jeudi 29 novembre 2012

La clé des coeurs...



Au début de l'histoire du jour...


Presque l'heure, il faut que je m’agite, mon rendez-vous est à midi trente, le métro n'est pas très loin, certes, mais il faut y aller…

Sac, parapluie, imper, mes clés… Allez, je descends le gros sac poubelle en même temps…

Voyons, mes clés ? Pas ici, ni là, étrange, je les range chaque fois au même endroit, dans un petit panier exquis spécialement acheté à cet effet…Si ça continue, je vais être en retard , je refais un tour de piste en passant dans toutes les pièces de l'appartement, bon, je vais appeler mon amie, je risque d’être un peu en retard, le temps de retrouver les clés, ne t’inquiète pas, je cherche encore un peu et j’arrive !

Vestes, imper, sacs, poches, vestes, imper, sacs, poches retournées… Dix fois, rien…

Voyons, quand je suis rentrée hier soir, je suis allée droit devant moi, j’ai posé mes sacs là, le téléphone a sonné, j'ai répondu tout de suite, et mes clés ?

Je repasse chaque pièce au peigne fin, mes yeux sont des lasers, écoute, je n'ai pas encore trouvé, c'est totalement idiot, je deviens zinzin, bien sûr mon amie, merci d'avance de ton aide, je t'attends, nous chercherons toutes les deux, d'accord… Nous habitons la même ville, notre rendez-vous était au métro, elle ne va pas mettre plus de cinq minutes pour être là, je suis contente.


Imper, poches, sacs... Sacs, poches, imper...

Deux heures de recherches intenses ont commencé, on a fait voler les coussins du canapé, du fauteuil, fait les poubelles à fond, ouvert tous les placards, regardé sous les meubles, les lits... Pensant aussitôt avoir laissé mes clés sur la porte, j’ai interrogé tous mes voisins de palier, vous n’auriez pas vu mes clés pendues à ma porte ? NON…Ma gentille gardienne ? NON, pas vues, pas prises !

Zut ! Voilà que je gâche la journée qui devait commencer par un bon déjeuner avec sushis bien frais, bavardages intensifs, balade, un beau soleil nous attendait… Sans clés, impossible d’envisager la moindre sortie. La présence de mon amie limitait les tensions, elle me permettait de prendre du recul, de mieux réfléchir, de ne pas dramatiser... Merci mon amie.

Nous avons entrepris des recherches sur Internet pour savoir combien coûtait le changement du barillet de ma serrure, interrogé mon assurance : NON, c’est non, tout restera à votre charge !

L’après-midi était bien entamée, quinze heures déjà, mettons-nous à table, nous prendrons les grandes décisions après, mangeons des nouilles et de la compote, c'est tout ce qu'il me reste, parfait, un dîner de roi, nous réussissions à transformer mon angoisse en attente ordinaire, nous n'avions même pas perdu l'appétit, je m’étais faite à l’idée, je positivais, si je ne retrouve pas mes clés, je vais payer, voilà tout…

L’amitié a ceci de merveilleux  qu'elle est comme l’eau de source, claire, chuchotante, douce et bienfaisante après la tourmente, un moment suspendu, l’amitié nous a permis de voir plus loin, d’être ensemble, de ne pas désespérer (surtout moi...). Nous avons pris des nouvelles du jour, du quartier, de l’avenir... Ecoute, après ton départ je vais chercher encore, je vais tout refaire dans l’autre sens, sans me presser, au calme…

Alice, ma voisine presque centenaire, était venue deux fois aux renseignements : non Alice, rien encore, la deuxième fois elle m’avait apporté une série d’alarmes d’appoint, un kit anti-voleurs, à coller sur la porte, mettez-les tous Danielle, pour la nuit, ça va vous rassurer, merci chère Alice, merci, je vais les mettre, elle m’avait fait une belle démonstration sur sa propre porte, ça sonnait vraiment bien, de quoi effrayer un intrus 30 secondes…

