jeudi 23 mai 2013

Ma deuxième rencontre avec Ron Mueck...

Fondation Cartier


Couple sous le parasol

La première fois que j'avais vu ses oeuvres, en 2006, à la Fondation Cartier, j'avais été extrêmement touchée par la précision, la virtuosité des corps si humains, pour la plupart nus, exposés aux regards curieux des spectateurs. Une fois que vous avez passé en revue les détails réalistes des sculptures de l'artiste, les oeuvres parlent d'elles-mêmes, elles sont émouvantes. J'étais intriguée par ce travail, cette mise à nue de la nature humaine, ces corps plus vrais que nature, natures mortes dont la présence irradie l'espace et les cœurs : le mien, je peux en certifier.

Ron Mueck est un sculpteur qui vit et travaille à Londres, il a cinquante cinq ans. Ses sculptures reproduisent le corps humain dans ses moindres détails, ses constructions sont faites de manière classique à partir de sculpture en terre, il construit les armatures pour les grandes formes, et procède ensuite au moulage avec du silicone, de la résine polyester, puis peint les moulages / corps avec une précision clinique, seuls les accessoires et les tissus sont vrais. Mueck travaille lentement, avec acharnement, dans son atelier londonien, dans le silence, avec la loupe frontale, des pinceaux à un poil ou deux, et deux assistantes.

Longtemps j'avais gardé en tête le travail de ce sculpteur, intriguée par cette volonté de réalisme, et les échelles hors-normes des personnages, tantôt immenses, tantôt minuscules, disproportionnés, en fait le contraire de la représentation hyper-réaliste. Ron Mueck, comme Ingres et beaucoup d'autres artistes, se moque de l'anatomie et c'est tant mieux, seuls les gestes et les expressions comptent.

Ron Mueck: Couple sous un parapluie. Photo Thomas Salva / Lumento.

 Couple sous le parasol (Photo Thomas Salva/Lumento)

Dès l'annonce de cette deuxième exposition, j'ai filé à la Fondation Cartier à l'heure du déjeuner, il n'y avait presque personne, j'avais toutes les oeuvres pour moi, j'ai été bouleversée : grands ou petits, les formats des personnages nous projettent dans un autre monde. Ces humains nus ou habillés ne m’inquiètent  plus, bien au contraire, il suffit de prendre son temps, de bien les regarder, et la gravité des représentations vous apparaît, les formes, les expressions et les situations s'additionnent pour distiller de l'émotion.

couple-parasol2.jpg

La main et le bras unis

Tout d'abord dans la grande salle, ce couple de personnes âgées, plus grand que nature, sous le parasol multicolore, à la plage sans doute puisqu'ils sont en maillots de bain, nous pouvons en observer chaque détail : le grain de la peau, les ongles des pieds, les plis du corps, les verrues, les cheveux, plantés avec un souci de microscope, tout y était. Nous sommes mis immédiatement en position de voyeur, nous pouvons presque compter les poils des jambes de l'homme, et puis quand on tourne autour de ces deux corps, on tombe sur le regard bleu du vieux monsieur qui, comme certains visages des tableaux anciens, fixe le spectateur pour le prendre dans ses filets. Alors j'ai éprouvé la solitude du plagiste, je me suis rappelée aussitôt les toiles de Hopper où les regards se perdent aussi dans l'infini, sans jamais rencontrer l'autre... Pourtant, en tournant encore autour de monsieur et madame, nous voyons que monsieur tient délicatement le bras de madame, une tendresse infinie s'en dégage...

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La femme avec ses courses et son bébé

Dans l'autre salle du rez-de-chaussée il y a une petite sculpture magnifique, une femme de très petite taille (113x46x30 cm), elle a fait des courses et tient un sac en plastique pendant au bout de chacun de ses bras, son bébé est dans un porte-bébé. Le manteau de la mère est fermé, laissant la tête de l'enfant un peu ballante dépasser dans l'échancrure du vêtement, elle a le regard vague, ne regarde pas son bébé, elle le porte simplement, elle a les deux mains prises par les sacs... C'est poignant !


