mardi 15 juin 2010

Venise dans tous mes états... Episode N° 17

Bécassine au concert à la Madonna dell’ Orto…















Je ne vais rien vous apprendre sur cette somptueuse église de Venise, sinon que c’est une des plus belles églises de la ville. Comme elle est au calme, là-haut, loin du circuit touristique habituel, c’est un bonheur d’aller la voir, de s’asseoir sur les marches du petit pont qui lui fait face, et de la contempler… Elle est rouge brique et blanche.























Je demeure à distinguer chaque détail, la dentelle blanche qui décore la façade, les pinacles élancés, contenant des statues (les quatre vertus cardinales). Le portail gothique, précieux et fleuri, au dessus duquel Saint-Christophe porte le Christ sur ses épaules, est magnifique. La

Madonna dell’Orto trône devant un immense parvis, pavé de briques disposées en chevron, comme cela se faisait à Venise au Moyen-Àge (la place Saint-Marc avait cette belle allure, on peut la voir sur le tableau de Gentile Bellini, 15e siècle, qui s’appelle « procession place Saint-Marc » au musée Académie). On imagine facilement la prodigieuse beauté du décor rouge brique s’alliant avec les ors et les mosaïques de la Basilique.

C’est l’église du Tintoret, il y a une œuvre de lui qui s’appelle



















« La présentation de Marie au Temple », une très grande toile presque carrée (429x480) d’une force incroyable, les tons chauds dominent, la petite Marie qui monte les marches avec sa robe rose, est touchante, fragile et assurée, tout est somptueux dans cette toile, il faut lutter avec les reflets provoqués par la lumière du jour qui pénètre de l’extérieur, pour l’avoir entièrement dans l’œil.

Mais ce ne sont pas des œuvres contenues dans cette église dont je veux parler. Elles sont nombreuses et belles (Giovanni Bellini, Cima da Conegliano, plusieurs toiles du Tintoret, Palma le Vieux et Palma le jeune… Et même la photo grandeur nature d’un tableau volé en 1993 d’une Vierge à l’enfant, de Giovanni Bellini, qui trône sur un petit autel), et il faudrait un post pour chacune… Venez à Venise, et vous verrez par vous-même.

Non, je veux évoquer l’énorme émotion que j’ai eue en écoutant un grand chœur Américain qui chantait dans ce lieu, il y a quelques années, peut-être dix ans, et dont j’entends encore la musique dans mon cœur.

Voilà l’histoire : je venais à Venise peut-être pour la seconde fois, et j’avais glané l’information qu’un concert devait avoir lieu ici, le soir, un chœur américain proposait un répertoire de chants dont j'ignorais tout.

Je ne connaissais pas encore la ville comme aujourd’hui, et chaque déplacement me demandait un temps fou. Bien repérer l’endroit du concert (je mélangeais encore toutes les églises), le n° du vaporetto, l’horaire du concert, comment faire pour le retour, y aurait-il un vaporetto après le concert ? Était-ce loin de la maison ? Je n’avais aucune idée des distances, tout me paraissait loin et confus. Combien de temps dois-je partir à l’avance ? Pas question d’arriver en retard, y’aura-t-il du monde ? Enfin, vous voyez, Bécassine en ville, et qui se fait un sang d’encre, pour tout.

J’avais donc bien repéré sur ma carte l’emplacement de l’église, bien noté le n° du vaporetto qui s’y arrêtait, juste derrière, pris de l’avance, on ne sait jamais s’il y a du monde, je voulais être placée au premier rang, comme je fais d’habitude.

Quand je suis arrivée devant l’église, j’étais très en avance, je me suis assise sur les marches du petit pont et j’ai suivi les couleurs que lui donnait le soleil couchant, c’était un enchantement. Le grand portail était fermé, il n’y avait personne sur la place…

L’heure avançait, rien ne bougeait, personne, cinq minutes avant l’heure du concert, les portes se sont ouvertes, et je suis rentrée seule dans l’église. Je n’ai eu aucune peine à trouver une place au 1er rang… Tout était absolument vide.

J’ai eu des craintes, vont-ils annuler le concert ? Comment est-ce possible qu’il n’y ait personne ? Alors, j’ai fait et refait le tour de toutes les œuvres, la lumière était encore douce et les doux effets du soleil encore présents, éveillant les couleurs, ajoutaient un glacis sur les grandes toiles qu’on percevait mieux.

