mardi 30 novembre 2010

Arman... Au centre Beaubourg.


La Vénus (1992) rue Caillot Paris

Après avoir vu l'amoncellement de violons, en bronze, à la Fondation Gianadda, j'avais renouvelé mon stock d'admiration pour Arman... J'aime bien cet artiste.

Mais l'exposition au centre Beaubourg n'a pas produit sur moi l'enthousiasme attendu... Pourquoi ?

La pratique, établie en système, de l'assemblage de produits industriels ou de récupération, semble avoir beaucoup vieilli : les boîtes, les clous, les truelles, les objets de toute nature, les instruments de musique, les poubelles, les tubes de peinture, etc.... Toutes ces oeuvres que je connaissais par coeur, me paraissent maintenant dater, même si en son temps l'intérêt, la nouveauté, l'étonnement de son travail, avaient suscité de l'enthousiasme... Aujourd'hui, je suis passée très vite entre les rangs de matériels, les résines ont jauni, les objets poussiéreux, les oeuvres ne révèlent rien d'autre pour moi que de l'ennui. J'ai compris le système, je passe à autre chose. C'est le désenchantement.


L'heure de tous (1985) Gare Saint Lazare Paris

Seules les sculptures en bronze me réveillent, leur massivité et leur élégance font encore illusion et me plaisent.

Bref ! Je n'ai pas retrouvé la découverte, la joie, la légèreté de mes premiers regards, je suis passée rapidement à travers l'exposition, j'avais bien encore envie d'être éblouie.

Je me suis dit, ces oeuvres sont devenues à tel point usées par si peu de temps, ça ne m'intéresse plus, ça m'indiffère, voyons celle-ci, et celle-là, rien ne bouge en moi, l'émotion n'y est plus !

Pourtant, j'aime bien retrouver ses sculptures parisiennes : les pyramides de valises et d'horloges gare Saint Lazare, la Vénus (statut antique découpée) place Caillot. Elles font maintenant partie du paysage, il ne faudrait pas les changer.



Consigne à vie (1985) Gare Saint Lazare Paris


En photographie, le système d'assemblage, d'accumulation, de découpage, qui a fait vivre Arman, permet aussi de créer des dynamique agréables... Combien de fois n'avons-nous pas été tentés de prendre la photo de caisses d'oranges, ou de poires, bien alignées sur les beaux étalages de marchés de Provence et d'ailleurs ?

Les accumulation produisent toujours autre chose que la simple vision d'un objet. La multiplicité créée une dynamique nouvelle. C'est vrai, un gros plan sur la caisse d'oranges devient un champ de couleurs plaisantes, la vitrine d'un droguiste qui expose une palette de pigments donne de la joie, mais... Ces photos restent banales, mêmes belles, sans création véritable, le cadrage reste sans surprise, la répétition se suffit à elle-même pour produire son petit effet de lignes ou de couleurs, elle ne crée plus de bavardages intéressants... Mais... Reste toujours tentante pour le photographe amateur, comme moi.

Des regrets... Voilà ce que m'inspire la dernière exposition d'Arman.


dimanche 28 novembre 2010

Biutiful... De A. Gonzalez Inarritu.



Certaines rues de Barcelone ressemblent à certaines rues de Paris.

J'ai tout de suite vu que ce film dégoulinait dans mes rues de Paris, les rues pauvres, les plus exposées au trafic de tout ! Je reconnaissais tout ce que je vois ici, pas très loin.

Le film raconte l'histoire d'un homme au bout d'une histoire d'amour, au bout d'une histoire de vie, il trafique pour élever ses enfants, subvenir aux besoins de sa famille. La pauvreté est à l'oeuvre à Barcelone comme à Paris... Moi aussi je la vois, la pauvreté, dans certaines rues de Paris... Je ne peux pas faire autrement, elle est sous mon nez.

J'ai beaucoup pleuré pendant le film, j'ai beaucoup de peine et de révolte aussi dans certaines rues de Paris.

La première fois que j'ai vu des centaines de personnes vendre des chiffons, des objets, des riens du tout sur le trottoir à la porte de Bagnolet, juste au dessus de l'échangeur, je me suis dit, comment c'est possible tout ça ? Où ça va aller ? J'ai vu les courses contre la montre entre la police et les pauvres... Qui détalent en laissant toute leur fortune par terre.

La première fois que j'ai vu des dizaines et des dizaines de personnes vendre des fringues, des objets trouvés, des rebuts de poubelles, en pleine journée au métro Belleville, en pleine rue, je me suis dit, comment c'est possible tout ça ? Où ça va aller ?
J'avais vu la même chose à Venise, des contrefaçons vendues à la sauvette, pareil que sur la Butte Montmartre...

J'ai vu aussi les campements de fortune en haut des buttes, sur les côtés du périphérique, je les ai bien vus ceux-là, sans cesse détruits, sans cesse reconstruits... Heureusement que la voiture roule vite, j'ai presque pas le temps de les voir, ça fait du baume au coeur...

Biens sûr si j'habitais ailleurs, un peu plus loin, je ne verrais rien...

Dans le film Biutiful, je retrouvais avec émotion toutes ces misères, toutes ces difficultés à vivre, pour ceux qui viennent du sud, mais pas seulement les gens du sud... Comment ça va finir tout ça ?

