lundi 4 juin 2012

Les tout petits mystères de Paris...5e épisode

Je continue d'arpenter les rues sur les pas d'Atget, avec un énorme plaisir, ma curiosité est tenue constamment en éveil, car je me demande tout le temps ce que je vais trouver et même si je vais retrouver les rues, les bâtiments qu'il a photographiés, que reste-il de ce qu'il a vu, comment ce patrimoine ancien a-t-il été phagocyté, ou restauré dans le Paris d'aujourd'hui ?

Je mets quelques fois beaucoup de temps à repositionner les lieux d'Atget, quand la rue a totalement changé, maisons nouvelles, démolitions... L'orientation n'est pas facile à trouver...

Je remarque aussi que le Paris d'aujourd'hui (dans les quartiers qui me sont familiers, du centre de la capitale) conserve de mieux en mieux son patrimoine historique... Les maisons, les hôtels, les places... Sont beaucoup plus beaux qu'au début du 20e siècle, les restaurations sont bien faites, elles mettent en exergue ce qui a de la valeur architecturale, les maisons insalubres du début du 20e siècle n'existent plus ou sont largement améliorées. Le centre ville (comme dans la plupart des grandes capitales mondiales) est la proie de la spéculation immobilière fracassante, les loyers deviennent inabordables, les plus pauvres sont chassés au profit des plus riches.

Je suis donc repartie à l'assaut du quartier des Halles, le peseur de la rue Montorgueil m'a immédiatement rappelé celui que j'avais vu à Istanbul, j'avais déjà eu beaucoup de mal à imaginer qu'une activité pareille puisse exister :


Le peseur de la rue Montorgeuil, hier...


Le peseur du grand Bazar d'Istanbul, 2009

Les peseurs d'ici ou d'ailleurs sont des mendiants, la pauvreté totale, le menu service proposé est un prétexte pour récolter quelques pièces de monnaie sans tendre la main... Rien à voir avec les activités des petits métiers photographiés par Atget dans le Paris du début du XXe siècle, j'ai quand même vu un marchand d'herbes ambulant, au marché aux puces de Montreuil, il avait disposé dans une petite charrette une montagne d'herbes odorantes, menthe, persil, coriandre, fines herbes, quelques oignons blancs de saison et des bottes de carottes, je n'ai pas osé prendre la photo, mais la beauté que formait ce jardin à roulettes m'avait impressionnée... A son passage, parmi les vieux objets et les textiles neufs bon marché, l'odeur fraîche de la menthe aromatisait mes pensées...

Les marchands de délicieux marrons, perdurent un peu partout dans le monde : Istanbul, Lisbonne... Et chez Atget, voyez...


Marchand de marrons à Istanbul, 2009


E. Atget... Le marchand de Paris, 1898



Marchand de marrons à Lisbonne,  2011

Je ne peux m'empêcher de repenser à certains petits métiers de Paris en 1900 sans songer encore à ceux vus à d'Istanbul :


Le rémouleur d'Istanbul, 2009


E. Atget  le rémouleur, 1898/1899


E. Atget Le marchand de coco, 1898


Le marchand de Sahlep (racines d'orchidées) Istanbul 2009

Reprenons donc le cours de notre promenade, j'ai pris ces photos toutes situées dans un mouchoir de poche tout près du Forum des Halles qui fait peau neuve en ce moment :


E. Atget  4 rue du Jour, 1907,  derrière l'église Saint-Eustache


4 rue du Jour aujourd'hui, les commerces de la cour vendent tous des produits d'Agnès B., 
à croire qu'elle a acheté la rue...


E. Atget  25 rue du Jour, ancienne maison de la maîtrise de Saint-Eustache, 1902


25 rue du Jour aujourd'hui...


Détail du décor en façade


E. Atget, 1902, la cour intérieure...


25 rue du Jour aujourd'hui... Deux sculptures ont été remises sur les socles


Détail : vue des ouvertures vitrées sur le mur d'en face, l'effet de profondeur est donné par le treillis en bois


E.Atget  25 rue du Jour, maison de la maîtrise de Saint-Eustache, 1902


25 rue du Jour aujourd'hui...


E. Atget rue du Jour Saint Eustache, 1902



La même place aujourd'hui...