Quelques spectateurs sont entrés après moi, et je pense que nous composions un public de dix personnes au grand maximum dans cette immense église.

Le concert débuta au son de petite cymbales (le répertoire annoncé sur le programme était celui d’Amérique Latine) de cuivre, cristallin et régulier, le temps que le groupe d’environ quarante chanteurs entoure totalement la nef, et se mette à chanter en marchant, l’effet était saisissant, les voix étaient splendides, la polyphonie étincelante. Encore maintenant, à la seule évocation de ce moment, les larmes m’arrivent aux yeux, j’ai la chair de poule, l’émotion est intacte.

J’ai pleuré pendant presque tout le concert, l’émotion était trop forte, ce chœur magnifique chantait divinement… Le répertoire était surprenant, et d’une grande beauté.

Il y avait plus de chanteurs que de public. Le temps me parut très court, j’avais les mains rouges à force d’applaudir, quel beau moment, quelle chance j’avais d’être là, le bonheur total.

A la fin du concert, l’ovation se déchaîna mais à dix, l’ovation fut comme un soupir, il manquait des mains, il manquait du public, il manquait des bravos.

J’ai remercié les chanteurs en français, en italien… Je m’agitais en tous sens, j’étais enthousiaste et je voulais leur communiquer.

Après ce moment de transport de joie, il fallu songer au retour, panique à bord, il faisait nuit maintenant, où reprendre le vaporetto ? Les quelques spectateurs s’en allaient… Je vais bientôt me retrouver toute seule sur le parvis, il faut que je fasse vite, que je demande mon chemin… J’avise un couple d’Italiens, je baragouine un franco-italien qui ne ressemblait à rien, et oh ! Bonne surprise, ils parlaient un peu le français… J’étais sauvée, ils m’ont invitée à boire un café dans un petit bistrot dont le comptoir donnait sur la rue, nous avons pu bavarder un peu, ils avaient eu l’information de ce concert par Internet, à la dernière minute, ils habitaient Mestre, ils étaient enchantés comme moi… Ne vous inquiétez pas, nous vous raccompagnerons, votre logement est à… Dix minutes d’ici… À pieds.

Aujourd’hui que j’ai fini d’être fille de la campagne à la ville, dans Venise, je réalise le tout petit bout de chemin qu’il me fallait faire pour regagner mon domicile…

J’en ai toujours eu un peu honte, ne le dites à personne… Merci !














7 commentaires:

la fourmi....... a dit…

ho, la la,
Comme j'aimerais visiter VENISE,
en ta compagnie.....
je suis impréssionnée.....
BIZOUSSSSSSSSSSS

Miss Lemon a dit…

Quelle conteuse vous faites, merci.
Bonne journée.

Album vénitien a dit…

Danielle, vous avez l'art de raconter de belles et émouvantes histoires .celle-ci m'a fait sourire et même un peu rire, en toute amitié, parce que d'une certaine façon, moi, seule à Venise, je suis encore une Bécassine...le soir, je ne m'éloigne pas trop du nid...je n'irai pas dîner au bout de Castello...et s'il ne devait plus y avoir de vaporetto pour rentrer...
Bonne journée
Danielle

D'Art en Arts a dit…

Outre le beau récit sur ce concert, l'historiette de la fin est délectable.
C'est vrai que tu as l'art de raconter les histoires, Danielle !
Norma

Danielle a dit…

Claire, Miss, Danielle, Norma, merci amies de rire avec moi, d'être émues aussi et de me comprendre si bien, merci...

Je suis touchée de vos visites, et de tout ce que vous dites sur Bécassine...qui conte...

Bonne soirée à toutes quatre, et à tout bientôt.

VenetiaMicio a dit…

J'arrive un peu tard, mais l'historiette va être ma petite dernière avant d'aller au dodo, et je peux vous assurer que j'ai vu toutes les images, vu les couleurs, presqu'entendu la musique.
Et vous Danielle, un peu perdue mais vite réconfortée par la gentillesse de ce couple d'Italiens.
Rien de plus beau qu'une petite promenade nocture où l'on entend ses pas dans les calli,que l'on voit le reflet d'or de lune dans les eaux couleur encre du rio...
beaux rêves
Danielle

Danielle a dit…

C'est vrai Danielle rien de plus beau que tout ça, et puis ces gens étaient si gentils, la soirée vous voyez, m'a émue jusqu'à aujourd'hui, avec vous tous, Merci.

Bonne journée Danielle