Les marchands de sommeil, dans le film, on voit comment ça s'organise, mais je sais que pas loin de chez moi, c'est possible aussi... Je l'ai appris il n'y a pas longtemps.

Quelle impression j'ai eue un jour de voir rappliquer du haut de la rue des pauvres, poussant leurs caddies, remplis, blindés, un magasin entier de petits riens, sur roulettes... Ils allaient vendre à la sauvette...

Dans le film Biutiful, j'ai retrouvé ces images parisiennes désespérantes, désespérantes aussi à Barcelone...

Ce film est beau, émouvant, grave, désespérant certes, mais quelle belle humanité...

Vous avez peut-être vu ça aussi par chez vous ?... Si vous vous sentez le courage, allez voir le film... Vous me direz.

vendredi 26 novembre 2010

Arc-en-ciel dans mon escalier...


J'ai revu la désespérée (voir mon post du 3 novembre dernier)... Magnifique, souriante : alors, comment c'était, ce séjour au loin ? Extra ! Une ambiance incroyable, des gens gentils, j'étais chez une amie, nous sommes allées faire des balades, j'avais envie de crier dans la nature. Elle leva ses bras à l'horizontale, poussés comme deux ailes, pour me raconter ça... Mon oiseau s'envolait dans le hall d'entrée...

Vraiment ça va mieux, mais oui, tu es resplendissante, mais dis-moi, tu as perdu du poids ? Oui, j'ai perdu près de 10 kg... 10 kg ? Mais t'as fait quoi ? J'en sais rien, rien du tout, j'ai rien fait, j'étais bien, j'avais envie de crier, de chanter dans les montagnes, c'était formidable, mon amie aussi a chanté et crié, on était seules, il faisait beau, le ciel était bleu partout, j'ai tout oublié...





Je voyais bien qu'elle avait tout oublié, aïe, comment ça va faire quand l'oiseau redescendra sur son perchoir ?

Et puis tu sais, on va discuter, on va voir, on va continuer... Elle parlait de vie commune, d'amour... Elle avait tout oublié...

Elle était pressée la désespérée, elle courait faire des courses, passe une bonne journée, je suis contente de te voir comme ça... À bientôt ! Elle a tourné la tête, j'ai vu seulement le sourire, la rapidité, l'empressement pour aller dehors, c'était miraculeux... Pourvu que ça tienne le coup, les ailes, les kilos, le ciel bleu, l'amour retrouvé....

Un autre jour, je me suis dit, il faut j'aille voir Alice (ma chère voisine de 96 ans), il faut que je lui dise que les orchidées, qu'elle m'avait rendues à moitié crevées après juste trois semaines d'absence, repartaient pour de bon, il y avait des tiges qui poussaient de partout. Les fleurs arrivent à nouveau, les blanches, les roses, mon jardin explose, même les racines se dressent toutes droites. Il faut absolument que je dise ça à Alice, elle était si triste de voir le champ de bataille, sans fleur, feuilles jaunies, racines flétries... Elles ne savait plus où donner de la tête pour exprimer son désarroi... De me les rendre dans cet état.

En rentrant de vacances, j'avais repris mes pots entre mes bras, feuilles basses et racornies, plus une seule fleur, en fin de vie, le bonsaï on n'en parle plus, il prenait de la place, il fallait le tailler, il était mort de sa belle mort, sans souffrance... J'étais entièrement tétanisée, mais je me suis vite consolée. Je ne pouvais pas en vouloir à Alice, impossible, je suis même certaine que pour être sûre de faire bien, elle les avait douchées plutôt deux fois qu'une, comme on rajoute du sucre sur le gâteau, juste la pincée de trop... Sur le bonsaï, elle n'avait sûrement pas pensé à la pincée de sucre, dommage !

J'ai pris au passage un pot de confiture d'oranges, celles que j'avais faite l'année dernière, avec passion, orange, cannelle, gingembre... Il faut de la douceur à 96 ans, beaucoup de douceur...

J'ai sonné, tambouriné à sa porte, Alice a l'oreille fatiguée d'avoir tant entendu dans la vie...

J'ai crié : Alice, c'est Danielle.

Elle est apparue, le sourire aux lèvres, comme d'habitude, bien pomponnée des pieds à la tête, la serviette à la main, je la dérangeais en plein déjeuner...

Alice, Alice, je voulais vous annoncer une bonne nouvelle, les orchidées sont toutes en train de refleurir, je ne pouvais pas attendre pour vous le dire, ça voulait dire aussi : tout est réparé entre nous, plus de mauvaises pensées, les fleurs parlent pour nous, tout va être comme avant, des blanches, des roses...Elles vont nous donner des couleurs et de la beauté.

J'ai donné le pot de confiture, je l'ai embrassée, elle était radieuse... C'était vraiment une bonne nouvelle !

La vie passe comme un éclair !

mardi 23 novembre 2010

Les héritiers... Le retour !


Si vous voulez bien suivre mon histoire, reportez vous à mon post du 12 juin dernier, c'est un peu obligatoire pour tout bien comprendre.

