samedi 6 octobre 2012

Elle date de 1200...



Les toits de la belle maison de "1200" (l'année dernière)

Avec mon vélo je vais partout, un petit sentier, un chemin creux, c'est pour moi, je fais bien attention aux cailloux quand même, je fais du vélo en "mémère tranquille". Je suis descendue jusqu'au fond d'une petite voie sans issue, l'an dernier il y avait des fleurs de chaque côté, cette année il n'y a que des buissons et des touffes d'herbe, mais c'est vert et beau quand même.

Tout au fond il y a une jolie maison, une ancienne ferme avec un toit extraordinaire, d'une longueur démesurée, recouvert de petites tuiles rectangulaires en terre cuite comme on fait par ici depuis toujours.

Les branches d'un pommier dépassaient largement du jardin, des Reines des Reinettes, mes préférées, elles étaient petites, mal en point et beaucoup de celles qui étaient déjà à terre étaient pourries. Je me suis baissée pour ramasser quelques rescapées, j'en ai vite croqué une pour vérifier, c'étaient bien elles, les délicieuses, les sucrées qui craquent sous la dent comme du verre, pas d'erreur, c'est le trésor de l'automne.




Les pommes de l'année dernière

J'avais bien aperçu un monsieur à l'intérieur du jardin, assis sur un fauteuil de campagne, qui me regardait du coin de l'oeil, j'ai pris les devants, bonjour monsieur, je ramasse quelques pommes par terre, vous permettez ? Bien sûr, prenez tout ce que vous voulez, oui, se sont bien des Reinettes, elles ne sont pas mûres encore, mais elles tombent, pour la compote y'a pas mieux, nous étions entièrement d'accord la-dessus.

Il s'était rapproché tout à fait du grillage de son jardin et me passait les pommes qu'il ramassait de son côté, j'avais trouvé la scène rigolote, elle me faisait penser aux singes du zoo à qui on donne des cacahuètes, le singe c'était moi, ça m'amusait... Je me disais aussi, quelle drôle d'idée de ne pas m'inviter à venir les ramasser de son côté où visiblement elles étaient bien plus belles. J'acceptais bien volontiers sa petite livraison et nous avons avons fait un bout de conversation tout en continuant à cueillir les pommes par les trous du grillage...

Vous avez une bien belle maison, quelle magnifique toiture, vos voisins ne sont pas là ? Tout est fermé autour de vous... Oui, mes voisins d'en face sont d'Aix et ceux d'à côté de Paris, ils viennent seulement pour les vacances. Votre jardin est superbe, les salades, les tomates sont magnifiques, mais les pommiers ont bien souffert des gelées de mai... Oui, on n'a pas grand chose... Je me sens un peu seul dans cette grande maison, mais c'est bien mieux que la maison de retraite... Il me tendit encore une pomme, j'en avais plus qu'il n'en fallait, votre maison est très ancienne, oui, elle date de 1200... Pas possible ! Bien sûr on a fait des travaux, mais elle date de 1200, vous verriez les murs à l'intérieur, épais de soixante centimètres ou plus, ça fait longtemps que je suis là... Il était fier comme un petit banc de sa maison de 1200, il avait bien raison, elle était de toute beauté avec son envergure, sa puissance, parfaite dans ses proportions, une ferme qui a dû en voir de toutes les couleurs... Notre homme ne bougeait pas de son grillage, mais voulait visiblement poursuivre le conciliabule... D'ordinaire, j'aurais cherché  à en savoir plus, ajouté petit à petit mes mots aux siens, mais rien ne venait, je ne sais pas ce qui me pressait de partir, je n'avait pas envie de savoir, il y avait trop de barrières entre nous... Sans doute...

Au revoir monsieur, portez-vous bien, merci encore pour les pommes, au moment de la compote je penserais à vous...




La belle maison cette année, les maïs verts, près de la rivière

J'ai repris une photo ou deux par derrière, où les toitures sont mises en valeur, et j'ai remonté la pente...

Je songeais à monsieur Jean, mon voisin qui était maintenant en maison de retraite... J'ai pédalé pour ne pas penser... Et je suis rentrée à la maison avec mes pommes, j'ai bien fait la compote mais je n'en ai pas eu envie, plus tard le goût m'en reviendra...

