vendredi 9 mars 2012

Fenêtre avec vue...


Le figuier et le tilleul mariés ensemble depuis cent ans...

Depuis toujours je rêve d'avoir des fenêtres qui donnent sur un jardin...Quelle ne fut pas ma surprise de voir le cabinet noir, à peine plus grand q'un placard aménagé, attenant à la chambre à coucher, où écrivait Gorge Sand, dans sa belle maison du Berry... Comme elle était insomniaque, elle avait installé ce petit endroit pour écrire dans le silence et l'ombre de la nuit.

Le beau jardin qu'elle avait imaginé, planté, surveillé de près, ne lui servait pas de cadre pour écrire... Elle écrivait à la lueur de sa chandelle des histoires qui n'en finissaient pas, pour nourrir toute sa maisonnée...

Les belles maisons anglaises me fascinent aussi avec leurs grandes fenêtres ventrues, décorées par de splendides plantes fleuries. De l'intérieur, on aperçoit les divans qui permettent de profiter du jour avec un livre, une broderie, un thé avec petits gâteaux secs...Ce n'est pas la vie anglaise que j'envie, mais juste leurs fenêtres arrondies qui agrandissent l'espace vers l'extérieur et laissent rentrer la lumière par les petits carreaux... En fait si, je rêve d'une fenêtre où l'on peut être confortablement installée, à hauteur du paysage, des fleurs à portée, je deviens Reine d'Angleterre... Une image glacée, qui ne correspond à rien, qu'à un songe... Être dedans et dehors à la fois !

Dans la maison que je loue pour les vacances, dans le Berry, la vue a beaucoup d'importance pour moi. Dès que j'arrive, je fais glisser tous les rideaux sur le côté, les petites tringles de cuivre s'y prêtent facilement, ainsi d'une pièce à l'autre, j'ai le feu d'artifice de septembre ! Si l'appui de la fenêtre le permet, je sors tout de suite les vases, les choppes, les plats creux, ceux qui prennent l'eau assez haut pour y mettre les fleurs des champs, les abandonnées des fossés, celles qui tiennent si longtemps : elles rendent royale la moindre boîte de conserve, pas la peine de les arranger, les petites devant, les grandes derrière, elles ont leur ordre à elles, elles s'éparpillent  naturellement comme les branches d'un pommier, et plantent leurs couleurs directement dans votre coeur.

L'hiver, c'est sans doute la bûche dans le feu qu'il devient primordial de charger dans la cheminée, mais en septembre, quand la douceur de l'air glisse encore comme un voile de mariée entre le ciel bleu et l'herbe encore verte, ce sont les fleurs qu'il est urgent de ramasser.. Je ne défais même pas mes valises, je tire les rideaux, je défais les embrases, j'attache ceux qui ne veulent pas s'ouvrir en deux, et je vais chercher des fleurs... Je vais faire mes premiers pas dans le petit chemin vert qui arrive devant la porte de derrière, il descend jusqu'au pré où il y a des vaches, il poursuit son aventure au-delà de la petite route du village, il faut passer sous les noyers, bien regarder sur les côtés, les boutons d'or, le pissenlit, les mauves, quelquefois un coquelicot en soie... Les graminées sont les seules tiges qui restent droites pendant toute la promenade, elles arrangent si bien n'importe quel bouquet qu'elles font de vous un artiste de talent, pourtant c'est elles qui font tout le boulot..


Le bouquet des champs...

En un tour de main, je cueille tout ce que je trouve, le bouquet si gracieux, si emmêlé au moment de la cueillette, retombe au bout d'une demi-heure, comme un chiffon mouillé entre mes doigts, mais je n'y prends pas garde, car je sais qu'elles vont se reprendre très vite dans l'eau de mes vases... Le bouquet fané que je serre solidement dans mes mains relève sa tête ébouriffée, l'inimaginable désordre naturel de toutes ses couleurs m'émerveille à chaque fois. Je comprends tous les peintres de la terre, ceux du dimanche et de tous les jours de la semaine, qui tentent de refaire à l'identique, ou d'inventer  les plus belle harmonies et l'enchevêtrement des fleurs de campagne.

