jeudi 22 mars 2012

Des lapins et des hommes, la dame en papillote...



Les lapins :

Je me souviens de ce jour où j'avais vu courir en tous sens des dizaines de lapins, ils sortaient de partout, je n'en croyais pas mes yeux, comment était-ce possible de voir autant de lapins par ici ? J'étais en voiture, j'arrivais au rond-point d'une bretelle d'autoroute, nous n'étions ni à la campagne, ni dans un pré, non, juste à deux pas de ma rue, ça n'était pas non plus l'ouverture de la chasse, non, j'étais bien sur une autoroute qui s'engageait dans les méandres de la petite couronne de la région parisienne. Sur le talus bordant les bas-côtés des voies de circulation, l'herbe rase qui poussait suffisait pour que des dizaines et des dizaines de lapins gambadent gaiement, pas un ne se risquait sur la route, on aurait dit qu'ils savaient exactement ce qu'il fallait faire pour ne pas rouler sous les voitures... L'amie qui était avec moi m'avait conduite jusqu'ici pour me montrer le phénomène !

Le bruit des voitures, ils s'y étaient habitués, la pollution, ils en croquaient, les coups de fusils, jamais par ici, quelle drôle de destinée, sauter d'un bout à l'autre du gazon sans jamais sortir des clous, longtemps j'ai gardé en mémoire leurs sautillements exubérants au milieu des voitures, où allaient-ils ? Comment survivaient-ils ? Était-ce une réserve naturelle ? Allait-on les chercher avec des casseroles ?

Mais depuis ce temps-là, quand je passe dans le coin je cherche des yeux les lapins sauteurs, je n'en vois plus, sont-ils en voie de disparition complète ? Ai-je rêvé ?

Je n'ai jamais su le fin mot de l'histoire, j'ai même encore du mal à y croire !

Si cette histoire de lapins est amusante, la suivante l'est beaucoup moins ! Elle se passe aussi sur les talus des autoroutes, c'est pourquoi je l'y associe.


Les hommes :




J'ai l'oeil perçant, et au lieu de parler, en voiture, je regarde tout ce qui passe à ma portée.

À la porte de Bagnolet, à la porte de Montreuil, pas loin de la porte de Vincennes, périodiquement je vois des chantiers tous petits qui me serrent le coeur. Des chantiers où les maisons se construisent en un temps record, là, en une nuit, là, en deux jours, tiens, ça n'existait pas la semaine dernière... Les petites cabanes, les tentes, les toiles tendues, des bâches de toutes les couleurs font soudain irruption dans le paysage, bien à l'abri des regards, dans les buissons qui bordent l'autoroute, le périphérique, des gens, des hommes le plus souvent, habitent ici... J'ai vu des fumées sortir des tuyaux qui servent de cheminées, j'en ai vus qui entraient et sortaient de ces casemates avec des chariots de supersmarchés, ils avaient été faire leurs courses et rentraient à la maison...

Périodiquement, la végétation qui cache ces bidonvilles est coupée, les maisons de toiles sont éparpillées, laissées sur place, le vide est fait... Plusieurs semaines après, les petits chantiers reviennent, les maisons pas plus hautes que trois pommes renaissent et abritent des humains qui vivent en bordure des voies rapides, au beau milieu des milliers de voitures qui passent du matin au soir... Là où la pollution est à son comble.

Récemment j'ai vu sous l'autoroute, dans une brèche, un espace laissé libre mais couvert... Des familles y vivaient, des tas d'ordures les accompagnent... Ces gens sont là depuis des mois, peut-être même depuis des années... Personne ne les voit.

Je me souviens d'un documentaire que j'avais vu il y a des années, de hordes de gens qui vivaient dans les anfractuosités des souterrains du métro à New York, c'était effrayant, jamais je n'ai pu oublier cette souffrance et cette pauvreté... J'ai su que ces personnes y vivaient encore, un documentaire plus récent a été co-produit par l'INA et la chaîne Channel, le film a été réalisé par une Française Chantal Lasbat, il a été diffusé aux Etats-Unis en 2008 et sur la 5 en France, le 28 janvier 2009.


