samedi 12 mai 2012

Je rêve d'aller à Venise...




Coup d'oeil Place St Marc

Depuis que je vais à Venise régulièrement, je rêve d’aller à Venise…

Je me souviens de la première fois où j’ai pleuré place St Marc, il n’y avait personne, c’était à 9h du matin, le soleil astiquait les dômes de la Basilique, le marchand de journaux ouvrait sa boutique de nouvelles fraîches, une dame donnait encore le dernier coup de balai sur le sol, pas un papier, pas un ruban ne traînaient aux alentours, c’était exactement comme sur les cartes postales : désert, beau, sublime, magnifique, extraordinaire, propre, et ensoleillé. Mon amie est arrivée juste à l’heure que l'on avait  fixée, je n’ai pas eu à la guetter parmi la foule de touristes, nous nous sommes retrouvées sans nous chercher,  comme dans un jardin abandonné…

Nous ne savions pas du tout comment retrouver telle rue, tel musée, nous perdions un temps fou à regarder notre position sur le plan que l’on retournait dans tous les sens, la tête en bas, les pieds en l’air, nous n’avions même pas le sens de l’orientation. Tu crois qu’on y arrivera à temps ? Le temps de se perdre, de se reperdre, ça va prendre énormément de temps, je comptais sur elle, elle ne comptait pas du tout sur moi, c’était la première fois que je venais voir cette beauté lagunaire. J'avais tout à apprendre par moi-même...


Coup d'oeil suite...

Au bout de très peu de jours, notre plan était devenu ajouré comme de la dentelle, une sorte de serviette en papier usagée, en route on bavardait beaucoup, on ne faisait pas attention à tout… Impossible, il y a trop à voir ici !

Elle me disait : viens, on va prendre un café, tu verras, ici c’est comme nulle part ailleurs, le café en Italie, c’est un réconfort national... Moi qui ne me réconfortais qu’avec du thé, j’ai eu du mal à m’y faire, mais place aux découvertes j’ai bu du café… Depuis, je reste juste accro à l’odeur, ce petit bijou de couleurs olfactives. Les rues se parfumaient à l’arabica, aux petits sablés sucrés, aux croissants à l’abricot, je mangeais, je buvais rien qu’en marchant le nez au vent…

Nous avions plié notre carré de papier très racorni par nos recherches : à partir de maintenant, nous allons au hasard, d’accord, plus de boussole, plus de sextant, nous allons avec le vent, et nous avons largué les amarres… Nous avons regardé les petits moulins à vent des balcons vénitiens tourner régulièrement, avec les couleurs de l’arc-en-ciel...Nous avons tourné, tourné en rond...

Une rue après l’autre, nous avons passé des ponts, chaque fenêtre s’ouvrait sur du mystère, et leurs reflets agrandissaient encore l’horizon. Les anges, les fleurs, les vierges et les saints guidaient nos pas, nous arrivions toujours au bord de l’eau, du nord au sud et d’est en ouest, Venise était ronde…



Suite...

Si nous allions au musée ? Lequel ? Bon, ça sera pour la prochaine fois, on ne pouvait pas se résigner à rentrer dans les appartements, même les plus beaux, nous avions tant à faire dehors, à chaque pas nous changions de tableau, si nous allions dans les îles ? Oui, nous adorions prendre le bateau, les dentelles, les couleurs, les verreries, nous adorions aussi.

Si nous poussions un peu plus loin ? Vers la majestueuse cathédrale de S. Maria Assunta à Torcello : tout ce qu’on avait  pu me dire sur elle était rayé, balayé, envolé, trop petit, trop peu, trop gris, trop étriqué, trop lisse, trop en dessous de tout ce que j'ai vu. Quand je suis arrivée à Torcello j’étais enveloppée de vapeur, il faisait chaud, partout de la lumière, pas le moindre petit recoin d’ombre où se cacher pour respirer, j’allais enthousiasmée, charmée … Tout le chemin me semblait une récompense, je marchais sur la pointe des pieds, le beau paysage défilait avec les violons des cigales, de rares embarcations glissaient sous le pont du Diavolo, les bavardages des quelques touristes qui avançaient comme moi vers la merveille des merveilles imitaient le tintement de petits grelots, je ne comprenais rien, je me laissais bercer… Tout à Torcello va vers le crescendo, la cathédrale vous fait baisser la voix et les épaules, la clarté du jour inonde majestueusement tout ce qui s’y trouve, le silence est d’or… Si ma conversion devait se faire ça serait ici, rien n’est plus émouvant, la mosaïque du Jugement Dernier vous terrasse de beauté.



 Le matin sur la place

En reprenant le vaporetto, la lagune offrait les beaux restes du soir : un soleil plus doux, des couleurs plus pâles, plus subtiles, les ombres plus profondes, le silence même avait baissé d’un ton, j’étais partie au bout du monde, le retour m’endormait.