La nuit était descendue doucement, nous restions encore à bavarder, le thé bu, sans petits gâteaux, il fallait bien se quitter, merci mon amie, heureusement que tu étais là, je n’ai pas perdu patience, j’ai pu décompresser, je garde confiance, tu sais je pense vraiment que j’ai dû les laisser sur ma serrure en entrant, tu vois, juste à ce moment mon portable s’est mis à sonner, c’est bizarre cette histoire, comment ai-je pu être si distraite… Quand même, je n’arrivais pas à croire que juste à ce moment-là un voleur tapis dans l’ombre me les aurait dérobées… Bonne route mon amie, je vais chercher encore, tranquillement, demain matin je prends ma décision pour le barillet à 600 euros…

La maison vide, je remets les mains dans la poubelle, je ratisse, je laboure… Je revois tout ce que j’ai pu faire depuis mon retour hier soir, jusqu’au lendemain, mais je sentais en moi que le vent de panique était parti, j’avais pris une résolution : je vais payer !



Les clés dans la main...

On sonne à la porte, je vois une charmante jeune fille, souriante, et très vite comme un éclair j’aperçois dans le creux de sa main l’anneau de mon trousseau de clés, elle m’explique très vite que ce matin en partant au lycée, voyant les clés sur votre paillasson, je les ai emportées avec moi à l’école, pour que personne ne les vole … Sa maman sort de l’appartement d’en face et les autres enfants de la maison avec elle : voyez-vous ma fille ne m’a pas prévenue, elle n’a pas osé vous réveiller ce matin en partant, madame, il était était très tôt... Pas grave madame, je remercie votre fille, je l’ai prise dans mes bras et j’ai déposé sur ses deux joues deux gros baisers bien chaleureux… Nous étions 5 ou 6 sur le pallier à nous réjouir de l’aventure, du plus petit des enfants à la plus grande, je découvrais enfin la totalité de la famille qui avait aménagé depuis peu à mon étage, j’ai dit à la maman : j’ai bien peiné aujourd’hui, mais ce soir, en plus d'avoir retrouvé mes clés, j’ai la joie de vous connaître tous, c'est un beau moment… Nous avons ri, bonsoir, belle soirée, à bientôt.

Alice, je les ai retrouvées, je vous rends les alarmes, merci mille fois !... Alice a toujours le sourire, le mot aimable, plein de bleu dans les yeux, la belle histoire…

Allo ! Mon amie, oui, je viens de les retrouver, j’entends son rire de cristal caracoler jusqu’à chez moi, mais comment, où, ah ! Comme je suis contente, prenons rendez-vous tout de suite pour la semaine prochaine, à nous les sushis, d’accord, remettons ça sans tarder, nous avons tellement de choses à nous dire…

J’étais aux anges, le scénario que j’avais imaginé : les clés sur ma porte, était le bon, mais ensuite tout avait dérapé, j’avais tout le temps pensé que les clés n’étaient pas à l’intérieur, une impression vague, puis une certitude qui m’avait rendue presque tranquille, attendons, à chaque coup de sonnette je m’étais dit : ah ! Voilà une bonne nouvelle, et puis la bonne nouvelle est venue la dernière…

Au début, j’avais sans doute fait monter ma tension de plusieurs crans, et puis à la fin, la belle fin, j’avais fait la connaissance de toute la famille, c’est vraiment bien, demain matin je leur porte deux pots de confitures, oranges et mûres, un peu de sucre entre nous, c’est plus doux pour tout…

Le lendemain matin, les mains pleines de confitures, je suis allée sonner chez eux, tous les enfants étaient là, la maman était enchantée, de la confiture que vous avez faite vous-même… Bonne journée et merci encore…



La fin de l'histoire le soir...

dimanche 25 novembre 2012

Interlude... Autour des Arts et Métiers...


La tour Saint Jacques vue de la petite rue Nicolas Flamel


Dans la rue Nicolas Flamel


Toujours rue Nicolas Flamel


Il n'y a que l'embarras du choix...


Le beau fleuriste nouvellement installé

Dans cette petite rue, coincée entre la rue des Lombards et la rue de Rivoli, il n'y a jamais grand monde, sans doute un peu plus le soir, les gourmets y viennent pour manger, les restaurants sont avenants et très diversifiés, un petit tour du monde sur 800 mètres...