Le nouveau petit papier :


J'ai terminé mon petit tour d'horizon par la vielle église Saint-Leu-Saint Gilles, rue Saint-Denis, je voulais vérifier si le petit papier était toujours là (voir mon post précédent) et j'ai vu qu'il y en avait un autre, du papier blanc, plié en quatre, placé plus discrètement encore, derrière le marbre, bien à l'abri des regards. Je me suis demandé ce qu'était devenu le précédent... Qui l'avait ramassé, qui l'avait lu, qui l'avait envoyé au ciel ?

Sous le pied de Marie, une petite ronde de l'espoir, du désespoir et de la supplique s'organisait, qui pourrait encore croire que les statues de marbre n'ont pas le coeur qui bat pour celui qui a écrit ces mots-là ? 

Moi qui ne crois en rien, rien de rien, je suis toujours touchée par le chagrin, le dernier recours, donnez-moi une vie meilleure, j'ai faim, j'ai froid, je suis malade, réchauffez-moi, aimez-moi... Sous les pieds des saints, les gens viennent sans cesse chercher du réconfort par ici...

10 commentaires:

Michelaise a dit…

Ah le rémouleur, comme j'aimerais en avoir qui passe devant ma porte parfois, pour aiguiser mes couteaux afin de débiter mes duxelles (??) en bon ordre !!! Tes petits métiers sont délicieux.
Et la comparaison toujours aussi passionnantes : intéressant de voir qu'en définitive, on respecte bien notre patrimoine, et de mieux en mieux je crois.

Danielle a dit…

Michelaise, c'est vrai nous aurions bien besoin du rémouleur ! je suis allée sur Internet pour vois ce que voulais dire tes duxelles :-)))maintenant je sais une chose nouvelle...

Oui, le patrimoine ancien est valorisé aujourd'hui bien mieux qu'au début du 20e siècle, tout le monde ayant pris conscience, au fil des ans, de sa nécessité...

Je te bises fortes de midi.

Brigitte a dit…

Une belle balade guidée par toi,les façades sont jolies et bien restaurées .
Je n'avais encore jamais vu de peseur.
Et le petit papier glissé sous la pierre ,il doit représenter beaucoup d'espoir ...
Bonne journée et bises du jour

Danielle a dit…

Brigitte, moi non plus je n'avais jamais vu de peseur avant d'aller à Istanbul... j'ai ouvert de grands yeux quand j'ai vu cette personne misérable rue Montorgueil...

Merci Brigitte d'être venue...

Bises du soir.

Michelaise a dit…

Ah ah je flambe Danielle avec mes duxelles, mais je crois qu'il faut qu'elles soient fines.. et tu sais combien j'aime les mots démodés !

Bretonne a dit…

C'est vrai Paris s'embellit d'année en année, c'est tant mieux mais à quel prix ! Les moins aisés, je ne parle pas des plus pauvres,en sont chassés cela me fait penser à l'époque d'Haussman. Je n'ai jamais vu un peseur en France, ni même à l'étranger, je suis d'accord avec toi, c'est de la grande pauvreté.
J'ai bien fait de te rendre une petite visite, je me suis promenée à Paris, j'ai pensé qu'il fallait que je m'achète une balance et j'ai enrichi mon vocabulaire avec le mot : duxelles.
Bises. Françoise

Danielle a dit…

Chère Michelaise, viens flamber comme tu veux chez moi !!! Je faisais des duxelles sans le savoir... maintenant grâce à toi, je sais...

Bises du soir, fortes.

Danielle a dit…

Françoise, tu as parfaitement raison, Paris devient plus beau mais c'est toujours pour les mêmes, ceux qui ont des moyens, hélas ! Du temps d'Haussmann c'était pareil, les pauvres étaient là où n'étaient pas les riches... C'est l'histoire du chien qui se mord la queue...

Tu vois à bien y réfléchir, je trouve que la nouvelle loi qui va sortir sur la limitation des loyers ne va pas assez loin... Dommage !

Je suis contente si ta promenade par chez moi te permet de glaner de belles et bonnes choses.

Bises du soir à toi.

Amélie a dit…

je me demande si les petits papiers ne seraient pas laissés par des amoureux qui correspondent ainsi en attendant de pouvoir se voir... ça serait joli non ?

Danielle a dit…

Amélie voilà une belle histoire, pourquoi pas des amoureux en effet, mais mon petit doigt est sceptique :-))))

Bises ensoleillées du jour