mardi 18 octobre 2011

Conciliabules... Bulles... Bulles de trottoir....



Tout est vrai... Pas de fiction, pas d'invention que des maux de tous les jours, d'aujourd'hui !

De loin, je l'ai aperçu penché sur sa canne, le cheveux ras, la silhouette amincie, avançant avec précaution, je presse le pas pour m'assurer que c'était bien lui, mais que lui est-il arrivé ? Il a été très malade, a-t-il subi une chimio ? Je crois même que ses cheveux ont blanchi ? Ben cher monsieur, que vous est-il arrivé ? Nous étions au milieu de la chaussée, ma phrase était suspendue à son regard, venez donc là, sur le trottoir, qu'on parle un peu, il avait perdu énormément de poids, son visage était gris, mais ses paroles encore  fortes, j'ai failli mourir, quoi ? Vous avez failli mourir ? Comment, comment, racontez-moi un peu, mais vous allez bien maintenant, rassurez-moi  ?

Mon voisin a toujours eu un timbre de voix généreux, quand il parle tout le monde en profite, on a toujours l'impression qu'il est en colère, d'ailleurs il l'est, c'est vrai, chaque fois que je le rencontre, son ire est permanente, tout y passe : le temps, l'ascenseur qui ne va pas assez vite, la gardienne qui n'est pas là quand il y est, la Mairie qui ne fait rien, l'Assemblée Nationale, la police, le Président de la République, rien n'est plus comme avant... Mon voisin est un bilieux, mais sympa, gentil, il suffit d'attendre un peu que ça lui passe...


Ce matin, il me raconte comment il a failli mourir dans un hôpital de la région parisienne... J'y étais allé pour montrer mes jambes, avec des ulcères qui ne guérissaient pas, voyez, j'ai encore des bandages aux deux pieds, mais ça va mieux, j'y vais donc, ils me gardent, figurez-vous que je me suis retrouvé sous une cloche aseptisée, un truc de fou, les médecins ne comprenaient pas, je m'en allais, ils avaient prévenu ma femme, on va le perdre, imaginez le truc, j'allais trépasser pour mes ulcères, pas possible, mais que s'est-il passé ? J'ai attrapé un microbe, un super microbe, un peu plus j'étais mort, j'ai été en réanimation plusieurs jours, j'ai failli passer l'arme à gauche, ah ! Croyez moi j'suis pas près de l'oublier. Le médecin m'a dit, vous avez attrapé un microbe, imaginez, j'suis rentré entier, j'allais partir les deux pieds devant, incroyable, jamais plus je n'irai à l'hôpital, jamais plus, vous rentrez en bonne santé, vous sortez mort...



Et maintenant comment allez-vous, alors ? Pas mal finalement, mes deux pieds sont en train de guérir, mes jambes aussi, je vais tous les jours aux soins, bon, alors je suis soulagée de vous voir comment ça, tout vaillant, à bientôt, prenez soin de vous... L'homme était souriant, bringuebalant, il s'est assis sur le banc de l'arrêt de l'autobus, la journée avait bien démarré...

La chaussé a deux trottoirs, et de l'autre côté, je vois deux dames, des voisines de mon immeuble que j'aime beaucoup, elles remontent ensemble vers la maison : mon Alice, 97 ans, pimpante, frisée, yeux bleus et une autre dame, moins âgée, adorable, que je n'appelle pas par sur prénom, par habitude, mais quand nous nous rencontrons nous nous embrassons avec beaucoup d'affection, elle sent toujours Shalimar, ce merveilleux parfum de Guerlain...

Souvent, quand je descends de l'ascenseur, c'est son sillage que je sens, et je sais qu'elle trottine donc, pour faire ses courses, tout va bien.

Je traverse la rue bien sûr, pour leur faire la bise, mais c'est qu'elles rouspètent aussi : le local poubelles est plein, ça déborde, on ne peut plus passer, notre gardienne est accidentée, paraît qu'elle s'est cassé le genou en tombant dans les escaliers... Nous en avons plusieurs versions, cassé le genou chez elle, sur les marches de l'entrée, elle est à l'hôpital, en maison de repos, en convalescence... Ce que nous savons, c'est qu'elle n'est pas là pour quelques temps... On ne nous dit rien, on ne sait rien, zut et zut.

La révolte gronde, paisiblement, il fait beau, le soleil d'octobre prolonge celui de septembre, mes voisins ont beaucoup à dire mais toujours, ça se termine en sourires, plus de temps à perdre à regimber... À bientôt, bonne journée et chacun s'en va de son côté...

3 commentaires:

Michelaise a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Michelaise a dit…

Danielle, tu est fabuleuse !! Tu arrives même à nous faire lire avec plaisir les raleries de tes vieux voisins irrascibles !! Et ton écoute toujours attentive, ton regard toujours bienveillant nous donnent à entendre une humanité merveilleuse ! Ton blog mérite vraiment son nom "les merveilles de Danielle". Une vraie leçon de tendresse humaine, bravo !!!!

Danielle a dit…

Merci Michelaise, ça me touuuuuche beaucoup ce que tu me dis.

Michelaise, les gens de mon trottoir en fait je les aime beaucoup, ils m'émeuvent...

Je t'embrasse fort.