dimanche 15 janvier 2012

Le Havre... Film de Aki Kaurismaki, une merveille !



Un des plus beaux films à voir en ce moment...

La surprise est totale, car le traitement cinématographique de Kaurismaki est toujours original...

Moi qui ai vu (presque) tous les films de ce cinéaste, avec enthousiasme, je dois dire que là encore, il m'a énormément touchée.

Il n'est pas facile de refaire encore un excellent film avec la misère du monde, il faut avoir un sacré talent pour trouver un langage nouveau, d'autres mots, d'autres images... Aki Kaurismaki (Finlandais) fait oeuvre d'art avec Le Havre.


L'histoire est celle d'un petit garçon africain, fraîchement débarqué clandestinement au Havre, qui veut rejoindre l'Angleterre. La solidarité se construit autour de lui pour le faire passer là-bas...

Ses images sont puissantes, chaque plan est superbe, fouillé : il a choisi un code couleur qui accompagne presque tous les plans : bleu/jaune/rouge, chaque scène reprend ces couleurs avec plus ou moins de présence, un peu comme l'avait fait Jacques Demy avec les Demoiselles de Rochefort (1967). Plans également dépouillés, pas de décors chargés, rien de superflu, le bleu domine. Les atmosphères des cafés et les harmonies chromatiques me font penser irrésistiblement à la peinture de E. Hopper.  Kaurismaki affectionne lui aussi ces lieux de rencontres où la solitude voisine avec la compagnie.

Chaque prise de vue démarre comme une photographie, arrêt sur image quelques secondes, puis tout s'anime... Les plans rapprochés, comme des effets de loupe, font parler les visages avec délicatesse, et nous livrent un sourire, un regard, un geste... Il filme les objets comme des natures mortes, c'est superbe, du grand cinéma. Les acteurs, tout en retenue, théâtralisent les scènes par un langage et des gestes adaptés, phrasé détaché, gestuelle mesurée. Cette distance permet au spectateur de prendre son temps pour regarder, réfléchir, mais aussi prendre du plaisir à suivre cette histoire telle que nous la propose Kaurismaki, pleine d'espoir et de confiance. Malgré la distance, les personnages fonctionnent en vrai, plus vrai que nature, bien loin de la caricature, ils nous emportent avec émotion, leur langage poétique, précis, énigmatique, simple, consolide l'univers minimaliste de l'auteur, l'économie de moyens rivalise avec une grande richesse de vocabulaire cinématographique. Le cinéaste dissocie le temps : les personnages, qui payent avec des euros, évoluent et sont habillés dans un décor des années 1960.

Une fois les codes acceptés, comme au théâtre ou à l'opéra, le film devient une oeuvre d'art qui nous parle d'humanité. C'est beau ! J'ai préféré cent fois la poésie de Kaurismaki, au réalisme de Guediguian dans Les neiges du Kilimandjaro, auquel je n'ai pas cru une seconde, je n'ai pas cru au jeu des acteurs qui se transformaient sous mes yeux en prolétaires du port... Pas une seule seconde je n'ai cru à cette mascarade bien pensante, seul Daroussin, qui joue dans ces deux films, est parfait comme souvent.

Allez, j'y retourne, je vais le voir une deuxième fois, profitons du bouche à oreille qui fonctionne, profitons encore de sa présence sur les écrans... J'espère qu'en province vous avez aussi cette chance.

Je suis contente, je vais au bord du film de Kaurismaki comme on va au bord de l'eau, tout fait mouche, les belles choses vont avec les bonnes choses, un goût de vie réussie, un coup de bonheur d'être ensemble sans désastre, c'est si rare... Trop beau pour être vrai ? Mais non, mais non...

Faites comme moi, payez vous une tranche d'utopie... Ça fait tellement de bien.

15 commentaires:

Aloïs a dit…

Oui très bon film à condition d'en accepter le "décalé"
Simple,pudique ,tout ressort après,il faut que cela "décante"
Je te conseille aussi Louise Wimmer très beau portrait de femme difficile à oublier

Danielle a dit…

Aië ! Françoise, je n'ai pas du tout aimé Louise Winner :-))) J'en parle bientôt...

Passe un bon dimanche tout ensoleillé.

Bises de maintenant.

Bretonne a dit…

En effet, j'ai pu le voir en province, je crois que j'ai beaucoup aimé, il me faut attendre demain pour tout apprécier. Merci pour cette belle approche du film.