Après coup je me suis dit que la conversation trop difficile avec le monsieur aux pommes n'était pas due au grillage, j'en ai vu d'autres des portes mi-closes, entrebâillées, et des appuis de fenêtres, je pensais trop à monsieur Jean qui avait dû tout quitter pour mieux se porter, je n'avais pas eu envie de remplacer les pommes par des mots, des mots tristes : seul, santé, maison de retraite, il faut tenir, mais tenir quoi ?




 Un petit chemin creux (l'année dernière)... Allez, allons plus loin...

10 commentaires:

Marie-Josée a dit…

Il faut tenir... ta dernière question me donne à penser, moi qui ne suis pas encore à l'âge de la retraite, mais qui songe, comme tu le sais, à déserter ma maison devenue trop grande...

En y songeant, je me dis que le «il faut tenir» n'est pas très loin, à deux petites lettres près, de «il faut se tenir»...conserver la rigueur de ce que l'on a été, ne pas laisser les années avoir raison; demeurer indépendant dans ce logis où l'on risque moins d'être infantilisé qu'en maison de retraite...et puis dans «il faut tenir», il y a aussi l'idée de résister à l'envahisseur moderne qui dénaturera le lieu à vivre que l'on habite depuis cinquante, soixante, soixante-dix ans...

En définitive, malgré la rareté des mots échangés avec ton interlocuteur, il y a bien des choses dans ton ultime question...

Bises du samedi matin québécois et pluvieux

Danielle a dit…

Chère Marie-Josée, oui l'expression "Il faut tenir" est largement polysémique, et c'est tant mieux, pour monsieur Jean : c'était l'espoir, pour le monsieur aux pommes: c'était le doute, pour moi : c'est le goût de vivre, résister de tous les côtés... la rigueur, je n'en ai pas beaucoup, juste des faiblesses pour énormément de choses...

mais tu as raison Marie-Josée, il y a bien des choses dans mon ultime question, merci.

Je te bisesss du soir à tout bientôt.



Brigitte a dit…

Ah les reines des reinettes mes préférées aussi !!! ça c'est de la pomme, de la vraie,pleine de jus sucré et qui a du goût ...
Tu finiras bien par manger cette compote et malgré ce qui vous séparait ce Monsieur et toi ,tu la trouvera certainement délicieuse .
En effet lors de cette rencontre comment oublier Monsieur Jean .
La maison doit être fort belle et sa toiture est superbe .
"Il faut tenir" tenir quoi et pourquoi ???
Bon dimanche Danièlle et bisous

Danielle a dit…

Brigitte j'adore les Reinettes, les Reines... Oui, je m'interroge encore, pour le monsieur aux pommes, tenir, voulait dire, rester ici, "chez moi..."

Bises à toi Brigitte, bonne journée.



Merula a dit…

Que va devenir cette magnifique maison si son âme est en maison de retraite, une résidence de vacance pour anglais fortuné, un gite ou peut être une nouvelle famille avec qui partager les pommes.
Bonne journée

Michelaise a dit…

Une grande nostalgie dans ton billet, entre difficulté de communication, peur de la solitude et angoisse du vieillissement... ces pommes rainettes là avaient un goût de cendre. Pas étonnant que tu n'aies pas eu trop envie de la compote après ! Tenir, c'est bon quand la vie nous malmène, mais quand elle devient un long ennui, on se pose la question par laquelle tu conclus, tenir quoi ?

Danielle a dit…

Mérule, je n'ai pas pensé à la suite :-)))) j'avais trop de mal avec le moment présent, mais tu as raison la maison bientôt aura un autre avenir...

Passe une bonne journée....

Danielle a dit…

Michelaise, sais-tu que depuis je n'ai pas mangé de compote :-))) il faut que je m'y remette...

Oui, goût de cendre, en fait il m'avait cassé le moral !!!

Passe une très belle journée d'octobre...

Bises du matin.

Enitram a dit…

Allez, Danielle, ce n'est pas le but qui compte dans la vie, c'est le chemin !!! Et je crois que tu sais prendre le bon à chaque fois!!!
Mais bon diou, que ton billet a raisonné en moi, et ce n'est pas à cause des pommes...

Danielle a dit…

Enitram,tu sais je fais comme je peux :-))) un peu comme nous tous non ?

Oui, je me doute que ce n'est pas à cause des pommes :-)))

Merci d'être passée, bises du soir et bon demain...