Peu après le décès de la vieille dame, la maison en bas de chez moi, a bougé... Les héritiers (?) sont venus prendre des mesures avec un mètre ruban, après, ils ont re-mesuré tout le jardin en faisant des grands pas, pour confirmer sans doute ce qu'avait dit le mètre ruban... J'ai bien vu que ça n'était pas des spécialistes de l'immobilier, mais des particuliers qui calculaient avec les moyens du bord, vous imaginez, mesurer un jardin avec un mètre de couturière ?

La maison bouge de plus en plus, dans la journée les portes et fenêtres restent grandes ouvertes, le portail grillagé, si léger, est constamment entrebâillé, juste assez pour garer une voiture.

Et voilà que les grands travaux commencent : avec une petite brouette, ils sortent un tas de terre de la cave, qu'ils accumulent dans le jardin, ils sont même reformé une petit colline, un remblai, le paysage se transforme dans le carré d'herbes folles... La cave va s'agrandir ? À voir tout ce qu'ils retirent de là-dessous, je me dis qu'ils vont faire les choses en grand, mais je ne sais pas encore quoi !

La brouette va et vient avec ses petits tas, et au bout du jardin, un camion fait lui aussi des voyages pour emporter la terre et les pierres...

Mais il n'y a pas que la cave qui prend de la dimension, ils ont vidé tout l'intérieur de la maison, tout, tout, tout, les portes, les planchers, les cloisons. Maintenant il y a un grand tas de bois, sur le côté, près de l'escalier de l'entrée, presque aussi haut que le toit du petit appentis-garage qui a longtemps abrité une voiture, que je n'ai jamais vue !... Puisque les locataires de cette maison, je les ai connus déjà vieux, ils ne conduisaient jamais. Ils se tenaient les soirs d'été assis sur le banc, juste en dessous du cerisier qui ne faisait plus de cerises depuis longtemps.

Après le cerisier abattu pour cause de vieillesse, le banc enlevé pour cause d'inutilité, voilà que tous les vivants que j'ai connus sont partis l'un après l'autre...

Je me suis dit, avec le remblai, il vont peut-être construire un château, avec deux tours et un pont-levis, ou planter des asperges ? Il faut attendre, pour l'instant ils creusent le souterrain qui va peut-être aller jusqu'à a Mairie, la seule place forte du coin ?

Tout commence très tôt le matin, le midi, une petite pause casse-croûte très sobre, juste ce qu'il faut. Et la brouette reprend du service, pose les petits tas sur la colline qui grandit, le remblai prend du ventre.

Maintenant, tout va aller autrement, la petite maison ouvrière va devenir un château, un palace, un loft ? Une bonne affaire !

Pour l'instant c'est l'usine à gaz...

On met les petits plats dans les grands, la brouette s'active du matin au soir, la cave doit maintenant pouvoir abriter 10 000 bouteilles de vin.

La petite maison va-elle devenir une affaire exceptionnelle, à 500 000 euros ?

On vit vraiment une époque formidable, plus besoin de trouver de l'or noir, il y a un bon filon en bas de chez moi...

Suite au prochain numéro... Je vous fais signe.

lundi 22 novembre 2010

Venise, la ville des amoureux ?




Venise, la ville des amoureux ?

Pourquoi cette idée, totalement artificielle, romanesque et tenace, arrive-t-elle encore à faire des adeptes ?

Je n’en sais rien !

La gondole y serait-elle pour beaucoup ? Cela tient-il aux prouesses du gondolier, qui non seulement rame comme un Dieu, mais chante aussi à ravir des chansons d’amour ensoleillées ? Peut-être le décor de la gondole, entièrement pensé pour épater le touriste, pompons rouges et tapis rutilants, participe-t-il à l'idée ? La promenade en bateau est-elle décidément totalement romantique ? Il est vrai que les amoureux au bord de l’eau, dans une barque, sont seuls au monde… Avec le gondolier !

Mais à Venise, peut-on dire encore qu’ils sont seuls au monde ? Plus on est de fous, plus on s'aiment ?

Je cherche encore…

Cette ville est décidément une ville de vacances, de flânerie, de marche à pied et d’admiration pure, pas de voitures, pas d’embouteillages, pas de feux verts ou rouges, juste quelques ponts à passer, mais ces ponts contribuent grandement au roman de l’amour… Ils justifient partout une photo, un baiser, un coup d'oeil imprenable. Les souvenirs d'amour nécessiteront un album, si possible acheté à Venise.

Venise est une ville où le moindre déplacement est une promenade historique, le moindre point de vue est beau, la plus petite photo est toujours réussie dans ce décor de rêve.

On ne peut rien rater à Venise, puisqu’elle est faite pour ça.

Je cherche encore…

En fait, je pense vraiment, en essayant d'approfondir la question, que Venise est la ville des amoureux car c’est une ville de vacances. Pourtant, faire un voyage en amoureux pourrait aussi bien se faire en Ardèche, en Corse, en Lozère, où la beauté est partout ? On devrait y réfléchir. Non, à Venise, c'est là qu'il faut aller pour le 31 décembre, le cadeau des 40 ans de mariage, le voyage de noce, la preuve d'amour. Ce n'est pas la bague en diamant qui compte, c'est Venise.

N'oublions pas le Pont des soupirs, qui peut peut faire penser à l’amour, car les soupirs des prisonniers ont depuis longtemps été oubliés au profit de ceux des amoureux, non ?