Dix mille fois j'avais sorti mon appareil photo, puis rangé, inutile, je n'y arriverais jamais, je vais essayer de le raconter, inutile, ça ne sera jamais assez bien tourné, assez précis, assez vague, je vais essayer quand même... Inutile...

Les petites places cachées au fond des rues où bavardent uniquement les gens d'ici m'intimident, je vais à la fontaine tremper mes doigts, mouiller mon front, au creux de mes mains je mets de l'eau, je bois, c'est frais, c'est clair, quel délice... Quelle belle ville !



Le marché aux poissons, le lundi

Chaque fenêtre a un détail que je veux retenir, et puis un autre, et encore et encore... À la fin je ne retiens plus rien, continuons, continuons, voici les gondoles bavardes, chantantes, le gondolier connaît toutes les langues, toutes les ruses, rien ne peux le remplacer, les couleurs de l'eau changent du soir au matin à l'infini... Jamais vous ne finirez de les prendre en photos... Il faudra revenir sans cesse...

Les grands palais, aussi beaux dehors que dedans, me laissent sans mots : est-ce possible d'en arriver là, est-ce possible d'avoir pensé à tout ça ? Les marbres, les ors, les dentelles des balcons de pierre, les altanes, les puits, les roses des briques et les portes vieillies qui attendent de s'ouvrir sur la gondole de la maison... Quelques drapeaux vibrent avec le lion...

J'ai connu les longs moments d'admiration, immobile, dansant d'un pied sur l'autre, appuyée à la rambarde d'un petit pont, regardant l'eau immobile refléter comme un miroir les maisons qui bordent les quais, jaune, vert, bleu, gris, doré, géraniums et roses grimpantes, tous chavirent dans les flots.



Quand j'y pense, j'en ai les larmes aux yeux, et je n'ai pas encore parlé de l'intérieur des églises qui scintille doucement dans les ors vieillis, resplendit dans les tableaux des maîtres... Les éternelles scènes religieuses, violentes, douces, reprises,  repeintes, réinventées de mille manières par tous les talents de l'histoire, m'enchantent. Les chemins de croix, je les fais à mon pas, en douceur, comme à la procession, je m'imprègne des couleurs des siècles passés. Les saints, les vierges et  l'enfant Jésus nimbés du bleu des cieux côtoient de merveilleux paysages, les fleurs, les arbres, les mers et les ruisseaux sont plus vrais que nature...

L'ombre fraîche des petites rues me retient, les fleurs et les feuillages qui dégoulinent des balcons m'abreuvent de douceur. On peut marcher à Venise du matin au soir sans s'arrêter, avec le sourire aux lèvres, on fait des tonnes de pas sans même s'en apercevoir, ici la distance parcourue ne s'exprime jamais en kilomètres, on dit : je suis fourbu, je me suis perdu, perdons-nous encore, je n'ai pas vu le temps passer...

À la pause, sur une terrasse, sur un banc, on mesure le chemin parcouru en impressions, sensations, émotions...


Mazzorbo

Maintenant, le bruit revient en grosses vagues, aux alentours de la Place St Marc jusqu'au pont du Rialto, les gens arrivent devant la Basilique comme un torrent impétueux, sacs à dos et bouteilles d'eau bousculent les cornets de glaces qui coulent sur les mains, les souvenirs se prennent en levant les bras, clic, c'est toujours ça de pris. Tout le monde est heureux, même un peu trop, c'est comme ça Venise aujourd'hui, à certains endroits on se piétine allègrement, c'est moins bien qu'avant, le temps où je venais sur cette belle place à 9h du matin pour chercher mon amie, dans le silence, la beauté et la lenteur du jour... C'est comme ça !



19 commentaires:

Brigitte a dit…

Et quand de nouveau pourras-tu réaliser ton rêve ???
Tu as vraiment un joli talent de conteuse et tu accroches le lecteur; tu me donnerai presque envie d'aller me perdre là bas ...
Belle journée et bises ensoleillées à toi

Anonyme a dit…

Très beau billet.
Venise comme un sublime refuge.....
Je vous envoie en direct le son des cloches dei Carmini, il est 17h, il fait très chaud.
Venise est toujours somptueuse.
M.17

Danielle a dit…

Brigitte j'y pars cet été... Cette année, j'en suis très contente, j'y pense, j'en rêve...

Merci pour tes mots.

Bises du soir.

Danielle a dit…

M.17 comme c'est gentil de m'envoyer les cloches de Carmini, on-ils remis les tissus brochés, rouges sur les piliers de l'église ?

Il fait donc très chaud déjà ! Ici il fait doux...

Venise est somptueuse, profitez de toutes ses beautés, profitez...

