mardi 9 octobre 2012

Les gens d'ici...De l'Indre...


Porte des champs

Sont les mêmes qu'ailleurs, leurs yeux de toutes les couleurs, pleurent, rient... Parlent de leur vie avec les mêmes douleurs...

J'ai bien compris depuis tant d'années que se sont les malheurs qui viennent les premiers dans les paroles échangées..


Les petits grains de folie

J'ai bien vu l'écureuil qui filait dans le noisetier, un petit trait roux et panaché qui traversait la route, sous mes yeux, j'ai parlé des hirondelles qui ne voulaient pas partir avec les autres, très nombreuses, qui sont déjà en route vers l'Afrique... Et les vaches, les blondes, les noires et blanches, nous en avons parlé aussi, de l'avenir de l'agriculture également, j'ai discuté de tout ça sur les pas de leurs portes, les bras croisés, dansant d'une jambe sur l'autre, avec les gens d'ici... Le beau temps aussi nous a beaucoup fait parler, on ne peut pas compter sur la pluie, la campagne est carbonisée, les arbres sont vides, seuls les raisins font leurs petits grains de folie...


La lumière et l'acacia

Les douleurs des os, les maux de têtes, les mauvaises nuits, les petits matins vraiment trop tôt, les brûlures, les accidents font aussi partie de la vie des gens d'ici, chez moi ces mots-là s'échangent souvent dans l'ascenseur, sur les marchés, dans l'autobus, sur le trottoir, au supermarché... Au point de rencontre dans la rue... Ici, c'est dans les champs, dans les jardins, le vélo à la main, les yeux sur le paysage le plus beau, le plus troublant, qu'on vide son cœur directement sur les fleurs...

Souvent les malheurs des autres cognent les miens, ça fait un petit bruit de cristal, on trinque, à la bonne nôtre... C'est toujours la même émotion pour moi d'entendre les mots qui s'échappent pour raconter un tout petit bout de vie, chaque fois de façon différente. Le petit miracle du capital confiance qui se forme et se met en marche entre deux personnes qui ne se connaissent pas, ou si peu, est si fragile...

Ils boivent ! Il a commencé le premier, il est tombé, il est malade, elle aussi s'y est mise, ils ne peuvent plus s'arrêter, elle pleure, que lui dire pour l'aider, la sauver ?


Le panier à pinces à linge dans le soleil

Je n'invente rien, je ne dis rien d'autre que ce qu'ils m'ont dit et quelque fois même ils m'en disent trop... Et me tournent le dos, ils se sont mis à découvert et cherchent un abri sûr...

Je ne sais pas ce qui me prend, la nuit je m'agite, je hurle, je cogne, contre qui contre quoi, d'où me vient ce mal ? Il m'avait dit ça comme on achète une salade, simplement, je vais la prendre bien pommée, bien tendre... Avec une bonne vinaigrette... Aussi simple que ça, je ne sais pas ce qui m'agite, ce qui me tord !.. Allez, ça ira mieux demain, peut être... On passait du coq à l'âne, mais toujours dans la même basse-cour... Il avançait un mot après l'autre, timidement, j'attendais bien tranquillement en retenant mon souffle, les yeux dans les yeux... On essayait de comprendre pourquoi on bouge, on remue de tous les côtés pour se calmer. Il sortait d'une opération qui lui avait laissé un doute sur l'avenir, il s'accrochait, voulait bien faire en tout, un sans faute jusqu'au bout... Il avait peur... il évitait l'huile, le gras, l'alcool, tout ce qui serait un faux pas, il travaillait avec ardeur à vivre encore longtemps...


Le vieux lavoir

Je suis restée bouche bée, je ne m'attendais pas à cette nouvelle, l'année dernière on s'est quittées en bonne santé et puis aujourd'hui elle me dit : on est dans la merde ! Il s'est blessé gravement en bricolant dans la maison, comment va-t-il reprendre son travail, quand ? Toute la famille attend, le salaire lui aussi est fracassé depuis deux mois, de la moitié... On change de médecin, on va sur Internet, on prend les adresses, on verra bien.

Elle ne parle plus à personne, elle si gaie, si avenante, elle allait d'une maison à l'autre, au début, il y a longtemps, maintenant elle ne téléphone même plus, aucune nouvelle, c'est bizarre, les voisines s'étonnent, mais personne ne se parle... On attend qu'elle revienne... Quand je l'ai rencontrée, je n'ai rien su de plus, bonjour madame, bonjour madame, un aller et retour poli, sans suite... J'espérais une invitation pour le thé, un : comment allez vous ? Rien ne s'est passé, j'ai appuyé sur la pédale pour remonter la côte... Un peu triste.


Les bottes qui attendent d'être rentrées

Je ne sais pas quoi faire avec cette enfant qui ne veut rien apprendre, l'école est son cauchemar, vivement les vacances, elle dit tout le temps la même chose, ses amis sont les jours ou l'école est fermée, sa mère est désespérée. Tout le monde y va de son petit conseil, moi aussi ! On s'entraide, on se soutient, ça ne l'empêchera pas de se faire une place dans la vie, elle aime faire du cheval ? Elle va faire une sacrée cavalière, mais sa maman n'est pas tout à fait sûre du résultat...