Si un jour vous passez par-là, prenez une photo de la tour Saint Jacques, fleurissez-vous, et mangez à votre goût, c'est la vie parisienne...

lundi 19 novembre 2012

Il giorno delle sorelle... Novembre 2012



Il fallait mettre les bouchées doubles, on avait sauté un mois, comme vous le savez nous nous retrouvons avec ma soeur une fois par mois pour parcourir quelques rues de Paris que nous ne connaissons pas à fond... Il y a du travail... Octobre est trop vite passé, novembre, pas question de lui réserver le même sort, on sort...

Pour bien commencer notre journée, nous déjeunons dans un petit restaurant vietnamien que nous connaissons bien, l'heure du déjeuner ne se brade pas, nous voulons, en plus de nous régaler, remettre nos pendules à l'heure, nous avons des tas de choses à nous dire. Même si nous nous téléphonons très souvent, il y toujours des nouvelles à revendre, des points à éclaircir, des développements indispensables à dire pour faire tourner le monde, la conversation avec les baguettes est tout à fait propice à la lenteur, parfaite pour la philosophie et la sauce de soja...

Pour ce jour de novembre, nous avions choisi Arts et Métiers, ma station préférée, d'ailleurs j'ai bien pensé à la faire débaptiser, je trouve qu'elle m'appartient un peu, tous les axes de ma vie courante tournent autour : les restaurants asiatiques, les cinémas, les galeries d'art contemporain, mon marchand de thé, le centre Beaubourg, les magasins sympas où je n'achète rien mais que j'aime regarder, les jolis cafés où j'aime bien prendre un thé, les bons gâteaux de chez Jacques Genin le grand pâtissier, c'est par-là aussi... Notre-Dame, la Sainte-Chapelle sont à deux encablures de ma station de métro, d'ailleurs je vois les tours de la cathédrale dès que je sors du métro, à chaque fois je me dis comme c'est beau ! Je vais donc écrire à monsieur Bertrand Delanoë pour lui suggérer un nouveau nom de baptême pour la station : Danielle, ça serait bien, surtout que l'ensemble du réseau souterrain manque terriblement de noms féminins, il n'y en a que deux : Madeleine et Louise Michel, Danielle ne serait pas de trop... Bon, je vais y penser. Je vous avais dit déjà que tout ce qui se trouvait à proximité de ma belle station préférée était mon quartier d'enfance ? Comme une moule sur son rocher, je résiste aux appels de la Motte-Piquet-Grenelle, de Sèvres-Babylone, Trocadéro, Bastille et les quelques 296 stations restantes qui doivent pourtant réserver des merveilles...


Le centre Beaubourg vu de l'intérieur

Jacques Génin Pâtisserie - Tarte au citron

Tarte au citron de chez Genin... (Photo prise sur Internet)


Un jour chez Yvon Lambert (photo prise sur Internet)

Ma soeur avait quelques minutes d'avance, joyeuse, comme d'habitude, mais moi je n'étais pas en retard, nous nous sommes engouffrées dans notre resto vietnamien, toutes à nos affaires de bavardages et de dégustation, nous ne prenons jamais de dessert... Mais nous dégustons notre café dans le plus beau bistrot du coin, alors ma soeur sort de son sac à malices son paquet de quatre gâteaux chinois enveloppés dans un joli papier rouge et transparent, juste un petit scotch à défaire et nous savourons ce moment béni du café mâtiné de biscuits pas trop sucrés, frais de quelques jours, petites galettes rondes et bien dodues à la crème de soja, l'autre sera pour notre quatre heures, mais nous ne savons pas où ni quand...

D'accord, allons rue Mouffetard, prenons le métro à Châtelet, c'est parfait, mais des Arts et Métiers à Châtelet il y a quelques rues à traverser dont il faut se méfier, tellement de beautés à photographier, la course aux trésors commence n'importe où... Cette petite rue, mais bien sûr, c'est la rue Quincampoix, viens donc par ici, je vais te montrer des belles choses...