"Dans les entrailles de New York" est un voyage de 52 minutes sous la ville, où existent "18 niveaux et 468 stations de métro ouvertes ou abandonnées (...) des kilomètres de tunnels désaffectés", a raconté à l'AFP la réalisatrice à l'issue d'une projection en avant-première à New York. Ombres se déplaçant sans lampe de poche "tant ils connaissent bien les lieux et sont habitués à l'obscurité", certains des habitants sont là depuis longtemps. Ils sortent la nuit pour aller se ravitailler dans les poubelles.
"Je ne lave pas mes vêtements, je les jette", raconte Brooklyn, une femme qui vit sous terre depuis 22 ans et qui rêve "d'un toit, d'un lit et d'une cuisine". Le phénomène est né dans les années 70, lorsque certains anciens combattants du Vietnam se sont installés dans les souterrains du métro, notamment dans le tunnel situé au dessous de River Side Park, où passent les trains qui mènent au nord de l'Etat de New York.
Après les attentats du 11 Septembre, les tunnels où vivaient jusqu'à 5000 personnes avaient été "nettoyés" de leurs habitants par la police sur ordre du maire Rudolph Giuliani. Mais quelques centaines de SDF y sont restés et vivent une vie étrange, beaucoup plus communautaire que les sans-logis des trottoirs de la ville, souligne Chantal Lasbats."

Pas plus tard qu'hier, en revenant en voiture par le bas-côté d'une grande tour de bureaux qui donne juste au pied du périphérique, près de la porte de Bagnolet, j'ai vu un nouveau village de bois installé, depuis combien de temps ? Des cheminées sortaient de la fumée, les fenêtres et les portes faites de bric et de broc me confirmaient que c'étaient là de "vraies maisons", poussées comme des champignons, je ne les avais jamais remarquées jusqu'à ce jour... Des immondices ponctuaient l'entrée de ce petit bidonvillele service de ramassage d'ordures ne doit pas officier dans ce coin, à cheval entre Paris et la petite commune où j'habite, à qui appartient ce petit bout de territoire ? Mystère et boule de gomme.

Cette mini  favela se fabrique juste à côté d'une grande surface, temple de la consommation, au pied d'immenses tours de bureaux, sur le bord du périphérique, pas très loin d'une grande gare de bus qui sillonnent toute l'Europe...

Je ne peux m'empêcher d'observer ces nouveaux modes d'habitats précaires, plus que précaires, qui s'installent sauvagement, pour durer le plus possible, aux abords des la ville, contre les autoroutes, les boulevards périphériques... Ils sont si près de chez moi, comment ne pas me sentir concernée ?

Qui va en parler, qui va s'en occuper ? Quel avenir espérer ? Ou désespérer ?


La dame en papillote :



C'est dans l'autobus que je l'ai vue, le monde se pressait, se bousculait, se tassait pour ne pas rester sur le trottoir, les gens étaient serrés comme des sardines. De ma place assise, j'étais montée au terminus, près du Louvre, je pouvais tout voir sans être dérangée... Il faisait beau, soleil, doux, un jour de printemps, vous allez voir comme ce détail a de l'importance dans l'histoire... La dame avait un petit chapeau bien enfoncé sur la tête, elle devait avoir dépassé l'âge de la retraite depuis longtemps, un joli manteau rouge, et par dessus un imperméable transparent, informe, de ceux que l'on achète quand on est un touriste surpris un jour de pluie, chez le premier marchand de souvenirs, vous voyez ? La dame était donc emmitouflée dans ce grand survêtement de cristal, sa main droite accrochée à la barre centrale du bus était recouverte d'un sac en plastique de la même couleur que l’imperméable, qui devait la protéger de tout contact avec les microbes du monde. Elle regardait furtivement à droite et à gauche si quelqu'un la touchait, elle se recroquevillait pour ne pas frôler qui que soit, elle se faisait toute petite pour tenir le moins de place possible... Petit à petit les autres voyageurs, qui avaient vu son manège, se sont tenus éloignés d'elle... On aurait dit une bête traquée dans son terrier, elle faisait peine à voir... De ma place, je n'ai pas pu voir si elle avait mis aussi des sacs plastiques sur ses chaussures...


Au fur et à mesure que les gens descendaient, elle tentait de se coller le dos à la fenêtre pour protéger sa face nord, mais à sa station, comme par enchantement, les voyageurs amusés avaient fait spontanément un dégagement assez grand pour qu'elle descende sans toucher personne... Un vrai miracle !


La dame en papillote apeurée était rendue, elle descendait avec une haie d'honneur !

