jeudi 19 avril 2012

Les hauts d'affiches et les gros mots bas ...

En haut de l'affiche : Quatre films très différents et très exceptionnels...


NANA : Un premier film de Valérie Massadian bardé de récompenses un peu partout dans le monde, la réalisatrice vient de la photographie, elle a exposé à Tokyo, Londres, Porto...

Une véritable découverte, un enchantement, Nana est le nom d'une petite fille de 4 ans qui est filmée dans sa maison, avec sa maman. Elles habitent la campagne, mais on ne sait pas grand chose de plus, la petite fille se trouve à certains moments seule, sa maman est partie, on ne sait où, pourquoi, comment, et nous voilà avec Nana qui nous livre avec grâce tous ses petits conciliabules, ses jeux, ses craintes, ses découvertes, elle s'arrange avec la solitude, le silence. Nana joue beaucoup, parle, raconte, passe le temps, avec nous, passionnant, enchanteur, un très beau film original, inspiré, émouvant...


Valérie Massadian l'a filmée avec patience, elle dit : "Je voulais faire un film avec une enfant et quand je t'ai rencontrée, j'ai su qu'avec toi je pourrais parce que tu me résisterais, qu'en face de toi je ne saurais pas tricher".

Le film s'est fabriqué entre elles deux, en laissant à la petite fille le plus de liberté possible, dans le silence, bercé seulement par la nature.

Une histoire de petite fille qui joue toute seule en attendant sa maman, son papy, mais nous ne savons pas bien qui sera là... Un conte d'enfant de 4 ans beau comme le jour !! À voir d'urgence.


I wish : Nos voeux secrets, de Hirokazu Koré-eda (Japon).

Lors du divorce de leurs parents, deux frères sont séparés. Koichi part vivre avec sa mère chez ses grands-parents à Kagoshima, alors que Ryunosuke vit avec leur père à Fukuoka. Ce film est prodigieusement bouleversant, on rit, on pleure, on pleure, on rit. 


De nombreux films ont été faits sur la séparation des parents et son empreinte laissée sur les enfants. Ici, le réalisateur renouvelle encore le genre. Hirokazu recommence tout depuis le début avec un talent admirable, les enfants sont magnifiques de drôlerie, de pertinence, tout est filmé à partir de ces deux frères. 


Leur famille décomposée les transforme, ils vivent la tristesse, l'attente, l'espoir de revivre ensemble et puis ils acceptent la réalité, et après un cheminement initiatique dont ils tirent des apprentissages multiples, ils  abandonneront les querelles familiales et choisiront de vivre selon leur désirs personnels... Comme des grands. 


Superbement filmé, avec la légèreté qui convient à ce monde enfantin, Kirokazu nous propose une perle, un évènement, un film raffiné, touchant du début à la fin, à ne rater sous aucun prétexte.


Ce film est un grand moment de bonheur !







Le policier : de Nadav Lapid (Israël).

Yaron est policier dans un groupe d'élite, appartenant à une unité anti-terroriste, sa femme attend un enfant. Il est beau, musclé, impatient d'être père, la brigade à laquelle il appartient est un lieu de camaraderie forte : accolades, embrassades, solidarité et barbecue, ils sont entièrement dévoués à leur pays... Un jour, des terroristes (de jeunes Israéliens) sèment la terreur dans un riche mariage... Ils demandent que les riche payent et que les pauvres s'enrichissent,  réclament plus d'égalité dans la société...Yaron se trouve confronté à la guerre des classes menée de l'intérieur.

Un beau film explosif, troublant, qui nous invite à tout repenser. "La force singulière du film consiste à montrer  que la société israélienne est autant menacée de l'intérieur par ses propres aveuglements que par l'Autre (le palestinien, l'arabe, le musulman)" (Les Inrocks).


La grande tension que nous percevons dès le début du film dans la brigade des policiers, se poursuit avec intensité, en changeant de pôle, avec les terroristes qui préparent leur coup contre "les riches"... Bien sûr les deux groupes, policiers et terroristes, se retrouvent sur l’affrontement final... Point de vue vraiment audacieux, passionnant et courageux de Nadav Lapid.

Un film que je recommande vivement...



L'enfant d'en haut : de Ursula Meier (France-Suisse)

Encore un très bon film que j'ai eu l'occasion de voir le mois dernier au Festival du Film de Femmes à Créteil, je suis ravie qu'il ait trouvé des distributeurs, les critiques sont excellentes.

Un jeune garçon vole du matériel de ski en haut des pistes d'une station très riche en Suisse, pendant que les touristes se désaltèrent aux terrasses des cafés, puis il redescend vendre son butin en bas, aux copains, aux amateurs. Il rapporte aussi de l'argent à sa grande soeur, les rôles sont inversés, c'est lui qui fait tourner le ménage, espérant par ses cadeaux récupérer l'attention, l'amour, la tendresse de sa soeur qui le délaisse... Il est toujours là pour elle, à la secourir, l'aider, lui faciliter la vie... Sans contrepartie... En haut la vie facile, en bas les galères, la tour HLM.

Simon a 13 ans, il est touchant, il émeut tout le temps, il essuie les plâtres d'une vie qui ne lui fait pas de cadeaux. Tous les jours, sa vie est suspendue au téléphérique.

De beaux cadrages sur de magnifiques paysages, des plans serrés sur le petit voleur, l'horizon est superbe blanc et rutilant, alors que la vie de Simon est bien petite, sans avenir immédiat... Un grand désert...

Allez-y, faites le succès du film, il le mérite.