Rue Quicampoix, costumes et ustensiles à vendre pas faits pour les oies blanches...

Juste au coin de la rue, cette boutique baroque, complètement kitche, qui attire notre oeil par ses couleurs et son extravagance, le propriétaire, sur le pas de sa porte, insolite, charmant, élégant, nous invite à entrer, faites toutes les photos que vous voulez... Le magasin est rempli de vêtements pour se travestir, pas de déguisements de Blanche-Neige ou de Zorro, ici, rien n'est angélique, tout au fond, derrière les robes et les jupons, les bustiers et les bottes à talons extrêmement hauts, il y a une multitude de panoplies nécessaires aux pratiques SM, et à d'autres sans doute ? Des fouets, les masques et les menottes, le chantier est guerrier... Un monde de paillettes, de tulle, de dentelle et de latex, l'ensemble est étrange mais terriblement beau, le noir et le rouge arrivent en tête de la gamme... Pour des photographes amateurs comme nous, le terrain d'aventures est magnifique...

Nous remontons la rue Quincampoix, et nous nous arrêtons souvent, d'abord la galerie de photos associative Fait et Cause où j'ai vu cette exposition incroyable du photographe Agou, puis la maison de thés chinoise, avec ses magnifiques objets : comment ne pas stationner devant les lourdes portes anciennes, en bois sculpté, clouté, toutes plus belles les unes que les autres, nous tentons de manipuler les heurtoirs, fixés pour l'éternité, impossible de pénétrer dans les cours, les codes secrets les tiennent fermées à double tour... Nous n'avons pas le temps d'attendre la sortie ou l'entrée d'un riverain pour profiter, curieuses, de l'occasion. L'heure avance et nous ne sommes pas encore rendues rue Mouffetard...


Les oeuvres de la rue Quincampoix... Plantées dans le mur, il faut lever les yeux


Un rond de couleur dans la pierre


La signalisation du centre de Wallonie (Spéciale Hergé)


Une fenêtre condamnée... Par un trompe l'oeil


Une porte fermée


Une autre...


Encore une...


 Lumières et couleurs d'un nouveau café qui s'ouvre non loin de là...

Allez, allez, rue Mouffetard... Une rue dont le tracé n'a pas pratiquement pas varié depuis 2000 ans.

Nous y voilà... Il est déjà tard, le jour baisse, mais pas notre enthousiasme... Comme des mouches avec le vinaigre, nous nous laissons happer par un splendide salon de thé chinois, il faut sonner pour y entrer, comme chez le bijoutier ou le banquier, bizarre, nous nous asseyons, on nous propose un thé exceptionnel pour une dégustation à 20 euros par personne, vous auriez vu nos têtes... Nous avons repris sacs et parapluies, bien remercié la dame, et parties à rire sur le trottoir d'en face, tellement l'affaire nous paraissait exagérée, nous somme allées boire un thé ordinaire dans un joli café de la rue, et avons savouré notre deuxième gâteau chinois...


Le beau café avec du thé à prix normal


Beaucoup trop de choses à voir dans cette très ancienne rue Mouffetard et dans son prolongement, la rue Descarte, on peut y dénicher un morceau du mur d'enceinte de l'époque de Philippe Auguste caché sous un porche, quelques façades d'immeubles classées aux Monument Historiques, une vieille fontaine du 17e siècle :


La belle façade entièrement fresquée...


Détail



Détail

Les fresques sont parsemées de clous qui brillent au premier rayon de soleil... Cette façade signalait sans doute une bonne maison, volailler ou charcutier, viande de chasse ou de basse-cour, destinée à durer toujours, ils avaient fait les choses en grand... Un peu plus loin une belle enseigne polychrome À la bonne source, également classée, qui indiquerait avec humour la boutique d'un marchand de vin (17e siècle).


Charmante enseigne restaurée depuis peu...

En bas de la rue, je me suis essayée à reproduire une photo prise par Atget au début du 20e siècle, mais la partie n'était pas gagnée...