Ici aussi la police piste les dealers, les villages ne sont pas épargnés, les petites villes non plus, dans les grands champs, le cannabis y pousse très bien, sinon mieux qu'ailleurs... Personne n'est épargné, le mal court...

Dehors, enfin, il pleut, le figuier est plus brillant, l'herbe reprend de la vigueur, les fleurs en mettent un coup pour faire passer la pilule de l'automne... À la boulangerie ils font des sablés divins avec un thé c'est royal, dimanche il y a la vente aux enchères, on va bien s'amuser. Il faut rentrer les géraniums, tailler, pailler avant l'hiver, pour avoir un beau printemps, il faut s'y préparer à l'avance, les mûres, les noix, les noisettes et les mirabelles seront sûrement au rendez-vous, il y aura que des bonnes nouvelles dans toutes les chaumières, promis...


La pensée...

J'ai rendez-vous pour le thé demain après-midi, chez des gens adorables qui ont une maison magnifique et des fleurs partout... Nous papoterons sur le monde...

12 commentaires:

Anonyme a dit…

On a l'habitude d' entendre dire que la vie est rude à la campagne ... rude mais vraie ; elle n'a pas changé et , en plus , il existe une pudeur qui retient les mots , une dignité qui force le respect de nous les citadins , qui bien souvent , nous plaignons pour un retard d'autobus ou une poubelle renversée ;
elle est dure la vie dans toutes les campagnes mais elle vraie !
la solitude est elle plus supportable ? mais on a encore , dans l'Indre ou ailleurs , l'envie de s'accrocher à son jardin , , au ciel , aux oiseaux : en ville , on ne regarde plus beaucoup le ciel ...
Bonne journée pleine de beaux regards sur le vie ! ceux que vous nous faîtes partager , même s'ils sont tristes !
Estelle

ELFI a dit…

pour penser un moment aux autres...

Danielle a dit…

Estelle, je ne sais pas si la vie est plus dure à la campagne aujourd'hui, je ne sais pas, mais Ce que je remarque c'est que nous nous ressemblons tous de la ville ou de la campagne, la vie a ses grands moments de faiblesses et d'impuissance.

C'est vrai qu'en ville on ne regarde plus beaucoup le ciel, j'en ai profité pour regarder des nuits étoilées magnifiques...

Les gens que je rencontre là-bas ne sont ni plus ni moins bavards que ceux de mon immeuble...

Nous prenons peut-être plus de temps pour parler...

Les jardins, les fleurs, le ciel nous invitent à moins de précipitation c'est exact.

Bonne soirée Estelle, très bonne.



Danielle a dit…

Elfi penser aux autres oui, mais surtout partager, s'entendre à pleines voix.

Bonne soirée à vous.

Brigitte a dit…

Un billet plein d'émotion et de pudeur .
Il me semble que la vie peut être dure n'importe ou . A la campagne les gens prennent certainement davantage le temps de vivre pleinement en admirant encore ce qui les entoure .
c'est tellement beau la campagne pour peu que l'on sache l'apprécier ,la regarder et l'admirer et la sentir aussi ...
Bonne soirée Danielle et bises

Les Idées Heureuses a dit…

Melancolia Danielle, Melancolia... à te lire.
Un tournant, on aperçoit encore quelques instants des personnages qui ont vécu, ont tissé leur propre histoire dans l'histoire du temps. Ils s'éloignent à chaque coup de pédale, les roues tournent, ils deviennent tout lointain jusqu'à l'invisibilité. Comme c'est chargé d'émotion, ces vies ordinaires, commenteraient certains boss (!), mais comme elles alimentent la plume, avec bienfaisance.
La vie dans tous ses états, la leur, la nôtre!
De biens jolies pages d'écriture...
Martine de Sclos

Amélie a dit…

quelle poésie... et quel album photo sublime, tout à fait le style de photos qui me touchent profondément. Merci Danielle :)

Danielle a dit…

Brigitte tu sais, souvent j'ai fait remarquer aux gens combien leur environnement était beau, ils me disaient : vous trouvez ? Moi je ne m'en rends plus compte.... D'autres au contraire, y sont toujours très sensibles et en prennent grand soin.. Je pense comme toi Brigitte, la dureté de la vie peut être présente partout...

Bonne journée à toi.

Danielle a dit…

Merci Martine, oui tu as raison, les roues tournent...oui, je fais comme ça avec mon vélo, je vais des uns aux autres, comment ça va ? Et souvent ça ne va pas... C'est comme ça....

Gros bisous et belle journée à toi... Bientôt je passe aux souvenirs de Venise :-))))

Danielle a dit…

Amélie merci mille fois, je suis ravie si mes mots et mes images te touchent... Contente comme tout.

Passe une belle, très belle journée, ici dans ma banlieue parisienne le brouillard enveloppe les maisons, les immeubles et les tours...

Bises du matin cotonneux.

Enitram a dit…

Les gens d'ici... Je fredonne en même temps ceci :
"Les gens d'ici ne sont pas plus grands
Plus fiers ou plus beaux
Seulement, ils sont d'ici, les gens d'ici,
Comme cette mélodie"
Une chanson de Julien Clerc qui avait bien résonné dans nos petites z'oreilles quel que part sur une île, très loin d'ici...
Les gens d'ici ou d'ailleurs...
Belle journée à toi ! Bises

Danielle a dit…

Énitram oui, la chanson le dit si bien...

Bises à toi si attentive .

À très bientôt.