Sans compter les bons restaurants, les glaces, les pizzas, les spritz, les cafés serrés, les perles et les masques... Ah ! Oui, j’allais oublier, il y a l’italien, cette belle langue qui chante du matin au soir en jouant avec les mains. Totalement exotique !

En fait, non, ce qui est typiquement fait pour les amoureux, c'est le grand tour sur le Grand Canal, aller-retour, grandiose d'un côté, sublime de l'autre, debout ou assis, l'appareil photo qui fait aussi vidéo d'une main, et les larmes dans les yeux...

Il y a aussi la visite des îles, qui donnent de la vigueur à l'amour ? C’est très romantique ça, la mer, les pâlines, les oiseaux, la lagune, le grand large ?

J’allais oublier les promenades du soir, à la lueur des beaux lampadaires, dans les petites rues où sur les campi noirs de monde, je ne conseille pas la place S. Marc ni le pont du Rialto, beaucoup trop d’amoureux…


Mais non pas du tout, vous n'y êtes pas, c'est Casanova, ce grand amoureux, qui a fait la réputation de l'amour à Venise, Roméo et Juliette, c'est à Vérone, mais je crois qu'à Vérone il y a aussi beaucoup de monde ?

Vous voyez bien que je plaisante… Je ne sais pas du tout pourquoi les amoureux font des voyages d’amour à Venise, plus qu’à Strasbourg ou Saint-Aubin ?

Dites-moi votre idée à vous, pourquoi les baisers sont-ils plus doux à Venise qu’ailleurs ?






samedi 20 novembre 2010

Venise août 2010... La porte de prison.


Tous les matins, je vais prendre mon petit café, ou mon thé, dans un bistrot dont la terrasse ouvre ses tables sur le grand campo Santa Margherita, tout près de chez moi. Les tables rondes, nappées, sont belles, bien abritées du soleil sous un bel auvent vert, qui mâtine le teint et donne bonne mine à tout le monde.

Dans ce café viennent, de bonne heure, les habitants du coin, des femmes, des hommes d'un certain âge... Les hommes lisent leur journal ou discutent avec ceux qui passent, les femmes prennent des nouvelles de leurs petits-enfants avec le téléphone portable qui se trouve dans la poche de leur gilet ou de leur robe d'été... Pronto amore, è la nonna...

Rien ne les bouscule, le temps passe à petites goulées. avec le café le patron peut apporter de délicieux sablés, des croissants farcis à la marmelade de fruits, l'odeur est sucrée, vanillée, la Venise du matin sent le gâteau frais et le café chaud.

Moi je prends un café allongé, déjà c'est mal vu, mais je sors aussi mon mini ordinateur, car je peux avoir la connexion sur le campo, celle mise à disposition des citoyens vénitiens gratuitement par la Municipalité (mon logeur et ami m'a prêté son code d'accès :))

Les dames qui téléphonent à leurs petits-enfants, qui sortent leur chien, ou qui vont faire leurs courses, me regardent du coin de l'oeil...

Mais tout va bien, nous nous entendons bien, nous ne nous disons rien, puisque je ne parle pas italien... Mais mon sourire, et le leur, en disent long...

Quand je passe la commande de mon" allongé", le patron ne sourit jamais, pas un mot. Je me suis dit, tiens, pourquoi est-il triste comme ça ? Il fait la tête ? Il n'aime pas que je profite de sa terrasse pour me connecter ? Il voudrait bien que je prenne un sablé ? Il trouve que je gâche un café en mettant de l'eau dedans ? Il n'aime peut-être pas les touristes ? Il voudrait peut-être être ailleurs ?

Et puis, tous les matins où je suis venue sont restés identiques, avec ce monsieur qui ne disait rien. Mais je me suis aperçue qu'il faisait de même avec tout le monde, il prend la commande, revient avec, et repasse relever les compteurs, jamais un mot, jamais un sourire... Pourtant sa terrasse est toujours pleine, jamais de musique (heureusement) comme souvent ailleurs sur le campo, l'après-midi, la clientèle rajeunit. Mais notre homme garde son sérieux.

Il sert toujours avec son grand tablier blanc sur le ventre, bien peigné, mais pas de sourire, pas de parole, il est tout seul dans la boutique, forcément, pas le temps de parler.

Souvent, je viens chercher ma commande au comptoir, je lui rappelle que je suis là, dehors, à attendre, mais il s'en moque complètement, il continue à faire de la vapeur avec sa machine à café, il fait trembler le lait, avec un petit geste bien ajusté, pour le faire mousser quand il vient recouvrir le café.

Le soir, quand je me suis attardée avec mon café ou mon thé et mon petit ordinateur... Et que l'heure de la fermeture approche, il enlève les tables une par une, empile les chaises deux par deux... Toujours sérieux, l'heure c'est l'heure, 19h30, c'est pas 19h32. Voyez, je commence à ranger, préparez la monnaie, pliez bagage, je ferme.

Maintenant me voilà rassurée, toutes les questions que je me posais sont caduques, j'ai bien regardé, bien observé, bien analysé, il fait la porte de prison avec tout le monde, mais alors pourquoi sa terrasse est-elle toujours pleine ?