Fichier:Marché de la rue Mouffetard.jpg

Eugène Atget, l'église Saint-Médard, rue Mouffetard, 1910


Les mêmes la semaine dernière... 2012

Cette rue est bourrée de mystères, au 39 de la rue Descartes, celle qui prolonge exactement la rue Mouffetard (après la place de la contrescarpe), Verlaine serait mort en 1895... Hemingway y aurait loué une chambre quelques années... Tout reste à vérifier...

La fontaine du Pot-de-Fer du 17e siècle, à sec... Au coin de la rue Mouffetard et de la rue du Pot-de-Fer...


Fichier:Fontaine du Pot-de-Fer.JPG

Wikipedia LPLT  (merci !)


La rue est bourrée de couleurs, de fleurs, les touristes sont ravis, petit à petit nous voyons bien que la rue perd de son charme à cause des magasins franchisés qui rappliquent, l'uniformité commerciale fait son oeuvre... Tout est en place pour satisfaire les visites touristiques...


Les couleurs


Les fleurs


Détail...

Un commerçant avec lequel nous faisons causette nous informe que beaucoup d'appartements dans la rue sont loués aux touristes, comme dans beaucoup de capitales européennes très visitées : Berlin, Rome, Venise... 

L'église Saint-Etienne-du-Mont, près du Panthéon, est notre ultime étape,  mais il fait sombre, l'intérieur n'est pas éclairé, impossible de prendre des photos... Cette église renferme des merveilles, dont un jubé de marbre blanc du 17e siècle (le seul restant à Paris). Une chaire sculptée du 17e représente le développement du mystère de la parole de Dieu, et on y trouve aussi le trésor des trésors, le tombeau de Sainte-Geneviève, patronne de Paris... J'y reviendrai prochainement...

Notre journée avec rires, explorations et bavardages s'achève, bloquons un jour pour décembre, glissons ensemble dans les mystères de Paris, l'affection est le ciment de nos promenades, promis, à très vite ma soeur... Je t'embrasse un point c'est TOUT.

mardi 13 novembre 2012

Les capucines...


Le bouquet de capucines

Allez j'y vais, c'est samedi, il fait beau, c'est décidé, je vais aux puces de Montreuil, une promenade que je fais depuis plus de trente ans, irrégulièrement bien sûr, vous pensez bien que j'en connais le moindre carré d'herbe...

Pas de miracle, pas de découvertes exceptionnelles, pas de lingots d'or cachés dans une caisse, que des petites choses achetées au coup de coeur, parfois objets utiles ou très souvent, totalement inutiles mais franchement indispensables : petits mouchoirs de mariée brodés, que j'ai utilisés très longtemps et puis est venue la flemme de les laver à la main, de les repasser impeccablement et surtout j'ai pris plaisir et soulagement à jeter les mouchoirs en papier par dessus les moulins, j'ai gardé quelques mouchoirs en dentelle pour tapisser les corbeilles à pain pour les grandes occasions.... Petites verreries anciennes  dorées, gravées, émaillées, des bazars aussi, des trucs mal achetés, aussitôt cassés, donnés, abandonnés, j'ai fait aussi les fripes, s'habiller pour trois fois rien, quelle bénédiction... J'ai remué des tonnes de chiffons, essayé, mesuré, toisé du regard les beaux vêtements sans étiquette, j'avais l'oeil et le bon pour repérer les aquarelles cachées derrière une planche, dans une boîtes ou à l'air libre... Les couleurs, mes couleurs, je les voyais à cinq cents mètres, je courais, j'auscultais, je me réjouissais de la bonne aubaine, je négociais et j'emportais le trésor, tout le long du chemin du retour, je regardais ma trouvaille avec ravissement,  je vais la nettoyer, l'arranger, la refaire encadrer... Au bout de tant d'années de cueillettes, j'en ai bientôt eu plein mes murs, mon appartement est rempli de fleurs qui se déploient dans tous les sens, en bottes, en vases, en corbeilles... Elles ont toutes un air de famille, leurs couleurs sont les miennes, rarement je me suis trompée entre la reproduction et l'oeuvre originale, j'avais ma loupe oculaire sur moi, comme une vraie pro...