Les fenêtre de la cuisine s'ouvrent sur la pelouse du petit jardin, je vois le grand figuier dont les feuilles s'entremêlent avec celles du tilleul, voilà des années qu'ils coulent des jours heureux, enlacés tout près du vieux puits... On dirait un arbre à deux têtes, ils ont grandi ensemble, spécialistes de l'ombre, ils laissent passer sur la table, installée juste en dessous, les petits frétillements de soleil, qui font valser les fleurs de la toile cirée.

Du matin au soir, quand je suis à la campagne, toutes mes fenêtres ont les yeux grands ouverts, le soir, j'attends la première étoile pour fermer les double-rideaux, il ne faut rien rater des couleurs du jardin, du chant des oiseaux, du beuglement des vaches, et même du bruit de la pluie quand elle s'en mêle, et qui rendent la tombée du jour si bouleversante.

Sitôt levée, en même temps que le petit déjeuner, j'ouvre mes fenêtres jusqu'aux premiers frimas... Je reste le nez collé aux  fenêtres avec vue sur le jardin, et je refais mon petit monde, le vert, là, qui pousse partout, le moindre brin d'herbe devient un plaisir sans cesse renouvelé, comment vais-je faire pour m'en séparer ?

Revoir les tours de ma banlieue, les fumées grises qui bouillonnent à l'horizon, l'autoroute qui défile à toute allure, et puis tout au-dessus, il y a les nuages de Tiepolo, identiques, depuis des siècles...




De ma fenêtre, les ciels des tableaux...

22 commentaires:

D'Art en Arts a dit…

Et quelles vues !
Tu me rappelles le film "Chambre avec vue", que j'avais beaucoup aimé, c'était il y a bien longtemps...
Bon week-end, Danielle.
Norma

Miss Lemon a dit…

Ici, d'une fenêtre je vois un jardin et d'une autre je vois une grue.
Drôle!

Danielle a dit…

Bien sûr Norma, c'est à ce film aussi que j'ai pensé pour le titre :-)))

Bon WE à toi aussi Norma et bises du matin.

Danielle a dit…

Nous avons presque la même vue alors :-)))

Bises Miss à tout bientôt.

Enitram a dit…

Derrière c'est les vaches du voisin lointain, à droite l'abbaye loin et la forêt, devant le potager et l'écurie, de l'autre l'atelier ou cave où l'on fait le cidre et les derniers chevaux et âne à gauche !!!
Et les nuages, ces merveilleux nuages qui filent.... Voilà !
Très bon week-end avec tes nuages de Tiepolo, j'adore!!!!

Françoise a dit…

Tout comme la bonne dame de Nohant, la terre berrichonne vous inspire et vous émerveille !
Ici, la campagne nous environne. C'est un régal des yeux à chaque instant.

Bises.
Françoise

Danielle a dit…

Enitram, voilà, voilà, quelle chanceuse :-))))) Profite !

Mais tout de même nous avons les mêmes ciels que Tiepolo !

Bises du soir.

Danielle a dit…

Françoise, biens sûr je comprends le régal des yeux, mais je fais de mon mieux quand je peux :-))))

Grosses bises du soir.

Marie-Josée a dit…

Tu sais, Danielle, pour ton prochain séjour automnal dans le Berry, tu devrais apporter Cet été qui chantait de Gabrielle Roy.Si tu ne le trouves pas, fais-moi signe : il me fera plaisir de te l'envoyer...

Ce récit décrit le jardin où Gabrielle Roy passait ses étés dans le village de Petite-Rivière-Saint-François. Lorsque tu l'auras lu, je te raconterai ma visite d'un soir à notre auteur en 1978...

Bon dimanche

Danielle a dit…

Promis Marie-Josée, je fais tout comme tu me dis, j'achète le livre, je le lis et j'attends ton récit de la visitation...