Danielle a dit…

Bravo Bretonne, le cinéma de Kaurismaki est tellement riche, qu'il faut souvent s'y reprendre à deux fois...

Merci de votre passage, bises du matin ensoleillé.

Aloïs a dit…

Je comprends.
Lorsque j'en suis sortie j'étais perplexe et puis c'est peu à peu que certaines choses sont remontées.
Il faut dire que la veille j'avais vu Bruegel le moulin et la croix que pour le coup je n'ai pas aimé du tout en y réfléchissant bien, et donc j'étais assez dubitative.
Pour revenir à El Gusto j'ai oublié de préciser qui si on n'est pas un peu initié à cette musique cela peut être très dur
Bonne journée

Danielle a dit…

Chère Françoise, j'ai bien attendu que ça mûrisse (Louise Wimmer)mais rien de mieux ne vient !!:-(((

J'ai vu aussi Bruegel, je l'avais vu en partie à Venise où il tournait en boucle dans l'église Lio, j'avais été frappée par la beauté des images, et le mystère qui en émanait, j'ai donc voulu le voir tranquillement sur écran et en entier... Je l'ai trouvé encore une fois, très beau, un peu moins mystérieux, tous les procédés techniques mis en oeuvre pour réaliser ce film sont impressionnants. Cette idée de faire un film à partir d'une simple représentation fixe (le tableau de Bruegel)est vraiment intéressante.

C'est un beau travail de broderie, dans le sens de broder autour d'un sujet...

Merci d'être repassée Françoise, je te bise fort du matin.

Danielle a dit…

Françoise tu as raison, la musique arabe surprend, mais Dieu qu'elle est belle...

J'avais eu une énorme surprise un jour, dans un concert de musique traditionnelle Arabe, depuis j'adore !!! C'était de la musique Marocaine, splendide.

Grosses bises à toi.

Miss Lemon a dit…

Bonjour Danielle

Mon grain de sel à moins que ce ne soit un cheveu sur la soupe car je ne viens pas parler cinéma! mais du salon de thé d'Avignon.
Je ne connais pas le nom de la rue mais c'est très simple.
Lorsque vous êtes devant les halles, celles-ci à votre gauche, donc vers la droite le conservatoire et son café, le salon se trouve au début la rue piétonne légèrement décalée à droite et en face de vous.
Je crois qu'une Poste fait l'angle.
On peut manger sucré ou salé et la salle à l'étage est un mouchoir de poche.
Vous m'en donnerez des nouvelles et lorsque vous viendrez à Avignon pour le festival? écrivez-moi!
Amitiés.
Miss

Michelaise a dit…

Ah danielle, tu vois et tu revois !! tiens tiens je vois que n'a pas aimé Louise Winner et qu'Aloïs a aimé, il passe cette semaine ici, que faire ???
En tout cas, j'aurai le Havre d'ici quelques temps, mais tu m'as déjà convaincue ... d'autant que j'aime vraiment Kaurismaki moi aussi...
Quant au commentaire de Miss concernant un salon de thé à Avignon, j'ai dû zapper quelque chose, va falloir éclaircir ce mystère

Danielle a dit…

Merci Miss, dès que j'arrive, sans doute vers le printemps, je demande à mon frère de m'y emmener :-)))

Je pense que je serais à Venise en juillet aië, tant pis pour le festival...

Grosses bises du soir.

Danielle a dit…

Michelaise, que faire ? Il faut y aller, beaucoup ont aimé... Dont Aloïs...

Pour le salon de thé en Avignon, éclaircis, éclaircis...

Pour le Havre, je ne me fais aucun soucis, tu vas aimer, à moins que :-))))

Bises fortes du soir.

Enitram a dit…

Bon je fonce au Havre et j'attends el gusto ! D'accord ! Et en attendant je vais voir Bruegel !
A bientôt

Danielle a dit…

Bravo Enitram, beau tiercé, tu vas adorer c'est forcé :-)))

Reviens nous donner ton avis !

Grosses bises du matin.

Anonyme a dit…

très beau film que j'ai vu hier (ciné associatif de province).
Ma gnifique

ps : merci pour votre critique qui permet de mieux comprendre l'approche du cinéaste

Danielle a dit…

Encore une admiratrice(teur) de Kaurismaki, bravo, je suis ravie...

A bientôt de vous lire.