pouvoir se raconter à quelqu'un de si attentif et toi je t'imagine ravie de les écouter,pas vrai?
Bonne continuation et bises fortes du jour

Danielle a dit…

Chère Michelaise, bien sûr les campagnes se transforment... des gens nouveaux arrivent et c'est tant mieux, ce que je redoute c'est la diminution des agriculteurs, car ce sont eux qui font véritablement le paysage...

En fait ce qui m'intéresse, c'est la vie des gens tout court, ancienne ou moderne demeure l'émotion d'une vie.

Grosses bises du jour, il y a du ciel bleu ici à l'instant.

Danielle a dit…

Merci chère Brigitte, hier j'ai fait une balade dans la beauté pure, en lisière des champs, loin de la route, sous le ciel gris !

Passe un bon WE, gros baiser du jour.

Georg-Friedrich a dit…

Ben ça alors, première nouvelle, tu as Internet maintenant là-bas! Amusant toutes ces histoires, surtout celle de la vendeuse de lapins! Tiens, à propos de poulet rôti, on en a acheté un beau hier au marché de Saint-Chély, un truc incroyable, si t'avais vu le paysan qui nous l'a vendu, ses mains ravagées, je suis sûr que qu'il aurait eu plein de choses à te raconter debout, les bras croisés! Bises lozériennes et bonnes vacances dans l'Indre...
PS : les photos sont superbes et me rappellent d'agréables souvenirs!

Marie Claude a dit…

C'est vrai qu'elle est belle cette campagne, le paradis tout simplement!.
Je vois que vous préparez des réserves comme le petit ecureuil qui vous tient compagnie...
Profitez bien de votre séjour.
A bientôt

Enitram a dit…

J'aime tes petites histoires du Berry, elles me font penser à celles d'une certaine George !!!!
Belle nuit étoilée !

ELFI a dit…

j'ai ri à en attraper la myxomatose!
superbe billet!

Danielle a dit…

merci cher GF, j'ai Internet uniquement si je vais à la Médiathèque :-))) J'imagine très bien ton homme vendeur de poulets !

je vais essayer de poster de temps en temps :-))

Gros bisous à toi et bonne Lozère.

Danielle a dit…

Marie-Claude, j'essaye de faire l'écureuil (que j'ai vu hier traverser le jardin) je vais faire des prunes et des mûres... J'espère !

La campagne est superbe, le ciel bleu est étonnant.

Bises à Vous pour la semaine.

Danielle a dit…

Enitram, merci mille fois, les histoires viennent toutes seules avec les rencontres et les yeux ouverts, surtout les oreilles :-))

Bises du jour à vous.

Danielle a dit…

Elfi, comme je suis contente de ton rire que j'entends jusqu'ici !

Merci et bises de ma campagne.