Il est le moins cher du campo, bien à l'écart des terrasses qui se mettent à chanter très fort, dès le matin, avec une clientèle plus jeune.

Le café est bon, les viennoiseries sont délicieuses, le service est bien fait, rapide, efficace, mais le patron est une vraie porte de prison... Dommage !

Vous vous doutez bien que je n'ai pas passé tous mes matins chez lui, je suis allée voir ailleurs, pas très loin, j'ai découvert une petite terrasse, tout près de la Barca, cette belle barque "marchande" pleine de fruits et légumes, amarrée sur l'eau à demeure, un grand auvent en plastique vert protège la marchandise du soleil, ce magasin flottant fait le bonheur des passants et des appareils photos... Ce sont des frères jumeaux qui tiennent le négoce, c'est ce que j'en ai déduit, tellement ils se ressemblent...Voyez le bateau jardin... Il est en bonne place dans tous les guides...

Sur la Barca, les montagnes de tomates, courgettes et melons, attendent le client, je commande mon café americano, j'ai le sourire du garçon... Et sa petite phrase de bienvenue, rituelle et nécessaire : Arrivo subito !

Je me détends, je sors mon mini ordinateur, me branche sur Skipe pour avoir des nouvelles de la famille et des amis.

Je regarde défiler les touristes par deux, en groupe, en troupeaux, en file indienne, il fait beau, je fais des plans sur la comète... Je complote avec ma carte, mon guide et mes envies pour partir à la découverte... Les odeurs de vanille, de sucre, et de café flottent sur le Campo...

jeudi 18 novembre 2010

Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch.


Voilà deux jours que je pleure, ah bon ! En voilà une drôle d’idée !

J’ai vu deux fois, à un jour d’intervalle, le merveilleux documentaire réalisé par Anne Linsel et Rainer Hoffmann (deux Allemands), « Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch ».

Ce film a été réalisé en 2008, quelques mois avant la mort de Pina Bausch. Elle avait décidé de reprendre son fameux spectacle "Kontakthof" (qui expose l'âpre relation entre les hommes et les femmes, la quête de l'amour et de la tendresse), non plus avec sa troupe, mais avec des adolescents de 14 à 18 ans qui n'étaient jamais montés sur scène. Tout le travail fait avec les jeunes pour monter cette pièce est là, devant nous, avec tous les moments intimes de l’apprentissage : les hésitations, les encouragements, les peurs… Nous assistons au travail, aux progrès, aux doutes.

La beauté, l’émotion s’installent tout de suite, les jeunes, bien filmés en plans serrés pour ne rien perdre de leurs paroles, se livrent entièrement et avec extrême pudeur, certains ne connaissent même pas la chorégraphe, mais ils sont captivés par l’expérience, ils savent qu’ils ont le privilège d’être là, de participer à un grand moment.

Nous suivons pendant 92 mn l’appropriation de cette œuvre par les jeunes. Les rencontres, les confidences, la confiance, la tendresse qui s’établissent entre eux et les deux répétitrices (danseuses à la création de l'oeuvre en 1978) sont fortes, humaines, riches de sensations pour tous les participants… La pièce se monte, époustouflante de beauté, Pina apparaît plusieurs fois, pour guider, remercier, conseiller… Elle est toujours confiante… Elle sourit et son sourire, sa voix me font pleurer, elle manque à l’univers de la danse, elle manque à la création, elle manque au monde de l’art, elle me manque…


Les jeunes gens s'engagent totalement dans ce travail, ils sont fiers d’être là, ils se transforment, affirment leur personnalité, renaissent, s’enthousiasment, ils sont heureux d’avoir été choisis pour l’affaire de leur vie.


Les représentations vont avoir lieu, il faut être bons, excellents… L’aventure est prodigieuse. Ils sont prodigieux.

Vous voyez, comment ne pas pleurer d’émotion en traversant le film, sur les pas de Pina Bausch et de ses jeunes interprètes.

Ce documentaire m’a donné beaucoup de bonheur… Soyez heureux également en courant le voir, dès que vous pourrez…


Pina Bausch

mardi 16 novembre 2010

Venise août 2010... Dans le vaporetto.



Il était environ 19 heures, quelques beaux rayons de soleil traînaient sur la Riva degli Schiavoni, à deux pas de San Marco, face à la mer, repeignant tout en rose.

Un gros bateau avec 3000 passagers, les visiteurs d'une journée, débouchait du canal de la Giudecca, en ronflant comme 1000 éléphants. J'entendais, provenant du cargo, en je ne sais quelle langue, un commentaire, sûrement historique, se propager sur toute la rive... Après le commentaire, une musique arrosa tout le bateau, personne ne pouvait y échapper, même pas moi.

A côté de ce mastodonde, le vaporetto ressemblait à une crevette.


Je venais de réviser de fond en comble le quartier de San Pietro : le cloître, juste à côté de l'église, habité par des gens, était nickel, le puits était fleuri, la glycine, qui étendait ses bras sur deux arcades, attendait tranquillement l'année prochaine pour refleurir.