La femme avec le gros fagot (petite échelle) 

Cette femme ploie sous le poids du gros fagot, une petite lutine, si vous croisez son regard brun, comme elle a traversé le mien, vous serez touché instantanément.

Au sous-sol, d'autres personnages solitaires vous attendent, un film documentaire passionnant de Gautier Deblonde (photographe français qui consacre une grande partie de son travail aux ateliers d'artistes contemporains) nous transporte dans l'atelier de Ron Mueck, et nous assistons à la naissance de ses personnages, la salle de projection était pleine, on aurait entendu une mouche voler, magnifique ! L'oeuvre de Ron Mueck est poignante, l'être humain habillé ou nu est livré à notre sensibilité dans un dénuement, une vulnérabilité qui n'appartiennent qu'à Mueck. Il nous propose, peut-être aussi, un jeu de miroir avec nous-mêmes, pourtant les ressemblances ne sont pas... Immédiates. Cherchons bien...

L'exposition dure jusqu'au 29 septembre, vous avez le temps, si vous passez par-là... Précipitez-vous...

12 commentaires:

Brigitte a dit…

Quel travail ...Beaucoup d'émotions se dégagent de ces oeuvres .
Je comprends que tu te sois précipitée pour admirer cela .C'est impressionnant de réalisme et c'est à la fois beau et émouvant.
Bises du soir Danielle

Anne a dit…

La prochaine fois que je "monterai" à Paris, j'irai voir cette exposition dont vous donnez un très intéressant aperçu. Bon weekend!

Danielle a dit…

Brigitte, oui c'est vrai ces œuvres sont délicates et précises, mais une fois passé le stade de la grande virtuosité, le talent, l'émotion vous saisit profondément.

Bonne journée Brigitte et grosses bises du jour.

Danielle a dit…

Anne, je suis certaine que vous serez transportée !!!

Passez une très bonne journée, à très bientôt.

Marie Claude a dit…

Il me semble que j'avais vu que cette expo se terminait en juillet.Comme je "monte" moi aussi en principe à la Capitale en aout,j'espère pouvoir découvrir cet artiste avec ses oeuvres pleines de vérité!

Danielle a dit…

Oui, oui, Marie-Claude l'expo tient jusqu'au 29 septembre...

À l'heure du déjeuner il y a moins de monde :-))

La vérité des œuvres est entière !

Passez une belle journée même dans le froid...

Michelaise a dit…

Ah oui, cela me donne vraiment envie d'y aller... va falloir caser cela dans un programme déjà plein comme un oeuf, de l'inconvénient de venir 4 jours de-ci de-là... mais tu as raison, cela ne se rate pas !!émouvant, pudique et sincère, voilà l'effet que cela me fait au vu de ton reportage. Merci pour l'info Danielle

Amélie a dit…

une vraie révélation pour moi ! merci de nous avoir fait découvrir Ron MUECK, ses œuvres sont vraiment magistrales... c'est bouleversant. merci :)

Danielle a dit…

Michelaise, tu va avoir du boulot lors de tes visites parisiennes :-) mais pour Mueck les efforts sont plus que payants.

Je te souhaite du plaisir et de l'émotion lors de ta visite.

Grosses bises du soir.

Danielle a dit…

Amélie je suis contente de vous faire partager quelques œuvres de cet artiste...

Merci de votre enthousiasme...

À très très bientôt.

ELFI a dit…

surement une exposition formidable... j'aime ces personnages.. merci !

Danielle a dit…

Oui, formidable d'humanité, la première fois je n'avais été si frappée par les solitudes, pourtant si voyantes, Mueck est un grand artiste, faiseur d'émotions, il prend tout son temps pour peindre chaque pore de la peau...

Bises du soir Elfi.