Ici

Je ne dépensais pas des fortunes, mais quelque fois la fortune me souriait, car l’aquarelliste était répertorié, petite récompense de l'amateur que je suis...

Quelques paysages ponctuent mon univers, plus chers que les fleurs mais encore à ma portée, sur le marché il y a des catégories comme à l'Académie, les fleurs fraîches ou fanées n'intéressent personne, mais les paysages laissent espérer pour le marchand, un coup de maître.

Ainsi au cours des ans mon jardin des plantes a parfumé ma vie...


Là...

Mais revenons à mes capucines, j'avais arpenté cet espace marchand que je connais par coeur, rien de particulier, j'avais trois francs six sous dans mon porte-monnaie, je suis attirée par un bouquet de capucines qui trempaient dans un beau vase, une huile sur bois, sans doute des années 40, les couleurs me plaisaient, le bouquet était bien équilibré, le vase en cristal décor métallisé faisait son petit effet, l'ensemble était harmonieux, mais bon, passons notre chemin, que vais-je encore faire d'un bouquet de fleurs, mon jardin est complet...

J'ai refait le marché dans le sens inverse, pour me défaire de l'idée, mais j'ai quand même demandé le prix à la marchande en repassant devant, captivée ? Ferrée ?  Le prix était dans mes prix, la négociation fut rapide, bon, je vais voir et je suis partie, bien partie, rentrée à la maison...

A la maison le poison faisait son chemin, bien m'en a pris de demander avis à mon amie, mais comment tu ne l'as pas acheté ? Il te plaisait, mais il faut y retourner bien vite, on trouve toujours un endroit idéal pour une oeuvre qu'on aime, allez allez, retourne là d'où tu viens, vite, il sera peut-être bien vendu... L'avis encourageant  m'avait rendu mon enthousiasme caché, mais est-ce bien raisonnable ?


Pas de place...

Voilà comment on peut compter sur ses amis pour vous faire dérailler, vous pousser dans vos derniers retranchements, vos pensées secrètes, finalement oui, il est beau ce bouquet, j'y cours, pourvu qu'il soit encore là, il devenait tout à coup indispensable, comment ne pas me presser d'aller aux capucines...

Elle est là, rien n'était encore remballé, j'avais tout le temps de discuter, mais il est superbe ce bouquet, voyez, et la voilà partie dans une description de l'objet qui aurait pu tout faire rater, tellement je n'étais pas de son avis, mais j'avais décidé d'acheter, nos points de vues s’arrêtaient là. A bientôt, passez une bonne fin de journée, cette politesse-là nous allait très bien à toutes les deux...

Les capucines étaient à moi, le cadre était lourd, moche, sale, mais les fleurs dansaient dans mes bras.


Non...

J'étais ravie de ma décision, la place qu'il faudrait trouver à ce tableau, je n'en avais aucune idée encore, il resterait par terre, comme dans un atelier, ou dans une serre, pas d'arrosage, de ce côté rien à craindre. J'ai fait tous les petits coins de ma maison, mais rien n'allait vraiment, je voulais l'avoir sous les yeux, il n'y avait rien de plus beau, finalement, je l'ai laissé debout sur ses pieds, désencadré il retrouvait de l'âme, et puis je suis allée sur Internet pour voir si mon peintre était au Louvre...  Non, peintre provençal, né à Vallauris en 1906, rien d'autre, les capucines finiront leurs jours ici ! Je vais trouver l'accrochage qu'elles méritent, sans doute, un jour... Je cherche...


Et non...

Je cherche encore...

dimanche 11 novembre 2012

Normandie...Vers Dieppe, Etretat.. Suite et fin


Le cimetière marin  de Varengeville-sur-Mer, où est enterré Braque


Comment est-ce possible de ne rien connaître de ce cimetière qui abrite les tombes de gens si célèbres comme Braque (1882-1963) ?... Ce cimetière marin qui n'abrite aucun marin porte son nom grâce surtout à sa position surplombant la mer. La grande tombe de Braque est sous la protection d'un oiseau bleu et blanc si souvent représenté dans ses oeuvres, les mosaïques qui le composent ne sont plus au complet, je n'ai pas pris de photo, il y avait des gens et puis j'étais accaparée par les couleurs du lieu, pareilles à une grande aquarelle qui sèche au doux soleil de novembre... L'artiste peintre a vécu les 40 dernières années de sa vie dans ce petit village de Normandie.