L'église toute blanche, avec sa belle façade inspirée de Palladio, m'aveuglait sous le soleil, l'intérieur était clair, mais pas assez, pour éclairer les tableaux, si fait que je ne me rappelais de rien, sauf du beau fauteuil en marbre du XIIIe, la chaire (présumée) de Saint Pierre, décorée de vrilles, de motifs floraux et de belles lettres arabes.


J'avais quelques voeux à faire et je mis trois petits cierges... Pour l'espérance.




Le campanile, éclatant lui aussi, revêtu de pierre d'Istrie, avec son air penché, faisait sa tour de Pise. Son ombre fraîche paraîssait le lieu idéal pour tenir des conversations, des dames et des messieurs du quartier causaient, confortablement assis sur des fauteuils pliants...


Les bancs rouges des alentours étaient tous occupés, il fallait bien vite repérer un espace libre pour se reposer et sortir sa bouteille d'eau.

Les deux passerelles de part et d'autre de l'église, reliant la petite île, étaient entièrement restaurées, le passage était royal.



Beaucoup de maisons sont à vendre sur l'autre rive du canal San Pietro, des opérations immobilières qui ne laissent rien présager de bon... Au bout de la via Garibaldi, le kiosque à journaux est lui aussi à saisir...


En deux ou trois ruelles, j'étais redescendue près du bassin de Saint Marc, j'arrivais juste à la fin de la messe du soir, à l'église San Zaccaria, le magnifique tableau de Bellini était éclairé par les projecteurs. Le soleil, qui pénétrait encore par les fenêtres et la porte d'entrée grande ouverte, illuminait l'ensemble des oeuvres qui tapissent tout l'intérieur de cette superbe église... Une merveille.

Je voulais trouver du pain pour mon repas du soir... Mais j'ai bien vite abandonné l'idée, au profit du lèche vitrines, et des photos...
Je pris donc le vaporetto (bondé) pour rentrer chez moi, j'avais trouvé un siège à l'intérieur, et je vis venir un fauteuil roulant d'une taille inhabituelle, très large, la jeune adolescente qui l'occupait était énorme, blonde aux yeux bleus, habillée tout en blanc, blanc aussi le petit fichu sur la tête. Sa mère qui l'accompagnait, ruisselante de sueur (il faisait très chaud), était énorme, comme sa fille, le père était mince comme un fil.

Je remarquais tout de suite le charmant décor du fauteuil, tout fleuri, les poignées avaient de jolis bracelets en tissu à fleurs de toutes les couleurs, le sac accroché à l'arrière était pareillement paré, et le flot de rubans suspendus à la fermeture éclair du sac faisait comme un arc en ciel... La maman s'épongeait le visage, le cou, vérifiait que la jeune fille était bien installée... Quand elle s'adressait à elle, elle se penchait, lui souriait, et lui parlait, elle lui donna à plusieurs reprises, quelques détails sur les palais qui défilaient...Tout en continuant de s'éponger les grosses gouttes qui dégoulinaient dans son cou, le sourire ne la quittait pas.

Il y avait tant de douceur, tant de respect entre ces deux-là, que je ne les quittais pas des yeux, jusqu'à ma station... Le fauteuil en fleurs descendit juste avant moi, avec son ange blanc.


lundi 15 novembre 2010

Venise parc à thème ?

Voilà des mois que je le dis, Venise étouffe sous le nombre ! La manifestation organisée par l'association Venessia ( Je ne connais rien des objectifs de cette association, ni de sa composition politique) ce dimanche à Venise, a sûrement beaucoup amusé les touristes... Les manifestants, protestent contre la Disneylandisation de leur ville.

Mais comment faire pour sortir de cette spirale infernale ? Personne ne le sait.

Je le disais ici, Venise va devenir comme les Pyramides d'Egypte, où il faut déjà venir dès 4h du matin pour éviter la foule considérable, qui arrive une heure après...

A Venise, il faut déjà arriver sur la place Saint Marc dès 7h du matin pour la voir dans toutes sa splendeur... J'ai du photographier la place derrière les rideaux...A 8h du matin pour échapper au flot de touristes.

Moi je n vois aucune issue à cette situation, peut-être que vous avez de bonnes idées ?

Parlons-en.

jeudi 11 novembre 2010

Venise 2010... Du côté de la Fenice.
























Petite promenade du côté de la Fenice... Embarquement immédiat !

mardi 9 novembre 2010

Je n'invente rien...Histoire triste.


Âmes sensibles s'abstenir !

L'autre jour, confortablement installée dans le petit restaurant vietnamien que j'adore à Belleville, j'attendais mon plat préféré (raviolis vietnamiens), j'avais ma bouteille d'eau à disposition, la salle était bondée, dedans il faisait bon, dehors il pleuvait... Comme c'est chouette que personne ne fume... Quelle bonne idée, cette loi à laquelle tout le monde s'est soumis en deux temps-trois mouvements...


J'étais assise à côté de deux hommes qui faisaient beaucoup de bruit en mangeant avec appétit leur soupe bien garnie. La conversation allait bon train, et l'un deux racontait à son collègue :

La copine de Françoise a fêté ses quarante, mais vraiment bien tu vois, les petits plats dans les grands, un truc de fous. Elle avait loué un bateau-mouche jusqu'à minuit, tu vois, parce qu'après minuit c'est beaucoup plus cher. C'est super bien le bateau-mouche. Attends, je crois que ça coûtait dans les 15000 euros tu vois, ça fait 10 bâtons ? C'est bien ça, pas donné tout de même.