Bises fortes du matin

Brigitte a dit…

Magnifiques vues
Ah le figuier est un arbre qui me rappelle les vacances .Nous plantions la tente près de figuiers et avec le soleil quelle odeur agréable et subtile s'en dégageait. Et là tilleul plus figuier ...que du bonheur avec de telles senteurs
Bon dimanche

Danielle a dit…

Merci Brigitte d'avoir planté ta tente dans mon petit jardin... Pour la beauté, les odeurs...

Bises du WE à toi.

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup le figuier, avec son parfum subtile !
Se prélasser l'été à l'ombre des figuiers.
Joli billet !
M.17

Michelaise a dit…

Ah le bonheur d'une vue, sur jardin, sur arbres, sur nid (oui oui !!) et sur tout ce qui fait rêver. J'avoue avoir beaucoup peiné à travailler quand j'ai eu la chance d'investir ma maison de meschers ! j'étais toujours installée dans un fauteuil face aux fenêtres !
Et puis le soleil, la clarté, être dehors en ayant chaud quand il fait froid, être avoir les oiseaux et le bruit des vagues.
Les appartements "de ville", j'en ai eu un, autrefois, me dépriment et me rendent neurasthénique !! Mais bon, on paie ces agréments par un isolement et l'éloignement de nos centres d'intérêts ! tant pis, on se déplace. Ou parfois, on a la flemme et on reste face à la fenêtre !
Bouquet de fleurs des champs : cela me rappelle le premier bouquet que m'offrit Alter. Il était si gros qu'il avait fallu ... une poubelle pour l'installer !! Et Alter avait attrapé le rhume des foins en le cueillant, il me l'offrit dont en éternuant !!!

Danielle a dit…

Merci M17 d'être passée sous le figuier...

Passe une belle soirée, vraiment belle !!

Danielle a dit…

Michelaise, rien ne vaut tout ce que tu vois de ta fenêtre... Tu as bien raison...

Bravo Alter pour cette brassée incroyable et dangereusement belle...

Mais voyez comme elle reste en tête de votre belle...

Gros bisous du soir à toi.

isis a dit…

Douce et sensible Danièle,
Vos bouquets enchanteurs prennent vie sous mes yeux...la nature déploie ses trésors.
L'écran de l'ordinateur devient ma fenêtre magique.
Avec votre regard tendre, la moindre herbe trouve sa place et son sens,ceux de vous ravir les yeux et nous communiquer votre enthousiasme.
Après vous avoir lu, j'aborde la journée avec un autre regard.
Je deviens plus sensible à l’éphémère et au merveilleux qui nous entoure.

Danielle a dit…

Chère Isis, merci de vos mots doux !!! Quel bonheur si je peux contribuer à vous faire ressentir les petits riens du tout de la vie...

Je suis heureuse,si la vie déploie pour vous aussi ses petites merveilles... Nous sommes beaucoup à y regarder de près...:-)))

Merci Isis, et bises du matin.

Bretonne a dit…

Bonsoir,
De mon salon je vois le jardin, un peu plus loin des chênes, pas toujours un plaisir de ramasser pendant quatre mois ces petites feuilles qui ne pourrissent jamais mais des repères pour les tourterelles,les piverts et geais ..un bonheur en ville.
Bizarre, pas un nuage aujourd'hui en Bretagne ! ! !

Danielle a dit…

Quelle chance vous avez chère Bretonne d'avoir une belle vue sur jardin et chêne...

Mais oui que se passe-t-il ? Pas un seul nuage, je pense qu'aujourd'hui ils seront revenus:-)))

Bises du matin

Bretonne a dit…

Et non ! Toujours pas le moindre nuage à l'horizon, le soleil est au rendez-vous et les chats sont sur les murs pour profiter de la chaleur des pierres.
Belle journée et merci pour vos billets poétiques.

Danielle a dit…

merci Bretonne de ce petit retour de flamme, ici aussi il fait beau, du soleil plein pot sur mes cyclamens, j'ai ouvert mes fenêtres sur les tours ensoleillées :-)))

Grosses bises et belle journée.