jeudi 24 juin 2010

Le petit piano à queue !
















Quand nous étions enfants, mes frère et sœur et moi, nous fêtions toujours la fête des mères, c’était une fête très importante pour nous, jamais nous ne l’avons manquée. On se moquait pas mal de savoir que c’était monsieur Pétain qui l’avait inventée.

Quelques jours avant le jour, nous complotions, comptions nos sous, faisions des plans sur la comète, que pouvions-nous acheter avec si peu d’argent ? Toujours le même constat tous les ans, invariablement, nous cogitions.

Je me souviens de ce jour particulier, où nous étions restés toute la journée dehors à chercher le cadeau qui pouvait correspondre à nos sous, à notre goût, et a l’envie supposée de notre maman… Beaucoup d’obstacles.

Nous avions repéré quelques boutiques où l’on vendait des objets absolument décoratifs, du très beau décoratif à notre goût. Nous devions avoir dans les 7-8-9 ans, quelque chose comme ça.

Nous avions éliminé la machine-outil de cuisine, trop chère, trop vulgaire, pas du tout assez de poésie, à notre goût.

Nous avions aussi fait une croix sur les beaux habits, carrément ruineux, inenvisageables, et nous n’avions aucune idée de la taille, nous n’avons même pas été jusqu’au choix de la couleur…

Nous avons passé en revue les livres, mais quoi ? Nous sommes passés très vite devant le libraire, on ne savait rien, nous n’étions pas très équipés, même avec nos trois (petits) cerveaux, en matière de littérature.

Nous avions pensé à des produits de beauté, mais maman ne se maquillait presque pas, juste un peu de poudre de riz, nous ne connaissions rien en poudre de riz, mais nous pouvions quand même regarder ce qu’elle utilisait, oui, nous pouvions, d’autant que les boîtes étaient jolies et que ça pouvait très bien faire notre affaire pour le goût, pour les sous, et pour la poésie.

Nous étions dans l’embarras, bien avant de sortir notre porte-monnaie… L’objet véritablement irrésistible ne s’était pas encore imposé, l’idée lumineuse restait dans l’ombre, nous séchions lamentablement, les heures étaient comptées, maman n’était pas là, il fallait en profiter, et garder le secret absolu. C’était l’usage, c’est comme ça que nous faisions, après l’achat, nous étions des tombes.
















Alors, nous nous sommes dit, allons voir chez les marchands, passons en revue tout ce qui se fait pour une maman. Vous imaginez le périple ?

Maintenant on n’oserait même pas l’envisager, trop de magasins, trop de tout, trop de choix, pas possible de partir à l’aventure…

Nous étions dans les années 1950, ça fait un bail ! Il y avait bien les grands magasins mais là, c’était carrément trop loin, des petits marchands ne manquaient pas dans Paris, dans le quartier nous étions sûrs de trouver le cadeau pour maman.

On a fait toutes les rues près de chez nous, on regardait tout, devisions, supputions, revenions sur nos pas… Il y avait une toute petite boutique (qui existe encore aujourd’hui et vend bien autre chose), qui proposait des objets à mettre sur des étagères, du genre bibelots indispensables à la déco de la maison.

Dans la vitrine, nous avions vu un magnifique petit piano à queue, en bois vernis marron du plus bel effet, les touches étaient en ivoire, il y avait une jolie partition accrochée devant le clavier, comme en vrai, entièrement en ivoire également…Quand on ouvrait l’objet d’art, ça faisait de la musique, c’était une boîte à musique, boîte à cigarettes (notre mère était une fumeuse) qui faisait Mademoiselle de Paris chaque fois qu’on levait le couvercle du piano. Tout pour plaire, la musique, la cigarette et la beauté !

Alors-là, nous avons été immédiatement d’accord pour l’objet si précieux, si mignon, si musical, nous le trouvions très très beau, et incontournable, il plaira énormément à maman, on voulait même acheter pour mettre dessus un tout petit chandelier en cuivre avec deux bougies, pour finir délicieusement le cadeau, nous trouvions le tout exquis, terriblement raffiné, notre mère serait emballée, nous ne pouvions pas nous tromper. Ça sera ça ou rien !

La dame voyait bien que l’objet nous plaisait à l’unanimité.

Mais voilà, en mettant tous nos sous sur la table, il en manquait. Alors la dame, grande dame, nous a laissé l’instrument pour ce que nous avions. Merci madame !

Elle a fait un joli paquet, c’était le plus beau jour de notre vie, nous étions heureux comme des rois, nous avions un magnifique cadeau de fête des mamans, jamais elle n’avait vu cela, elle aurait un plaisir fou et avec cette musique-là, impossible de se tromper, elle adorerait.
















Maman adorait toujours nos cadeaux, mais celui-ci fit grand effet, ça la changeait des phares, des moules et des boîtes en coquillages que nous lui ramenions de nos colonies de vacances. Avec le petit piano, la fête fut très réussie.

