Au début de l'histoire du jour...
Presque l'heure, il faut que je m’agite, mon rendez-vous est à
midi trente, le métro n'est pas très loin, certes, mais il faut y aller…
Sac, parapluie, imper, mes clés… Allez, je descends le gros sac poubelle en même temps…
Voyons, mes clés ? Pas ici, ni là, étrange, je les range chaque fois au même endroit, dans un petit panier exquis spécialement acheté à cet
effet…Si ça continue, je vais être en retard , je refais un tour de piste en
passant dans toutes les pièces de l'appartement, bon, je vais appeler mon amie, je risque d’être
un peu en retard, le temps de retrouver les clés, ne t’inquiète pas, je cherche encore un peu et j’arrive !
Vestes, imper, sacs,
poches, vestes, imper, sacs, poches retournées… Dix fois, rien…
Voyons, quand je suis rentrée hier soir, je suis allée droit
devant moi, j’ai posé mes sacs là, le téléphone a sonné, j'ai répondu tout de suite, et mes clés ?
Je repasse chaque pièce au peigne fin, mes yeux sont des lasers, écoute, je n'ai pas encore trouvé, c'est totalement idiot, je deviens zinzin, bien sûr mon amie, merci d'avance de ton aide, je t'attends, nous chercherons toutes les deux, d'accord… Nous habitons la même ville, notre rendez-vous était au métro, elle ne va pas mettre plus de cinq minutes pour être là, je suis contente.
Imper, poches, sacs... Sacs, poches, imper...
Deux heures de recherches intenses ont commencé, on a fait
voler les coussins du canapé, du fauteuil, fait les poubelles à fond, ouvert
tous les placards, regardé sous les meubles, les lits... Pensant aussitôt avoir laissé mes clés sur la porte, j’ai interrogé tous mes
voisins de palier, vous n’auriez pas vu mes clés pendues à ma porte ? NON…Ma gentille
gardienne ? NON, pas vues, pas prises !
Zut ! Voilà que je gâche la journée qui devait
commencer par un bon déjeuner avec sushis bien frais, bavardages intensifs,
balade, un beau soleil nous attendait… Sans clés, impossible d’envisager la moindre sortie. La présence de mon amie limitait les tensions, elle me permettait de prendre du recul, de mieux réfléchir, de ne pas dramatiser... Merci mon amie.
Nous avons entrepris des recherches sur Internet pour savoir combien coûtait le
changement du barillet de ma serrure,
interrogé mon assurance : NON, c’est non, tout restera à votre charge !
L’après-midi était bien entamée, quinze heures déjà, mettons-nous à table, nous
prendrons les grandes décisions après, mangeons des nouilles et de la compote, c'est tout ce qu'il me reste, parfait, un dîner de roi, nous réussissions à transformer mon angoisse en attente ordinaire, nous n'avions même pas perdu l'appétit, je m’étais faite à l’idée, je positivais, si
je ne retrouve pas mes clés, je vais payer, voilà tout…
L’amitié a ceci de merveilleux qu'elle est comme l’eau de
source, claire, chuchotante, douce et bienfaisante après la tourmente, un moment suspendu, l’amitié
nous a permis de voir plus loin, d’être ensemble, de ne pas désespérer (surtout moi...). Nous
avons pris des nouvelles du jour, du quartier, de l’avenir... Ecoute, après ton
départ je vais chercher encore, je vais tout refaire dans l’autre sens, sans me
presser, au calme…
Alice, ma voisine presque centenaire, était venue deux fois
aux renseignements : non Alice, rien encore, la deuxième fois elle m’avait
apporté une série d’alarmes d’appoint, un kit anti-voleurs, à coller sur la
porte, mettez-les tous Danielle, pour la nuit, ça va vous rassurer, merci chère
Alice, merci, je vais les mettre, elle m’avait fait une belle démonstration sur
sa propre porte, ça sonnait vraiment bien, de quoi effrayer un intrus 30
secondes…
La nuit était descendue doucement, nous restions encore à
bavarder, le thé bu, sans petits gâteaux, il fallait bien se quitter, merci mon
amie, heureusement que tu étais là, je n’ai pas perdu patience, j’ai pu
décompresser, je garde confiance, tu sais je pense vraiment que j’ai dû les
laisser sur ma serrure en entrant, tu vois, juste à ce moment mon portable
s’est mis à sonner, c’est bizarre cette histoire, comment ai-je pu être si
distraite… Quand même, je n’arrivais pas à croire que juste à ce moment-là un
voleur tapis dans l’ombre me les aurait dérobées… Bonne route mon amie, je vais
chercher encore, tranquillement, demain matin je prends ma décision pour le
barillet à 600 euros…
La maison vide, je remets les mains dans la poubelle, je
ratisse, je laboure… Je revois tout ce que j’ai pu faire depuis mon retour hier
soir, jusqu’au lendemain, mais je sentais en moi que le vent de panique était
parti, j’avais pris une résolution : je vais payer !
On sonne à la porte, je vois une charmante jeune fille,
souriante, et très vite comme un éclair j’aperçois dans le creux de sa main l’anneau de mon trousseau de clés, elle m’explique très vite que ce matin en
partant au lycée, voyant les clés sur votre paillasson, je les ai emportées
avec moi à l’école, pour que personne ne les vole … Sa maman sort de
l’appartement d’en face et les autres enfants de la maison avec elle : voyez-vous ma fille ne m’a pas prévenue, elle n’a pas osé vous réveiller ce matin en
partant, madame, il était était très tôt... Pas grave madame, je remercie votre fille, je l’ai prise dans mes bras et j’ai déposé sur ses deux joues deux
gros baisers bien chaleureux… Nous étions 5 ou 6 sur le pallier à nous réjouir de l’aventure, du plus petit des enfants à la
plus grande, je découvrais enfin la totalité de la famille qui avait aménagé
depuis peu à mon étage, j’ai dit à la maman : j’ai bien peiné aujourd’hui, mais ce soir, en plus d'avoir retrouvé mes clés, j’ai la joie de vous connaître tous, c'est un beau moment… Nous avons
ri, bonsoir, belle soirée, à bientôt.
Alice, je les ai retrouvées, je vous rends les alarmes,
merci mille fois !... Alice a toujours le sourire, le mot aimable, plein de bleu
dans les yeux, la belle histoire…
Allo ! Mon amie, oui, je viens de les retrouver, j’entends son rire
de cristal caracoler jusqu’à chez moi,
mais comment, où, ah ! Comme je suis contente, prenons rendez-vous tout de
suite pour la semaine prochaine, à nous les sushis, d’accord, remettons ça sans
tarder, nous avons tellement de choses à nous dire…
J’étais aux anges, le scénario que j’avais imaginé : les clés
sur ma porte, était le bon, mais ensuite tout avait dérapé, j’avais tout le
temps pensé que les clés n’étaient pas à l’intérieur, une impression vague,
puis une certitude qui m’avait rendue presque tranquille, attendons, à chaque
coup de sonnette je m’étais dit : ah ! Voilà une bonne nouvelle, et puis la
bonne nouvelle est venue la dernière…
Au début, j’avais sans doute fait monter ma tension de
plusieurs crans, et puis à la fin, la belle fin, j’avais fait la connaissance
de toute la famille, c’est vraiment bien, demain matin je leur porte deux pots
de confitures, oranges et mûres, un peu de sucre entre nous, c’est plus doux
pour tout…