Quand tu loues le bateau, tu vois, ils te donnent tout avec, t'amène pas ton manger, tu fais rien, il y a un traiteur qui fait les repas, des serveurs, les couverts, tout, tu vois ? Tu fais rien que faire le chèque.

C'était vraiment bien paraît, jusqu'à minuit seulement. C'est vachement bien, une super idée originale pour fêter un bel évènement, mais c'est cher, c'est sûr.

Ben, figure-toi qu'elle a fêté ses quarante ans sur le bateau-mouche l'été, et quelques mois plus tard, elle s'est suicidée, si, si, je t'assure, c'est vrai, elle s'est jetée par la fenêtre du 7e étage, dingue le truc, ça valait pas le coup...Tu te rends compte ? Fêter ses quarante ans, et se tuer après...

En racontant la chute incroyable de l'histoire, l'homme n'a pas pu s'empêcher de rire, son ami aussi, c'était tellement violent, incroyable, imprévu qu'ils ne pouvaient pas s'attrister, c'était purement insensé de fêter ses quarante ans si joliment, si chèrement, si gaiement... Quand le coeur n'y était sûrement pas.

L'histoire ne m'avait pas coupé l'appétit non plus, vous voyez, malgré la fin si brutale, car vous ne pouvez compatir pour le monde entier en cinq minutes.

Ils ont continué tranquillement avec la vie, sa vie, le cimetière : mon père a été incinéré, plus tard ça sera ma mère, et moi après...Tu vois ?

Cet homme avait les mots, nets, précis, pour décrire la vie dans ses moindres détails, sans peur, en mangeant sa soupe, en riant...

La vie passe comme un éclair !

lundi 8 novembre 2010

Venise août 2010... Pordenone.

Photo de ma carte postale...

Je me souviens des premières années à Venise, je confondais tout, surtout les églises et leur situation dans la ville, et les œuvres qu’il y avait dedans.

J’avais pourtant des livres qui m’aidaient à organiser ma pensée, mais rien n’y faisait, j'avais tout en vrac dans ma tête. J’avais acheté une quantité de cartes postales, directement dans les églises, elles ne sont pas chères du tout. Je constituais ainsi ma petite collection, que je gardais constamment sous les yeux, et comme pour mémoriser les tables de multiplications, je répétais mes auteurs pour les savoir par cœur, il fallait marier ensemble, sans se tromper, l’église et les œuvres qui allaient ensemble. Je n'y suis pas encore tout à fait...

Vous me direz, à quoi ça sert de tout retenir, puisque je vais revenir, et puis il y a les livres, les guides, les amis, les blogs, les envies du moment, et le Pass Chorus ?

La réponse est simple, quel bonheur de posséder sur le bout des doigts les lieux, les images, les odeurs, les couleurs et les numéros des vaporettos qui vont avec, rien que pour le plaisir de les retrouver d’un seul coup d’œil.

Un peu comme dans une maison de campagne, si vous avez la chance d’en avoir une, rappelez-vous quelle joie vous avez de la retrouver chaque année, même les toiles d’araignées vous sont familières. Vous allez d’une pièce à l’autre en mangeant votre espace des yeux, celui que vous avez si bien décoré, avec les meubles familiaux et ceux des brocanteurs. Le portrait de votre aïeul supposé, les noix, les noisettes oubliées, de la saison dernière, laissées là, dans une coupe… Les fleurs, les arbres du jardin, prêts à vous faire pleurer, tellement c’est beau ! Vous êtes chez vous !

Vous voyez ?

Moi je fais ça à Venise, disons que chez elle, je suis dans ma maison de campagne, j'en fais le tour avec un œil neuf et attentif, à chaque visite… Je contrôle même la taille des poissons dans les ri… Je passe tout ce que je peux au peigne fin, je suis un peu chez moi.

Au bout d’une semaine, je vois bien que je n’arriverai pas à tout passer en revue, j’abandonne certains musées, ça sera pour l’année prochaine… La biennale d’architecture aussi, il faudra patienter… Je fais la liste des incontournables, et je me laisse vivre.

Tout ça pour vous dire qu’à force de réviser les beautés de la ville, je fais toujours des découvertes qui me donnent du bonheur pour toute la journée.

C’est comme ça que j’ai regardé pour la première fois le tableau de Giovanni Antonio de' Sacchis, dit le Pordenone, dans cette petite église, que certains mettent du temps à trouver tellement elle est bien dissimulée, tout près du pont Rialto, la chiesa San Giovanni Elemosinario. L’église est un peu sombre et remplie de tableaux.

J'y avais pourtant à plusieurs reprises écouté des concerts, donc demeurée assise des heures, sans rien remarquer d’anormal, sauf le charme, la confidentialité et la beauté de l’édifice.

Cette année,en faisant le tour du propriétaire, je suis tombée en arrêt devant une œuvre de Pordenone, je n’en finissais pas de l’admirer, comment a-t-elle pu m’échapper ?

Sainte Catherine, Saint Sébastien, Saint Roch, et un ange, étaient représentés dans un grand tableau au dessus d’un autel à la droite du chœur.