Bises et merci encore pour ce petit direct qui me touche.

VenetiaMicio a dit…

Quelque part je me retrouve dans ta petite histoire, j'ai eu comme toi ma première fois, mon plan usé comme une dentelle, des parcours chargés d'émotions, de sensations, des larmes, des moments d'extrême
bonheur ! Mais malgré le temps tout est encore là et j'en rêve toujours... et tu as su si bien conter tout cela ! Pour ma part j'y serai dans quelques jours et j'ai hâte.
Bises
Danielle

Miss Lemon a dit…

Votre rêverie m'entraîne...

Votre éloge me fascine!

Amitiés, Danielle.
Miss

Danielle a dit…

Danielle, je suis contente pour toi de ton prochain voyage à Venise, plus besoin de carte, juste assez avec les sensations pour te guider :-)))

Grosses bises du soir

Anonyme a dit…

Les 24 piliers sont actuellement sans leurs habits de velours.
Mais on peut toujours éclairer (50c) "L'adoration des bergers" de Cima, paisiblement sans la foule Parisienne. San Candido est toujours aussi effrayant.
La Bienheureuse Vierge du Mont Carmel brille sur son trône de bois doré et palpite au moment du long dernier salut en latin chanté du prêtre suivi de son cortège pour conclure la messe du soir.
J'aime beaucoup "I Carmini".
Un bonsoir de mon Dorsoduro, où je suis entourée de quatre églises, Eremite, Ognisanti, Carmini et San Trovaso.
M.17

Danielle a dit…

Miss, ravie de vous savoir dans mes balades...

A tout bienôt, merci.

Bises du soir.

Danielle a dit…

Les colonnes seront encore découvertes... Tout est à la même place ! je me souviens de la première fois à Carmini, les colonnes rouges, les boiseries d'or, les peintures, quelle émotion !!

Mon ami italien dit que ce Cima est le plus beau de Venise :-)))

Vous êtes bien entourée dans Dorsoduro, bonsoir à vous M.17

A bientôt, profitez de tout, absolument tout...

Enitram a dit…

Comme c'est beau !!! Bravo! Bravissimo !!!!
Ton billet raisonne en moi intensément! Et les photos !
C'est fort, très fort d'émotions de sensations, de souvenirs, d'espoir d'y retourner, il y a tant à découvrir là-bas...
Justement encore cet après midi je parlais de Venise avec un éditeur au festival du livre à Caen et avec l'auteur du livre "intrigue à Venise"... Bon ça me démange, je vais glisser mon souhait dans l'oreille du chéri....
Coquine tu m'as trop donner envie de la revoir!!!!
Bon dimanche!

Enitram a dit…

Résonne, bien sûr!!!!!

Marie-Josée a dit…

Je ne suis allée à Venise qu'une seule fois, il y a bien longtemps et j'étais bien jeune... C'était en 1976 et je me souviens surtout de Murano à vrai dire... Il faudra que j'y retourne. Rendez-vous de toutes les amies blogueuses à Venezia lorsque je pourrai à nouveau traverser l'Atlantique, d'accord?

Danielle a dit…

Enitram, comme je suis contente, te voilà en train de dire un secret dans le creux de l'oreille de ton chéri, un beau secret Venise...

J'ai toujours beaucoup à dire sur Venise, entre l'admiration, le rêve et l'agacement, la fureur... Trop de monde là-bas et toujours envie d'y retourner...

Passe une belle journée, par ici, il fait beau.

A bientôt.

Danielle a dit…

Marie-Josée d'accord rendez-vous sur le deuxième pont à droite en arrivant, nous irons prendre le café et les croissants à l'abricot...

La toute première chose sera de nous reconnaître... Et nous embrasser.

A bientôt là-bas.

Je t'embrasse fort du matin.

Eimelle a dit…

Quel bel hommage à cette ville merveilleuse...
bon dimanche.. en attendant de dire Bon voyage!

Danielle a dit…

Merci Eimelle de votre visite, le bon voyage viendra vite, mais je ne suis pas pressée... Car, quand je vais être là-bas, je vais grogner...:-)))

Cordialités du jour.

Anonyme a dit…

'les larmes aux yeux ... ' moi aussi à chaque fois que j'évoque Venise dont le souvenir ne s'estompe pas au fil des mois !
quel beau texte , émouvant ! j'attends , avec impatience votre prochain voyage afin de vivre avec vous un petit bout de mon rêve qui , s'éloigne un peu plus chaque jour mais qui sait ....
Estelle

Danielle a dit…

Estelle, qui sait ... Pour vous aussi, Venise sera accessible un jour prochain...

Je pense à ce prochain voyage, aux photos que je vais avoir envie de faire, à tous les lieux que je vais découvrir pour la première fois même si je les ai vus cent fois...

Bonne journée Estelle.