Maman a gardé ce piano toute sa vie, garni de son chandelier et de ses petites bougies qui ont changé de couleur de temps en temps, au fil des ans, elle avait rajouté deux petites cruches en cuivre miniatures.

Les touches et la partition n’étaient pas du tout en ivoire, le temps les a jauni complètement, le bois (du bois blanc façon acajou), lui, n’a pas bougé. La musique est fraîche comme au premier jour, il suffit de tourner la clé pour ouïr Mademoiselle de Paris.

A la mort de maman, j’ai récupéré le piano avec tous ses accessoires, mes frère et sœur m’ont dit ceci : chaque fois que nous viendrons chez toi, il faut sortir le piano, le bougeoir et les deux cruches. Je l’ai fait.
















Et aujourd’hui, j’ai fait les photos, avec plaisir.

19 commentaires:

Dominique Seidler a dit…

Jolie chronique sur la saveur des souvenirs d'enfance et de Fêtes des Mères ... Toute cette émotion pudique me touche. Plusieurs articles que je viens de lire en découvrant votre univers me laissent a penser que nous avons beaucoup de points communs ...

Maité a dit…

Belle histoire et tendres souvenirs nostalgiques...Bonne journée

la fourmi....... a dit…

quel talent,
passer, chez toi, et de lire,
c'est un beau et grand plaisir...
Belle et douce journée a toi,
a bientot, bizzzzzzzzzz

Miss Lemon a dit…

Je suis très émue par votre récit Danielle.
C'est tout !
Miss Lemon.

Danielle a dit…

Artemisia soyez la bienvenue chez moi, je crois aussi que nous avons beaucoup de points communs...

Merci de vos lectures et à très bientôt.

Danielle a dit…

Maite, j'espère que votre journée a été bonne ?

Surtout merci d'être passée... et de repasser :)))

Bonne soirée.

Danielle a dit…

Claire, comme je suis contente de partager avec toi mes émotions avec mes petits récits, merci...

Passe une très belle soirée. Bises Claire.

Danielle a dit…

Miss, comme je suis touchée, ce partage est fort pour moi, vraiment...

A tout bientôt.

D'Art en Arts a dit…

Une chronique très sentimentale qui me touche beaucoup...
J'ai essayé, en vain, de retrouver le titre de cette chanson de William Sheller où il évoquait le piano de sa mère...
Cela me reviendra peut-être...
A bientôt !
Norma

Danielle a dit…

Norma, merci de ta visite, tu vas retrouver le titre de cette chanson... J'y compte...

A bienôt Norma, bonne soirée.

zen a dit…

Quel joli récit, j'en suis très émue.
Un grand merci, Danielle, de nous faire partager vos petits plaisirs.
J'aime beaucoup vous lire. Vous savez merveilleusement décrire les sentiments aussi simples soient-ils.
Je vous souhaite une très agréable journée, remplie à nouveau de ces petites merveilles...
à bientôt !

Danielle a dit…

Zen, comment vous dire ? Je suis touchée aussi par votre commentaire.

Heureuse de partager avec vous...

A très bientôt, passez une belle journée.

Aloïs a dit…

Quelle belle histoire.
Tu en AS encore beaucoup au fond de ton sac?
car quel plaisir de te lire.
Un petit effort et tu m'arracheras une larme
Bonne journée

Danielle a dit…

Françoise, tous tes mots me touchent beaucoup, merci de me les dire.

Oui, j'ai encore quelques histoires microscopiques...

Passe une très belle journée, il fait beau.

beatrice De a dit…

Ils rentrerait dans mes maisons de poupées créées pour les vitrines d' une régie immobilière

beatrice De a dit…

C'est une idée de les faire paraître avant Noël.

beatrice De a dit…

C'est une idée de les faire paraître avant Noël.

Plimette a dit…

Je suis pianiste professionnelle ... un peu déprimée ce matin , par la difficulté de ce magnifique métier de pianiste , je ne sais ce que j'ai tappé sur google , et tout à coup me voici au coeur de votre récit .... je suis très touchée de ce magnifique partage . Merci Danielle ....

Danielle a dit…

Plimette, je suis ravie que le heureux hasard vous ait conduite jusqu'à mon blog, votre petit mot me touche aussi beaucoup...

Biens sûr, votre métier vous met en première ligne pour les doutes, les angoisses et les tourments, je comprends, mais aussi pensez aux joies qu'il vous donne sûrement, nos vie sont toujours balancées entre doutes et certitudes, c'est ainsi...:-)))

Aujourd'hui vous êtes triste, demain vous serez plus gaie, patientez, et prenez un peu d'assurance et bonheur à faire votre beau métier.

Bon courage et revenez me voir, ça me fera bien plaisir...

Amicalement.