Je ne sais pas si vous avez remarqué cette œuvre ?

Mais moi j’ai eu un coup de cœur, qui dure encore aujourd’hui.

Je me suis précipitée sur mes livres, Internet, et j’ai trouvé le minimum vital… Il est classé dans la catégorie des peintres maniéristes, est né en 1484 près d’un petit village du Frioul d’où son surnom, est mort à Ferrare à 55 ans, mauvais caractère, très ombrageux, la légende parle d'empoisonnement au sujet de sa mort...

Revenons à ce tableau singulier, Saint Sébastien à gauche, percé d’aucune flèche, les poignets attachés avec une corde, prend la pose d’un danseur, souple, robuste, fin et gracieux, la lumière dorée enveloppe tout son corps. La courbe de ses bras épouse parfaitement la forme de la toile, il occupe toute la partie gauche du tableau, son regard nous invite à suivre les deux autres saints et l’ange, formant un espace circulaire, parfait, le genou gauche de Saint Roch fait écho au bras droit de Saint Sébastien, la boucle est bouclée.


Le tiers du tableau, en bas, nous montre « le jeu de jambes » en pleine lumière, de tous les personnages masculins (y compris l'ange), en force et en douceur. Les tissus mouvants et sinueux, les couleurs vibrantes des vêtements de la sainte, la roue sur laquelle elle s'appuie achèvent de faire tourner et d’équilibrer le tableau.

Les couleurs un peu sombres gagneraient à être restaurées, éclaircies. La base chromatique binaire de l'ensemble, vert et rouge, met en valeur les carnations et les mouvements des saints. Une splendeur !

Je suis restée comme aimantée par la grâce, la beauté et l’habileté de cette œuvre.

Je l’ai mise dans ma maison de campagne, et l’année prochaine, je lui rends visite immédiatement.

Si vous passez par Venise, allez l'admirer, et surtout si vous en apprenez plus à son sujet, prévenez moi…

mercredi 3 novembre 2010

Appartements avec jardins... A vendre.



En face de chez moi, ils construisent des immeubles avec jardins, des grandes affiches sont là pour nous prouver que ça va être beau comme ça, le ciel est sur toutes les terrasses, il y a des palmiers au pied de chaque escalier, on se croirait aux Caraïbes. Je ne vous parle même pas des parasols de toutes les couleurs qui scintillent sous le soleil, ils vendent donc même le beau temps, comme dans Peau d’Âne de Jacques Demy ?



Après les fondations, creusées comme pour des fouilles antiques, avec patience et efficacité, on voit très vite que ça ressemble à un parking. La dalle de béton est lisse comme du papier glacé, pourtant j’ai vu les ouvriers piétiner ce glacis avec des bottes en caoutchouc, après ils ont étalé le magma à la spatule, exactement pareil que sur votre gâteau, quand vous étalez la belle couverture au chocolat, bien brillante, comme un miroir, où vous pouvez vous voir dedans, vous voyez ? Le bâtiment, c’est la même cuisine.



Après le parking, on verra monter les étages, un par un, sans escalier au début, avec la grue, l’énorme grue qui n’a qu’une patte, le grutier à 50, 100 mètres de haut, doit voir le monde en tout petit, il est assis pendant des heures dans sa petite guérite en verre, entièrement soumis au vent et au tourniquet, j’espère qu’il a le cœur bien accroché ? On dirait une mouche dans son bocal.

Pour les appartements c’est parfait, le béton, les parpaings, le ferraillage, mais pour les jardins, comment vont-ils faire pour les construire ?

Il ne reste plus du tout de terrain pour planter même un crocus, il va falloir tout inventer.

Autour du terrain pour appartements, il y a bien quelques peupliers qui appartiennent déjà au parking d’à côté, ils vont peut-être les emprunter ?

Dans ce chantier, rien ne traîne, pas un boulon, pas une pelle, tout est super nickel, ça va drôlement changer quand ils devront jardiner. Ils changeront de bottes, mettront des chapeaux de soleil, sortiront les arrosoirs ?

Ça va être une surprise pour moi, vu la dalle de béton qui s’étale partout, de voir comment on construit un jardin sur un plancher dur comme de la pierre.

La terre, ils vont peut-être ramener celle qu’ils ont enlevée au départ ? Il y en avait toute une colline. Ils l’ont peut-être stockée dans un grand espace vert, remuée, semée, arrosée, ils vont peut-être la rapporter toute fleurie, avec les fleurs de la saison qui correspond à la date de livraison, pour ressembler à celles du catalogue de vente ? On peut vraiment calculer tout ça ?

Je dois vous dire que je comprends parfaitement comment on fait des appartements, mais je me demande comment ils vont faire pour construire des jardins sans une terre profonde ?

Pour que ça ressemble aux affiches, il faudra bien trouver une solution. Car les promesses il faudra bien les tenir, les futurs propriétaires doivent beaucoup compter sur la campagne qu’ils vont pouvoir admirer de leurs fenêtres.

Pour l’instant, je vois la grue tourner, les casques blancs des travailleurs du bâtiment s’agiter, mais il ne reste plus un gramme de terre…

Je vous raconte au fur et à mesure comment on installe de la nature à la place des voitures…