À l'entrée du cimetière, les bleus du ciel et de la mer qui se juxtaposent en demi-teinte coupent le souffle, la douceur est violente dans le coeur. En déambulant parmi les tombes, j'ai aperçu celle de Braque, au bord du cimetière, près de la mer, un étroit promontoire permet de saisir le paysage dans toutes ses nuances avec émotion : comme c'est beau ! La petite église Sainte-Valérie est superbe : une belle verrière de G. Braque, posée peu de temps avant sa mort, met ça et là quelques touches de bleu sur la pierre... L'édifice résiste au tempêtes et à l'assaut des vagues depuis des siècles, des travaux considérable de consolidation ont été récemment entrepris par la Municipalité, l'Etat et le Département...


La tombe de Braque doit être ce grand rectangle blanc sur la droite devant la croix


Pas de photos non plus dans l'église, trop petite, trop de monde, trop impatiente d'aller voir et revoir les couleurs du ciel de la mer et des prairies...


La grande palette de la nature est là...



Plus près...


Plus loin...


Après le cimetière marin quitté à regret, voilà le manoir d'Ango dont j'ignore tout, si beau, si inattendu presque au bout du monde... Juste le temps d'un petit clic avant de repartir vers Etretat...


Le manoir d'Ango, 16e siècle...

Impossible d'aller plus loin que les légères barrières de bois, le site était fermé, pourtant il promet beaucoup, je suis allée à la pêche aux renseignements sur Internet, après avoir pris la photo, de trop loin pour vous donner une idée...

Ce manoir a été édifié entre 1530 et 1542 par un riche armateur Jehan Ango, Vicomte de Dieppe, il est l'oeuvre d'architectes et d'artistes italiens... Voilà ce que je n'ai pu voir : le pigeonnier le plus grand du monde, charpente exceptionnelle, toiture d'influence byzantine, décors géométriques et polychromes, il pouvait héberger 3200 pigeons... L'aile sud du manoir décorée de fresques d'artistes de l'école italienne du 16e siècle... Ce manoir de la Renaissance est un des premiers monuments classés Monument Historique en 1862, donc vous imaginez bien que je l'ai classé immédiatement  parmi mes visites prochaines... Espérons !

Voyage éclair, on filait sur Dieppe, le temps était au beau, ni vent ni froid... Juste un coup d'oeil sur un bout de la ville, encore un chemin à refaire en prenant son temps...


La superbe maison à colombages du 17e en cours de réhabilitation


Pour les belles couleurs qui me rappelaient Venise


La petite dentelle de bois qui décore la galerie


Le port de Dieppe


À Dieppe j'avais rangé mon appareil photo, je ne me servais que de mes yeux... Pissaro avait peint le port sous toutes ses coutures, on y aperçoit les falaises et la petite église.



File:Camille Pissarro - Port de Dieppe.jpg

Le port de Dieppe par Pissaro en 1902


En route pour Etretat, il pleuvait, le vent, le froid avaient fait irruption... Ce fut l'éblouissement de la lumière, des transparences et des irisations, regardez, minute par minute :


 12h16


12h22


12h21



12h22



Falaise à droite, 12h24


J'étais simplement là, subjuguée par cette magie des changements à vue, sans un mot... Juste assez de présence d'esprit pour prendre les photos...

Un dernier au revoir à ce vieux manoir rouillé, dont les grilles semblaient tissées avec les fils du temps, du vent et de la pluie...



À ce château fort imprenable, en bord de plage ? L'escalier à double volée... Majestueux !


Quiberville, Etretat, Dieppe, le Havre... La Normandie m'a bien prise dans ses filets, je ne demande qu'à y revenir vibrer dans toutes ses beautés...