9 commentaires:

Michelaise a dit…

Les lapins : j'ai souvenir d'une halte sur une autoroute, quelque part dans le Lot Et Garonne, et d'une sarabande incroyable de lapins autour de notre camping car ! J'ai aussi le souvenir du jardin de notre ancienne maison, troué comme un gruyère par des dizaines de terriers et le soir, ces petites bestioles qui couraient en tous sens. Et aujourd'hui, tous les soirs, Alter rentre, plus ou moins content car il a vu ou n'a pas vu les lapins qui s'ébattent sur le talus à l'entrée de Meschers : lui seul les voit car c'est une question d'heure. Ils sortent le soir vers la tombée de la nuit et se promènent au ras des voitures en toute impertinence.
La dame en papillote : étonnant le métro, où l'on est pourtant en tout anonymat, personne ne regarde personne et cependant, les "gens" réagissent et ont respecté la dame craintive ! Pauvre petit dame effarouchée !!
Les bidonvilles, ici il n'y en a guère mais on voit parfois fleurir un camp de gens du voyage qui reste une semaine, quinze jours, un vrai village, avant de repartir vers d'autres cieux.

Marie-Josée a dit…

Bonjour Danielle,

Pas de lapins dans les environs, mais, la semaine dernière, un renard roux qui est passé juste devant la voiture! Les bêtes sont affamées, car l'étalement urbain réduit progressivement leur territoire...

Et avec ce printemps hâtif, il faudra bientôt que je sorte la nuit avec Honey qui est maintenant aussi vieille que ta dame en papillote pour m'assurer qu'elle ne rencontre pas de moufettes comme cela lui est arrivé un jour : j'ai transporté l'odeur jusqu'au Cégep, tu imagines! J'ai prévenu mes étudiants de se tenir à distance raisonnable.

Je tergiverse, car je ne sais que te dire au sujet des bidonvilles... Je sais qu'aujourd'hui, 200 000 étudiants marchent dans Montréal pour faire fléchir un gouvernement qui demeure intraitable, car il ne suit pas le bon sens, mais une idéologie bien dépassée. Nous avons pour règle implicite de ne pas faire de politique dans les blogs, mais Dieu que ce serait agréable que nos dirigeants ouvrent les yeux, car le mur est tellement proche qu'il semble les laisser dans l'obscurité!

Danielle a dit…

Michelaise, donc les lapins il y en a partout !!!:-)))) Même sous les voitures !

La dame en papillote était dans le bus, en fait et je m'en suis mal expliqué, je crois qu'elle était phobique, elle ne voulait toucher personne ni saisir la barre d'appui pour ne pas être en contact avec les microbes des autres... je crois...

Mais c'était amusant de voir combien les gens souriaient et la laisser s'isoler.

Hier soir justement, avec des amis venus chez moi nous avons comparé ce que nous voyions dans notre région parisienne et ils avaient vu comme moi, même beaucoup plus loin que moi !

Michelaise, je te bisesss fortes du jour.

Danielle a dit…

Marie-Josée, les moufettes doivent terriblement puer j'imagine !!!

Tes étudiants ont raison "on est pas dans le bon sens"...

Ici je m'inquiète de voir ce que je vois, sans que rien ne se passe...

Marie-Josée, il fait beau, c'est le printemps mon abricotier est tout en fleurs blanches légèrement rosées... C'est magnifique !

Je t'embrasse, forte.

Danielle

Marie-Josée a dit…

Il y a donc de super confitures en vue! Que vas-tu ajouter à tes abricots cette année?

Bonne fin de semaine à toi!

Danielle a dit…

OUi Marie-Josée il y aura bien confiture d'abricots avec les fruits du marchand, les fruits du bel arbre de mon immeuble sont chapardés au fur et à mesure de leur avancement ...

Avec la vanille je n'ai jamais trouvé meilleur arrangement... C'est délicieux...

Passe une bonne journée, bises fortes du matin.

Bretonne a dit…

Les lapins, il y en a partout, dans chaque rond-point, il faut reconnaître qu'en Bretagne, nous sommes les spécialistes( du rond-point ) et donc des lapins il suffit pour les voir de se lever de bonne heure.
On rencontre aussi des hommes et femmes sous des tentes de fortune, sous des ponts ou près de la rocade de Rennes.. c'est terrible, ce qui l'est encore plus, c'est que ces personnes lorsqu'elles retrouvent un toit , mettent 2 ans avant de pouvoir dormir dans un lit.

Danielle a dit…

Décidément les lapins sont partout....

C'est terrible aussi ce que tu dis sur les gens qui mettent 2 ans à revivre normalement, tellement leurs vie est bouleversée...

Bonne journée à toi Bretonnes, merci d'être passée. Bises.

Brigitte a dit…

L'histoire des lapins me fait sourire ,la dame en papillote aussi .
Par contre la dernière est d'une grande tristesse ...forcément...Vivre ainsi quel drame ...
Lors de mon dernier court séjour à Paris, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup plus de personnes encore à zoner du côté du métro,qu'il y a quelques années ...Pfttt