Les gros mots bas :


Je vais aux puces de Montreuil depuis de nombreuses années, je chine, je flâne, j'épie, j'écoute, ce que je vois, ce que j'entends me plonge dans des réflexions interminables ! Cependant, mon ardeur a beaucoup diminué depuis que je suis à la retraite, non par lassitude, surtout pas, mais par peur de l'encombrement. J'ai toujours veillé à échanger ce que je rapportais par ce que je jetais, à égalité, quand il s'agissait de fripes. Pour les objets, aquarelles et autres curiosités, je me suis dit, terminé, ou alors il faut que l'objet de convoitise soit exceptionnellement beau et pas cher... Vous saisissez la contradiction d'emblée, donc je reviens très souvent bredouille et c'est tant mieux. Je fais des économies et alimente l'espoir de belles courses aux trésors pour les prochaines fois... Le prétexte aux  promenades devient durable... Moins je trouve, plus je me promène.

Ceux qui vont ramasser les champignons me comprendrons aisément, l'agitation, la frénésie, l'espoir sont tout ensemble au rendez-vous pour le beau parcours de santé, en pleine forêt, et surtout la délicieuse omelette fumante dans l'assiette... Aux Puces de Montreuil, l'ambition santé reste très modérée, sinon nulle.

Donc me voilà partie sur le chemin des rencontres de toutes sortes... J'avise sur l'étalage d'une brocanteuse que je connais depuis plus de 30 ans, sympathique, toujours souriante, pas trop dure sur les prix, un joli petit verre ancien, tout en verre émaillé, un peu plus gros qu'un dé à coudre. La discussion allait bon train entre une cliente et elle, j'ai bien envie de partir de Charenton, vers la Bastille, c'est bien la Bastille, ça bouge, c'est chouette, ah ! Vous trouvez ? C'est pas si bien que ça la Bastille, vous avez vu la circulation, le bruit ? Moi je trouve pas si bien que ça par-là, oui vous avez raison, j'ai pensé au Marais aussi, le Marais ? Mais le Marais c'est pas terrible du tout, il y a... Oui le Marais c'est vraiment bien, à part... Toutes les deux butaient sur les mots, hésitaient... J'attendais la suite : ah non, le Marais il y a trop de... Je regardais le petit verre, que je venais d'acheter, j'attendais, je me posais des questions : il y a trop de quoi ?

Mais oui, y'en a de trop y'a plein de gays et... L'attention était à son comble, j'attendais encore les mots de la fin, tout n'était pas dit... Et puis il y a trop de juifs !

L'affaire était faite, elles étaient toutes deux d'accord, trop de juifs, trop de pédés, elles prenaient de la liberté pour en parler, mais oui, trop de juifs, trop de gays...

Je n'en revenais pas, j'étais outrée, furieuse, accablée, voilà que les vilains mots étaient lâchés, comment était-ce possible ? Cette femme, je l'estimais sur du vent, son langage devenait subitement exécrable, raciste, de cette catégorie que je déteste... Elle en était.

Sur le chemin du retour, je réfléchissais sur ce que je venais d'entendre, à voix haute elles avaient déversé leur racisme sans ce soucier de gêner qui que ce soit, en toute quiétude... La bête immonde n'était donc pas morte, comme aurait dit Brecht... Le racisme contre les gays, contre les juifs est encore vivant à ce point, comment va le monde ? Comment c'est possible d'en être encore là ? Ce matin je trouvais que  le monde allait mal, très mal...

Pendant plusieurs jours j'y ai pensé et repensé, quelle banalité ce langage, quelle déception, quelle colère, quel chagrin je gardais en moi... Mécontente après moi, car j'avais acheté le petit verre si beau et si peu cher...

8 commentaires:

Album vénitien a dit…

Après la lecture de ton billet, mes neurones se sont emballés et dans ma tête j'avais construit de belles phrases pour te parler de la déliquescence de notre société.Mais voilà, mes neurones sont usagés et ils perdent leur mémoire donc....en résumé voici ma triste constatation :Les vieux démons sont restés à veiller dans l'ombre, à attendre que les gens se sentent en perdition pour reprendre petit à petit le pouvoir...parce que c'est de cela qui s'agit..les gens ne savent plus à qui faire confiance et la bêtise...fait le reste?
Mais ne sois pas amère parce que tu t'es laissée aller à acheter ce joli verre émaillé...cet objet attachant a eu une vie...et par quelles mains est-il passé?Imagine ,n'importe qui...et ta vendeuse pourrait bien être surprise d'apprendre qu'elle a touché un objet jadis détenu par ceux qu'elle méprise..Chez toi il a retrouvé une place d'honneur..tu as bien fait de l'acheter!!!

Danielle a dit…

Chère Danielle tu me remontes le moral, merci !

J'avais tout à fait besoin de ça.

Bises du soir à très bientôt.

Brigitte a dit…

Merci pour ce billet sur le ciné je note ces films que j'espère voir un de ces jours .
Et en ce qui concerne "les gros mots" je trouve cela consternant et du coup les mots me manquent... Pfff,j'ai bien du mal à imaginer que des gens puissent penser ainsi !!!
Mais tu as bien fait de ramener cet objet qui te plaisait chez toi ,il a déjà certainement trouvé "sa " place
Bon week-end et bises amicales

Danielle a dit…

Brigitte, toi aussi tu me réconfortes, le tout petit verre a trouvé sa place...

Merci, bises du jour.

Brigitte a dit…

Et une tite photo du dit verre ,c'est possible ?

Danielle a dit…

Brigitte la tite photo est mise...

Bises

laurence a dit…

cette personne doit être bien vexée de ce changement de gouvernement aujord'hui, cela sera la belle revanche à cette histoire.

Danielle a dit…

Laurence, je ne suis pas très sûre que le changement de président lui fasse changer d'avis, mais comment faire ?

Merci d'être passé à tout bientôt.